Revue Romane, Bind 31 (1996) 2

L'expression du temps et la variation linguistique*

par

Dulcie M. Engel

1. Introduction

La question de la variation linguistique intrigue les linguistes, et surtout les sociolinguistes, depuis longtemps. La plupart des travaux dans ce domaine se concentrent sur la langue parlée et emploient des moyens statistiques pour établir la fréquence des facteurs variables, et pour les classer. Il est possible d'adapter cette approche variationniste à l'étude des textes écrits (p. ex. Martin & Muller 1964; Romaine 1982; Engel 1990). L'étude statistique nous fournit des données importantes sur les contextes linguistiques et/ou sociaux qui provoquent la variation; néanmoins il existe des points faibles. Tout d'abord, il faut tenir compte des problèmes scientifiques : les moyens employés pour obtenir le corpus, l'exactitude des données (Durand 1993, p. 280). Deuxièmement, on constate qu'il y a des causes de variation très difficiles à quantifier : par exemple, la statistique ne révèle pas souvent les effets stylistiques (Engel 1990, pp. 35,117). Finalement, du point de vue théorique, on peut mettre en question la validité d'une approche variationniste dans une théorie linguistique qui essaie d'établir les éléments universels de la langue (Durand 1990, p. 3; 1993, p. 279-281; Smith 1989, p. 184-185).

Bien sûr, on ne nie pas l'existence de la variation linguistique, qui est
d'ailleurs le sujet de cette communication.

Le choix de la langue écrite vient de nos recherches sur les temps du passé, et c'est dans ce domaine du système verbal que l'on trouve une situation particulière : 'le surnombre des temps du passé' (Kleiber 1993, p. 137) et des contrastes entre l'emploi à l'écrit et à l'oral. Bref, il existe des temps du passé qui ne figurent pas en général à l'oral (le passé simple (PS) et le passé antérieur (PA)); et il existe des temps du passé qui figurent très rarement à l'écrit (les surcomposés : il s'agit ici de formes qui sont aussi assez rares à l'oral. Voir Carruthers (1992, 1993, 1994) et Engel (1996)).

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Au lieu de nous concentrer sur les contrastes dans l'ensemble d'un texte, nous allons considérer de façon plus générale les mélanges dans la même phrase, ou dans des phrases contigués. Ces mélanges 'de proximité' nous montrent une sorte de variation linguistique dans un co-texte partagé, et je voudrais considérer ces combinaisons comme des reflets sur le système verbal. Nous allons examiner le rôle du contexte, le concept du changement en cours, et la théorie de la grammaticalisation, dans le but de formuler des explications de la situation actuelle dans le système verbal français.

2. Les mélanges

Les combinaisons 'classiques' de temps sont bien documentées dans les livres de grammaire et dans les études qui s'intéressent à l'interface entre les verbes et les adverbes, et aux phrases complexes (par exemple Klum 1961, Olsson 1971, Marcoux 1972, Chétrit 1976, Rohrer 1986). Ce qui nous intéresse ici, ce sont les mélanges non-classiques, l'occurrence de deux temps verbaux différents, qui ne sont pas codifiés dans les livres de grammaire. Je vais parler des mélanges du PS et du passé composé (PC); du plus-que-parfait (PQP) et du présent (Pr.); du futur (F) ou du futur antérieur (FA) et des temps du passé.

Le cas qui a provoqué le plus d'intérêt est celui du PC et du PS, où l'évolution
du système verbal a créé un chevauchement sémantique des deux formes.

2.1 PS et PC.

Exemples 1) Pour raconter dans 'la Nuit du sérail' l'étonnante existence de la cousine de Joséphine de Beauharnais, Aimée Dubuc de Riverie, qui fut enlevée par des pirates et devint l'esclave du bey d'Alger qui en fit cadeau au sultan de Consiantinople, lequel ¡a prit pour principale épouse, le prince Michel de Grèce a beaucoup voyagé. (France-Soir, 23. 10. 82, cité par Engel 1990. p. 12) 2) Quant à Bernard Secly, entraîneur du second, Oristano, qui n'échoua que d'un nez, il précisa : «II a mieux sauté que précédemment. .. il a des possibilités et illa prouve aujourd'hui» (Paris-Turf, 5. 1. 84, cité par Engel 1990 : 94-95)

3a) A peine la fillette fut-e\\e en âge de concevoir qu'elle a été engrossée et que
l'enfant fut vendu à son tour. (Le Matin, 5. 1. 84, cité par Engel 1990, p. 63)

3b) cequi/uf conçu a l'origine [Pans Match, 13. 1. 84, cité par Engel 1990, p. 63)

3c) furent les fondateurs d'un fast-food (Libération, 5. 1. 84, cité par Engel 1990,
p. 83).

