Revue Romane, Bind 33 (1998) 1

Nils-Olof Jonsson (éd.) : *La Vie de saint Germer» et «La Vie de saint Josse» de Pierre de Beauvais. Deux poèmes du XIIIe siècle, publies avec introduction, notes et glossaire. (Thèse de doctorat.) Etudes romanes de Lund 56, Lund University Press, 1997. 207 p.

Jonna Kjær

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Cette édition de deux textes en ancien français est publiée dans la série des Etudes romanes de Lund qui, depuis 1940, a déjà donné le jour à plusieurs éditions critiques d'oeuvres médiévales. Le présent éditeur cite par exemple des éditions de Vies comme celles de saint Evroul (par S. Sandqvist), de saint Nicolas par Wace (par E. Ronsjô), de Thomas Becket par Beneit (par B. Schlyter) et de saint Gregore (par O. Sandqvist).

Le manuscrit unique des vies de saint Germer (de 874 vers) et de saint Josse (de 820 vers) composées par Pierre de Beauvais au début du XIIIe siècle, est conservé dans le grand recueil La Clayette portant la cote Nouv. acq. fr. 13521 de la Bibliothèque Nationale de Paris. Le recueil a été écrit àla fin du XIIIe siècle et contient en tout 36 textes, dont douze sont dus à Pierre de Beauvais. Il est regrettable que Jônsson ne nous révèle ni les titres des autres textes de Pierre ni ceux des textes contenus dans le reste du recueil.

Dans un petit chapitre sur les éditions antérieures, Jônsson critique M. L. Berkey (il s'agit d'une thèse dactylographiée datant de 1961 que Jônsson a lue en microfilm) et lui reproche d'avoir «peu discuté la langue et la versification des textes. Son glossaire est insuffisant, et l'étude des sources des Vies est incomplète». Et il conclut : «Donc j'ai jugé utile de publier une édition plus complète des deux Vies.» (p. 16). Et voilà donc quels seront les éléments les plus élaborés de sa propre édition. Personnellement, je trouve que les chapitres sur la langue et la versification et le glossaire sont, si possible, «trop complets», avec bien des détails triviaux.

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Dans les chapitres sur la langue et la versification, et dans le glossaire, Jònsson traite ensemble les deux vies, celle de Germer et celle de Josse; il produit ainsi tout le matériel souhaitable pour permettre au lecteur de se convaincre lui-même des similitudes entre les deux vies, le point intéressant étant que, contrairement à la vie de Josse, celle de Germer ne porte pas le nom de Pierre dans le manuscrit. Huit pages sont consacrées aux résumés du contenu des deux vies; les textes sont faciles à lire, ces résumés ne s'imposaient donc pas. En revanche, Jònsson apporte une contribution extrêmement importante et savante en traitant des sources latines des deux vies, et je renvoie à sa discussion (p. 28-41). Jònsson peut en conclure que Pierre a eu à sa disposition pour sa vie de saint Germer une version latine analogue à celle du ms. B.N. 17627 - avec l'addition d'une phrase contenue dans un manuscrit perdu et dans le ms. Paris, Mazarine, 398 (250), et que pour sa vie de saint Josse, il a utilisé la version de Florentius.

Les aspects forts de cette édition sont absolument la linguistique et la critique
des sources (c'est ce qui ressort aussi des notes aux textes édités), et on doit féliciter
Jònsson de la compétence philologique dont il a fait preuve dans ces domaines.

Visiblement l'histoire littéraire, cette autre branche de la philologie, n'intéresse pas notre éditeur. Il ne se soucie ni de présenter l'œuvre totale de Pierre - il n'énumère même pas ses textes -, ni de situer les deux vies éditées par rapport au genre hagiographique ou à la tradition littéraire de la vie de saint. Et pourtant il mentionne, mais à titre linguistique uniquement (dans les chapitres sur la versification et la langue et dans les notes), quelques exemples tirés d'autres Vies, de celles que nous avons déjà relevées plus haut, mais aussi des vies d'Edouard le Confesseur, de saint Eustache (dont Pierre a fait lui-même une adaptation), de sainte Marie l'Egyptienne, de saint Thomas Becket par Guernes de Pont-Sainte-Maxence, de saint Edmund le Rei, et de sainte Audree.

Aussi, le chapitre sur Pierre de Beauvais traite-t-il seulement de la personne de l'auteur et non pas de son œuvre. Pourtant, Jônsson nous signale (p. 15) que nous connaissons Pierre de Beauvais uniquement à travers ses œuvres... Pierre, surnommé d'abord le Picard, ensuite «de Beauvais» (par Gaston Paris, en 1892), a vécu dans la ville de Beauvais, où il fut protégé par Philippe de Dreux, évêque de Beauvais entre 1175 et 1217, et plus tard par son frère Robert de Dreux.

Université de Copenhague