Revue Romane, Bind 32 (1997) 1

L'emploi des prépositions concrètes dans les syntagmes nominaux en français1

par

Mette Holmsgaard Larsen

Introduction

En regardant les études2 qui ont jusqu'ici traité de l'emploi des prépositions concrètes,3 que ce soit d'une manière générale ou plus spécifique, deux constats s'imposent : premièrement, les auteurs ne consacrent qu'une place très limitée à la description de l'emploi des prépositions à l'intérieur des syntagmes nominaux,4 et deuxièmement, leurs études mettent l'accent sur le syntagme prépositionnel même, étant donné que ce sont les caractéristiques des prépositions et/ou du régime qui constituent la base des analyses.

Dans le présent article, nous avons choisi une approche différente. En
orientant notre étude sur l'emploi des prépositions concrètes à l'intérieur des
syntagmes nominaux, dont la structure de base sera :


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nous voudrions soutenir qu'une telle étude sera plus complète, si on la base sur le mot auquel la préposition est subordonnée et donc sur le mot qui conditionne la présence du syntagme prépositionnel dans le syntagme nominal. En effet, il nous semble raisonnable de fonder une analyse de l'emploi prépositionnel sur l'élément qui, justement, conditionne cet emploi.

Notre analyse décèlera trois facteurs principaux susceptibles de régir l'emploiprépositionnel dans les syntagmes nominaux. Le premier facteur est la valeur sémantique du substantif noyau (cf. section 1 ci-dessous) dont le rôle n'est certainement pas inconnu,5 mais dont l'importance nous semble quelquepeu méconnue. Par conséquent, nous allons plaider en faveur d'une incorporation beaucoup plus systématique de ce facteur dans l'analyse de

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l'emploi prépositionnel. Par contre, le deuxième ainsi que le troisième facteur: l'influence de l'adjectif/la forme verbale (désormais abrégés a/v) et le déterminant, ne semblent pas, du moins de façon bien explicite, avoir retenu l'intérêt des linguistes. Nous pensons cependant que l'a/v aussi bien que le déterminant remplissent des fonctions bien précises par rapport au syntagme prépositionnel. Les fonctions des a/v sont au nombre de trois que nous appellerons : la fonction indépendante, la fonction d'enchaînement et la fonction de contrôle, tandis que celles des déterminants ne comptent que deux : la fonction indépendante et la fonction de contrôle. Ces fonctions seront étudiées dans les sections 2 et 3 ci-dessous. Dans notre quatrième section, finalement, nous examinerons l'interaction des trois facteurs discernés.

1. L'influence du substantif noyau sur l'emploi des prépositions concrètes

Une analyse de 2000 syntagmes nominaux incorporant une préposition concrète nous a permis de diviser les substantifs en classes sémantiques démontrant une grande homogénéité quant au choix de prépositions concrètes ainsi qu'à leur mode d'emploi. Comme un examen de toutes les classes dépasserait le cadre de cet article, nous nous contenterons ici de donner une esquisse de l'importance qu'offre la valeur sémantique des substantifs noyau pour l'emploi prépositionnel.

Chaque classe de substantifs est délimitée par la définition sémantique que nous donnons de cette classe. Par exemple, nous distinguons une classe de substantifs de conflit et d'entente où nous regroupons, d'une part, tous les substantifs exprimant un antagonisme (plus ou moins violent) entre deux ou plusieurs personnes (par exemple : lutte, divorce, clivage, querelle, duel, controverse) et, d'autre part, les substantifs exprimant une entente entre deux ou plusieurs personnes (par exemple : accord, alliance, union, mariage, coexistence). Le lien sémantique entre les substantifs entrant dans cette classe consiste donc dans une focalisation sur deux parties et dans le fait que ces deux parties prennent chacune une part active dans la relation décrite par le substantif.

Ces substantifs se combinent entre autres avec la préposition avec pour
exprimer «avec qui (plus rarement «avec quoi») on est entré en conflit» ;

(1) Un Palestinien blessé, lors des affrontements avec l'armée israélienne (...).
(Exp/2226/7)6

ou «avec qui (plus rarement «avec quoi») on s'entend» :

(2) (...) on le suspecte de complicité avec le FPR. (Exp/2248/17)

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De même, nous avons une classe de substantifs qui désignent tous un état d'âme comme par exemple : admiration, colère, désintérêt, perplexité. Dans cette classe, les substantifs se caractérisent tous sémantiquement par le fait qu'une seule partie est au focus - à savoir celle qui éprouve l'état d'âme - et il n'y a donc qu'une seule partie active.

Ces substantifs se construisent entre autres avec la préposition envers pour
exprimer «envers qui/quoi l'état d'âme est dirigé» :

(3) La haine des islamistes envers elle [la France] repose non sur sa puissance
réelle dans la zone, mais (...). (Exp/2249/14)

Une comparaison des substantifs entrant dans les deux classes nous permet de constater que, normalement, les substantifs de conflit et d'entente n'admettent pas la préposition envers (puisque cette préposition n'indique qu'une seule partie active) :

* accord/alliance/union/mariage/coexistence envers

et que, normalement, les substantifs d'état d'âme de leur côté n'admettent
pas la préposition avec (puisque cette préposition suggère une interaction
entre deux parties) :

* admiration/colère/désintérêt/perplexité avec

Or, les substantifs appartenant à une certaine classe et ayant des traits sémantiques communs avec les substantifs d'une autre classe peuvent de ce fait admettre un emploi prépositionnel plus complexe que les substantifs n'ayant pas ces traits sémantiques.

Un substantif comme «solidarité» par exemple appartient «normalement»
à la classe des substantifs d'entente :

(4) L'officier supérieur, engoncé dans une solidarité rétrospective avec ses collègues
du siècle dernier, ajoutait (...). (Exp/2227/49)

Mais comme il a aussi des traits sémantiques communs avec les substantifs décrivant un état d'âme {solidarité peut aussi être un sentiment), ce substantif peut «emprunter» l'emploi prépositionnel de cette classe et admettre la préposition envers :

(5) (...) les trois cent vingt participants ont manifesté (...) leur solidarité envers les
plus défavorisés d'entre nous. (Midi)

De même, les substantifs tels qu'impatience et mécontentement (appartenant à la classe des substantifs d'état d'âme) ont des traits sémantiques communs avec les substantifs de conflit du fait qu'impatience et mécontentement demandent deux parties actives : une partie qui éprouve le sentiment et une

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autre qui le provoque, de sorte que le focus est sur deux parties. Cela rend
l'emploi de la préposition avec possible :

(6) Elles ont manifesté leur mécontentement avec le syndicat CGT (...)• (Midi)

Ces exemples montrent donc qu'il peut y avoir des chevauchements entre les différentes classes sémantiques et que, de ce fait, un substantif ayant des traits sémantiques communs avec d'autres classes sémantiques admet un emploi prépositionnel plus complexe que les substantifs n'ayant pas ces traits sémantiques.