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La fréquence des mélanges du PS et du PC dans les textes journalistiques a déjà été constatée (Engel 1985, 1990), fait confirmé par plusieurs chercheurs dans les domaines de la langue journalistique et de la langue littéraire (voir Cohen 1956, p. 49, 56; Stavinohovà 1969, pp. 195, 198-199; Galet 1977, p. 619; Fleischman 1990; Jaubert 1993, p. 195-200, Krassin 1994, p. 58-64). Cohen (1956, p. 49) nomme ce phénomène 'une sorte de malaxage intime', et il est important de noter, premièrement, que ces mélanges se trouvent souvent dans la même phrase (exemples 1, 3a); et, deuxièmement, que ces mélanges ne sont pas arbitraires : il existe des facteurs linguistiques qui influencent dans le choix soit du PS soit du PC. Il faut aussi tenir compte du fait que le PC n'a pas remplacé le PS dans la langue parlée : il exprime les faits passés dans une autre perspective, comme il l'a toujours fait, à l'écrit comme à l'oral (Dietrich 1988, p. 175. Voir aussi Bybee 1985, p. 11-12, Posner 1994, p. 80-81).

Au moyen d'une approche quantitative, il est possible d'établir une hiérarchie des facteurs influant sur ce choix (voir Engel 1990, p. 106-113). A partir de ces résultats, on arrive à une série de règles, dont certaines sont obligatoires et d'autres variables. Une règle obligatoire serait le fait qu'il faut marquer l'antériorité par rapport au présent par le PC et non le PS (exemple 1) : le PS correspond ici à un 'punctual past', et le PC à un 'présent perfect' en anglais. Une règle variable serait la tendance d'employer le PS dans le récit, et le PC dans le discours (exemple 2). En effet, il s'agit ici d'un contraste aspectuel. L'exemple 3a) nous montre un contraste phonologique : l'allitération du premier PS, l'assonance du PC et du deuxième PS; dans 3b) nous avons l'assonance du PS, et dans 3c) l'allitération du PS : des exemples qui montrent que les effets phonologiques peuvent jouer un rôle dans la langue écrite. Bien sûr, dans 3a), l'inversion après 'A peine' serait moins 'élégante' avec le PC (voir Engel 1986). Ces exemples nous montrent aussi l'emploi fréquent de la forme fut : dans ce corpus il y avait 55 occurrences de être au PS, et seulement 17 au PC (Engel 1990, p. 127. Voir aussi Engel 1989). Gledhill (1995) trouve 250 occurrences de fut, et seulement 53 de eut dans son corpus d'un million de mots du Monde de 1994.

Un système existe pour codifier les combinaisons classiques; il est possible aussi d'établir un système pour expliquer les mélanges non-classiques tels que le PS et le PC : un système plus compliqué peut-être; mais un système quand même. Au-delà des idiolectes, la variation n'est pas arbitraire : «II y a ... indubitablement un système de correspondance structurale et sémantique qui constitue certains champs de force hors desquels le sujet parlant ne pourrait s'orienter sans peine de tomber dans l'absurdité» (Klum, 1961, p. 95-96).

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2.2 PQP et Pr.

Exemples 4) Denise dépose son bébé dans l'église St. Laurent parce que le père l'avait abandonné, (en manchette, Humanité, 19. 12. 60, cité par Lebek (1965, p. 142-143) 5) Récemment, la commission de Bruxelles avait pris position en faveur d'une aide économique, financière et technique au gouvernement de Lisbonne, maintenant elle se demande : quel gouvernement? {Midi Libre, 19. 6. 75, cité par Arnavielle 1978, p. 617) 6) Evidemment, ça change tous les jours. Début novembre on avait atteint les trois millions deux cents exemplaires. Un chiffre astronomique, celui de la diffusion, rien qu'en France, du livre de Betty Mahmoody Jamais sans ma fille. {Le Point, 24. 12. 92, cité par Engel 1994, p. 241)

II ne s'agit pas ici d'une dichotomie telle que celle entre le PS et le PC, mais du développement d'une fonction additionnelle qui permet les combinaisons inattendues entre un 'passé du passé'1 et le présent. L'emploi du PQP comme passé non antérieur a été noté par Lebek (1965), Arnavielle (1978), Majumdar et Morris (1980), Vetters (1993), Judge (1995) et Engel (1994).2

