Revue Romane, Bind 33 (1998) 1

Sur l'expression du genitif de tot roumain en langue ancienne et moderne *1

par

Coralia Ditvall

1. Introduction

1.0 Préliminaires.

Tout français, aile allemand et ail anglais sont traités, dans les travaux de linguistique moderne, sous la dénomination commune de quantificateurs (Kleiber & Martin 1977, Hawkins 1978, Vater 1986, Junker 1995, Flaux & Van de Velde, à paraître), à savoir quantifiants dans les termes de Wilmet (1986). Tot roumain se joint à ceux-ci du point de vue sémantique (cf. Ditvall, à paraître a.), notamment, d'une part, par sa fonction de quantifier sur le réfèrent du N (cf. Vater 1986), et, d'autre part, du fait qu'il indique Vextensité du N (cf. Wilmet 1986). Cependant, à en juger par sa morphosyntaxe, tot, peut-il appartenir à la classe des quantificateurs/quantifiants*. La présente étude essaiera de répondre à cette question.

Les linguistes traitent les déterminants (Dét)2 du N comme un type d'articles (cf. Junker 1995) ou comme pronoms ou bien comme adjectifs. Nous suivons le modèle de classification de Wilmet (1986), que nous essayons d'adapter au système de détermination roumaine, afin de voir, de cette façon, dans quelle classe se range tot. Dans Ditvall (à paraître b.) nous essayons de trancher ce problème en examinant tot du point de vue de son comportement syntaxique, à savoir positionnel. Dans le présent travail, nous étudierons toi du point de vue de l'expression de son Génitif (tSN :G), c'est-à-dire la manière dans laquelle il réalise, à travers les siècles, un SN de type de tous les N. Cf.:

(1) pàrerile tuturor oamenilor3
'les opinions de tous les hommes'

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Sur la base des résultats que nous obtiendrons ici (joints à ceux obtenus dans nos autres études sur ce mot, voir Ditvall Études), nous essayerons de placer tot parmi les Dét roumains. En faisant cela, nous croyons pouvoir obtenir une réponse, au moins liminaire, à notre problème.

Nos matériaux empiriques représentent la langue cultivée, dans le domaine de la prose. (Ils ne comprennent pas de combinaisons au caractère figé telles que l'expression toatd lumea 'tout le monde/le monde entier' ou le groupe prépositionnel de type (de) totfelul {de) '(de) toute(s) sorte(s)'.) Ils viennent, pour ce qui est de la langue ancienne, des textes en général à caractère religieux ou judiciaire et, pour ce qui est de la langue moderne, de romans, de pièces de théâtre et de journaux.

Conformément au procédé que nous avons déjà adopté (voir Ditvall
Études), nous allons étudier tot sur la base de ses sens, notamment les sens
intégral et générique, désignés par nos trois types de tot comme suit :

tot-I (tot integral) au sens proche de celui de 'entier'
ex. tot orasul 'toute la ville'
'tout le N'

tot-II (tot generique) au sens proche de celui, distributif/iteratif, de 'chaque' ou de
celui, generique, de 'n'importe quel' ou bien de celui collectif de 'tousles'
ex. tot oraful 'toute ville'
'tout N'

tot-HI (tot integral) au sens collectif de 'tousles'
ex. toate orafele 'toutes les villes'
'tousles N'

Avant d'aborder notre étude sur le Génitif de tot, il convient de présenter,
brièvement, le système de détermination roumain par rapport au système
français de Wilmet (1986).4

1.1 État de la question.

1.1.1 Les déterminants français.

Les critères d'après lesquels sont classifiés les Dét français sont divers. On distingue trois orientations principales, à savoir celle de la tradition scolaire, celle distributionnaliste (i.e. positionnelle, commutationnelle) et celle fonctionnaliste (Wilmet 1986, p.l3ss). D'autres linguistes s'appuient principalement sur le critère sémantique, souvent en combinaison avec le critère syntaxique (Vater 1986).

Wilmet (1986) (cf. aussi id., 1983), qui constitue le point de départ de notre analyse, classine les Dét selon qu'ils indiquent Yextensité (à savoir «la quantité d'êtres ou d'objets auxquels le discours applique momentanément un substantif» (id., 1983, p. 18ss)) ou/et Yextension (à savoir «l'ensemble

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potentiel des êtres ou des objets» que le substantif dénote (id., ib.))- L'auteur
regroupe les Dét dans trois classes, i.e. les quantifiants, les caractérisants et les
quantifiants-caractérisants, comme suit :

- la classe des quantifiants, indicateurs d'extensité, obligatoirement antéposés au N-noyau, comprend les quantifiants stricts (i.e. tout, d'autres adjectifs indéfinis comme aucun, chaque, nul, plusieurs, quelque(s)), les quantifiants numériques (i.e. les adjectifs numéraux cardinaux) et les quantifiants bipolaires (i.e. les articles),

- la classe des caractérisants, indicateurs d'extension, soit antéposés soit postposés au N, comprend les caractérisants stricts (i.e. les adjectifs qualificatifs, les adjectifs indéfinis autre, même), les caractérisants numériques (i.e. les adjectifs numéraux ordinaux) et les caractérisants possessifs (i.e. les adjectifs possessifs toniques),

- la classe des quantifiants-caractérisants, indicateurs à la fois d'extensité et d'extension, obligatoirement antéposés au N, comprend les quantifiantscaractérisants stricts (i.e. les adjectifs indéfinis résiduels comme certain, différents, quel, n'importe quel, etc., les quantifiants-caractérisants démonstratifs (i.e. les adjectifs démonstratifs) et les quantifiants-caractérisants possessifs (i.e. les adjectifs possessifs atones mon, ton, etc.).

Dans les paragraphes suivants, i.e. (1.1.2) et (1.1.3), nous allons considérer,
de façon très générale, les déterminants roumains.

1.1.2 Les déterminants roumains.

Les Dét roumains, comme les français, sont classifiés aussi d'après une grande diversité de critères. Gramática limbii romane I (GA) (1966), Lombard (1974), Dimitriu (1979), Avram (1986) adoptent la classification de la tradition scolaire. lordan et al (1967) et Coteanu (1982) regroupent les Dét d'après leurs propriétés sémantiques et distributionnelles. Niculescu (1978) les classine d'après le critère positionnel et le critère commutatoire. D'autres linguistes, comme Manoliu-Manea (1968) et Florea (1983), classifient les Dét d'après leur fonction d'adjoints du N-noyau ou celle de centre du SN. Cornilescu (1992) et Giusti (1991a, 1991b, 1994, 1995) expliquent, sur la base du GB, la distinction entre «determiners» et «quantifiers».

Les opinions divergent fort, non seulement à propos de la classification des Dét, mais aussi à propos du placement de tot dans les différentes catégories. lordan et al. (1967), Lombard (1974) et Dimitriu (1979) le rangent parmi les adjectifs indéfinis. GA I (1966) et Avram (1986) le considèrent comme un adjectif qualificatif. Cependant ce dernier ouvrage admet que tot peut aussi se ranger parmi les adjectifs pronominaux ou numéraux. Nous proposerons, nous-même, une classification.

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1.1.3 Classification proposée.

Sur le modèle de Wilmet (1986) nous essayons, nous-même, de classifier ici les Dét roumains. Pourquoi choisir la classification de Wilmet, à savoir une classification par rapport au français, et non celle de Giusti (1991b, 1994, 1995), à savoir une classification par rapport à l'italien - ce dernier étant, en soi, plus proche du roumain? Il y a deux raisons à cela : d'une part, le fait que le français possède, comme le roumain, le même morphème pour exprimer les divers sens de tout, i.e. le singulier tout 'entier' ou 'chaque'/'n'importe quel' et le pluriel tous - en roumain respectivement le singulier tot et le pluriel topi; cf. l'italien, qui en possède des morphèmes différents : tutto, ogni, tutti (cf. anglais whoîe, every/each, ail), d'autre part, la classification faite par Wilmet comprend tous les Dét- cf. celle de Giusti 1991b, 1994, 1995, qui ne se rapporte qu'aux «quantifiers». En plus, la classification de Wilmet est «plus complète» du fait qu'elle vise les critères sémantiques et syntaxiques - cf. celle de Giusti (1991b, 1994, 1995), laquelle n'a en vue que les critères syntaxiques.