Bien que nous puissions ainsi démontrer une cohérence étroite entre la valeur sémantique du substantif noyau et l'emploi des prépositions concrètes, nos études révèlent également des exceptions importantes. Il s'agit des cas suivants :

1) La préposition et son régime forment une expression figée ayant un
caractère adjectival.

2) L'emploi de la préposition dépend de l'a/v.
3) L'emploi de la préposition dépend du déterminant.

Le premier point, qui ne demande pas d'analyse supplémentaire, est illustré immédiatement dans ce qui suit. Les deux autres points, par contre, feront l'objet d'études plus approfondies présentées dans les chapitres 2 et 3 cidessous.

Dans un certain nombre de syntagmes prépositionnels, le substantif noyau n'a aucune influence sur le choix de la préposition puisque celle-ci est - pour ainsi dire — déjà fixée par l'expression qu'elle forme avec son régime. Il s'agit d'expressions comme7 : sans concession, sans précédent, sans éclat, hors normes, hors du commun, sur mesure et par nature. Notez la disparité sémantique des substantifs noyau dans les exemples suivants :

(7) (...) cet inquiétant dictateur organisait un culte de la personnalité sans précédent
(...). (Exp/2245/6)

(8) (...) 850 millions de paysans chez qui sourd une colère sans précédent (...).
(Exp/2231/18)

(9) Les Américains (...) voudraient persuader les Musulmans que la conjoncture
leur offre une occasion sans précédent (...). (Exp/2225/9)

(10) L'O.t.a.n. avance aujourd'hui une position de bon sens face aux changements
sans précédent (...). (Midi)

Que ces syntagmes prépositionnels soient considérés pratiquement comme
de véritables adjectifs, ressort de l'exemple suivant où sans éclat est placé
devant le substantif noyau - position réservée aux épithètes adjectivales :

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(11) (...) son leader, le jeune et sans éclat José Maria Aznar, porte directement
l'estocade (...). (Exp/2239/42)

2. L'influence des a/v sur l'emploi des prépositions concrètes

Dans cette section, adjectif/forme verbale mise entre parenthèses dans la
structure de base définie à l'introduction entre en jeu. La structure de base
sera dès lors :


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où la forme verbale représente : un participe passé, un participe présent ou un infinitif (introduit par à ou plus rarement de). La proposition relative montre tant de ressemblances avec ces formes verbales que nous tendons à croire qu'elle en fait partie aussi. Or, étant donné que son statut ne se laisse pas encore déterminer de manière aussi immédiate que les autres formes verbales, nous préférons traiter de la proposition relative dans une section particulière (cf. 2.4).

Pour caractériser la relation entre l'a/v et le syntagme prépositionnel, nous distinguons trois fonctions différentes que peuvent assumer l'adjectif ou la forme verbale par rapport au syntagme prépositionnel, soit la fonction indépendante, la fonction d'enchaînement et la fonction de contrôle. Ces notions de fonction ne correspondent pas à des éléments dans l'analyse syntaxique : l'a/v à fonction indépendante constitue une épithète et le syntagme prépositionnel un complément, tandis que les a/v à fonction d'enchaînement et de contrôle forment avec le syntagme prépositionnel un seul complément.

2.1. La fonction indépendante.

Par «fonction indépendante» nous entendons tout simplement que l'adjectif ou la forme verbale sont employés indépendamment du syntagme prépositionnel. Il n'y a donc aucune relation entre l'a/v et le syntagme prépositionnel. Il s'ensuit que la présence de l'a/v ne dépend en rien de la présence du syntagme prépositionnel et vice versa. En effet, la raison d'être de l'a/v et le syntagme prépositionnel dans le syntagme nominal est exclusivement d'ordre sémantique. Cette fonction est très fréquente surtout quand il s'agit d'un adjectif. Citons les exemples suivants de la fonction indépendante (les syntagmes nominaux sont marqués par l'italique) :

ADJECTIF :

(12) (...) il n'est pas exclu de voir se reproduire un scenario yougoslave entre la
Russieet I'Ukraine (...). (Exp/2226/41)

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FORMES VERBALES:

Participe passé :

(13) Leur credo traditionnel (...) a perdu de sa pertinence depuis (...) un accord
(...) qui reconnaît à Dublin un droit de regard limité sur les affaires de la
province. (Exp/2253/37)

Participe présent:

(14) A l'école, l'écart croissant entre les possédants et les autres pose de nouveaux
défis (...). (Exp/2227/45)

Infinitif:

(15) Encore beaucoup d'efforts à faire pour remonter au classement. (Midi)

Le test déterminant si l'adjectif ou la forme verbale ont la fonction indépendante se fait, d'une part, en isolant l'a/v et le syntagme prépositionnel du syntagme nominal et, d'autre part, en vérifiant s'ils forment alors une unité syntactico-sémantique. Dans la négative, il s'agit de la fonction indépendante. Par unité syntactico-sémantique nous entendons qu'il existe une relation syntaxique entre l'a/v et le syntagme prépositionnel. Ainsi, dans l'exemple (16) de la section suivante, présentes dans l'écoulement forme une telle unité syntactico-sémantique en vertu du lien syntaxique qui existe entre présentes et dans l'écoulement (en effet, dans l'écoulement répond à la question : présentes où ?). Par contre, dans (12), yougoslave entre la Russie et l'Ukraine ne forme pas d'unité syntactico-sémantique selon cette définition. En effet, on voit mal quelle relation syntaxique établir entre yougoslave et entre la Russie et l'Ukraine. Il faut cependant avouer que l'existence ou l'absence d'une telle unité peut être difficile à établir dans quelques cas.

En soumettant les exemples ci-dessus à notre test, nous obtiendrons :
entre la Russie et l'Ukraine, *limité sur les affaires de la province,
* croissant entre les possédants et les autres et *à faire pour remonter au classement.
Comme les éléments ne forment pas des unités sémantiques, nous
pouvons constater qu'il s'agit bien de la fonction indépendante.