Rohrer (1982) contraste la fonction du PQP avec celle du PA. Il croit que le PA n'est pas une forme antérieure, mais une forme qui marque un événement postérieur au point de référence. Selon Rohrer, seul le PQP a la possibilité de nous renvoyer plus loin dans le passé. Le PQP, qui a pour base morphologique l'imparfait (I) partage avec celui-ci la liberté d'exprimer soit les événements antérieurs (le passé du passé), soit les événements postérieurs au dernier point référentiel (1982, p. 328). Et cette flexibilité explique l'étendue de la gamme du PQP comparée à celle du PA. Voici ses exemples pour les deux emplois :

emploi postérieur

7a) Jean partit à midi. Deux heures plus tard il avait déjà marché plus de 14
kilomètres.*

emploi antérieur

7b) 'Jean partit à midi. Deux heures avant il avait reçu l'ordre de son chef d'aller
à Metz'(l9B2, p. 325).

Si nous revenons aux exemples tirés des journaux, nous constatons la juxtaposition du PQP et du présent, et un emploi contrastif des deux formes. Le PQP évite l'ambiguïté du PC pour signaler la différence entre l'état présent et un état passé, que celui-ci soit situé dans un passé assez lointain, dans un passé récent (exemples 5 et 6), ou à une époque non-déterminée (exemple

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4). L'exemple 6 a fait partie des textes journalistiques jugés par des francophones pour soutenir la classification proposée (Engel 1994) entre l'emploi antérieur/non-antérieur du PQP. Nous avons demandé à quatorze locuteurs francophones s'il était possible de remplacer le PQP dans le texte sans changement de sens, et quel temps pouvait le remplacer. Cet exemple, classé comme emploi non-antérieur par l'auteur, a été considéré de même par les sujets, selon leurs réponses : 42,9% ont dit que le PQP pourrait être remplacé ici par I; 21,4% par le PS, et 21,4% par le PC : soit plus de 85% ont choisi un passé non-antérieur. Bien sûr, ces résultats seuls n'ont pas d'importance statistique, mais ils renforcent les études descriptives qui suggèrent une fonction non-antérieure pour le PQP : par suite, il peut figurer dans les mêmes phrases que le présent, pour y exprimer une relation d'antériorité, tout comme les autres passés non-antérieurs.

2.3 F/FA et le passé.

Exemples 8) Non seulement le jeu est moins cher, mais il rassemble : TFI fut la première à tenter l'aventure; le service public suivra? (Le Nouvel Observateur, 21-27. 4. 94) 9) Ce sens des réalités, Richard von Weizsâcker en fit souvent preuve dans sa vie politique. Il aura été le premier maire de Berlin à franchir le Mur pour rencontrer Erich Honecker, chef de parti et chef d'Etat de l'«autre» Allemagne (L'Express, 16. 3. 84, cité par Steinmeyer 1987, p. 119). 10) II aura eu un destin, plutôt qu'une carrière. Ses silences et ses traversées du désert auront autant façonné sa légende que son action au pouvoir. Pourtant, avant d'être le symbole d'une gauche lucide mais sans illusion, il avait été un combattant optimiste et résolu... Entré au second gouvernement de Léon Blum, en 1938, il y introduisit h lucidité... il allait se cantonner à une opposition ferme et catégorique à la Ve République. Jusqu'au 10 mai 1981, dont François Mitterrand avouera qu'il fut l'inspirateur. (Paris Match, 29. 10. 82, cité par Engel 1990, p. 11)

L'emploi du passé simple suivi d'un futur serait, selon Weinrich (1971, p. 190ss) une métaphore temporelle, parce qu'en général, le contexte est historique et le futur marque un événement postérieur à un point situé dans le passé par rapport au moment de renonciation. Cependant, selon Rohrer (1986, p. 94-95), cette interprétation métaphorique de la combinaison temps passé + futur, qui marche assez bien pour les exemples littéraires, ne peut être généralisée. Il donne l'exemple suivant :

11) Ce soir je te montrerai l'homme qui avait oublié son passeport (1986, p. 94).

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Selon Rohrer, si cette phrase fait partie d'un texte plus long, on finira par
trouver un point référentiel pour permettre l'interprétation littérale de ce
PQP qui suit un futur.

