Revue Romane, Bind 23 (1988) 1

Margaret Jennifer Kewley Draskau: The Quest for Equivalence: On Translating Villon. Atheneum, Copenhague, 1986. III + 370 p.

Svend Hendrup

Side 139

La thèse de Mme Kewley Draskau (KD), soutenue le 20 février 1987 à l'Université de Copenhague,présente un double intérêt pour les lecteurs de la Revue Romane: c'est, d'une part, une quête pour une théorie de la traduction, et, d'autre part et surtout une application concrète de cette théorie à une série de traductions de quelques extraits du Testament de François Villon. - La couverture de l'ouvrage est ornée d'une belle illustration, représentant une balance suspendue sur une pointe d'épée et en équilibre parfait, symbole de la traduction

Side 140

parfaite. L'ouvrage même est pourtant autrement balancé: la première partie, théorique, occupeune centaine de pages, tandis que la deuxième partie, application concrète, en comprend deux cents: témoignage du parti pris par KD à l'égard des problèmes concrets de la traduction.Nous respecterons ce parti pris et considérerons surtout la deuxième partie.

Le premier chapitre (p. 9-16) de la partie théorique présente le point de départ de KD: tout le monde se plaint à la fois de l'absence d'une théorie globale de la traduction et de la surabondance de mauvaises traductions. Pour KD, l'élaboration d'une telle théorie ne semble guère possible, aussi est-elle amenée à se demander s'il vaut bien la peine d'ajouter encore quelques centaines de pages à la masse de littérature déjà existante. Sa réponse est, cependant, affirmative pour deux raisons: "firstly... the évident inadequacy of the existing théories", et "secondly... the conviction of the author that the quest for a theoretical framework is as worthwhile in the field of translation as in any other area of intellectual endeavour" (p. 11) - et l'auteur de citer (p. 15) G. Steiner: "to move between languages, to translate, is to expérience the almost bewildering bias of the human spirit towards freedom" (After Babel, Londres, 1975, p. 473). - La théorie envisagée par KD doit être "polydimensional" et flexible, et elle doit se prêter à l'application pratique (p. 11-12). La position pragmatique de KD est nettement définie, position qui se révèle aussi dans son approche du problème de la traduction: la "hermeneutic approach" (pp. 16, 44-53). KD termine ce chapitre d'introduction en présentant les raisons pour lesquelles elle a choisi l'exemple de François Villon: il a été traduit par bon nombre de traducteurs-poètes, il manie toute une gamme de "stylistic devices" qui sont autant de défis aux traducteurs. Ajoutons que le sujet de KD est justement la "poetic translation" (p. 47, etc.), et qu'elle a une prédilection pour les traductions de la poésie ancienne, 'exotique' et, partant, difficile (pp. 44, 71, 1575., etc.).

Suit, dans le deuxième chapitre, la discussion d'une série de notions-clef de la théorie de la traduction: "équivalence", ou "adequacy", "meaning" (aspects de cette notion qui intéressent la traduction), "literal" vs "literary" traductions, etc. Il n'est pas toujours facile de suivre l'auteur dans les méandres de son texte, aussi le lecteur assidu consultera-t-il avec profit la table des matières et la conclusion. Quant aux lecteurs danois, ils auront tout avantage à lire le petit sommaire rédigé dans leur propre langue.

KD elle-même est assez pessimiste, tant en ce qui concerne la possibilité d'élaborer une théorie globale qu'en ce qui concerne la possibilité de la 'traduction idéale'. Aussi n'est-il pas étonnant que le résultat de sa quête soit un bilan plutôt négatif ni que sa quête, de temps en temps, donne lieu à des observations un peu banales. Pourtant son pessimisme n'est pas absolu, quelques remarques très pertinentes le prouvent: elle insiste sur la nécessité de redéfinir les termes employés (pp. 18, 61, 94, etc.), l'utilité des concepts dénotation/connotation qui ne sont pas contradictoires (p. 31 ss), le problème forme/contenu (pp. 49, 61 s., 124 - rappelons qu'il s'agit ici surtout de la traduction poétique), la pauvreté d'une évaluation qui se base uniquement sur l'analyse des erreurs commises par le traducteur (pp. 91 ss, 352), l'utilité des préfaces des traducteurs (pp. 74, 76, 91, 170), le louable "self-denial" et "self-control" du (bon) traducteur (pp. 121, 177).