Pour ces raisons, nous trouvons que le système adopté par Wilmet nous permettra d'entreprendre une classification des Dét roumains susceptible de mieux répondre au but de notre étude, à savoir d'essayer de placer tot parmi les Dét.

Ainsi donc, de même que Wilmet, nous tiendrons compte des critères sémantico-syntaxiques - toutefois nous nous appuyerons en premier lieu sur les critères distributionnels. Ainsi, pour ce qui est des propriétés sémantiques des Dét, nous aurons également en vue l'indication de l'extensité et celle de l'extension du N. Pour ce qui est des propriétés distributionnelles des Dét, à part la place auprès du N - critère relevé chez Wilmet aussi - nous nous intéresserons en plus à la compatibilité et à l'incompatibilité avec N-L ou avec -L d'une part, et à l'expression du Génitif de l'autre.

Vu les limites de la présente étude, notre classification sera simplifiée, à savoir non-détaillée, non-exhaustive. Nous n'examinerons les Dét que de façon très générale, notre concentration se dirigeant, ici, sur tot et non sur la multitude de problèmes liés à la détermination roumaine.

Suivant Wilmet (1986), notre classification comprendra les articles,5 les adjectifs pronominaux (i.e. nous citons quelques exemples-types) et les adjectifs qualificatifs.6 (Ne seront donc pas compris des Dét tels que les propositions complétives ou relatives ni les adverbes, cf. par exemple Florea (1983) pour le roumain et Goyens (1994) pour le français.) Cependant, nous ne suivons pas Wilmet (1986, p. 74-111) en regroupant les Dét d'après l'indication d'extensivité, celle de la représentation ou celle du nombre.

Dans notre essai de classifier les Dét roumains nous passons par trois
étapes, i.e. A, B et G La classification dans l'étape A traduit les Dét français de

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Wilmet par les Dét roumains. En cela, elle se base en premier lieu sur le critère sémantique. Le critère syntaxique est ici relevé, en deuxième lieu. Il est représenté, d'une part, par la position du Dét par rapport au N, d'autre part par la compatibilité ou l'incompatibilité avec N-L ou avec -L. Par compatibilité avec N-L ou avec -L nous entendons un groupe de type N-L Dét/Dét N-L ou Dét-L N (ex. orasuf tot/ tot orasul 'toute la ville', marele oras 'la grande ville'). Par incompatibilité avec N-L ou avec -L nous entendons un groupe de type N DID N (orafe multe/multe orase 'beaucoup de villes', * oracele multe/ *multe oracele, *multek orase).

Au niveau de cette étape les Dét roumains sont classifîés dans les classes
que Wilmet (1986) appelle quantifiants, caractérisants et quantifiants-caractérisants.

On remarque ici que, comme en français, en roumain :

- les «Wïlmet-quantifiants», qui sont indicateurs de l'extensité du N, sont représentés par les articles (i.e. l'article défini suffixal -L, l'article indéfini un), un grand nombre d'adjectifs indéfinis et les adjectifs numéraux cardinaux, exemples :

- articles : omul 'l'homme', un om 'un homme'.
- indéfinis (la morpho-syntaxe varie) :

• indefinis incompatibles avec N-L ou -L, uniquement anteposes : fiecare
om 'chaque homme'.

• indefinis incompatibles avec N-L ou -L, soit anteposes soit postposes :
mulfi oatneni/oameni mulfi 'beaucoup d'hommes'.

• indefinis compatibles avec N-L, soit anteposes soit postposes, ou avec
-L : intreg omul, omul intreg, intregul om* Thomme entier'.

• indefinis compatibles avec N-L, soit anteposes soit postposes, et
incompatibles avec -L : tot omul omul tot 'tout l'homme', ?'tout
homme'.

- numéraux cardinaux, incompatibles avec N-L ou -L, uniquement antéposés
: trei oameni 'trois hommes'.

On observe que tot, en traduisant grosso modo le français tout, ne se range que par sa sémantique parmi les «Wilmet-quantifiants». Quant à sa morphosyntaxe, elle est différente de celle de la plupart des Dét compris ici, surtout du fait que tot est compatible avec N-L (cf. tot omul, *tot om 'tout (r)homme', *fiecare omul, fiecare om 'chaque homme', *trei oamenii, trei oameni 'trois hommes').

- les «Wilmet-caracterisants» , qui indiquent l'extension du N, sont representedpar
les adjectifs qualificatifs, les adjectifs indefinis alt /celalalt 'autre',

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l'adjectif de renforcement însusi 'même', les adjectifs numéraux ordinaux
et les adjectifs possessifs «toniques», exemples :

- adjectifs qualificatifs compatibles avec N-L ou avec -L, soit antéposés soit
postposés : omul mare, marele om9 'le grand homme'.

- l'adjectif indéfini ait incompatible avec N-L ou avec -L, uniquement
antéposé : ah om '(!')autre homme'.

— l'adjectif indéfini celdlalt incompatible avec N-L ou avec -L si antéposé;
compatible avec N-L si postposé : celdlalt om, omul celdlalt 'l'autre
homme'.

- l'adjectif de renforcement compatible avec N-L et incompatible avec -L,
soit antéposé soit postposé : însusi omul omul însusi 'l'homme même'.
- numéraux ordinaux incompatibles avec N-L si antéposés, compatibles
avec N-L si postposés : al tretlea omlomul al treilea 'le troisième homme'
(cf. Baciu 1980, p. 76 § 14).

- les possessifs «toniques» incompatibles avec N-L ou avec -L, uniquement
antéposés : al meu om 'mon homme' (cf. Baciu, ib., § 15).

- les «Wilmet - quantifiants-caractérisants», qui indiquent à la fois l'extensité et l'extension du N, désignent les adjectifs indéfinis tels que orice/ oricare 'n'importe quel', les adjectifs démonstratifs acest/-a 'ce (-ci)', acel/-a 'ce (-là)' et les adjectifs possessifs «atones», exemples :

- indéfinis incompatibles avec N-L ou avec -L, uniquement antéposés
orice/'oricare om 'n'importe quel homme'.

- les démonstratifs acest, acel, i.e. incompatibles avec N-L ou avec -L,
antéposés : acest om 'cet homme-ci', acel om 'cet homme-là'.

- les démonstratifs acesta, acela, i.e. compatibles avec N-L, postposés :
omul acesta 'cet homme-ci', omul acela 'cet homme-là'.

- les possessifs «atones», compatibles avec N-L et incompatibles avec -L,
uniquement postposés omul meu 'mon homme'.

L'étape A nous fait observer que les Dét roumains, par leur sémantique, se rangent facilement dans les classes de Wilmet. Mais il n'en est pas de même pour ce qui est de leur syntaxe. Celle-ci est, en principe, différente de celle de leurs correspondants français (cf. Wilmet 1986, pp. 74-111, 138-152).

Dans l'étape B nous avons en vue, en premier lieu, les propriétés distributionnelles des Dét selon le système roumain de détermination. Nous regroupons ici les Dét de l'étape A, en «soi-disant quantifiants», «soi-disant caractérisants» et «soi-disant quantifiants-caractérisants».

l'étape B nous fait remarquer que les Dét roumains qui, à cause de leurs propriétés syntaxiques, se rangent respectivement chez les «soi-disant quantifiants,-caractérisants et -quantifiants-caractérisants» révèlent un comportementsémantique (et même syntaxique, pour ce qui est de ces derniers) très

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hétérogène (cf. la classification de Wilmet, résumée ci-dessus, 1.1.1). En d'autres termes, les «soi-disant quantifiants» et les «soi-disant quantifiantscaractérisants»arrivent à renfermer à la fois des Dét qui indiquent uniquementl'extensité ou uniquement l'extension ou bien à la fois l'extensité et l'extension. Les «soi-disant caractérisants» rassemblent des Dét qui indiquent soit uniquement l'extension soit uniquement l'extensité.