Selon Sundell ( 1991, p. 90), le repérage d'un présent (soit historique, soit actuel) est une condition nécessaire à la compréhension d'un futur historique. Il est vrai que, dans plusieurs textes historiques, on trouve le présent historique aussi bien que le futur historique à côté du PS pour marquer la suite des événements, mais qu'en est-il des exemples journalistiques?

Dans l'exemple 8, le F est dans la même phrase que le PS, mais le point référentiel est le Pr. qui précède le deux-points. Le PS sert à marquer la position unique d'avoir été le premier service à diffuser un type particulier de jeu télévisé : l'interrogation au F indique la spéculation.

Steinmeyer (1987, p. 119) note les emplois du FA reconnus par les grammairiens : une action qui sera accomplie, ou un fait passé comme conjectural (le sens modal), mais il continue : «il n'est tenu compte qu'insuffisamment du futur antérieur comme équivalent du passé composé, bien qu'il s'agisse d'un emploi de plus en plus fréquent dans la presse» (1987, p. 119).

Pour lui, la référence au passé dans l'exemple 9 est très claire, et l'interprétation modale est exclue par le contexte (le fait que R. von Weizsàcker a été le premier maire de Berlin à avoir une entrevue avec E. Honecker est certain) : il ne reste que l'interprétation FA 'équivalent du PC. Il conclut que le FA remplit ici la fonction perfective perdue en partie par le PC qui a tendance à remplacer le PS (1987, p. 127). Encore une fois, la dichotomie PS/PC semble fondamentale dans l'explication des changements dans le système verbal. En plus, comme le note Lebek (1965, p. 139) :

de même qu'un présent peut remplacer le futur prochain, de même un passé
composé, par son sens tout proche du présent, est capable, dans certains
contextes, de jouer le rôle du futur antérieur.

Voici son exemple :

12) Si vous n'avez pas évacué les lieux le 15 septembre, tant pis pour vous.
{Humanité, 6. 9. 1963)

L'exemple 10 contient le FA dans sa fonction perfective : bien qu'il s'agisse ici d'une opinion de l'importance d'un homme politique (P. Mendès-France), le texte renforce cette opinion par des faits (racontés au PQP, au PS et à l'I) : le sens modal est alors atténué. Plus loin, on trouve le F historique dans la même phrase qu'un PS. II est clair que le fait raconté au PS est antérieur à celui au F, mais contrairement aux propos de Sundell (op. cit. ), il n'y a pas

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de Pr. dans le texte pour favoriser cette interprétation, qui reste néanmoins
évidente.

Il faut aussi faire mention de la concurrence entre la forme simple et la forme périphrastique du futur : et on peut faire encore une fois un parallèle avec la dichotomie PS/PC (voir Fleischman 1983). Selon Meillet (1921a, p. 1446) : «Le futur n'est pas une forme nécessaire; mais dans les langues où il existe, il se refait constamment.»

3. Le contexte

Les mélanges verbaux sont des manifestations des besoins textuels; comme chaque temps a ses propres nuances, l'emploi de combinaisons particulières crée un effet spécifique : on pense par exemple au récit au PC de L'Etranger de Camus (voir Sartre 1943); aux Exercices de style de Queneau (1947 : textes à l'imparfait, au PS, au PC); aux contrastes de temps dans les textes journalistiques (p. ex. Monville-Burston et Waugh 1985, Engel 1990), et dans les textes littéraires (p. ex. Stavinohovà 1969, Jaubert 1993). Mais de l'observation de textes spécifiques il faut arriver à une approche théorique des temps verbaux dans les textes : on pense surtout au travail de Kamp et de Rohrer (1983).4 Pour ces deux chercheurs (1983, p. 253), le choix de la forme temporelle dépend de la fonction de la phrase qui la contient dans le texte : les facteurs qui déterminent l'emploi, par exemple de l'imparfait et du PS, ne peuvent être exprimés qu'au niveau de la représentation discursive. Pour formuler les règles de cette représentation, il faut désigner un événement ou un temps particulier comme point de référence à chaque étape de la formulation. Ce point de référence change avec la suite des événements, et c'est ceci qui différencie la formulation de Kamp et de Rohrer de celle de Reichenbach (1947, p. 289-290) : les premiers prennent en considération tout le discours qui précède chaque forme verbale pour établir les facteurs contextuels (Rohrer 1986, p. 95). Comme nous l'avons vu plus haut (2. 2), Rohrer (1982) a appliqué cette sorte d'analyse pour contraster la fonction du PQP et celle du PA.