Deux sections de ce second chapitre mettent particulièrement en évidence le point de vue de KD: 2.2 "The Hermeneutic Process" (p. 44-5 3), qui forme la base de ses analyses dans la deuxième partie; 2.6.2 "Rank-Bound Translation" (p. 104-25), qui sert de transition à cette deuxième partie de l'ouvrage en appliquant la méthode des mots clés ("Rank-Bound") à la traduction de "L'Hnvoi" de la "Ballade de la Grosse Margot" de Villon {Testament v.

Side 141

1591-1627). - Voici quelques remarques à propos de cette section 2.6.2. P. 109: observationsun peu superficielles sur les rapports entre le français médiéval et le français moderne; KD aurait pu bien mieux illustrer ces rapports en faisant entrer dans son corpus des traductionsdu Testament en français moderne. -P. 117 : "... it is in this sensé that it (le mot paillart) is employed by Gaston Paris, Gréban and Godefroy"; Gréban est bien un auteur du XVe siècle,mais peut-on dire que G. Paris et Godefroy emploient le mot en question? - Une petite remarque, enfin, avant l'examen de la deuxième partie de la thèse. A propos des dangers inhérentsà la "imitational method", KD écrit (p. 84): "... the translator may usurp the author and set up shop in the shambles. The traduttore has become the traductore. The reasons for the betrayal may be an imperfect, or unsubtle, knowledge of SL ("source language"); a lack of understanding of the cultural topology and the SL text's position in it, or the impatience which is born of a lack of respectful solidarity with the SL poet". L'auteur pense sans doute au vieux jeu de mots: traduttore-traditore.

Pour la deuxième partie, la plus importante, une question se pose dès l'abord: pourquoi Villon? Les raisons alléguées par KD dans son introduction ont déjà été citées. Il faut se demander si ces raisons sont satisfaisantes. A mon avis, il y a un problème assez grave dont KD ne tient pas compte. On peut évidemment établir son corpus comme on le veut, mais est-il vraiment opportun, dans une étude sur la traduction poétique, de ne prendre en considération que des extraits d'un seul poème (le Testament), et peut-on ainsi arriver à une idée juste de ce que c'est que la traduction poétique? — KD se doute de l'importance de cette question, quoique de manière plus ou moins indirecte: Io Quatre sections sur les sept consacrées à la discussion d'un extrait du Testament contiennent un paragraphe intitulé "Cotextual Situation", paragraphe qui sert à intégrer l'extrait dans son contexte. 2° Discutant les traducteurs anglais de Villon, KD dit à propos de Rossetti: "(malgré son) anthologizing technique ... it is perhaps unfortunate that Rossetti did not attempi a translation of Villon's work in toto" (p. 164). - II est évident qu'il y a des raisons d'économie, et la discussion des sept extraits choisis par KD comporte déjà cent cinquante pages. Mais n'aurait-il pas été possible de trouver une œuvre d'un format plus réduit, ayant les mêmes qualités, et traduite in toto: Le Lais, par exemple.

Le premier chapitre (p. 126-67) de cette partie comprend cinq sections: 3.1 "Villon's Life", 3.2 "Villon's Poetry", 3.3 "Villon's Réputation", 3.4 "On translatmg Villon - The Nature of the Task", 3.5 "Villon's English Translators". Il s'agit d'une petite étude d'histoire littéraire, du type 'Villon: l'homme et l'œuvre', et d'une introduction, de caractère plus technique, au chapitre suivant. Les sections 3.1-2-3 servent assez logiquement à justifier l'exemple choisi par KD (Villon), en même temps qu'elles contribuent, avec les sections 3.4-5, à former une base herméneutique aux analyses de texte qui vont suivre. Les paragraphes 3.3.2-3 sur la réception de Villon outre-Manche sont du plus haut intérêt pour nous autres romanistes.