2.2. La fonction d'enchaînement.

Vax fonction d'enchaînement nous entendons que l'adjectif ou la forme verbalejouent le rôle d'intermédiaire entre le substantif noyau et la préposition concrète en ce sens qu'il/elle sert à enchaîner les deux. Il s'ensuit que l'adjectifou la forme verbale ont dans ce cas plutôt une fonction de structuration syntaxique. Sa fonction sémantique s'avère peu importante. En effet, l'adjectifou la forme verbale, le plus souvent, ne fait qu'expliciter ce qui a déjà été dit implicitement par le substantif + la préposition. En comparant les expressionsl'accord entre les deux entreprises et l'accord passé entre les deux entreprises,on

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prises,onpeut constater que passé n'ajoute pas de nouvel élément sémantiqueau syntagme - le participe explicite simplement une signification qui réside déjà dans l'accord entre. Autrement dit : quand on parle de l'accord entre les deux entreprises, on a déjà dit qu'un accord a été passé entre les entreprises en question. De même, les métaux lourds présents dans l'eau n'ajoute pas de sens aux métaux lourds dans l'eau (I&T/ (dans les deux cas on nous fait savoir que les métaux lourds se trouvent dans l'eau).

Voici quelques exemples de cette fonction :

ADJECTIF :

(16) L'étude du spectre renseigne sur la nature des espèces moléculaires présentes
dans l'écoulement (...). (COT/94)

FORMES VERBALES :

Participe passé :

(17) (...) un chef d'entreprise sur deux ne trouve rien à redire aux poursuites
engagées contre les PDG. (Exp/2255/11 )

Participe présent :

(18) (...) il ne connaissait pas la nature des plastiques entrant dans la composition
des produits qu 'il nous fournissait. (I&T/

Infinitif:

(19) (...) des hommes de méthode et d'analyse, capables de nous faire comprendre
quels sont les atouts à réunir dans son jeu pour s'engager dans une
partie gagnante (...). (Midi)

Le test qui met la fonction d'enchaînement en évidence consiste tout d'abord à constater si l'a/v et le syntagme prépositionnel forment une unité syntactico-sémantique et ensuite, dans l'affirmative, à vérifier si l'adjectif ou la forme verbale se laissent enlever du syntagme nominal. En appliquant ce double test à nos exemples ci-dessus, nous obtiendrons :

test 1 : présentes dans l'écoulement, engagées contre les PDG, entrant dans la
composition des produits et à réunir dans son jeu (il s'agit donc bien d'unités
sémantiques),

puis test 2 : des espèces moléculaires dans l'écoulement, les poursuites contre
les PDG, des plastiques dans la composition des produits et les.atouts dans son
jeu (l'adjectif et la forme verbale se laissent donc supprimer).

Nous pouvons ainsi affirmer que l'adjectif et les formes verbales remplissent
bien la fonction d'enchaînement.

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2.3. La fonction de contrôle.

Par fonction de contrôle nous entendons que c'est l'adjectif ou la forme verbale qui contrôlent la présence du syntagme prépositionnel dans le syntagme nominal. C'est-à-dire que le syntagme prépositionnel ne peut être présent dans le syntagme nominal si l'adjectif ou la forme verbale sont supprimés. En conséquence, l'adjectif ou la forme verbale ont souvent une fonction sémantique distincte et ajoutent donc un nouvel élément sémantique au syntagme nominal. Cette fonction se distingue nettement des deux autres fonctions par le fait que l'a/v ne peut être enlevé(e) du syntagme nominal. Il s'agit d'exemples comme :

ADJECTIF :

(20) La société offre ses services dans les domaines de (...) la culture in vitro de
plantes intéressantes pour leurs caractéristiques agronomiques (...). (COT/1)
s

FORMES VERBALES :

Participe passé :

(21) Chargé de ce département, un professeur de droit connu pour ses idée
démocratiques, Mohammed Charfî, va traquer, sans merci, la diffusion du
fanatisme religieux. (Exp/2249/11)

Participe présent :

(22) Conçu pour des environnements très exigeants sur la couleur, le Fiery 200i de
chez EFI est un serveur PostScrip haute performance (...). (I&T/

Infinitif:

(23) La dotation comportait quatre canards gras à partager entre les gagnants de
chaque ligne. (Midi)

Pour discerner la fonction de contrôle, deux conditions doivent être remplies.Premièrement, l'a/v et le syntagme prépositionnel doivent former une unité syntactico-sémantique, et deuxièmement, la suppression de l'a/v doiventrendre impossible la présence du syntagme prépositionnel dans le syntagme nominal. Dans nos exemples ci-dessus, l'a/v et le syntagme prépositionnel sont bien reliés sémantiquement : intéressantes pour leurs caractéristiques agronomiques, connu pour ses idées démocratiques, très exigeantssur la couleur et à partager entre les gagnants de chaque ligne. Et la présence de l'a/v est indispensable : *plantes pour leurs caractéristiques agronomiques, *un professeur de droit pour ses idées démocratiques, *des environnements sur la couleur et * quatre canards gras entre les gagnants de chaque ligne. Nous avons donc affaire à la fonction de contrôle. En cas de cette fonction, le syntagme prépositionnel est ainsi subordonné à l'adjectif,

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au participe ou à l'infinitif et fait donc partie d'un syntagme adjectival,
participial ou infinitif dans le syntagme nominal.

2.4. La proposition relative.

Comme c'était le cas pour les participes passé et présent ainsi que pour l'infinitif, les trois fonctions s'appliquent aussi à la proposition relative. L'idée est que nous avons besoin d'isoler le syntagme prépositionnel pour revenir à la structuration interne du syntagme nominal que nous avons présentée dans l'introduction. Cette nouvelle analyse de la relative se justifie par une ressemblance structurelle entre les syntagmes nominaux incorporant une proposition relative et ceux incorporant les autres formes verbales :

(24a) les grands facteurs qui interviennent dans la transition démographique.
(Exp/2251/27)

(24b) les grands facteurs intervenant dans la transition démographique.

(24c) les grands facteurs intervenus dans la transition démographique.

(24d) les grands facteurs à intervenir dans la transition démographique.

Cette ressemblance semble indiquer que ces formes verbales ont toutes des fonctions semblables par rapport au syntagme prépositionnel. Comme nous le montrons ci-dessous, la proposition relative montre effectivement des caractéristiques analogues à celles des autres formes verbales mentionnées.