Les «soi-disant quantifiants» sont tous incompatibles avec N-L ou avec -L et sont uniquement antéposés au N. Les «soi-disant caractérisants» sont compatibles avec N-L ou avec -L et sont soit antéposés soit postposés au N. Quelques-uns des «soi-disant quantiftants-caractérisants» sont incompatibles avec N-L ou avec -L. D'autres sont soit incompatibles soit compatibles avec N-L ou avec -L. Les Dét appartenant à cette classe sont presqu'en totalité soit antéposés soit postposés au N.

Pour ce qui est de tot, ce mot semble se ranger, ici, chez les «soi-disant
caractérisants». Comme ceux-ci, tot est compatible avec N-L et il prend soit
l'antéposition soit la postposition par rapport au N.

Le caractère hétérogène des classes obtenues dans l'étape B, les résultats repérés dans nos études antérieures à propos de tot (voir Ditvall Études) ainsi que ceux qu'on enregistrera dans le présent travail, voilà quelques raisons qui invitent à tenter d'établir un nouveau regroupement des Dét roumains. Dans ce qui suit, nous allons d'abord examiner l'expression du génitif (chap. 2) de tot, et ensuite nous proposerons une classification des Dét, notamment dans Y étape C (tableau 2), (chap. 4). Dans cette classification, nous nous appuyerons, en premier lieu, sur le critère distributionnel. Ici, la distribution des Dét visera en outre à côté de l'(in)compatibilité avecAT-L ou avec -L et de la place auprès du N (critères compris dans les étapes A et B), l'expression du génitif des Dét. Ces trois critères morpho-syntaxiques nous aideront à mieux repérer les ressemblances et les différences entre les Dét et, par la suite, à pouvoir les placer dans nos classes, c'est-à-dire dans ce que nous appelons quantifiants, caractérisants et amalgames.10

1.1.4 Tout français.

Dans la classification de Wilmet ( 1986), nous l'avons vu ( 1.1.1 ), tout français trouve sa place dans la classe des quantifiants à côté, entre autres, des quantifiants numériques, par exemple trois, quatre, etc. (à savoir les adjectifs numéraux cardinaux de la grammaire traditionnelle). De même que ces quantifiants, tout désigne l'extensité du N et il est obligatoirement antéposé au N, cf. tous les hommes/ *les hommes tous, trois hommes/ *hommes trois. Dans un SN avec fonction génitive/dative, tout révèle également une syntaxe proche de celle des «quantifiants numériques», cf. les opinions de tous les hommes, les opinions de trois hommes.

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La question suivante se pose : en est-il de même du tot roumain?

1.1.5 Tot roumain.

Tot, contrairement à son correspondant français tout (1.1.4), possède une
syntaxe qui est différente de celle des adjectifs cardinaux.

En roumain, tandis que les adjectifs cardinaux prennent uniquement l'antéposition par rapport au N-noyau, tot, c'est bien connu,11 peut soit précéder soit suivre N (Coteanu 1982, Avram 1986, entre autres) (voir tableau 2), cf. to\i oamenii /oamenii tofi 'tous les hommes', trei oameni I * oameni trei 'trois hommes'. Rappelons que l'adjectif qualificatif est soit antéposé soit postposé au N, marti oameni/oamenii mari 'les grands hommes' (voir tableau 2). Ceci signifierait-il que tot, contrairement à tout français, par son comportement positionnel, ne semble pas se ranger chez les «soi-disant quantifiants», à côté entre autres des adjectifs cardinaux, mais plutôt chez les «soi-disant caractérisants», à côté entre autres des adjectifs qualificatifs (voir 1.1.3)? Une solution à ce problème, sur la base de la position de iof par rapport au N-noyau, a été proposée dans Ditvall (1996 et à paraître b.). Dans ce qui suit, nous allons en proposer une autre, en examinant l'expression du Génitif du tSN.

Considérons les constructions suivantes :

(2) a. pàrerile tuturor oamenilor
'les opinions de tous les hommes'
b. pàrerile marilor oameni
'les opinions des grands hommes'
vs.
c. pàrerile a trei oameni
'les opinions de trois hommes'

On remarque que toi possède un Génitif synthétique, c'est-à-dire construit par flexion (Lombard 1974, Coteanu 1982, Florea 1983) (ex. 2 a) proche de celui des adjectifs qualificatifs, notamment antéposés (ex. 2 b) et différent de celui des adjectifs numéraux cardinaux qui est analytique, c'est-à-dire formé à l'aide d'une préposition (ex. 2 c).

Serait-ce une autre épreuve, hors celle de la position de tot, que ce mot se
rangerait plutôt chez les «soi-disant caractérisants» que chez les «soi-disant
quantifiants»*

Nous avancerons l'hypothèse que tot semble se développer, à travers les siècles, d'un état proche de ce que nous appelons (dans le tableau 2, infra) un quantifiant, notamment avec une syntaxe proche de celle des adjectifs cardinaux,vers un état proche de celui d'un caractérisant, notamment à syntaxe proche de celle des adjectifs qualificatifs - en ce qu'il possède respectivement

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un Génitif avec prépondérance analytique (i.e. prépositionnel) en roumain
ancien, et un Génitif avec prépondérance synthétique (i.e. flexionnel), en
roumain moderne.

Bat-Zeev Shyldkrot (1995) signale une évolution semblable pour tout français,
notamment du statut de «quantitatif» vers celui de «qualitatif», du point
de vue sémantique.

Giusti (1995) signale également la possibilité de relever chez le même Q, le statut d'un «Q-tête» et celui d'un «Q-modifieur». C'est le cas du «dual universal quantifient Cependant, à la différence de tot, ce Q manifeste ces deux statuts par deux entrées lexicales, i.e. amîndoi et ambii respectivement. Dans amîndoi N, 'les deux N\ il possède la syntaxe d'un Q-head of the nominal construction (id., p. 104), dans ambii N, 'les deux N', il possède la syntaxe d'un Q-modifier ofthe N, parallel to adjectives (id., ib.).

Au chapitre suivant, nous examinerons toi dans un SN avec fonction genitive.
Mais d'abord, quelques généralités à propos de l'expression du Génitif
et du Datif en roumain.

2. L'expression du Génitif et du Datif (G/D) en roumain

2.0 Généralités.

En roumain moderne, c'est bien connu (cf., entre autres, Coteanu 1982,
Florea 1983, Avram 1986), les Dét expriment, en principe, leur Génitif/Datif
par une construction :

- soit synthétique (à savoir par flexion) de type
«Détenforme-GD n + N»
exprimant le Génitif ainsi que le Datif
ex. (2b)et(6,infra)

- soit analytique (à savoir à l'aide d'une préposition, a/la) de type
«prép. a+ Dét en forme-base13 +N»
exprimant le Génitif
ex. (2 c)
«prép. la + Dét en forme-base + N»
exprimant le Datif
ex. (11, infra)

Pour ce qui est du Génitif synthétique, on distingue deux cas :

(a) le Génitif non-introduit par l'article ail al ail aie '" :
• c'est le cas où le N régissant avec forme articulée (avec l'article -L)
précède immédiatement le SN :GD (cf. Coteanu 1982, p. 62), ex. (2 b).

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(b) le Génitif introduit par l'article ail'alailaie : (voir par exemple Lombard
1974, p. 188-190, Coteanu 1982, pp. 65,109-110, Draçoveanu 1997, p.
lOlss).
• c'est le cas où le N régissant :
- soit possède une forme articulée (avec l'article -L) mais ne précède
pas immédiatement
ex. (4 a, infra)
- soit précède immédiatement mais possède une forme non-articulée
ex. (4 b, infra)

Dans ce qui suit nous examinons, tout brièvement, l'expression du Génitif/ Datif des adjectifs qualificatifs, des adjectifs numéraux cardinaux et celui des adjectifs comme mulfi 'beaucoup de', pufini 'peu de'. Ensuite, nous nous occuperons uniquement du Génitif (le Datif est traité dans un travail à part, voir Ditvall, Études).