Il est inévitable que l'exposé de KD ne puisse satisfaire tous les spécialistes; il est aussi
inévitable que son texte appelle des commentaires de la part de quelques-uns de ces spécialistes,
p. ex. de la part des "experts on Old French" (mentionnés p. 172):

P. 127: "Charles d'Orléans...earns a grateful mention in the Testament'": est-ce que KD
pense ici à la ballade "Je meurs de seuf", Poésies diverses VII v. 31 "Prince clément"?

P. 137: "Villon chose the form of the Testament because the "amants martyrs" of the
Provençal literature ... never fail to make their wills or to leave epitaphs". Ce petit mot de

Side 142

be cause est vraiment un peu tiop téméraire en matière d'histoire littéraire, et il ne suffit pas d'invoquer l'autorité d'F.zra Pound (v. aussi p. 160). qui, dans les Cantos - et ailleurs - était trop porté vers le Midi pour pouvoir bien juger le Nord (il en était de même pour son, également,regretté successeur, Paul Blackburn: The Journals, Proensa). Il est certain que Villon savait peu l'ancien occitan et l'ancien français. Il avait des modèles beaucoup plus proches de lui: Eustace Deschamps (mentionné pp. 251, 285, etc.), Charles d'Orléans (pp. 127, 141. etc.). Jehan Régnier (dont KD ne dit pas mot, mais qui a pourtant rédigé un testament poétique avant Villon; poète mineur, il ne figure pas dans les anthologies générales, comme, p. ex., The Pengwn Book of French Verse /, par B. Woledge, 1961, mais il n'est pas oublié dans les anthologies plus spécialisées comme l'anthologie Larousse, Poètes français (XVe et XVIe siècles) par F. Duviard, 1947).

P. 137: défense judicieuse de la "construction of the Testament as a whole". KD aurait pu s'appuyer ici sur l'article de K. Togeby: "La structure des deux testaments de Villon" (in Mélanges Albert Henry 1970; réimprimé dans Choix d'articles 1943-1974 du même auteur, éd. M. Herslund, 1978, p. 249-57). Pour ce qui est du texte intégral et des extraits, voir plus haut.

P. 138: à propos de la "Ballade pour prier Nostre Dame" (Test. v. 873-909), KD loue Villon de son adhérence à la stricte mesure du vers décasyllabique et de son emploi très restreint de la césure lyrique (seulement "some 9,28% of ail Villon's decasyllabics") "which occurs in the first four lines of the ballade", par opposition aux poètes du Moyen Age classique (XIIe et XIIIe siècles) qui pratiquaient aussi la mesure 6 + 4 (à côté de la stricte 4+ 6) et qui usaient librement de la césure lyrique. Il est vrai que Villon fut un précurseur des Grands Rhétoriqueurs formalistes, mais qu'en est-il réellement de notre ballade? Le rythme des vers 4 (876) et 36 (908) est assez ambigu (4 + 6 ou 6 + 4? ), et la césure lyrique se rencontre dans quatre vers (2, 4, 14, 31 (874, 876, 884, 903)). Notons d'ailleurs que la forme des ballades en décasyllabes de Villon est extrêmement variée, pour ce qui est du nombre de vers des strophes et de celui des envois (ici sept vers - à cause de l'acrostiche).

P. 139: que le "standard rhyme scheme" de la ballade composée de huitains octosyllabiques soit abbabebe + bebe (pour l'envoi) doit être une faute de frappe: dans les deux ballades étudiées par KD ("Bonne doctrine" et "Dames du temps jadis"), le schéma est le normal abahbcbc + bebc.

P. 140 (et 14i>: en ce qui concerne le déclin de la ballade et du rondeau, ii ne faut pas
oublier que ces formes fixes sont toujours, quelques soixante ans après le Testament, celles
que préfère Clément Marot (cité pp. 141, 142).