En examinant de plus près les trois exemples suivants :

(25) Ce sont des centaines d'articles qui vont tous séduire dans de grandes marques
: robes, ensembles, jupes, pulls (...). (Midi)

(26) (...) ce regard un peu pessimiste que vous portez sur le monde. (Exp/2252/49)

(27) Une passion qu 'il partage d'ailleurs avec le Saint. (Midi)

- ces syntagmes nominaux se divisent - selon notre structure de base définie
dans l'introduction - en les éléments suivants (nous omettons centaines de et
un peu pessimiste pour rendre la structure plus simple) :

(25a) des articles qui vont tous séduire dans de grandes marques
(dét.) (substantif) (forme verbale) (syntagme prépositionnel)

(26a) ce regard que vous portez sur le monde
(dét.) (substantif) (forme verbale) (syntagme prépositionnel)

(27a) une passion qu'il partage d'ailleurs avec le Saint
(dét.) (substantif) (forme verbale) (syntagme prépositionnel)

Lorsque nous analysons les relations entre les divers éléments, il s'avère vite
que le syntagme prépositionnel dans le dernier exemple ne peut être présent
dans le syntagme nominal sans la présence de la forme verbale : * une passion

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avec le Saint, ce qui n'est pas le cas pour les deux autres exemples : des articles dans de grandes marques et ce regard sur le monde. Nous pouvons donc constater que la proposition relative a la fonction de contrôle dans le dernier exemple.

La question est maintenant de savoir si c'est également possible de distinguer la fonction indépendante et la fonction d'enchaînement. La différence entre les deux, nous le répétons, étant de déterminer si la forme verbale et le syntagme prépositionnel forment une unité syntactico-sémantique ou pas. En isolant la forme verbale et le syntagme prépositionnel dans les deux exemples, nous obtenons : ¿qui vont vous séduire dans de grandes marques et ique vous portez sur le monde. Il nous semble qu'il existe une différence entre les deux exemples et qu'il y a une cohérence entre la forme verbale et le syntagme prépositionnel dans le dernier exemple qui n'existe pas dans le premier. En effet, si nous considérons qu'en cas de fonction indépendante, les deux éléments sont indépendants l'un de l'autre, cela revient à dire qu'un des deux éléments peut s'associer au substantif noyau sans problèmes si l'autre n'est pas présent, ce qui est vrai pour le premier exemple : des articles qui vont vous séduire et des articles dans de grandes marques. Par contre, en appliquant ce test à l'autre exemple : ice regard que vous portez et ce regard sur le monde, nous voyons que l'expression : substantif noyau + forme verbale semble inachevée (en disant ce regard que vous portez on se demande où?). Ceci correspond bien avec l'idée de la fonction d'enchaînement où la raison d'être de la forme verbale consiste justement dans le fait d'enchaîner le substantif et le syntagme prépositionnel, et si le syntagme prépositionnel n'est pas présent, la forme verbale perdra sa raison d'être. Nous pensons donc que dans l'exemple (25) la forme verbale assume la fonction indépendante et que dans l'exemple (26) elle assume la fonction d'enchaînement.

La conséquence de l'analyse proposée ici est donc que la proposition relative se divise en deux parties. Il serait intéressant de vérifier s'il s'agit véritablement de deux éléments indépendants, ce qui mettrait en question l'analyse traditionnelle, ou s'il s'agit plutôt d'une restructuration accidentelle déclenchée par cette structure particulière du syntagme nominal qui constitue notre point de départ.

2.5. Les trois fonctions : récapitulation.

Les tests qui mettent en évidence les trois fonctions possibles de l'adjectif ou
de la forme verbale dans un syntagme nominal se résument de la manière
suivante :

TEST 1: Isoler l'a/v et le syntagme prépositionnel du syntagme nominal et
constater s'ils forment alors une unité syntactico-sémantique :

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Dans la négative : l'a/v a la fonction indépendante.
Dans l'affirmative : passer au test 2.

TEST 2: Enlever l'a/v du syntagme nominal et vérifier si le syntagme
prépositionnel peut figurer seul après le substantif noyau :
Dans la négative : l'a/v a la fonction de contrôle.
Dans l'affirmative : l'a/v a la fonction d'enchaînement.

La distinction entre la fonction indépendante et la fonction d'enchaînement peut parfois s'avérer délicate dans la pratique, vu que l'existence d'une unité syntactico-sémantique ou non peut être difficile à établir. Le fait que l'a/v à fonction indépendante soit employé(e) pour des raisons purement sémantiques tandis que l'a/v à fonction d'enchaînement est employé(e) pour des raisons surtout syntaxiques peut cependant fournir une indication importante. En effet, la suppression d'un syntagme prépositionnel lié à un adjectif ou une forme verbale à fonction d'enchaînement rend le plus souvent la présence de l'a/v superflue ou le syntagme nominal imparfait : n'ayant aucune fonction sémantique et ayant perdu sa fonction syntaxique avec la disparition du syntagme prépositionnel, l'a/v n'a plus de raison d'être dans le syntagme nominal.

Dans la section suivante, nous allons précisément regarder de plus près les
emplois sémantiques et syntaxiques des trois fonctions.

2.6. L'emploi des trois fonctions.

En étudiant dans quelles situations on emploie respectivement la fonction indépendante, la fonction d'enchaînement et la fonction de contrôle, il s'avère que les deux dernières citées ont un usage plus complexe que la première. En effet, comme nous le verrons ci-dessous, les fonctions d'enchaînement et de contrôle sont utilisées aussi bien pour des raisons sémantiques que pour des raisons syntaxiques. La fonction indépendante, par contre, ne s'utilise que sémantiquement.

2.6.1. Les emplois sémantiques

Par «emploi sémantique» nous entendons que l'adjectif ou la forme verbale sont employés dans le syntagme nominal en raison de leurs caractéristiques sémantiques. Nous distinguons deux emplois principaux dont le premier est de loin le plus fréquent :

1) L'a/v ajoute un nouvel élément sémantique au syntagme nominal.
2) L'a/v explicite une signification déjà présente.

(ajoutons tout de suite que, de par sa nature, cette distinction ne se laisse pas
toujours faire de manière bien nette).

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Pour exemplifier l'emploi rf 1, prenons un syntagme nominal comme la fille. Si nous y ajoutons l'adjectif petite, nous avons apporté un nouvel élément sémantique au syntagme nominal puisque nous avançons à présent que la fille est petite. De même, nous pouvons ajouter un nouvel élément sémantique au syntagme un travail comme par exemple mal payé, et au lieu de parler tout simplement d'un travail, nous parlons maintenant d'un travail mal payé. Il est presque toujours question de cet emploi quand l'adjectif ou la forme verbale ont la fonction indépendante. Cet emploi est fréquent aussi dans la fonction de contrôle, tandis qu'il est plutôt absent dans la fonction d'enchaînement (cf. 2.2).