2.1 Le G/D des adjectifs qualificatifs.

Les adjectifs qualificatifs, en tant qu'antéposés au N-noyau, possèdent un
Génitif/Datif synthétique, c'est-à-dire flexionnel, de type


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(cf., par exemple, GA1,1966, p. 114ss, Coteanu 1982, p. 94-97, Avram 1986,
p. 89-90). Voici quelques exemples, d'abord du Génitif (introduit ou non par
l'article al) et ensuite du Datif.

Exemple de Génitif non-introduit par l'article al (reprenons l'ex. 2 b ici
comme ex. 3) :

(3) pàrerile marilor oameni
'les opinions des grands hommes'

Exemples de Génitif introduit par l'article al (voir 2.0) :

(4) a. pàrerile eronate aie mariîor oameni 'les opinions erronées des grands hommes' b. eronatele pâreri aie marilor oameni 'les opinions erronées des grands hommes'

Cf.

(5) *pârerile a mari oameni
'les opinions des grands hommes'

Exemple du Datif :

(6) am dat marilor oameni
'j'ai donné aux grands hommes'

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Cf.

(7) *am dat la mari oameni
'j'ai donné aux grands hommes'

On remarque que l'adjectif qualificatif (dans le style travaillé, étudié ici) ne possède pas un Génitif/Datif analytique, i.e à préposition. De même, dans le langage familier, dégagé ou moins cultivé, le Datif analytique (ex. 7) peut être employé (cf. Cornilescu 1995, p. 13-14) - ce qui vaut pour tous les Dét (id.). Voir aussi chap. (2.3), infra.

Cf. dans un SN avec forme-base (à savoir au nominatif/accusatif, voir la note 12),15 comme déjà mentionné (1.1.2), l'adjectif qualificatif roumain, prend soit l'antéposition soit la postposition auprès du N-noyau (GAI, 1966, p. 121-125) (mareJe ora§/orasul mare 'la grande ville')- II en est de même de tot intégral, à savoir tot-I 'tout le N' et tot-111 'tous les N' (tot oraçul /oraçul tot 'toute la ville', toute oracele /oracele tóate 'toutes les villes'). Voir Ditvall (1996 et à paraître b.).

2.2 Le G/D des adjectifs numéraux cardinaux.

Les adjectifs numéraux cardinaux (à partir de «deux») possèdent un Génitif/Datif
analytique, prépositionnel (GAI, 1966, p. 184-185, Coteanu 1982 :
104) de type


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Le Génitif est formé à l'aide de la préposition a (l'ex. 8 est repris de l'ex. 2 c) :

(8) pàrerile a trei oameni
'les opinions de trois hommes'

(9) a. pàrerile eronate a trei oameni 'les opinions erronées de trois hommes' b. eronatele pâreri a trei oameni 'les opinions erronées de trois hommes'

Cf.

(10) * pârerile treior oameni
'les opinions de trois hommes'

Le Datif est exprimé à l'aide de la préposition la :

(11) am dat la trei oameni
'j'ai donné à trois hommes'

Cf.

(12) * am dat treior oameni
'j'ai donné à trois hommes'

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Comme on l'observe, l'adjectif numéral cardinal ne possède pas de Génitif/Datif
synthétique, i.e. flexionnel (ex. 10, 12).

Dans un SN en forme-base (i.e. au nominatif/accusatif) l'adjectif numéral cardinal n'est qu'antéposé au N-noyau (GA I, 1966, p. 186) (trei oameni / *oameni trei 'trois hommes') (voir tableau 2). Il en est de même de tot-II 'tout N\ en ancien emploi - toi dans ce sens n'existe plus en roumain moderne, voir tableau 3 (foi omul moare / *omul tot moaré 'tout homme meurt').

2.3 Le G/D des adjectifs de type multi, putini, destui.

D'autres adjectifs roumains, comme par exemple mulp 'beaucoup de' ou pupni 'peu de' peuvent exprimer leur Génitif/Datif soit par une construction synthétique, i.e. flexionnelle, soit par une construction analytique, i.e. à l'aide de la préposition {alla) (cf., entre autres, Lombard 1974, Avram 1986). Ainsi, le Génitif de ces mots est construit -

- soit par une formation synthétique de type «(article al ) Dét en forme-
GD + N»

- soit par une combinaison analytique de type «prép. a+ Dét en formebase
+ N»

(13) pârerile (eronate aie) multor oameni
'les opinions (erronées) de beaucoup d'hommes'

( 14) pàrerile a mulfi oameni
'les opinions de beaucoup d'hommes'

(15) pârerile (eronate aie) pufinor oameni
'les opinions (erronées) de peu d'hommes'

(16) pàrerile a pu^ini oameni
'les opinions de peu d'hommes'

Leur Datif est soit synthétique de type


DIVL444

- soit analytique de type : «pr6p. la + D6t en forme-base + N»

(17) am dat multor/la mulp oameni
'j'ai donné à beaucoup d'hommes'

(18) am dat pupnor/la pup'ni oameni
'j'ai donné à peu d'hommes'

II convient d'observer la remarque de Cornilescu (1995, p. 13-14) à propos du Datif prépositionnel, dans les cas où les deux types sont possibles : ce type de Datif «may be employed with virtually any Q/D though this use is generally frowned upon by prescriptive grammarians» - il est relevé «in relaxed, casual speech», «and also with less educated speakers» (id., ib.).

Side 19

La place de ces adjectifs, dans un SN en forme-base (i.e. nominatif/accusatif) est soit avant soit après le N-noyau (cf. par exemple Avram 1986, p. 87-88) oameni/ oameni mulfi 'beaucoup d'hommes', pupni oameni/ oameni puf ini 'peu d'hommes') (voir tableau 2).

D'autre part, un adjectif comme destui 'assez de' ne possède qu'un Génitif/
Datif analytique, i.e. à préposition (cf. Avram 1986, p. 88) :

(19) parerile a destui oameni
'les opinions d'assez d'hommes'

(20) am dat la destui oameni
'j'ai donne a assez d'hommes'

Et maintenant, quelques brèves remarques sur le G/D en ancien roumain.

2.4 Le G/D ancien.

En langue ancienne seuls les numéraux cardinaux possédaient un G/D prépositionnel (préposition de, a) (Dimitrescu et al. 1978, p. 244). Les adjectifs qualificatifs, les démonstratifs et les indéfinis exprimaient leur G/D, comme le substantif, en principe par une construction synthétique (i.e. flexionnelle) - parfois par des constructions analytiques (i.e. prépositionnelle) (Densusianu 196111, pp. 108,120ss).

Les langues romanes occidentales, comme le latin lui-même, évoluent du système des cas synthétiques à celui des cas analytiques/prépositionnels (Dimitrescu et al. 1978). Le roumain manifeste aussi une telle tendance à toutes les époques de la langue) - mais cette évolution est lente, ce qui s'explique, entre autres, par une influence des langues slaves qui, étant synthétiques, poussent le roumain à conserver des formes casuelles synthétiques (Graur 1968, Dimitrescu et al. 1978).

Que devient toi? Comment exprime-t-il son Génitif dès les plus anciens temps jusqu'à nos jours? Popescu-Marin (1986) signale qu'autrefois foi formait son Génitif soit à l'aide de la flexion soit à l'aide de la préposition. L'auteur ne précise pas si ceci est relevé dans tous les sens de tot. Examinons nos matériaux.

3. L'expression du Génitif de. tot

3.0 Généralités.

Il est généralement connu (cf., entre autres, Lombard 1974, Coteanu 1982, Florea 1983) que toi moderne dans un SN-Génitif n'est représenté que par sa forme plurielle : tuturorNÇde tous N'). Tot singulier existe aussi, il exprime son Génitif à l'aide de la préposition, mais l'emploi de ce toi est assez restreint - chez les grammairiens on le relève, en principe, dans des expressions figées telles que a totfelul de '(de) toute(s) sorte(s) (de)' ou a toatdlumea 'de

Side 20

tout le monde/du monde entier' (cf., entre autres, Lombard 1974, p. 223),
groupes qui n'entrent pas en ligne de compte dans le présent travail (voir
1.0).

