Revue Romane, Bind 23 (1988) 1

José Ramón Fernández González: Gramática histórica provenzal. Oviedo, 1985. 556 p.

Povl Skårup

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La grammaire historique de M. José Ramón Fernández Gonzalez répond à un besoin. Les renseignements sur l'histoire de la langue occitane se trouvaient dispersés dans un grand nombre d'ouvrages et d'articles; JRFG a eu le grand mérite de les réunir et d'en faire une synthèse. Ce qui est particulièrement utile, c'est d'avoir les faits de la langue moderne placés à côté des faits médiévaux. Désormais, c'est le livre de JRFG qu'on ira d'abord consulter, consultation facilitée par un excellent index (pp. 465-539).

Un des meilleurs chapitres de l'ouvrage est la discussion de la cause et de la date du changement u> G. Les arguments des chercheurs antérieurs y sont résumés et commentés d'une façon très claire et très instructive. Je pense pourtant que JRFG attribue trop d'importance à un des arguments pour une date postérieure aux premiers textes conservés, c'est la rime meillura (prés, ind.): pura (adj. fém.): ahura (prés, ind.): pejura (prés, ind.) chez Marcabru. Mais meillura et pejura ne proviennent pas de *melior-at, *peior-at, comme le suppose JRFG, mais de *melior-iat, *peior-iat, avec la métaphonie que JRFG décrit à la p. 161, cf. les infinitifs melurer et peurer (non -ar) et les participes passés correspondants dans la Somme du Code, texte dauphinois du XIIIe siècle. La rime de Marcabru peut très bien être lue -ûra.

C'est peut-être pour la même raison que JRFG, p. 146, donne le système vocalique suivant
pour l'ancien occitan:


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Précisons qu'il s'agit des monophtongues des syllabes toniques où la voyelle n'est pas suivie d'une consonne nasale. D'autre:» systèmes, moins riches, sont valables pour les syllabes où la voyelle est suivie d'une nasale, ainsi que pour les syllabes non toniques; il est inutile (et même déroutant) de réunir tous ces systèmes en un seul. Mais même dans les syllabes toniques sans nasale, le système proposé contient deux voyelles de trop. Il n'y avait pas deux

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/a/, et la voyelle provenant de ü latin (pura) ou de il/5 latin avec métaphonie (meillura,
pejura, ahura) était /u/ ou /Q/, mais non les deux.

C'est visiblement la phonétique qui constitue l'intérêt principal de JRFG. Pour la morphologie, il se contente de reproduire des matériaux recueillis par d'autres, sans toujours les soumettre à la critique nécessaire. Voici quelques observations portant sur la langue médiévale. Les renseignements sur l'article défini ne sont pas assez précis. Au fém. sg. nom., // est plus fréquent, à côté de la, que ne le fait penser le schéma de la p. 243; la distinction casuelle y est donc bien vivante. Au mase, sg., ce schéma donne le (lo) au nom., lo (le) à l'ace. 11 est difficile d'en conclure que certains textes, originaires surtout de Provence, distinguent entre le au nom. et lo à l'ace, mais que d'autres ne distinguent pas plus pour l'article défini que pour les démonstratifs entre le nom. et l'ace, du mase, sg., employant ainsi soit lo soit le (ceci en toulousain). C'est là d'ailleurs un fait très curieux, qui aurait bien mérité une discussion: est-ce le neutre qui est à l'origine de ce syncrétisme casuel au mase. sg. (mais ni au fém. sg. ni au mase, pi.)'? - Pour ce qui est des numéraux, la forme du nom. trei n'est pas commune aux deux genres (p. 286); au fém., le nom. est identique à l'ace, comme toujours au fém. pi.: tres. Manquent les formes doa et tria, employées devant des noms de quantités en -a, y compris milia: doa milia,tria milia; JRFG ne donne quedos milia (cp.dos mila en occ. moderne): depuis quand date cette forme? Inversement, milia (ou miria) ne s'emploie pas, je crois, sans être précédé d'un nom de nombre; JRFG cite miria auzello, mais dans Boecis 221 on lit cent miri' auzello. - Au prés, de Find.,les verbes qui ne sont pas de la première conjugaison n'ont pas -eti à la 2e pers. plur. (p. 335), mais -etz. L'exemple c'om s'aisi ne contient pas l'ind. de aizir (p. 336), mais le subj. de aizinar. Les exemples No demans et No dormatz ne sont pas de l'impératif (p. 337), mais du subjonctif. Les exemples anies et sofrais ne sont pas de l'impf. subj. (p. 348), mais du parfait. Le parfait de cantar et de vendre a -e- ou -ie- à la lre et àla2e pers. sg.: -ei ou -iei, -est ou -iest; selon JRFG, p. 349, les deux vocalismes existeraient également dans les quatre autres formes: est-ce vrai? Le parfait fedire n'a pas les formes dizist, dizém, dizétz avec -z- sonore (p. 353), mais avec -s- sourd: dissist, etc.

Il sera indispensable de consulter l'ouvrage de JRFG, mais il ne sera pas moins indispensable
de vérifier les faits qu'on y trouvera. Espérons sincèrement que JRFG nous donnera
une deuxième édition corrigée de sa grammaire historique.

Arhus