Dans l'emploi n" 2, l'élément sémantique ajouté au syntagme nominal n'est pas vraiment nouveau, étant donné que la signification de base est déjà présente. Il s'agit donc plutôt d'apporter une nouvelle nuance sémantique au syntagme nominal en explicitant la signification par une construction plus riche. Dans les exemples ci-dessous, de exprime déjà «venir de» tandis que les expressions lancé, conçu et distribué par explicitent la signification «venir de» : x vient de y parce que c'est y qui a lancé/conçu/distribué x. Nous verrons qu'au lieu d'employer la préposition abstraite de (comme dans (28)- on préfère, dans les exemples (31)- utiliser une construction plus riche de signification (participe passé + par) :

(28) Le TA24O EASyGraf de la société Gould est un enregistreur (...).
(I&T/

(29) Ce centre Nighthawk MPC de Cincinnati Milacron combine opérations de
tournage et de fraisage (...) en un seul montage. (I&T/

(30) Le Conquest 65 CNCdeHardinge, est un tour à banc (...). (I&T/

(31) La dernière électrovanne lancée par Concordia France se distingue par sa
faible consommation (...). (I&T/

(32) (...) IeINF-7, conçu par Newport, est un indicateur (...). (I&T/

(33) Le processeur de vision 150/40 monocarte distribué par ïmasys peut se
connecter aux PC/AT. (I&T/ 736/114)

Ce second emploi sémantique comprend également les quelques adjectifs et
formes verbales à fonction d'enchaînement qui ne sont pas dénués de tout
sens, comme par exemple :

(34) Les accords signés avec le Banco Central Hispano (...). (Exp/2251/4)

(35) 100 cabinets de câblage répartis dans le site. (I&T/

(36) Et que les divergences apparues entre l'élite du DEP et les ultras du PKK
laissaient entrevoir une voie différente. (Exp/2241/10)

Dans l'exemple (34), le syntagme sans forme verbale : les accords avec le
Banco Central Hispano exprime déjà que les accords sont passés avec le

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Banco Central Hispano. En ajoutant le participe signés, l'auteur apporte une nouvelle nuance sémantique au sens passés en écrivant de quelle manière les accords sont passés (ici donc par écrit). De même dans l'exemple (35) où le syntagme les cabinets dans le site exprime déjà que les cabinets sont situés dans le site. En ajoutant répartis, l'auteur ajoute de quelle manière les cabinets sont situés. Dans l'exemple (36), finalement, le syntagme les divergences entre l'élite du DEP et les ultras du PKK exprime déjà que des divergences existent entre le DEP et le PKK. Apparues ajoute que les divergences sont récentes.

2.6.2. Les emplois syntaxiques.

Par «emploi syntaxique» nous entendons que l'adjectif ou la forme verbale figurent dans le syntagme nominal en raison de leurs caractéristiques syntaxiques. Nous distinguons quatre emplois principaux dont les trois premiers concernent uniquement la fonction d'enchaînement et dont le dernier ne concerne que la fonction de contrôle :

1) L'a/v est employé(e) pour éviter la juxtaposition directe d'une préposi.
tion concrète au substantif noyau.

2) L'a/v est motivé(e) par la présence d'adverbes dans le syntagme nominal.
3) L'a/v explicite l'incidence du syntagme prépositionnel dans la phrase.

4) L'a/v permet une juxtaposition de mots qui, autrement, serait impossible.

La différence entre 1 et 4 est donc que l'a/v peut être supprimé dans 1 tandis
qu'il/elle est obligatoire dans 4 : une suppression produirait une construction
agrammaticale.

L'emploi n" 1 n'est plutôt qu'une variante stylistique d'une construction sans a/v. Nous voyons dans cet emploi l'expression des préférences que les Français semblent avoir à éviter l'emploi de prépositions concrètes dans les syntagmes nominaux. Qu'il s'agisse de préférences et non pas de règles fixes ressort d'une comparaison d'exemples parallèles, comme par exemple :

(37a) Un logiciel, exploitable sur PC, (...) est disponible en option. (I&T/

(37b) Ces logiciels sur PC s'adressent en priorité aux PME/PMI européennes.
(I&T/

(38a) Ce logiciel est disponible (...) sur PC fonctionnant sous SCO Unix.
(I&T/

(38b) Une solution de télémaintenance et de transfert de fichiers est déjà disponible
pour PC sous Windows. (I&T/

(39a) (...) un chef d'entreprise sur deux ne trouve rien à redire aux poursuites
engagées contre les PDG. (Exp/2255/11 )

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(39b) La Commission des infractions fiscales (...) émet un avis favorable à
l'engagement de poursuites contre le député des Bouches-du-Rhône.
(Exp/2239/35)

Dans l'emploi n" 2, l'adjectif ou la forme verbale sont intercalés entre le substantif noyau et le syntagme prépositionnel en raison de l'adjonction d'un adverbe au syntagme nominal. En effet, la structure du syntagme nominal n'admet en général pas d'adverbes sans la présence d'un élément verbal. Comparez les exemples a et b ci-dessous :

(40a) Elles [les famines] viennent d'un déséquilibre entre la demande et la production
de nourriture. (Exp/2227/34)

(40b) M. Martin Malvy appelle l'attention (...) sur le déséquilibre existant actuellement
entre différentes classes d'âges (...). (Midi)

(41a) Cela me donne du temps pour écrire. (Exp/2256/31 )

(41b) Des contrôles étendus on line (...) réduit le temps passé ultérieurement pour
les contrôles faits en batch. (I&T/

(42a) Ces otages (...) ont été arrêtés après l'attentat contre Philippe Henriat (...).
(Exp/2228/16)

(42b) (...) E.t.a. a revendiqué l'attentat à l'explosif commis mercredi dernier, contre
la résidence de l'ambassadeur d'Espagne à La Haye. (Midi)

Remarquez bien que l'adjonction d'un adverbe rend nécessaire une distinction entre la fonction de l'a/v par rapport au syntagme prépositionnel et sa fonction par rapport à l'adverbe. Ainsi, le fait que passé dans l'exemple (41b) ne puisse être enlevé du syntagme nominal, ne signifie en rien que passé a changé de fonction par rapport au syntagme prépositionnel : il est toujours question de la fonction d'enchaînement (cf. : Des contrôles étendus on Une (...) réduit le tempspour les contrôles faits en batch). Par contre, passé contrôle la présence d'ultérieurement dans le syntagme nominal (et on pourrait ainsi dire que passé a une fonction de contrôle par rapport à ultérieurement), cf. : *Des contrôles étendus on Une (...) réduit le temps ultérieurement pour les contrôles faits en batch. C'est donc uniquement à cause d'ultérieurement que passé ne peut être enlevé du syntagme nominal et non pas à cause du syntagme prépositionnel.