En d'autres termes, le Génitif de toi moderne peut, en général, être exprimé
à l'aide des combinaisons de type :

(i) analytique


DIVL489

(ii) synthétique


DIVL493

Examinons maintenant tot ainsi qu'il est enregistré dans notre corpus, dans
les langues ancienne et moderne.

Vu les limites imposées à notre exposé, nous n'aurons pas la possibilité d'examiner séparément les occurrences des trois types de tot (i.e. toi-/ 'tout le N', toi-// 'tout N', toi-/// 'tous les N', voir (1.0)), dans tous les types de formations enregistrées. Nous donnerons seulement quelques exemples, à titre d'illustration, et rassemblerons les différents types de structures repérées dans un tableau-résumé (le tableau 1, chap. 3.3).

3.1 Ancien emploi.

Selon nos matériaux anciens, toi exprime son Génitif par des formations à morphologie fort variée, i.e. de type que nous appelons ici soit analytique (i), soit synthétique (ii) (dans différentes combinaisons), soit une combinaison de ces deux (i + ii) :

- analytique (i), a savoir une combinaison de type «prep. a + tot en formebase
+ N muni ou non de -L en forme-base»

- analytique-synthétique, à savoir diverses combinaisons de (i + ii) de type
«prép. a + tot en forme-base/en forme-GD + N muni ou non de -L en
forme-base/en forme-GD»

- quasi synthetique - (quasi ii), a savoir une formation sans preposition, mais non entierement de type (ii), comme dans «toten forme-base + N muni de -L en forme-GD» ou «article al + tot en forme-base + N muni de -L en forme-GD»

- synthetique (ii), a savoir une construction sans preposition de type «tot en
forme-GD + N muni de -L en forme-GD» ou de type «article al + tot en
forme-GD + N muni de l'article en forme-GD».

Voici quelques exemples.

Side 21

Tot-I

Exemples de combinaisons

- analytique de type prép. a t-I N-L

(21) to^i cine vor s,ede spre fa^a a tot pdmdntul
«a» . toute terre :1a
Amb.sg Amb.sg
prep -L
'tous ceux qui existeront sur la surface de toute la terre
(1560-61, TC, p. 132,170 v2)

- analytique-synthétique de type prép. a t-I :GDIB N-0 :GD

(22) sfera —, care este a toatei lumi
«a» tout :GD monde :GD
Fsg Fsg
prep -0
'la sphere —, qui est celle du monde entier'; litt.:'— de tout le monde'
(XVIP-d. XVIIIe s., C. Cantacuzino, dans CRom 11, p. 74,1. 18)

- quasi synthétique de type t-I N-L :GD

(23) incunjurarii tot pdmintului
toute terre:la:GD
Amb.sg Amb.sg
-L:GD
'du tour autour la terre entiere'; litt.:'— de toute la terre
(XVIIe s., Spat. Milescu, cit. TD, p. 1626 b)

- quasi synthétique de type allai ail aie19 t-I N-L :GD (Dét)

(24) obs.tescu folos al tot_ neamului romanesc
Wn^fice art«al» tout peuple:le:GD roumain
Amb.sg Amb.sg Amb.sg Amb.sg
-0 -L:GD
'le benefice collectif detout le peuple roumain'
(XVIIP ou XIXe s. (date incertaine), Zilot, cit. DLR, p. 434 b, s.v. tot 2 A11)

Le N regissant (fobs) precede immediatement, mais sans article.

Selon nos textes, les différentes combinaisons dont tot-I 'tout le N' ancien construit son Génitif sont, dans la presque totalité des cas, à la base de la préposition, à savoir soit de type analytique (i) soit de type analytique-synthétique(i + ii). Dès le XVIIe siècle on relève une tendance vers une combinaisonsans

Side 22

sonsanspréposition, c'est-à-dire une combinaison quasi synthétique (quasi
ii). Nous n'avons enregistré aucune occurrence du Génitif synthétique (ii).

Tot-II

Tot-II 'tout N\ contrairement à tot-I (cf. supra) et tot-111 (cf. infra), n'exprime
son Génitif qu'à l'aide de la préposition, notamment par une tournure
soit de type analytique (i) soit de type analytique-synthétique (i + ii).
Exemples de formations

- analytique de type prép. a t-II N-L

(25) sufletele a tot omul
«a» tout homme:le
Msg Msg
pr6p -L
'les ames de tout homme'
(XVIe s., Codic. Todorescu, cit. DILII, p. 123, § 191)

- analytique de type prép. a t-II N-0 où N apparaît sans l'article (-L) (voir la
note 7)

(26) duhurile a toatd jiganie —in doaa chipuri fac clatirea lor
«a» tout animal
Fsg Fsg
pr£p -0
'les esprits de tout animal — evoluent de deux fawns'
(f. XVIIe -d. XVIIIe s., Cantemir I, p. 190,1.5; cf. dans l'index, id., s.v. cldtire:
cldtire a face - 'a merge, a evolua')

- analytique-synthétique de type prép. a t-II N-L:GD

(27) s,i zise Domnul lu Noe : sfirs,itul a tot trupului
«a» toul homme :le :GD
Amb.sg Amb.sg
prep -L:GD
venit-au naintea mea
'et le Seigneur dit a N. : la fin de tout homme est apparue devant moi'
(1581-82, PO, 28/9)

Nous n'avons enregistré aucune occurrence de tot-II de type synthétique (ii).

Tot-III

Le Génitif de toi dans le sens de 'tous les N' est, comme le Génitif de tot-I
'tout le N', très souvent construit par diverses combinaisons de type prépositionnel,soit
de type analytique (i) soit de type analytique-synthétique (i + ii).

Side 23

Ce toi offre, en outre, une construction de type synthétique (ii), flexionnelle,
c'est-à-dire sans préposition.

Exemples de combinaisons:

- analytique de type prép. a t-111 N-L

(28) dumineca a top sfinfii
«a» tous saintsrles
Mpl Mpl
prep -L
'le dimanche de la Toussaint; litt.: de tousles saints'
(XVIe s., Texte bogomilice, cit. DIL 11, p. 123 § 192)

- analytique-synthétique de type prép. a t-111 N-LGD (Dét)

(29) cu voia a top domnilor man —ai Ardealului
«a» tous chefs:les:GD grands
Mpl Mpl
prep -L:GD
'avec la permission de tousles grands chefs —de Transylvanie'
(1581-82, PO, 1/5)

- synthétique de type tot-III:GD N-LGD

(30) cu s,tirea tuturor vecinilor
tous:GD voisins:les:GD
Mpl Mpl
-L:GD
'au vu et au su de tousles voisins'
(1582, Zapis de vinzare, dans DI, p. 100,1.5)

- synthetique de type article al/a/ai/ale tot-111 :GD N-L :GD

(31) cu ruga preacurateei sale maici §i a tuturor sfinplor
priere:la art«al» tous:GD saints:les:GD
Fsg Fsg Mpl Mpl
-L -t.GD
'avec la priere de sa mere immaculeee et de tousles saints'
(1581, PRL, p. 173, 240 v)

On peut constater, selon nos matériaux, que le Génitif de tot-I 'tout le N', tot-II 'tout N' et tot-111 'tous les N' est, dans la langue ancienne, très souvent prépositionnel, à savoir de type analytique (i) et analytique-synthétique (i + ii). Tot-I et tot-111 offrent aussi un Génitif sans préposition, à savoir formé à l'aide d'une combinaison de type quasi synthétique (quasi ii) chez tot-I (dès le

Side 24

XVIIe s.) et de type synthétique (ii) chez tot-Ili (dès le XVIe s.). Tot-11, au contraire,ne
possède qu'un Génitif de type prépositionnel.

