Revue Romane, Bind 32 (1997) 1

Point de Rencontre : Le Roman I - II. Actes du colloque international d'Oslo, 7-10 septembre 1994. Textes réunis par Juliette Frôlich. Coll. KULT N° 37, Conseil norvégien de la recherche scientifique, Oslo 1995. 359 + 331 p.

John Pedersen

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Dans le cadre d'un vaste projet de recherche intitulé Culture et Tradition, le département
de français de l'Université d'Oslo avait, en 1994, organisé un colloque sous la
rubrique Point de rencontre : Le Roman.

Les actes de ce colloque comportent deux volumes très épais qui permettent d'emblée au lecteur de se rendre compte de l'ampleur de cette initiative. En effet, après une introduction constituée par trois «voix d'écrivains», celles de Lucette Finas, de Jean-Paul Goux et d'Assia Djebar, on a droit à un ensemble de dix sections d'analyses et de réflexions sur le genre romanesque et ses multiples rapports avec différents contextes littéraires et historiques.

Un bref regard sur chacune de ces dix sections ne pourra nullement rendre justice à l'ensemble des communications. L'ambition de ce compte rendu sera donc, bien modestement, d'esquisser les grandes lignes et d'indiquer quelques centres d'intérêt représentatifs des cinquante sept communications que groupent les Actes de ce colloque.

Dans la section L'Espace de l'intertextuel, il est à la fois question des rapports entre roman et théâtre (S. Zenkine et K. Gundersen) et de l'œuvre proustienne (L. Keller, S. Swahn), alors que K. Holter entreprend une analyse du jeu intertextuel pratiqué par Rachid Boudjedra en partant d'Histoire de Claude Simon.

A propos du «roman familial», des auteurs comme Balzac, Céline et Jean Rouaud sont étudiés (A-M. Baron, D. Rabaté et L. Czyba). Leurs projets autobiographiques, au demeurant assez éloignés les uns des autres, semblent ici converger sur la recherche d'une identité d'écrivain.

Une section est consacrée aux rencontres des cultures. Ici le roman maghrébin est
à l'honneur (F. Abu-Haidar, B. Chikhi, R. Bivona), mais on y trouve aussi une

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analyse d'œuvres de Le Clézio, notamment de son roman Etoile errante (M. Borgomano),qui,
comme l'œuvre entière de Le Clézio, est fortement marqué par cette
thématique.

Le titre de la section suivante, Roman et Histoire, couronne cinq communications sur des romanciers français du XIXe siècle : George Sand (B. Didier), Balzac (J. Guichardet), Flaubert (C. Gothot-Mersch), Dumas (M. Marchetti) et Barbey d'Aurevilly (P. Jochiere). Cependant la section comporte aussi une réflexion d'ordre plus général, sur «Le temps référentiel, cadeau empoisonné du roman historique» (T. Gorilovics). - Le roman du XVIIIe siècle est représenté dans plusieurs sections, notamment, comme il se doit, dans celle intitulée Roman et Société. Y sont étudiées d'une part les interactions sociales telles qu'elles sont exprimées dans les romans de la période (A. Montandon), d'autre part «les voix de la Folie» dans les Bijoux de Diderot (M. Bokobza Kahan).

La question du discours des idéologies est traitée dans cinq communications dont la première (M. Kohlhauer) parvient à renvoyer le lecteur à des références aussi disparates, apparemment, que Michelet, Jaspers, Derrida, Iser et Jauss, pour ne citer que ceux-là. - Le thème de dialogismes nous offre, entre autres, une communication sur Proust et Musil (A. Longuet Marx) et une sur Giono sur l'aspect exubérance lyrique ou fascination du vide (G. E. Barstad).

Le problème de la modernité fait son apparition prévisible avec, à titre d'exemple,
une étude sur la «réflexion critique au XXe siècle» (J. Neefs), où est évoqué, entre
autres, un écrivain comme Raymond Queneau.

Les deux dernières sections sont consacrées à l'écriture romanesque et à la lecture. Dans la première, on retrouve Balzac (S. Vachon et V. Cnockaert) et Proust (A. Herschberg Pierrot et N. Soelberg), voisinant avec Thomas Mann (M.-J. Lhote). La dernière section, qui aborde donc les problèmes de la lecture, offre au lecteur des analyses d'oeuvres individuelles, par exemple Loi V. Stein de Marguerite Duras (R. Evang Reinton) ou L'Œuvre de Zola (P. Buvik), mais aussi des tentatives d'embrasser une œuvre romanesque dans son ensemble : celle de Modiano (A. Mingelgrün) ou encore celle de Claude Simon (R. Gay-Crosier). Enfin, une communication ouvre sur les problèmes souvent occultés concernant les critères d'évaluation, ici plus particulièrement à propos du roman populaire (M. Nojgaard).

«Le roman est l'espace des conflits, des affrontements, des engagements et des interactions...». C'est ainsi que s'expriment, dans la brève présentation des Actes, Juliette Fròlich et Karin Holter. Le moins qu'on puisse dire, c'est que ces deux volumes épais reflètent admirablement une telle définition. Les organisatrices de ce colloque ont réussi ce qui ne se voit que trop rarement : des Actes qui, pour diversifiés qu'ils soient, ne tombent jamais dans l'hétéroclite. Un tel exploit d'efficacité d'organisation constitue une preuve parmi tant d'autres de la bonne santé de la romanistique littéraire en Norvège..

Université de Copenhague