Vetters (1993, p. 108) souligne aussi que «le choix de la stratégie temporelle se fait au niveau textuel». Il faut également tenir compte de la fréquence des phénomènes syntaxiques selon le code (écrit ou parlé) : comme le conclut Blanche-Benveniste (1995, p. 28) : «Si les constructions participiales sont si rares dans les productions de langue parlée et si fréquentes dans les productions écrites, c'est en raison d'une organisation différente de l'information dans les énoncés.»

Néanmoins, comme nous le savons bien, l'emploi dans le texte n'est pas le
seul critère' : Molendijk (1993) souligne l'importance de la sémantique
temporelle, et surtout des notions de présupposition et d'implication discur-

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sives. Kleiber (1993) fait référence aux adverbes temporels (voir Klum 1961 ), ce qui renvoie à la théorie déictique du temps (voir Kleiber 1993, Swiatowska 1988). Il existe aussi des facteurs phonologiques, stylistiques, typologiques, génériques et morphologiques dans le choix des temps (voir Engel 1990).

Il est clair que le contexte immédiat de la forme verbale a de l'importance;
mais on peut voir dans les mélanges verbaux la manifestation d'un phénomène
plus général : celui du changement linguistique en cours.

4. Les changements en cours

Peut-on expliquer ces tendances verbales dans le cadre du 'changement en cours' (d'après Ashby 1981, 1991)? L'idée du changement, de l'évolution linguistique n'est pas nouvelle.6 Une analyse traditionnelle se trouve dans les articles de Meillet (1921 a, b) sur l'évolution des formes grammaticales et la disparition du prétérit par exemple (voir aussi Benveniste 1968); la sociolinguistique moderne emploie l'approche labovienne pour analyser les manifestations de la variation linguistique, souvent considérées comme les changements en cours : des indications sur l'évolution future de la langue; ou bien des explications d'un état passé de la langue; ou bien les deux avec la notion de changement cyclique. Je voudrais parler ici plus particulièrement de quelques critiques.7

Tout d'abord, les changements appartiennent plutôt à la grammaire périphérique (Posner 1994, p. 76) : ce que Blanche-Benveniste et Jeanjean (1987, p. 31) décrivent comme : 'des «écarts» par rapport à la norme'. Posner ( 1994, p. 80-81) prend l'exemple de la 'perte' du PS dans la langue parlée (voir aussi Van Vliet 1983, Engel 1985 à ce sujet) : selon Posner, on ne peut pas savoir quand le PS a été perdu puisqu'il ne nous reste que des documents écrits, et c'est précisément à l'écrit que le PS a été maintenu jusqu'à nos jours. Il est possible bien sûr de supputer une mutation dans l'étendue et la fréquence de son emploi, mais comment peul-on savoir si le PS a toujours été limité dans ses contextes ou non?

Deuxièmement, il y a une concentration sur la langue parlée, où des formes normatives et des formes stigmatisées ont toujours coexisté : cette coexistence n'indique pas forcément le changement (Blanche-Benveniste et Jeanjean 1987, p. 37).

Troisièmement, on emploie souvent des images biologiques ou mécanistes pour expliquer le changement (Greive 1984, p. 65; Posner 1994, p. 92), et il y a trop de spéculations sans base scientifique. Greive (1984, p. 65) parle : d'une 'futurologie spéculative'; selon Blanche-Benveniste et Jeanjean : «il est bien diffìcile de jouer au prophète, et de prédire que cette coexistence va cesser, au profit d'une seule forme triomphante» ( 1987, p. 37).

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Finalement, du point de vue de la grammaire chomskienne, l'étude de la
variation n'est pas le but de la linguistique, qui est la découverte des principes
et des paramètres universels (Durand, 1990, p. 3-4).

Etant donné ces critiques, l'approche variationniste peut-elle contribuer à
une explication de phénomènes comme les mélanges des temps verbaux?

Cette approche n'est pas tout à fait satisfaisante pour l'analyse de la variation temporelle écrite : elle se fonde trop sur la langue parlée et les facteurs sociologiques qui influent sur l'oral; en plus, l'approche variationniste est par excellence une approche quantitative : elle peut déceler la fréquence de certaines formes dans certains contextes linguistiques et/ou sociaux; mais elle ne peut pas expliquer par exemple l'effet d'une accumulation de PS dans un texte, ou l'alternance entre le PS et le PC quand il y a un changement de point de vue. Bien sûr, les relations entre le changement et la variation linguistiques sont très étroites : tout changement linguistique a pour origine la variation linguistique (Lodge 1994, p. 39), mais il faut éviter la spéculation, et employer la sociolinguistique pour arriver à une explication plus complète des phénomènes linguistiques (Weinreich et al 1968, p. 158-159) et pour déceler les facteurs qui contribuent à la variation de façon systématique, en tenant compte des contraintes et des impulsions linguistiques et sociales (Weinreich et al 1968, p. 186). Une théorie du changement linguistique ne répond pas à tous les besoins dans l'analyse des mélanges verbaux.