3.2 Emploi moderne.

Comme on le sait (voir par exemple Ditvall, Études) on retrouve seulement
tot-I 'tout le N' et tot-111 'tous les N' en langue moderne.20

Il convient de noter que nos exemples contenant tot-I, très peu nombreux, viennent de la première moitié du XIXe siècle, période de «transition» entre les deux époques de la langue, voir ci-dessous. (Dans les travaux de grammaire, on relève seulement la tournure contenant l'expression toatâ lumea 'tout le monde/le monde entier' qui n'est pas comprise dans notre travail (voir 1.0).)

Nos textes n'offrent aucun exemple de tot-II 'tout N' dans l'emploi en discussion ici. La tournure signalée par les grammairiens est celle contenant le groupe figé a totfelul '(de) toute(s) sorte(s)' (cf. Lombard 1974, p. 223, entre autres) qui n'entre pas en ligne de compte ici (voir 1.0). Tot-111 'tous les N' est le seul qui a survécu jusqu'à nos jours.

Voici quelques exemples :

Tot-I

Combinaisons

- analytique de type prép. a tot-I N-L

(32) sa dea raspuns — asupra — istoriii a toatd lumea
«a» tout monde:le
Fsg Fsg
prep -L
'qu'il donne une r£ponse — sur — l'histoire du monde entier; litt. : de
tout le monde'
(1826, D. Golescu, dans CR, p. 82,1. 6 bas)

- analytique-synthétique de type prép. a tot-I N-L :GD

(33) pentru savir§irea a tot lucrului sa-midea —
«a^ tout travail:le:GD
Amb.sg Amb.sg
pr£p -L :GD
'qu'il me donne —, pour l'achevement de tout le travail'
(1829, Document, cit. DLR, p. 434 a, s.v. tot 2 A I 1)

Aucun exemple de tot-I avec Génitif synthétique (ii).

Side 25

Tot-III

Formations de type

synthétique (ii), introduit ou non par l'article al,


DIVL630

(34) care se arata la leaganul civiliza^iei tutulor popoarelor
tous:GD peuples:les:GD
Amb.pl Amb.pl
'qui se montre au berceau de la civilisation de tous lespeuples'
(XIXe s., Balcescu, dans CRom 111, I, p. 85,1. 8)

(35) reprezentanji ai tutulor stdrilor sofietdfii
representants art«al» toutes :GD couches:les:GD societe:la:GD
Mpl Mpl Fpl Fpl
-0 -L:GD
'des representants de toutes les couches de la societe"
(1848, Proclam. de la Islaz, dans CRom 111, I, p. 116,1. 7)

-L:GD

Pour ce qui est du Génitif moderne nous pouvons constater, à en juger d'après nos matériaux, que sauf quelques exemples de tot-/ 'tout le N' provenant de la première moitié du XIXe s. et représentant toujours le caractère archaïque de la langue, seul tot-lll'tous les N' est relevé dans un SN-Génitif. Ce toi offre uniquement un Génitif synthétique (ii). Il n'offre aucun exemple de type prépositionnel, c'est-à-dire ni de type analytique (i) ni de type analytique-synthétique (i + ii). Tot-II n'offre aucun exemple.

Voici pour le SN avec fonction de Génitif contenant tot dans les deux
époques de la langue. Essayons de résumer.

3.3 Résumé.

Dans ce qui précède, nous avons montré, exemples à l'appui, quelques-unes des diverses formations par lesquelles le SN contenant tot (tot-I, tot-11, tot- III) exprime son Génitif. Dans le tableau suivant, nous rassemblons les différents types de combinaisons enregistrées.

Side 26

DIVL661

Tableau 1. L'expression du Génitif du tSN, selon notre corpus2l

Side 27

D'après nos matériaux, dans l'ancienne langue, le Génitif du SN contenant tot est nettement de type prépositionnel. Cela revient à dire que les diverses combinaisons dans lesquelles ce Génitif est construit sont surtout introduites par la préposition (i.e. elles sont de type analytique (i) et analytique-synthétique (i + ii)). Seul tot-111 possède en outre un Génitif de type synthétique (ii), c'est-à-dire sans préposition, flexionnel.

Tot-I 'tout le N' et tot-111 'tous les N' ont, en roumain ancien, un Génitif :

- en premier lieu prépositionnel : analytique (i) et analytique-synthétique (i + ii).
- et en deuxieme lieu flexionnel : quasi synthetique (quasi ii) (tot-I, des
XVIF s.) et synthetique (ii) (tot-111, deja au XVP s.).

Tot-II 'tout N', par contre, possède un Génitif:
- uniquement prépositionnel, à savoir analytique (i)

Dans la langue moderne, tot (notamment tot-111 'tous les N' - qui est le seul survivant dans un SN:Génitif) au contraire, ne connaît qu'un Génitif de type synthétique (ii), c'est-à-dire sans préposition et exprimé à l'aide de la forme- GD tuturor introduit ou non par l'article al/a/ai/ale. (Les occurrences de tot-I 'tout le N' enregistrées représentent la période de «transition» de l'époque ancienne à l'époque moderne, d'où leur morphologie toujours archaïque — ce tot ne représente pas l'emploi général.) (Voir 3.2.)

Nos investigations nous ont permis de constater le même phénomène
pour ce qui est de l'expression du Datif (voir Ditvall, Études).

4. Discussion

La question qui a guidé notre analyse dans le présent travail, a été celle du
placement de toi parmi les Déterminants (Dét) roumains, à en juger d'après
son expression du Génitif.

Dans (1.1.3) nous avons constaté qu'une classification sémantique, en
roumain, ne correspond pas à une syntaxique (cf. l'étape A et l'étape B).

Sur la base de nos résultats à propos de l'expression du Génitif du tSN
(tableau 1), nous proposons maintenant un essai de classification dans
l'étape C (tableau 2).

Ici, nous prenons en considération, en premier lieu, le comportement morpho-syntaxique des Dét et, en deuxième lieu, leur comportement sémantique. Nous regroupons les Dét en trois classes principales que nous appelons quantifiants proprement dits (Q), caractérisants proprement dits (C) et amalgames (Q-C et C-Q), à savoir combinaisons entre la classe (Q) et la classe (C).

Il convient de noter que nous ne prenons en considération, ici, que le
Dét en tant qu'antéposé (dans les cas où il accepte les deux positions).

Side 28

DIVL761

Tableau 2. Classification sémantique et distributive (étape C).

Side 29

D'après ce tableau, nous constatons qu'on a affaire à deux classes («pôles»)
distinctes : les quantifiants proprement dits (Q) et les caractérisants proprement
dits (C), à propriétés très évidentes.

Les quantifiants proprement dits (Q), notamment (Ql), représentés par les
adjectifs numéraux cardinaux :

• indiquent l'extensité du N (voir 1.1).

• sont incompatibles avec N-L ou avec -L (trei ora^e, *trei orafele, *treile
oraçe 'trois villes').

• sont uniquement antéposés au N (trei orase, *orase trei).

• et possèdent un Génitif analytique (i.e. prépositionnel) (a trei orase,
*treïlor ora?e 'de trois villes').

Les caractérisants proprement dits (C), représentés par les adjectifs qualificatifs

• indiquent l'extension du N (voir 1.1).

• sont compatibles avec N-L ou avec -L (oraçele mari, marile ora§e 'les
grandes villes').

• sont soit antéposés soit postposés au N (voir les exemples précités).

• et possèdent un Génitif synthétique (i.e. flexionnel) (marilor orase, *a
mari orase 'des grandes villes').

Entre ces deux «pôles», il y a un continuum des classes «intermédiaires», représentées par les quantifiants de type (Q2), les quantifiants-caractérisants (Q-C) et les caractérisants-quantifiants (C-Q) dont les propriétés sont en fait une combinaison des propriétés des (Q) et celles des (C).