Dans l'emploi n° 3, l'adjectif ou la forme verbale sont utilisés pour indiquer à quoi un syntagme prépositionnel se rattache dans la phrase. Si l'adjectif ou la forme verbale sont supprimés, il devient moins évident à quoi le syntagme prépositionnel se rapporte. En insérant un adjectif ou une forme verbale, on évite donc des interprétations erronées de la phrase. Dans l'exemple cidessous,disponibles nous montre par exemple que sur puce se rapporte aussi bien à mémoire réinscriptible qu'à logiciel puisque disponibles est au pluriel. Si

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nous supprimions disponibles, un lecteur pourrait facilement être porté à
croire que sur puce ne se rapporte qu'à logiciel :

(43) L'augmentation des capacités de mémoire réinscriptible et la sophistication
du logiciel disponibles sur puce rendent possible la combinaison de plusieurs
fonctions sur la même carte. (I&T/

L'emploi syntaxique n° 4 concerne les cas où l'adjectif ou la forme verbale sont intercalés pour permettre au substantif noyau de se juxtaposer à des mots autrement exclus. Il s'agit notamment de la situation où l'on désire donner un sens d'action à un substantif qui n'est pas un substantif verbal et qui, par conséquent, ne peut être accompagné d'un complément d'agent directement. Au lieu de dire par exemple l'angle du cône - une expression entièrement statique - on peut rendre l'expression plus dynamique en ajoutant un élément verbal avec un complément d'agent : l'angle formé par le cône, cf. les exemples suivants :

(44) Le choix de l'angle formé par le cône du corps facilite le positionnement des
électrodes (...). (I&T/

(45) (...) chaque axe est découplé des efforts exercés par les deux autres.
(I&T/

(46) (...) ce progiciel a permis de minimiser les coûts générés par la non-qualité
des produits (...). (COT/201)

Comme on pourra le constater, cet emploi ressemble à l'emploi sémantique n° 2. En effet, il n'est guère possible, dans tous les cas, de faire une distinction nette entre les adjectifs et formes verbales n'ayant aucun contenu sémantique distinct, et ceux qui ne font qu'ajouter une nouvelle nuance sémantique au syntagme nominal. Nous pensons que la ligne de partage est floue mais qu'on peut parler d'adjectifs et de formes verbales plus ou moins dénués de sens. Quoi qu'il en soit, on ne peut guère nier que l'emploi de l'adjectif ou la forme verbale peuvent avoir des motifs syntaxiques à côté des motifs sémantiques. Nous pensons là notamment au fait que l'adjectif et la forme verbale rendent la présence d'un complément d'agent dans le syntagme nominal possible.

2.6.3. L'aspect temporel des formes verbales.

Il convient de noter que les formes verbales, qu'elles aient une fonction sémantique disß4tincte ou non, contiennent toujours une signification temporelle. Le participe passé indique ainsi toujours le passé, l'infinitif introduit par à marque le futur, le participe présent désigne le présent/est neutre et le temps de la proposition relative correspond à celui du verbe dans cette proposition. Nous entendons par là qu'un syntagme comme par exempieLes

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pieLesaccords SIGNÉS avec le Banco Central Hispano se laisse uniquement interpréter comme si les accords ont déjà été signés. De même, une phrase comme Ils sont divisés sur l'attitude À ADOPTER envers les islamistes signifie nécessairement qu'ils sont divisés sur l'attitude qu'ils devront adopter (et non pas l'attitude qu'ils adoptent déjà ou qu'ils ont adoptée dans le passé). Le participe présent est ambigu. Dans l'exemple un logiciel FONCTIONNANT sous Dos, fonctionnant peut, en tant que forme du présent, désigner aussi bien le présent : un logiciel qui fonctionne à présent sous Dos, qu'être neutre (c-à-d avoir une signification atemporelle) : ce logiciel fonctionne toujours sous Dos - sa conception le demande. Quant à la proposition relative, la signification temporelle est évidente : comme toute autre proposition finie, son temps correspond à celui du verbe.

3. L'influence des déterminants sur l'emploi des prépositions concrètes

Comme c'était le cas pour l'adjectif et la forme verbale, le déterminant aussi peut avoir une fonction indépendante ou une fonction de contrôle. Par contre, la fonction d'enchaînement n'existe pas pour les déterminants. Cela s'explique sans doute par le fait que le déterminant, contrairement à l'a/v, n'est pas un élément facultatif qui peut être ajouté ou supprimé à volonté. Sa présence ou son absence dépend d'autres facteurs, notamment de la valeur référentielle du syntagme nominal.

3.1. La fonction indépendante.

Conformément à ce qui était le cas pour les adjectifs et les formes verbales, la fonction indépendante signifie que le déterminant est employé indépendamment du syntagme prépositionnel. Il n'y a donc aucune relation entre le déterminant et le syntagme prépositionnel. Cette fonction est de loin la plus fréquente quand il s'agit des déterminants. Par exemple :

(47) Pourquoi encore ne pas avoir ficelé l'accord entre EDF et le CEA7..
(Exp/2226/15)

(48) Et votre action contre I'OAS?. (Exp/2230/44)

(49) L'interconnexion en trois dimensions de puces constitue une voie prometteuse
vers la miniaturisation électronique. (I&T/

(50) (...) si nous abordons l'avenir avec cette vision brutale sur le monde, je ne
miserai pas sur notre survie. (Exp/2256/47)

Pour mettre à l'évidence qu'il s'agit bien de la fonction indépendante, nous
pouvons soumettre les exemples à deux tests :

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Test 1 : Le déterminant peut être remplacé par un déterminant quelconque :

(47a) un/cet/plusieurs accord(s) entre EDF et le CEA
(48a) une/I'/cette/plusieursaction(s) contrel'OAS

(49a) la/cette/plusieurs voie(s) prometteuse(s) vers la miniaturisation électronique

(50a) une/la/plusieurs vision(s) brutale(s) sur le monde

Test 2 : Le noyau ne se laisse pas enlever :

(47b) *le entre EDF et le CEA
(48b) * votre contre I'OAS

(49b) *une (prometteuse) vers la miniaturisation électronique
(50b) * cette (brutale) sur le monde