5. La grammaticalisation

La grammaticalisation est un concept lié assez étroitement à celui du changement linguistique, mais qui se concentre sur le processus morpho-syntaxique des mutations, plutôt que sur l'élaboration d'une vue d'ensemble diachronique ou sociolinguistique du changement linguistique.

Selon Heine étal (1991, p. 2-4), quand un élément lexical assume un sens grammatical, la grammaticalisation a eu lieu. Dans le domaine du temps grammatical, Comrie (1985, p. 9) la définit comme la localisation grammaticalisée dans le temps (chronologique).

Fleischman (1983) examine les temps passés et futurs romans dits complexes', pour le français, le PC et le futur périphrastique. Elle voit un rapport très clair entre le développement des formes composées des temps passés et futurs, et le déclin des formes simples. Elle postule que la disparition du PS dans le français parlé sera suivie de la disparition du futur simple dans le code parlé des langues romanes (1983, p. 203). Selon Fleischman, ce processus est lié aux origines pragmatiques et discursives des formes grammaticales (1983, p. 203-204).8

Bybee (1985, p. 4) souligne que le processus de grammaticalisation crée la
synonymie (partielle) entre certains membres d'un ensemble puisque la

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grammaticalisation provoque une convergence partielle du sens; on voit ce phénomène dans le cas du PS et du PC en français, et les changements dans le rôle du PQP. Les temps du passé ont pour origine les formes antérieures : l'extension de l'antérieur dépend de l'existence d'autres morphèmes grammaticaux pour exprimer les fonctions du temps passé : pour le français, une forme perfective (PC) en a (partiellement) remplacé une autre (PS), et le contraste avec l'imparfait demeure toujours (Bybee 1990, p. 11; Bybee et Dahl 1989, p. 74).

Bien sûr, la grammaticalisation fournit des explications du changement de façon assez claire; elle relève des tendances universelles : en quelque sorte, elle réunit les préoccupations universalistes de la linguistique chomskienne et les intérêts évolutionnistes de la linguistique variationniste. Cependant, en ce qui concerne les temps grammaticaux, elle se concentre sur l'expression morphologique des sémantèmes de base; ce qui nous mène à la question fondamentale du sens et de la fonction, du système et de la forme.

6. Sens et Fonction

11 reste à traiter la question du lien entre le sens et la fonction : l'attribution d'un sens fondamental à une forme verbale n'exclut pas son emploi dans un sens plus large/ plus étroit/ différent9 : nous avons déjà fait référence à la notion de la métaphore temporelle (Weinrich 1971) : Judge (1995) va plus loin en notant que les changements de style (c'est-à-dire, la flexibilité dans l'emploi des temps, qui devient de plus en plus fréquente) peuvent avoir une incidence sur le système verbal : Judge maintient que les deux systèmes de Benveniste ( 1959) se sont fusionnés pour former 'un système monolithique' (et en plus, pour Judge, il y a un quatrième système où le présent narratif sert comme temps 'passe-partout'). Est-ce que nous faisons face à un nouveau système influencé par l'emploi textuel; ou faut-il faire la distinction entre un système aux formes à sens de base, et les fonctions textuelles?

Bien qu'ils puissent satisfaire la vue et l'esprit des structuralistes et autres, les systèmes nets et symétriques où chaque forme occupe sa place, séparée de son emploi dans le monde réel, ont peu de force explicative outre celle d'une présentation de la morphologie verbale. La fonction ne doit pas être séparée des formes et du système : le réseau des formes liées par leurs fonctions dans les textes est complexe, mais les relations entre les formes sont loin d'être arbitraires; même dans nos exemples de mélanges de proximité, on ne peut pas substituer simplement un PC à un PS, un PS à un F historique, un PQP non-antérieur à un I ou à un PC. Bien sûr, le choix d'un temps verbal est le résultat de circonstances textuelles et stylistiques; mais aussi de facteurs 'purement' linguistiques, y compris son sens de base (sa valeur aspectuelle et temporelle) et ses relations avec les autres membres du système verbal, qui

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sont souvent non-réciproques (p. ex., en général, le PC peut remplacer le PS,
mais non vice versa).