P. 141: la section 3.2, "Villon's Poetry", se termine par un paragraphe, d'une demi-page seulement, sur "Pronunciation and Accents in Villon's Day", paragraphe, à première vue, un peu déplacé dans une thèse sur la théorie de la traduction. Pourtant, ce paragraphe est aussi pertinent que les paragraphes précédents: tout au long de sa thèse, KD insiste, avec raison,sur l'importance des sons, de la sonorité et de la lecture à haute voix (p. 263: "ail great poetry benefits from being read aloud"). Mais une demi-page (avec des remarques supplémentairespp. 178, 256) est tout à fait insuffisante: les problèmes sont beaucoup plus compliquésque ne le laissent soupçonner les quelques remarques de KD sur la prononciation ancienne de /r/, /-ili-/, /oi/, /-e/ et les nasales (p. 256). Remarques qui, d'ailleurs, ne sont pas toujours justes. Il est inexact, par exemple, d'affirmer sans plus que "/-ili-/ was pronounced as Sp. /-11-/ ... It. /-gli-/ ... not/-y-/ as in modem Irench". Le nom même de notre poète fut prononcé [vilôn] (avec la consonne nasale) plutôt que [vi Aon], comme le suggère l'acrostiche

Side 143

de "Pour prier Nostre Dame": Fous-/esus-¿e tout-£aissa-Offrit-A'ostre. En réalité, la confusiondes diverses prononciations de /-ili-/ ([/.] - [1] - [j ]) fut extrême, et l'étude des rimes ne nous apprend pas grand-chose sur la question: c'est ainsi que j'ai dû moi-même, lors d'une récitation (avec prononciation historique reconstituée), à la radio, de poèmes de l'époque, abandonner le [/>] - à regret et après force hésitations, mais ce son ne me paraissait pas suffisammentattesté. Ajoutons que, pour ce paragraphe, KD aurait pu s'appuyer sur les études de J. Alton et Brian Jeffery (Bêle bouche et bêle parleure. A Guide to îhe Pronunciation of Medieval and Renaissance French for Singers and Others, Londres 1976) et de C. Marchello- Nizia (Histoire de la langue française aux XIVe et XVe siècles, Paris 1979, p. 51-94).

P. 142: la "monumental and frustration-fraught task" de Marot, éditeur de Villon, n'est
pourtant pas un cas exceptionnel: c'est une dure tâche qu'ont dû assumer bien d'autres éditeurs
de textes du Moyen Age.

P. 167: KD regrette que la plupart des traducteurs anglais de Villon aient transformé le ton de Villon: "the raucous, irreverent, uncompromising tones of Villon's voice". Il est regrettable que KD n'ait pu avoir l'occasion de présenter la traduction intégrale du poète danois Jorgen Sonne (Store Testament, Fredensborg 1962), traduction qui, tout en gardant la mesure (le rythme)de Villon, réussit souvent à rendre justement cette voix rauque — bien que ce soit le refrain de Kai Friis Moller ("Men hvor er den Sne, som faldt i Fjor?", p. 263) qui, ainsi que celui de Rossetti ("Where are the snows of yesteryear?", p. 167), restera gravé dans nos mémoires et non pas celui de J. Sonne ("Hvor er vel sneen fra i fjor?").

Le deuxième chapitre (p. 168-341) de la deuxième partie, la pièce de résistance de la thèse, commence par une section (4.1) très suggestive sur les problèmes qui se posent aux traducteurs de Villon. On oubliera bien vite les spéculations idéalistes (p. 168) sur les différences entre l'anglais ("flexible structure") et le français ("the précision of the French expression"), de même que les remarques (p. 263) sur "the very différent poetic mode and linguistic framework of Danish" (Le par rapport à l'anglais? ou au français médiéval?). Il y a cependant, dans cette section, quelques points plus précis qui appellent des commentaires:

P. 171: "... the syncretism of "lis" = "lillies" and "lis" = "beds", in early French" (Lais, huitain XXII, et non pas le huitain XXII du Testament comme l'indique le texte de KD). Mais il y a syncrétisme en français moderne aussi: [li]; la différence est évidemment qu'en moyen français il y avait syncrétisme aussi bien pour la vue que pour l'oreille, le /z/ = [ts] de l'ancien français Hz (fr. mod. lits) ayant été réduit à [ s], d'où l'ortographe lis. Même confusion, vue/oreille, p. 189, à propos des formes de la première et troisième personne du présent du subjonctif de estre: la différence entre soye (Test. 109, 126) et soit (Test. 263) n'est pas seulement une question d'orthographe ("spelling"), c'est aussi une question de 'son', d'une ou deux syllabes (soit-soye) - ce qui n'est pas sans importance en poésie.

