Revue Romane, Bind 33 (1998) 2Nayo Furukawa : Grammaire de la prédication seconde. Forme, sens et contraintes. Editions Duculot, Coll. Champs Linguistiques, 1996. 167 p.Henrik Prebensen Side 304
Selon «l'avis de parution» de l'éditeur - dû à la plume de M. Furukawa lui-même? -, «l'auteur tente de montrer, à travers des études de cas, que les contraintes, qu'elles soient d'ordre formel ou sémantique, n'existent pas sans raison dans la langue et que seule l'élucidation de leur raison d'être nous permettra de résoudre les énigmes apparentes que propose la structure de la langue. Ainsi, dans l'analyse d'une construction grammaticale particulière, c'est toujours en partant d'une réflexion sur l'origine des contraintes qui lui correspondent, qu'on aboutit à la découverte de sa raison d'être comme construction, puis à celle de certains aspects du mécanisme langagier.» Les constructions dont il s'agit sont des constructions dites «prédications secondaires», exemplifïées par les cas suivants : (1) j'ai vu Paul
qui fumait (3) il y a
beaucoup d'Américains qui aiment l'opéra (5) quand la nuit
finira, je serai les mains vides Pour M. Furukawa,
«le fil rouge dans l'analyse de ces constructions
apparemment Side 305
L'ouvrage est
organisé en deux parties. - I : «La notion
de thème», comprenant deux chapitres, sur «Le thème
initial détaché - II : «La prédication seconde» : six chapitres (ch. 3-8) traitant des cas (l)- et pour terminer un chapitre 9 sur «L'écologie de la prédication seconde» où il s'agit de montrer que les constructions (2) et (4)-(6) présentent «des sites dans lesquels le sens et la forme parviennent à un compromis avec le climat....plus ou moins contraignant de la prédication seconde» (p. 135). Avant d'en arriver là, l'auteur a conclu que, dans le cas {\))'ai vu Paul qui fumait, la pseudo-relative n'accepte comme pronom relatif que qui (à la limite que); cette contrainte suggère que la formation d'une proposition (...) nécessite une certaine dose de thématicité (p. 59). Notion «relative»
ou «graduée», la thématicité «est par définition (...)
d'ordre intraphrastique, Aussi, à la question de savoir pourquoi (2) Tiens! le facteur qui passe! ... «...malgré sa forme apparemment nominale, permet une interprétation sémantique phrastique, nous avons apporté «la» réponse, croyons-nous, en mettant en évidence un mécanisme de réduction de la thématicité déclenché par la marque de subordination qui, celui qui produit ainsi un énoncé au sens événementiel» (p. 70).... «de par son statut événementiel ou entièrement Thématique, l'énoncé Le facteur qui passe! n'a pas ce qu'on appelle le thème généralement, (...) en revanche, la notion relative de thématicité, notion intraphrastique, est en jeu dans la formation de ce type d'énoncés.» (p. 87) De l'examen de
(3) il y a beaucoup d'Américains qui aiment l'opéra, il
ressort qu'il «ne La construction
(4) Sylvie a les yeux bleus... «est constituée par deux propositions et (...) forme ainsi une construction à double thème. (...) le verbe avoir n'intervient nullement dans la mise en relation du complément d'objet direct lesyeuxet de son attribut bleus» (p. 99). «Nous pourrons visualiser la structure sémantique de la phrase (4) comme suit3 : (i) [pl elle a
(p2(p2 les yeux] bleus) Note 3 : Nous ne
prétendons pas que le schéma représente une structure
syntaxique. Quant aux cas du
type (5) quand la nuit finira, je serai les mains vides
et (6) il y a une «provient directement de la faiblesse de la thématicité du SN qui précède. Pour la formation d'un contenu propositionnel, le SN à basse thématicité n'est ouvert qu'à une seule voie, celle de former une proposition événementielle avec un prédicat à sens transitoire. On posera ainsi l'équation : Proposition événementielle = SN à basse thématicité + Prédicat à sens transitoire.» (p. 148) ailleurs...
Side 306
«le mode de formation de la basse thematicite difffere pour chaque SN.» Soit (a) dans il y a une place de libre «par l'ind^finitude semantique de la forme un N, propriete que demande l'expression impersonnelle il y a», soit (b) dans je serai les mains vides parce que la basse thematicite «est garantie par la position syntaxique d'attribut, position essentiellement non referentielle», soit enfin (c) dans elle a les yeux qui sont rouges du fait qu'elle «se trouve realisee par le subordonnant qui lequel fonctionne comme un abaisseur de thematicite.» (Ibid.) En conclusion
générale, dans «L'épilogue», la thématicité est «une
notion-def dans Le titre de l'ouvrage promet une «grammaire de la prédication seconde». On peut se demander ce que l'auteur entend par grammaire. Certainement pas un ensemble de règles permettant de dériver, à partir d'un vocabulaire, des expressions bien formées de la langue et de leur attribuer un sens. Ce n'est pas à l'aide de sa «grammaire» qu'on pourrait déterminer, par exemple, si... (7) II était là,
en effet, qui la reçut dans ses bras. (Sandfeld 1909)
(8) II les
regarda disparaitre sous l'ombrelle, qui se retournerent
une ou deux fois. (9) Armand apercoit,
devant lui, toute une famille qui se tient par le bras.