7. Conclusion : le système

Faisons le bilan : nous avons esquissé trois explications différentes de la
variation linguistique dans l'emploi des temps verbaux :

1) Le choix du temps est déterminé par le contexte textuel et immédiat, ce
qui permet l'occurrence des combinaisons de temps dans les textes.

2) Les mélanges de temps sont une manifestation de la variation linguistique, et pourraient indiquer un changement en cours (tels que les changements qui ont déjà eu lieu dans les époques passées), ce qui explique l'étendue du phénomène.

3) La convergence sémantique des formes morpho-syntaxiques d'un ensemble résulte du processus de grammaticalisation : quand il y a synonymie (partielle), les combinaisons et les mélanges de temps se manifestent.

Rappelons-nous aussi que nos exemples de mélanges et de combinaisons verbaux ne sont pas directement liés à la dichotomie code écrit/ code parlé : nous nous intéressons ici exclusivement àla langue écrite,10 bien que le genre journalistique soit, en général, assez proche de la langue parlée.

Il est bien possible d'expliquer les mélanges; nous n'avons mentionné que
trois approches, et nous avons abordé la question du sens et de la fonction.
Quelles sont donc les implications pour le système verbal?

Comme nous l'avons noté plus haut, nous rejetons la notion d'un système symétrique des temps (par exemple celui de Tesnière 1939). Selon Pinchón (1982, p. 80) : 'l'idée de la symétrie est fallacieuse'. Nous rejetons surtout les spéculations sur les 'remplaçants' pour maintenir la symétrie du système; par exemple, le PSC qui était censé remplacer la fonction du PC comme parfait présent, antérieur au présent, à la suite de la 'mutation' du PC en prétérit (voir Pinchón 1982, p. 71, et Engel 1996)." Il n'est pas difficile de constater la survie du PS, qui fait toujours partie du système (Engel 1985), p. comme nous l'avons vu plus haut, il faut toujours distinguer entre système et usage du système (Dietrich 1988, p. 174).

Pour citer un autre exemple de spéculations liées à l'idéal d'un système
symétrique :

II est même possible que la langue essaie de remédier à un déficit structurel du français moderne qui utilise le passé composé pour remplacer le passé simple, favorisant ainsi l'aspect imperfectif au préjudice de l'aspect perfectif. De là pourrait résulter un besoin immanent à la langue d'insister dans certaines

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situations sur l'interprétation perfective. Du point de vue de l'économie de la
langue, le futur antérieur est appelé à remplir cette fonction. (Steinmeyer 1987,
p. 127).

La langue française n'a pas de 'déficit structurel' : comme toute autre langue, elle répond aux besoins de ses locuteurs; elle change avec le temps; mais il y a toujours une stabilité dans le système linguistique qui permet la production et la compréhension des énoncés; et c'est le système qui est la source des changements de fonction (voir Bybee 1985, 1990).

Nous proposons donc un système asymétrique à membres polyvalents; un
système flexible puisque «les morphèmes temporels ne se rapportent pas
toujours à un point précis sur l'axe du temps» (Steinmeyer 1987, p. 127).


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Fig. 1 : Le Système Des Temps Verbaux Exprimant Le Temps Chronologique Passé le PS peut aussi exprimer l'antériorité au PC; le PQP au PC, au PS, au Pr. ; le PA au PC, à l'l.

Le tableau ci-dessus montre les temps verbaux de l'indicatif en français moderne; la plus grande flexibilité se situe autour de l'expression du passé.1" En effet, comme nous l'avons constaté plus haut (voir 2 ci-dessus), chacune de ces formes peut exprimer la notion du temps passé, néanmoins chaque

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forme a une perspective spécifique, que ce soit dans le domaine du passé ou
non.

Dulcie Engel

Université du Pays de Galles, Swansea



Notes

* Quelques éléments de ce travail ont été présentés à Bath (voir Engel 1995), ainsi qu'à mes collègues à Swansea, et j'ai bénéficié de ces discussions, parfois animées. Cet article constitue un développement et un élargissement de ces thèmes, et il a été présenté au colloque AFLS, Paris, septembre 1995, grâce à une bourse de l'Université du Pays de Galles, Swansea. Je tiens a remercier J. Durand et A. Judge, entre autres, pour leurs commentaires à Paris, et en particulier Nathalie Rossi (Tours), pour ses commentaires linguistiques (dans les deux sens du terme).