P. 178: même problème. A propos du vers 643 du Testament ("Et filler entre pucelletes"), KD suggère un jeu de mots filer (cf. un fìl)^? filler (cf. une fille) qui aurait échappé à l'attentiondes chercheurs. Ce jeu de mots est bien possible, mais il n'est pas étayé par l'argumentationde KD: "... "filer" - to spin ... is perhaps purposely spelt with double liquid consonant and subséquent palatalisation, reminiscent of the noun "fille": in Villon's day the double consonant was already archaic, the single "1" having become standard". Je ne suis pas d'accord:Villon (ou ses copistes) écrit, p. ex., ville avec /-11-/ (7W 101. 1703) et son néologisme'(filler) laissé aucune trace. Pourtant, le jeu de mots reste possible, à cause de la confusion, citée plus haut, des diverses prononciations de /-ili-/ — et à cause de la tradition iconographique qui représente toujours Sardana (Sardanapale), fuseau à la main et entouré

Side 144

de "pucelletes".

P. 178: KD cite ainsi Test. 1013 "Et LA MULLE a ung ASNE ROUGE". Quoiqu'elle ne donne pas de références, il se peut que KD ait réussi à identifier encore une enseigne de taverne, L'âne rouge, sur le long itinéraire villonesque; mais il se peut aussi que les majuscules (ASNE ROUGE) du texte de KD ne soient là que par une simple faute de frappe qui fausse l'interprétation du texte de Villon. Chez lui on est toujours tenté de voir des jeux de mots sur la topographie parisienne, mais il y a souvent avantage à s'en tenir à son texte, et au contexte immédiat; en l'occurrence, à son emploi des articles dans les vers 1011-13: "le CHEVAL BLANC ... une jument ... la MULLE ... ung asne rouge". Article défini pour les noms propres (des tavernes), article indéfini pour les noms communs. - Au sujet du problème des consonnes doubles, on notera bien l'ortographe mulle (anc. fr., et fr. mod., mule).

Nous voici arrivés aux analyses des sept extraits choisis par KD: un huitain, un rondeau, quatre ballades, un 'regret' ("La Belle Heaulmière"). Les traducteurs révisés sont surtout des Anglo-saxons (Anglais et Américains), et un Allemand et un Danois. Pour ne pas trop alourdir ce compte rendu, nous nous en tiendrons à trois de ces analyses, qui - normalement - suivent un même schéma: texte original (de Villon) et traductions, 'références' ("Background"), situation contextuelle, style et contenu, évaluation des traductions, conclusion. Schéma, en somme, très judicieux.

Le huitain XXVIII du Testament v. 217-24 (p. 190-94): l'exposé, qui reprend un article antérieur de KD ("Stanza XXVIII of Villon's Testament - A literary quotation in translation", in Essays présentée to Knud Schibsbye, Copenhague 1979), donne une bonne illustration du problème des citations (ici Le livre de Job, VII-9) en traduction. Il est regrettable que le texte de Villon, tapé à la machine, contienne quelques fautes de frappe (w. 217, 220, 222, 223). Regrettable aussi que l'exposé sur ce texte, un des huitains du texte 'courant' du Testament, ne comprenne pas de paragraphe sur la situation contextuelle.

"Lay" (Rondeau), Test.v. 978-989 (p. 220-30): le texte de Villon, tapé aussi à la machine, est malheureusement presque entièrement défiguré par le nombre de fautes de frappe (w. 978, 979, 981, 983, 983, 986). Notons que pour les textes originaux des autres extraits, KD a eu le bon esprit de se servir de photocopies. - P. 222: une remarque judicieuse est faite sur la question de poésie et musique au Moyen Age (et à la Renaissance): "It is peculiar to this type of "lay" that it should be set to music and the first verse repeated in its entirety". Dans les manuscrits, ce refrain n'est signalé que par son premier mot: dans les éditions, on devrait - en suivant la musique - donner le refrain en entier afin de faciliter la lecture à haute voix. - P. 228: notons, par patriotisme, ce que dit KD de la traduction de Kai Eriis Moller:"... the translation es neat and respectful, and certainly compares favourably with most F.nglish versions". - P. 230: à propos de Rossetti, KD souligne, ajuste titre, l'importance des 'succès' en traduction: "His success défies total analysis, as landmarks in artistic endeavour tend to do ... to state that a translator's successes defy total analysis is not to imply that they totally defy analysis. Successes such as Rossetti's with parts of the Lay owe their existence as much to insight as to aesthetic ability or linguistic compétence".