3.2. La fonction de contrôle.

Quant à la fonction de contrôle, le syntagme prépositionnel dépend du choix
de déterminant. C'est-à-dire que le déterminant contrôle la présence du
syntagme prépositionnel dans le syntagme nominal. Il s'agit de cas comme :

(51) Un seul candidat par parti, telle devrait être la première évidence.
(Exp/2252/5)

(52) (...) vous versez un capital une fois pour toutes. (Exp/2224/43)

(53) (...) la complexité du système hydraulique a explosé : 125 références de
tubes contre 48, par exemple, sur la Renault Safrane. (I&T/

(54) Assistance technique, cession de savoir faire, pour tous pays sauf la France.
(COT/280)

(55) En fin de C.M.2, un élève sur dix seulement ne sait pas encore lire. (Midi)

Les mêmes tests que ceux mentionnés par rapport à la fonction indépendante, peuvent servir pour mettre en évidence la relation de dépendance entre le déterminant et le syntagme prépositionnel. En effet, en appliquant ces deux tests, on aura précisément les réponses inverses :

Test 1 : Le déterminant ne peut pas être remplacé par un déterminant quelconque

(51a) * lei cet mon candidat par parti
(52a) *lalcette!ma fois pour toutes

(53a) *lesl cesi mes références de tubes contre 48

(54a) *un/le/cepays sauf la France

(55a) *l'lcetlmon élève sur dix

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Test 2 : Le noyau se laisse enlever :

(51b) Un (seul) par parti
(52b) une pour toutes
(53b) 125 contre 48

(54b) tous sauf la France
(55b) un sur dix

L'emploi de la fonction de contrôle semble se limiter à quelques expressions
plus ou moins figées et très courantes comme le montrent les exemples cidessus.

On peut en effet noter que les déterminants dans la fonction de contrôle ne comptent que les pronoms indéfinis et les nombres cardinaux. Cela est probablement dû au fait que précisément ces groupes peuvent servir aussi bien de pronoms que de déterminants. En effet, ce sont leurs qualités pronominales qui, selon toute probabilité, leur permettent d'avoir des éléments subordonnés. Car les déterminants pures, c-à-d ceux qui n'agissent qu'en qualité de déterminants (comme ce, mon ou le) n'admettent aucun élément subordonné.

4. L'interaction des trois facteurs qui déterminent l'emploi des prépositions concrètes

Des trois facteurs qui déterminent l'emploi des prépositions concrètes, à
savoir la valeur sémantique du substantif noyau, l'a/v et le déterminant, un
seul peut être en cause dans un cas concret :

1) Lorsqu'il yaun déterminant ou un a/v à fonction de contrôle dans le
syntagme nominal, c'est celui-ci/celle-ci qui détermine l'emploi prépositionnel.

2) Dans tousles autres cas,8 c'est le substantif noyau qui détermine l'emploi
de la préposition concrète.

Quant au premier cas, il est exclu qu'un déterminant et un a/v puissent avoir la fonction de contrôle dans le même syntagme ou, en d'autres termes, que l'emploi prépositionnel soit déterminé par un déterminant et un a/v en même temps : nous n'avons pas trouvé de tels exemples et les tentatives d'en construire sont problématiques. Cela s'explique probablement par le fait que les déterminants à fonction de contrôle sont plutôt rares et n'existent que dans des expressions figées qui ne se laissent pas facilement manipuler. Si nous prenons l'exemple (51) mentionné plus haut :

(51) Un candidat par parti

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et tentons d'intercaler un participe passé comme nommé :

(51') Un candidat nommé par parti

nous constatons que nommé n'aura pas la fonction de contrôle, vu que * nommé par parti ne forme pas une unité syntactico-sémantique. En ajoutant au régime un déterminant comme par exemple le, nous sommes par contre capable de construire une unité syntactico-sémantique {nommépar le parti) :

(51") Un candidat nommé par le parti

Mais dans ce cas, le syntagme prépositionnel change totalement de statut - il fait maintenant fonction de complément d'agent - et le déterminant a perdu sa fonction de contrôle. En effet, le déterminant peut être remplacé par un déterminant quelconque et le noyau ne peut être enlevé :

~* le/ce/mon candidat nommé par le parti
-* *Un nommé par le parti

Bref, lorsqu'il y a un déterminant à fonction de contrôle dans le syntagme nominal, celui-ci l'emporte sur les autres facteurs susceptibles de déterminer l'emploi prépositionnel. S'il n'y en a pas, c'est l'a/v à fonction de contrôle qui détermine cet emploi. Le substantif noyau détermine uniquement l'emploi des prépositions concrètes lorsque les deux premiers facteurs font défaut. Il reste que le substantif noyau est de loin le facteur décisif le plus fréquent.

Conclusion

Avec cet article, nous avons voulu montrer qu'une analyse basée sur le mot auquel la préposition concrète est subordonnée constitue un instrument utile pour décrire l'emploi prépositionnel dans les syntagmes nominaux. Cette approche nous a fait entrevoir l'étroite cohérence existant entre la valeur sémantique du substantif noyau et l'emploi des prépositions concrètes. L'approche adoptée nous a également permis d'introduire des notions de fonction nouvelles aptes à donner une description bien précise des relations qui existent entre l'a/v et le déterminant d'un côté et le syntagme prépositionnel de l'autre.

Il va sans dire que beaucoup d'aspects pourraient être soumis à des analysesbeaucoup plus poussées. Ainsi, des questions telles que l'emploi des adverbes dans le syntagme nominal et leurs relations avec les a/v ainsi que la signification temporelle des formes verbales mériteraient d'être étudiées de plus près. Une première tâche à accomplir pour aller plus loin serait, selon nous, de mieux définir la notion d'unité syntactico-sémantique afin de permettre une distinction plus nette entre la fonction indépendante et la

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fonction d'enchaînement : tandis que cette distinction semble assez claire pour les adjectifs, les participes et l'infinitif, l'analyse des propositions relativesreste moins nette. Cela s'explique sans doute par le fait que la proposition relative renferme plusieurs éléments susceptibles de déterminer l'emploi des prépositions, ce qui peut prêter à confusion. En effet, le syntagme prépositionnelpeut se lier non seulement au pronom relatif (qui justement reprend le substantif noyau dans la relative) mais aussi à d'autres éléments (comme par exemple des adjectifs).