Les quantifiants de type (Q2) possèdent un comportement sémantique un peu différent de celui d'un (Q) proprement dit (i.e. Ql), en ce qu'ils indiquent à la fois l'extension et l'extensité, cf. orice 'n'importe quel'. Leur morpho-syntaxe est identique à celle des (Ql).

Les (Q-C), dont les propriétés se rapprochent plutôt de celles des quantifiants
proprement dits (Q), se divisent à leur tour en deux sous-classes :

- celle des (Q-C 1) qui comprend des Dét aux propriétés plus homogènes
(cf. Q-C 2), par exemple:

• le groupe (c) indique uniquement l'extensité, le groupe (e) indique
uniquement l'extension et le groupe (d) indique à la fois l'extensité et
l'extension,

• ils sont tous, i.e. les groupes (c), (d) et (e), incompatibles avec N-L ou
avec -L (fiecare oraç, *fiecare oraçul, *fiecaréle ora§ 'chaque ville'),

• ils sont tous uniquement antéposés au N (fiecare oraç, *orasfiecare),
• et ils possèdent tous, en principe, un Génitif synthétique (fiecdrui oras, *a
fiecare ora§ 'de chaque ville').

Side 30

- la sous-classe des (Q-C 2) comprend des Dét aux propriétés très hétérogènes

• les Det du groupe (f), incompatibles avec N-L ou avec -L, sont, soit
anteposes soit postposes au Net possedent un Genitif soit analytique,
soit synthetique (mulfi 'beaucoup de'),

• les Det du groupe (g) sont compatibles seulement avec N-L (insu§i orasul orasul insusi, *insusile ora? 'la ville elle-meme'), d'autres, i.e. ceux du groupe (f), sont incompatibles avec N-L ou -I (multe ora?e, orase multe, * multe orasele, *multele ora§e 'beaucoup de villes'), etc.

Les (C-Q), ont un comportement plutôt proche de celui des caractérisants
(C):

- a part le fait qu'ils indiquent l'extensite du N, contrairement a la semantique
des (C), ils ont une morpho-syntaxe semblable a celle des (C):

• ils sont compatibles avec N-L, groupe (k), (intreg ora?ul, orasul intreg,
*intreg ora§ 'la ville entiere'),

• le Det dans le groupe (1) est compatible avec -L (intregul ora? 'la ville
entiere),

• les Det dans la sous-classe (C-Q) sont, en principe, soit anteposes soit
postposes au N,

• ils possedent un Genitif uniquement synthetique (intregului oras, *a
intregoras 'de la ville entiere').

Tot, notamment tot-I 'tout le N' et tot-111 'tous les N', se laisse ranger parmi les (C-Q). Cela revient à dire que par son comportement morpho-syntaxique tot semble se rapprocher des (C) tandis que par son comportement sémantique il est proche des (Q). En d'autres termes, de même que les (C), tot postposé est compatible avec N-L, et il est soit antéposé soit postposé au N. Tot-111 possède, comme les C, un G synthétique.

D'autre part, comme les (Q), tot indique l'extensité du N.

Pour terminer, considérons le tableau (3) qui réunira les propriétés (P) morpho-syntaxiques et sémantiques de tot, ancien et moderne, et le comparera avec les quantifiants proprement dits d'une part et avec les caractérisants proprement dits de l'autre.

Side 31

DIVL764

Tableau 3. Tot ancien et tot moderne : un quantifiant vers un caract£risant?

Ce tableau nous invite à observer ceci, à propos de tot :

- propriétés sémantiques :

• tot-I 'tout le N'/tot-111 'tousles N' (tot integral) ainsi que tot-II (tot generique) 'tout N' se rangent sous (PI), en ce qu'ils indiquent l'extensite du N, comme les quantifiants; cf. les caracterisants designant l'extension du N (P2).

Side 32

- proprietes morpho-syntaxiques:

• la compatibility avec N-L, semble rapprocher tot-I/tot-111 ainsi que tot-II
des caracterisants (P3), les quantifiants etant incompatibles avec N-L
(P4).

• quant a la place de tot par rapport au N-noyau, nous observons que tot-I
et rot-77/prennent, dans la langue ancienne aussi bien que moderne, soit
l'anteposition soit la postposition, comme les caracterisants {P5, P6).

• tot-11, par contre, est uniquement antepose, comme les quantifiants
(P5).

• le Genitif de tot-I/tot-111 ancien est surtout de type analytique, i.e.
prepositionnel, a caractere proche de celui des quantifiants {P7); le
Genitif de type synthetique, i.e. flexionnel (P8), y est rare.

• le Genitif de tot-II ancien est uniquement de type analytique (P7).
• tot moderne, i.e. tot-111 qui est le seul survivant dans l'emploi Genitif/
Datif, revele un Genitif de type synthetique, done semblable a celui des
caracterisants (P8).

Tot-II qui, par son comportement morpho-syntaxique, notamment (P5) et
(P7), a cote du comportement semantique {PI) se rapproche des quantifiants,
disparait dans la langue moderne (voir Ditvall Etudes).

Les survivants, tot-I et tot-111 possedent une syntaxe positionnelle d'un caractere qui semble proche de celui des caracterisants. Au Genitif, seul tot-111 survit - son comportement morphologique semble se rapprocher de celui des caracterisants, par la construction genitive de type synthetique. Tot-I au Genitif est remplace par intreg 'entier', qui, lui, possede un Genitif synthetique.

5. Conclusion

On disait precedemment (2.4) que dans la langue ancienne, seuls les numeraux cardinaux, a savoir nos quantifiants proprement dits (Q 1), revelaient uniquement un Genitif de type analytique, i.e. prepositionnel. (Rappelons a ce propos que les qualificatifs, les indefinis, etc. possedaient en principe un Genitif de type synthetique, i.e. flexionnel). Leur Genitif analytique existe encore de nos jours. Or, a en juger de nos resultats dans cette etude, le Genitif de tot £tait dans son ancien emploi exprime surtout par diverses formations de type analytique - tot-II 'tout N', «le vrai quantifiant», ne connaissait que ce type de Genitif. En roumain moderne, tot-II disparait totalement et tot-I 'tout le Nest,'est, au Genitif, remplace par le synonyme approximatif ?«freg 'entier' (dont le Genitif est synthetique). Ce qui a survecu de tot, a savoir tot-111 'tousles N', possede dans la langue travaillee, etudiee ici, un Genitif de type synthetique {flexionnel).

Side 33

Nous pouvons constater que dans l'ancien emploi tot possédait dans ses trois acceptions (tot-I, tot-llet tot-III) un Génitif qui, en quelque sorte, était proche de celui d'un quantifiant tandis que de nos jours, tot-111 qui est le seul survivant au Génitif, a une morpho-syntaxe qui semblerait plutôt proche de celle d'un caractérisant.

Bat-Zeev Shyldkrot (1995) signale une évolution pour tout français, à savoir du statut de «quantitatif» vers celui de «qualitatif», en ce qui concerne la sémantique de ce mot. Les choses sont, sans doute, fort différentes, entre tout français et tot roumain. Toutefois, pour ce qui est de tot, nos résultats parleraient en faveur d'une évolution non seulement du point de vue sémantique (par la disparition de tot-I au Génitif et de tot-IÎ) mais aussi du point de vue morpho-syntaxique (le survivant tot-111 ne possède, aujourd'hui, qu'un Génitif synthétique). - Et l'évolution continue...

Coralia Ditvall

Université de Lund



Notes

* Nous tenons à remercier sincèrement la rédaction de la Revue Romane, notamment Gunver Skytte, Université de Copenhague, et Povl Skârup, Université de Aarhus, pour plusieurs commentaires critiques importants. Nous remercions également les auditeurs de notre communication tenue, le 9 mai 1997, dans le cadre de la séance de la Société Roumaine de Linguistique Romane, Cluj-Napoca, Roumanie, pour leurs précieuses remarques à propos de certains aspects liés à l'essentiel de cet exposé. Il se peut que des lacunes subsistent encore - nous en sommes seule responsable.

1. Le présent travail constitue une version abrégée d'une étude plus large traitant de l'expression du génitif/datif de tot (comprise dans Ditvall, Études).