"Ballade des dames du temps jadis", Test. v. 329-56 (p. 246-66): il était inconcevable que la ballade la plus célèbre de Villon ne figure pas parmi les choix de KD; mais comme elle le dit dès l'abord: "It appears the "de rigeur" (sic) sélection of anthologies... in conséquence, it is often this ballade alone which permeates a wider readership, thereby over-emphasizing its position in the "œuvre" as a whole" (p. 251). C'est un texte, en effet, qui risque de souffrirdes

Side 145

frirdesnécessités d'édition exigées par les anthologies; il ne faut pas oublier qu'il est essentiel de considérer cette ballade dans son contexte (sur ce point-ci, voir aussi Svend Hendrup: "Sardana, le preux chevalier", Revue Romane 111, 1968, p. 8-15), c'est-à-dire: la 'danse macabre'qui précède "Les dames" et les deux ballades qui suivent (les ballades "Des seigneurs" et "En vieil langage françoys"). - P. 263: à propos de la traduction de Kai Friis Mailer (qui "again compels admiration"), où "snow ... has become singular". Il ne pouvait pas en être autrement, le danois n'ayant normalement pas la possibilité qu'a le français de mettre des substantifs du type sne au pluriel. Notons d'ailleurs que, des quatre traductions anglaises réviséespar KD, deux ont opté pour snows et deux pour snow. — P. 264: "The conscious naïveté of Engelskmœnd (1. 22) captures well the stark Qu'Englois of T 350" (Kai Friis Moller - même mot chez J. Sonne). Il ne faut pourtant pas oublier qu'au Moyen Age on ne mettait pas d'article devant les noms ethniques: donc, pas de raffinement ni de force particulière dans l'expression de Villon. - Signalons enfin quelques fautes de frappe: français (pp. 252 - tout a fait, 256-chastre, 257-femes), danois (p: 264-saaden, i [en] Saek, blaendede, Lisjer).

Dans sa conclusion (chap. 5, p. 341-55), KD résume succinctement les expériences et les résultats de sa quête, en reprenant les thèmes déjà évoqués dans son introduction (chap. 1er): "Meaning", non pas une description "where types of meaning are ... represented as discrete catégories", mais "where "meaning" comprises a cluster of éléments" (p. 342); scepticisme à l'égard des théories inflexibles et préférence pour les approches pragmatiques plus souples (p. 342-44); la question des traductions littérales vs littéraires, ces dernières étant celles qui seulement "hâve some claims to observance of forms and aesthetic values" (p. 343); le (pseudo-) problème de la subjectivité inévitable: "subjectivity will always play a role in translation assessment" (p. 344) — ce que KD prouve immédiatement par son choix, assez inattendu, du celtique J. M. Synge (p. 208) comme son traducteur préféré de Villon: "Synge's versions invoke admiration rather than any urge to formulate a theory of translation method based on their success" (p. 341).

Citons, pour terminer, la réflexion par laquelle KD met une fin (provisoire ? ) à sa recherche : "Rather than a quest for équivalence, in translation studies, we are engaged in a quest for the reasons for success or failure of the hermeneutic process" (p. 353). La thèse de Mme Kewley Draskau est en effet moins une théorie de la traduction qu'une "défense et illustration" (dans le sens de Du Bellay) enthousiaste et passionnée de la traduction comme "the art of the possible" (pp. 103, 350-51). De toute façon, KD a donné au soussigné l'envie de relire Villon - et les traductions du Testament - avec des yeux neufs (voir ici même p. 97).

Copenhague