(Ibid. 340) (10) Armand fixe
Jaures qui converse avec un homme a barbe blanche
phenomenale. ... seraient des «pseudo-relatives» et quel sens il faudrait leur attribuer, le cas échéant. Son traitement de ces relatives n'apporte d'ailleurs sur le plan de l'empirie rien quineine se trouve déjà dans Tobler (1884, 1896), Meyer-Liibke (1899), Polentz (1903) et Sandfeld (1909,1936), sauf peut-être l'observation : «la pseudo-relative ne se laisse pas précéder par une virgule» (p. 47), qui est présentée comme un critère important, mais qui est démentie par : (11) Elle etait
assise dans une robe claire, qui regardait avec amour
les croisees du (12) Emma
l'apercut dans la prairie, qui marchait sous les
peupliers. (Flaubert, (13) II la
trouvait pres de la fenetre, ou a genoux a cdte du lit,
prosternee, dans son L'auteur a l'ambition de vouloir «expliquer» la construction de prédication seconde. Dans l'epistemologie scientifique pure et dure, expliquer veut dire ramener un explicandum particulier à une loi ou règle générale, de préférence ancrée dans une théorie, ou du moins établie et appliquée sans ad hoc, afin d'éliminer tout arbitraire. C'est surtout le concept de «thématicité» qui est censé jouer un rôle explicatif à l'égard des constructions prédicatives secondaires. Mais ce n'est pas une notion claire comme l'illustre par exemple le passage suivant (p. 63-64). Un «mécanisme de réalisation de basse thématicité» est présenté : Dans le cas de
(2) le facteur qui passe, la thématicité du sujet le
facteur fait équilibre avec (ii) Le facteur
passe : TH+PR Side 307
L'insertion de
qui change le schéma (ii) en schéma (iii) : (iii) Le facteur qui passe: TH+pr (...) qui (...) entraine done un abaissement du niveau de la predication et cree ainsi une relation asymetrique entre la thematicite et la predicativite. Or cette relation asymetrique (...) n'est qu'un etat transitoire purement hypothetique (...) Le resultat est la reduction de la thematicite en majuscule en thematicite en minuscule (...), c.-a-d. la reduction de la thematicite du SN le facteur: (iv) Le facteur
qui passe: th+pr. (v)
[TH+Pß]+subordonnant qui - TH+pr - th + pr. Le «mécanisme»
expliquerait que seul le SN corrélat d'un pronom relatif
sujet paraît Devant le problème de savoir, à propos de avoir les yeux bleus, les mains qui tremblent, etc., pourquoi avoir n'est pas un verbe trivalent, i.e. à attribut de l'objet direct, auquel cas il n'y a guère lieu de parler de «prédication secondaire», l'auteur abdique complètement, cf. note 3 ci-dessus. La construction serait biproportionnelle et aurait la représentation sémantique extraordinaire de (i) ci-dessus, dont on ne voit pas à quelle théorie sémantique consistante elle pourrait appartenir. Ni à quelle représentation syntaxique elle serait reliée. Ni encore comment il peut y avoir une universalité du sens si on invente des représentations sémantiques ad hoc pour des constructions particulières de langues individuelles comme le français. La linguistique devra attribuer une représentation sémantique unifiée à la relation entre une personne, les parties de son corps et les propriétés de celles-ci pour rendre compte de l'universalité du sens. Restent les
constructions du type une chaise de libre, auxquelles M.
Furukawa attribue (16) II y avait
surtout de remarquable le visage, le port de tete, et la
chevelure. (17) II n'y avait
d'eveille dans toute la chambre qu'une grande bande de
lumiere. L'ouvrage est
proposé à un public de professeurs en linguistique,
d'étudiants des Université de
Copenhague RéférencesLe Bidois, G. et
R. : Syntaxe du français moderne, l-11, 1968. Meyer-Liibke, W.
: Grammatik der romanischen Sprachen, 111, 1899, § 631.
Polentz, E :
Franzòsische Rektivsâtze ab pradïkative Bestimmungen und
verwandte Prebensen, H. : «La
proposition relative dite attributive», Revue Romane,
17,1,1983, p. 98-117. Strudsholm, E. :
Relativa predicative o pseudorelativa. Considerazioni
sintattiche, semantiche Tobler, A. :
Vermischte Beitràge zur Grammatik des Franzôsischen,
Zeitschrift fur romanische |