1. Phrase employée par Grévisse (1969, p. 674-5) pour le PA, par Wilmet (1973, p. 274, 290) pour le PA et le PQP, par Arnavielle (1978, p. 620) pour le PQP, et (en anglais) par Rohrer (1982, p. 324) pour le PQP.

2. Bybee (1990, p. 7) note que les formes antérieures ont tendance à devenir des formes perfectives ou passées. Voir aussi Harns (1978), Comrie (1985), Salkie (1989) pour une approche comparative. Pour une discussion des différentes formes verbales antérieures, voir Kelemen (1975), Engel (1996). Sur le PA et le PQP en ancien français, voir Martin et Muller (1964). Pour le langage enfantin, Cotte (1987, p. 102) note que : «Malgré le modèle de leur entourage, en France les enfants disent régulièrement hier il avait plu au lieu de hier il a plu et n'acquièrent que tardivement cette seconde forme».

3. Un exemple de cet emploi postérieur de notre corpus (Engel 1994, p. 241) : «Or, un mois plus tard, un compagnon de jeu d'lno commença à en faire autant et, au bout de quatre ans, une quinzaine de singes avaient assimilé ce geste» (Le Point, 24.12.92). Voir aussi Michaelis (1994, p. 113) sur l'anglais.

4. Voir aussi Kamp (1981), Lo Cascio (1982), Lo Cascio et Rohrer (1986), Rohrer (1986), Vet et Molendijk (1986), Swiatowska (1988), Kleiber (1993, p. 140-142), Molendijk (1993). Pour une approche textuelle basée sur la notion de marque, voir Fleischman 1990. Les théories bien connues de Benveniste (1959) et de Weinrich (1971) sont aussi basées sur l'analyse textuelle. Pour une discussion, voir Engel 1990 (pp. 22-23, 94-97), Fleischman 1990 (p. 113-119).

5. Voir aussi Hopper ( 1982; 4) : «we cannot hâve linguistic forms which derive ali their meanings only from context.»

6. Pour un exposé clair et 'panoramique', voir Aitchison (1991); pour un exposé plus détaillé, voir Labov (1994).

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7. Voir aussi Romaine (1983), Garcia (1985), Fasold et Schiffrin (éds) (1989), Godard (1992).

8. Voir aussi Helland (1995) pour une analyse sémantique et pragmatique du futur simple et du futur périphrastique.

9. Voir Wolfson (1982, p. 105-109) sur les liens entre structure et emploi pour le présent historique en anglais, et Berman et Slobin (1994, p. 597-608) sur l'interaction de forme et de fonction dans le développement linguistique.

10. Sans mettre l'accent sur le parlé dans l'écrit, comme le fait Krassin (1994).

11. Voir Bybee ( 1990) sur les asymétries dans les systèmes verbaux de diverses langues, et le concept de morphèmes grammaticaux 'zéros', sans manifestation physique, qui servent néanmoins à distinguer les contrastes sémantiques.

12. A part les relations d'antériorité, je n'insiste pas ici sur la question de l'aspect; comme nous l'avons montré plus haut, le contraste PS/PC est souvent nonaspectuel. Pour une discussion de l'aspect par rapport aux temps du passé, voir Hngel (1990, pp. 14-15, 18).

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Résumé

Ce travail a pour but l'examen critique de trois approches bien connues dans l'explication de la variation linguistique, et plus particulièrement, dans celle des mélanges de temps verbaux. Dans un premier temps, nous présentons des exemples journalistiques de mélanges 'de proximité' (c'est-à-dire des mélanges de temps dans la même phrase, ou dans des phrases contiguës). Nous prêtons une attention particulière à trois sortes de mélanges :

1) le passé simple et le passé composé; 2) le plus-que-parfait et le présent; 3) le futur/le futur antérieur et les temps du passé. Nous proposons ensuite des explications pour ces mélanges verbaux, avant d'examiner de plus près les concepts de changement en cours; de grammaticalisation ; et d'analyse de texte. Ce que nous traitons d'abord est le pouvoir explicatif de ces trois approches en ce qui concerne l'emploi des temps dans les textes; à la lumière de nos constatations, nous considérons ensuite les implications, dans le domaine de l'expression du temps (chronologique) passé, pour le système verbal : système asymétrique à membres polyvalents. Nous concluons que, malgré les problèmes que pose la prédiction du choix temporel, ce choix n'est pas arbitraire.

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