2. Nous employons le terme déterminant (Dét) dans son sens large, à savoir visant les éléments qui accompagnent le N-noyau d'un SN (cf. entre autres, Hawkins 1978, Wilmet 1986, Goyens 1994).

3. Pour expliquer des généralités, nous nous servons d'exemples construits (à savoir exemples sans renvoi bibliographique), fournis par nous-même en tant que locuteur natif du roumain.

4. Pour le choix du français comme base de comparaison, voir ( 1.1.3).

5. Al et cel n'entrent pas en ligne de compte, ici. C'est que, d'une part, ils sont «devoid of referential value or lexical meaning» (Cornilescu 1992, note 1), et que, d'autre part, ils ne peuvent pas entrer dans une «minimal structure» de type Dét +N (id., p. 202). (Pour ce qui est de al voir aussi la note 14, infra.)

6. Notre liste (tableau 2) rassemblera les mots qui sont, en général, rangés dans les tableaux de classification des Dét roumains (cf., par exemple, Manoliu-Manea 1968, Niculescu 1978). En plus, nous ajouterons mult 'beaucoup de', pupn 'peu de', însusi 'même', l'adjectif qualificatif (en suivant Wilmet 1986), amîndoi/ ambii 'les deux' (en suivant Giusti 1995) et întreg'entier'.

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6. Notre liste (tableau 2) rassemblera les mots qui sont, en général, rangés dans les tableaux de classification des Dét roumains (cf., par exemple, Manoliu-Manea 1968, Niculescu 1978). En plus, nous ajouterons mult 'beaucoup de', pupn 'peu de', însusi 'même', l'adjectif qualificatif (en suivant Wilmet 1986), amîndoi/ ambii 'les deux' (en suivant Giusti 1995) et întreg'entier'.

7. L'article défini suffixal -L, on le sait, est obligatoire dans un SN contenant tot (Gramática limbii romane 1966, Lombard 1974, Avram 1986, entre autres). Dans la langue ancienne, ce -L peut parfois manquer (cf. par exemple Popescu- Marin 1986).

8. Remarquer que dans les deux dernières combinaisons -L est suffixe au premier élément du groupe.

9. -L est suffixe au premier élément du groupe.

10. Nous empruntons la terminologie à Wilmet (1986) et l'appliquons à nos critères de classification.

11. Mallinson (1986, p. 307) affirme, étrangement, que tot ne prend que l'antéposition.

12. Nous empruntons la terminologie à Lombard (1974, p. 24) et appelons forme- GD la morpho-syntaxe du génitif/datif (ex. omului 'de/à l'homme', tuturor 'de/à tous') et forme-base la syntaxe du nominatif/accusatif (ex. omul 'l'homme', top 'tous').

13. Voir la note 12.

14. Il s'agit de «l'article possessif génitival» - qui reprend le genre et le nombre du N régissant (cf., par exemple Lombard 1974, Coteanu 1982, Avram 1986). On sait combien les opinions sont différentes à propos du statut de al : Grosu (1988) l'appelle dummy préposition, DraÇoveanu (1997) l'appelle pronom, etc. - pour une description détaillée du comportement de cette particule, voir ce dernier. Suivant les manuels, nous l'appelons, désormais, l'article al

15. Nous ne mentionnons ici qu'en passant, à titre de comparaison avec tot, la position auprès du N-noyau d'un caractérisant (i.e. adjectif qualificatif), d'un quantifiant numérique (i.e. l'adjectif numéral cardinal) et d'autres quantifiants (tels que par exemple mulfi 'beaucoup de', pupini 'peu de' ) relevée dans un SNnominatiflaccusatif. La place de ces mots dans le SN-Génitif, étudié ici, n'entre pas en discussion - seule l'antéposition nous intéresse.

16. Voir la note 12.

17. Voir la note 12.

18. Par GD, nous entendons ici la forme de GD (voir aussi la note 12).

19. Par la suite, dans des combinaisons de ce type sera donnée la description morphématique du N régissant. Voir la note 14.

20. Tot générique, à savoir tot-II ('tout N'), n'existe en roumain moderne que dans le langage populaire ou dans les quatre groupes figés tot omul 'tout homme', (de) totfelul (de) '(de) toute(s) sorte(s) (de)', in totcazul 'en tout cas' et la tot pasul 'à tout pas' (cf. Lombard 1974, Manoliu-Manea 1994).

21. Le type de structure mise entre crochets [ ] ne représente pas l'emploi général.

22. Les exemples qui sont àla base de ces structures viennent surtout de la première partie du XIXe s. période qui possède toujours le caractère archaïque de la langue (voir 3.2).

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Abreviations

Amb. = ambigène

C = Caractérisant(s)

Cantemir = voir Cantemir, Dimitrie
C-Q = Caractérisant(s)-Quantifiant(s)
Cptb = compatibilité

CR = voir Crestomape româneascd
CRom = voir Crestomafie romanicd
Dét = déterminant (voir la note 2)

DI = voir Documente s i însemndri romanes ti din sec. al XVJ-lea
DIL = voir Densusianu, Ovid
DLR = voir Dicponaml limbii romane
G, Gén = Génitif

GA = voir Gramatica limbii romane
GD = forme de Génitif/Datif
Incptb = incompatibilité

-L = article défini suffixal (orasw/ 'la ville')
LC = voir Liturghierul lui Coresi

lg. anc. = langue ancienne (XVIe-XVIIIe siècles)
lg. mod. = langue moderne (XIXe-XXe siècles)
N le N-noyau du SN
pi. = pluriel

PO = voir Palia de la Ords tie
PRL = voir Pravila ritorului Lucaci
Q = Quantifiant(s)

Q-C = Quantifiant(s)-Caractérisant(s)
sg. = singulier

TC = Tetraevanghelul tipdrit de Coresi, Brasov 1560-61 (1963). Edifie
alcâtuità de F. Dimitrescu. Bucures.ti

TD = voir Tiktin, H.

tot-I = tôt intégral ('tout le N')
tot-II = tôt générique ('tout N')
tôt 111 - tôt intégral ('tousles N')

tSN :GD = tôt dans un syntagme nominal avec fonction génitive-dative

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Résumé

La présente étude se propose d'établir, à l'aide de l'expression du Génitif, le statut de toi'tout' roumain : est-il une sorte d'article, d'adjectif ou plutôt autre chose? Partant de la classification de Wilmet (1986), nous essayerons de classifier les déterminants roumains et de voir si tot se range parmi les quantifiants (ex. trei 'trois'), parmi les caractérisants (ex. mare 'grand') ou plutôt parmi les quantifiants-caractérisants/caractérisants-quantifiants (ex. flecare 'chaque'/ambii 'les deux').

Nos résultats montrent que, dans la langue ancienne, tot, qui existait dans ses trois acceptions (à savoir nos trois types tot-l 'tout le N\ tot-ll 'tout N' et tot-111 'tous les N') possédait un Génitif dont la morpho-syntaxe avait surtout un caractère analytique (prépositionnel), ex. a totomul 'de tout (l')homme', a tofi oamenii 'de tous les hommes'. Ce toi semble, de par cela, se rapprocher des quantifiants, cf. a trei oameni, *treior oameni 'des trois hommes'. Par contre, en roumain moderne, tot-111 'tous les N' (le seul survivant puisque tot-I 'tout le N' ne possède pas de forme de génitif/datif et que tot-II 'tout N' disparaît) révèle au Génitif une morpho-syntaxe synthétique (flexionnelle), ex. tuturor oamenilor, *a tofi oamenii 'de tous les hommes". On peut dire que, par cela, ce tot semble se rapprocher d'une certaine manière des caractérisants, cf. marilor oameni, *a mari oameni 'des grands hommes'. Ainsi donc, si l'on en juge d'après l'expression du Génitif, on pourrait dire que tot ancien semble plutôt se ranger parmi les quantifiants tandis que tot moderne trouverait plutôt sa place parmi les caractérisants-quantifiants.

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