Toujours est-il que notre résultat essentiel consiste dans l'apport de nouveaux éléments susceptibles de nous donner une meilleure compréhension de la structure interne du syntagme nominal. En effet, la mise en évidence des différentes relations entre le syntagme prépositionnel et les autres éléments du syntagme nominal semble ouvrir des perspectives bien intéressantes pour une description plus poussée des relations internes dans les syntagmes nominaux.

Mette Holmsgaard Larsen

Ecole des Hautes Etudes Commerciales d'Ârhus



Notes

1. Je tiens à remercier Henning Nelke quimaim'a encouragée et conseillée dans l'élaboration de cet article. Je tiens également à remercier Hanne Korzen et Michael Herslund pour leurs commentaires apportés à une version antérieure.

2. Voir par exemple : Togeby (1965), Pedersen et al. (1987), Grevisse (1986), Riegel et al. (1994), Cadiot (1990), Fradin (1988), Berthonneau (1993), Anscombre (1993), Vandeloise (1993).

3. L'expression «préposition concrète» est empruntée à Togeby qui distinguées prépositions abstraites (de, à et en) des prépositions concrètes (toutes les autres), cf. Togeby (1985, p. 37), une distinction inspirée de Spang-Hanssen (1963), qui introduit la notion de «prépositions incolores» regroupant de, à et en.

4. Exception faite de Stage qui, dans son article, se propose d'étudier le rôle du syntagme prépositionnel dans les syntagmes nominaux quoique cet article ne se base pas particulièrement sur les prépositions concrètes, cf. Stage (1994).

5. L'idée que la valeur sémantique des substantifs peut être décisive pour l'emploi des prépositions n'est pas nouvelle. Ainsi, il est déjà généralement admis que sur se met après les substantifs désignant l'expression de la pensée pour marquer le thème ou le propos. (Voir par exemple Ebbe Spang-Hanssen (1963, p. 43).)

6. Pour indiquer la source de nos exemples, nous avons recours aux abréviations suivantes : Exp/2226/7 -» L'Express international, n° 2226, p. 7. I&T/ -? Industries et Techniques, n° 736, p. 37. Midi -> La Dépêche du Midi (corpus électronique). COT/94 -> Catalogue d'Opportunités Technologiques, p. 94. Pour des informations supplémentaires, consulter les «textes cités» dans la bibliographie.

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6. Pour indiquer la source de nos exemples, nous avons recours aux abréviations suivantes : Exp/2226/7 -» L'Express international, n° 2226, p. 7. I&T/ -? Industries et Techniques, n° 736, p. 37. Midi -> La Dépêche du Midi (corpus électronique). COT/94 -> Catalogue d'Opportunités Technologiques, p. 94. Pour des informations supplémentaires, consulter les «textes cités» dans la bibliographie.

7. Il est à remarquer que les régimes n'ont le plus souvent pas de déterminant, ce qui tend à souligner la cohésion étroite entre la préposition et son régime.

8. Que l'a/v à fonction d'enchaînement puisse être enlevé du syntagme nominal montre que seul le substantif détermine l'emploi de la préposition concrète dans cette fonction aussi. L'adjectif ou la forme verbale peuvent être ajoutés et supprimés à volonté mais doivent toujours se conformer à la préposition concrète que le substantif a choisie.

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Résumé

Dans le présent article nous nous proposons d'étudier l'emploi des prépositions concrètes dans les syntagmes nominaux en français. Notre analyse est basée sur le mot auquel la préposition est subordonnée, donc sur le mot qui conditionne la présence du syntagme prépositionnel dans le syntagme nominal. Cette approche nous permet de discerner trois facteurs susceptibles de déterminer l'emploi prépositionnel : la valeur sémantique du substantif noyau, un adjectif ou une forme verbale (a/v) et le déterminant. Ces trois facteurs ne se combinent pas : un seul des facteurs détermine donc l'emploi de la préposition concrète. L'analyse proposée ici donne une description bien précise des relations qui existent entre le syntagme prépositionnel d'un côté et le déterminant, l'a/v et le substantif noyau de l'autre.

Bibliographie

Anscombre, Jean-Claude (1993): «Sur/sous : de la localisation spatiale à la localisation
temporelle», in: A-M. Berthonneau et P. Cadiot (éds.): Les prépositions :
méthodes d'analyse. Presses Universitaires de Lille.

Berthonneau, Anne-Marie (1993): «Avant/après. De l'espace au temps», in: A-M.
Berthonneau et P. Cadiot (éds.): Les prépositions : méthodes d'analyse. Presses
Universitaires de Lille.

Cadiot, Pierre (1990): «La préposition AVEC : grammaire et représentation», Le
Français Moderne 3/4. (p. 152-173).

Fradin, Bernard (1988): «A propos de la lecture finale de pour», in: Actes du XIIF
Congrès International de Linguistique et Philologie Romanes.

Grevisse, Maurice (1986): Le bon usage. Editions Duculot, Belgique.

Larsen, Mette Holmsgaard (1995): Brugen af tunge prœpositioner i substantivsyntagmer.
Handelshojskolen i Ârhus, mémoire non-publié.

Pedersen, John, Ebbe Spang-Hanssen & Cari Vikner (1987): Fransk grammatik.
Akademisk Forlag, Copenhague.

Riegel, Martin, Jean-Christophe Pellat & René Rioul (1994): Grammaire méthodique
du français. Presses Universitaires de France, Paris.

Spang-Hanssen, Ebbe (1963): Les prépositions incolores du français moderne. Gads
Forlag, Copenhague.

Stage, Lilian (1994): «LA VALENCE DES NOMS EN FRANÇAIS. Etude sur le rôle du syntagme
prépositionnel dans les syntagmes nominaux complexes», in: M. Herslund
(éd.): Noun Phrase structures (93-131). Samfundslitteratur.

Togeby, Knud (1965): Fransk grammatik. Gyldendal, Copenhague.

Togeby, Knud (1985): Grammaire française, Volume IV : Les mots invariables.
Akademisk Forlag, Copenhague.

Vandeloise, Claude (1993): «Les analyses de la préposition dans : faits linguistiques
et effets méthodologiques», in: A-M. Berthonneau et P. Cadiot (éds.): Les prépositions
: méthodes d'analyse. Presses Universitaires de Lille.

Textes cités

L'Express international.

La Dépêche du Midi (corpus composé des exemplaires datés du 29 octobre, des
28/29/30 novembre et des 3/4/5/9/20 décembre 1989).

Industries et Techniques.

Conseil Régional Nord-Pas de Calais (1987) : Catalogue d'opportunité technologiques
1987-1988. Conseil Régional Nord-Pas de Calais, Lille.