Revue Romane, Bind 31 (1996) 2

Néologismes nodiériens

par

Hans Bäckvall

1. Introduction

Depuis quelque temps nous disposons d'un livre de Charles Nodier, intitulé Notions élémentaires de linguistique et sous-titré histoire abrégée de la parole et de l'écriture pour servir d'introduction à l'alphabet, à la grammaire et au dictionnaire. Notre exemplaire, un in-octavo de 280 pages, a été publié par J.- P. Meline à Bruxelles en 1834, peu de temps après la parution de l'édition originale française, où l'auteur a réuni une série d'articles qu'il avait commencé de faire paraître l'année précédente dans Le Temps.1 Il s'ensuit que les lecteurs dudit journal ont pu prendre connaissance du début du texte dont nous nous occupons ci-dessous l'année même où Nodier a été reçu sous la Coupole.2

Le titre de l'ouvrage précité étonne sans doute un lecteur non initié, qui a coutume de voir les manuels littéraires présenter Nodier surtout comme porte-bannière du romantisme français, comme conteur en prose d'histoires merveilleuses et comme amphitryon du salon de l'Arsenal.3 Il ya cependant lieu de rappeler à ce propos que celui qui a écrit Jean Sbogar et bien d'autres récits a consacré une part appréciable de ses activités non seulement à la bibliophilie4 mais aussi, et peut-être avant tout, à la lexicographie et que c'est en premier lieu à sa qualité de lexicographe qu'il doit d'avoir été élu à l'Académie française.5 Si l'on considère au surplus l'impossibilité de s'occuper de lexicographie sans s'intéresser en même temps aux problèmes de langue et de langage - et Nodier y portait en effet un vif intérêt depuis son adolescence6 - on est forcé d'admettre que le titre et la nature du livre concerné surprennent moins.

Quoique les théories énoncées dans l'ouvrage nodiérien soient dépassées
depuis longtemps et que le livre ait eu mauvaise presse dès sa publication,7

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celui-ci n'est pas pour autant totalement dépourvu d'intérêt, particulièrement du point de vue lexicologique et lexicographique. C'est vraisemblablement la première œuvre française dont le titre offre le terme même de linguistique et dont le texte utilise ce mot aussi fréquemment (cf. 3.2 plus bas). Le terme, attesté selon TLF en 1826, constituait incontestablement à l'époque où le travail de Nodier a été livré au public un néologisme et devait contribuer à lui conférer une allure «moderne». Mais les autres néologismes qu'on y découvre sont-ils assez nombreux pour confirmer cette impression de «modernité»? Et ceux qu'on y trouve, comment l'auteur les utilise-t-il? Ont-ils subsisté jusqu'à aujourd'hui? Voilà les questions que nous nous sommes posées la première fois que nous sommes tombé sur le titre du livre et auxquelles nous essayons d'apporter des réponses dans les pages qui suivent.

En raison de ce titre, il aurait certes pu sembler judicieux de centrer notre examen sur les néologismes propres à la science du langage. Cependant, comme le vocabulaire de celle-ci paraît difficile à délimiter de façon rigoureus e8 et que nous ne voulons pas négliger les nouveautés lexicales relevant de domaines autres que celui de la linguistique et offertes par le texte étudié, nous avons préféré inventorier et examiner tous les néologismes employés par Nodier qui se sont laissé dégager de son vocabulaire général, réduit à ses éléments essentiels et caractéristiques (cf. 2.1 ci-dessous) sans perdre pour autant totalement de vue les termes linguistiques récemment apparus à l'époque considérée.

Ce n'est qu'après avoir réuni tous nos matériaux visant le stock de mots concerné que nous avons eu l'occasion de voir de près l'édition princeps de Notions élémentaires. C'est ce qui explique pourquoi nous avons fait reposer notre étude sur le texte belge au lieu de nous appuyer sur celui de l'édition originale française.

Dans tout ce qui suit, les citations de l'exposé de Nodier, de même que les renvois à ce texte, sont suivis par le numéro de la page, mis entre parenthèses et réduit à un simple chiffre. A l'occasion, nous signalons, à propos de tel mot en question, son nombre d'occurrences dans le texte au moyen d'un chiffre postposé entre barres obliques. Le cas échéant, nous indiquons entre crochets l'année de sa première manifestation écrite, que nous puisons dans un de nos quatre dictionnaires de base, en premier lieu dans TLF et, à défaut,9 dans CR, GLLF ou FEW. Il va sans dire que si ces travaux ne sont pas d'accord sur cette date, nous choisissons toujours celle qui est chronologiquement antérieure aux autres dates signalées.

Nous faisons encadrer par les signes '...' les définitions qu'au besoin nous
proposons nous-même.

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Pour économiser l'espace dont nous disposons, nous ne précisons la source des renseignements communiqués par nos ouvrages lexicographiques que lorsque nous reproduisons leurs définitions ou leurs explications, ou bien dans les cas où il est possible d'antidater la première apparition d'un mot. Il en résulte que là où nous donnons les années de première attestation des termes recensés, fournies par nos dictionnaires de base, nous n'en indiquons les tomes et les pages qu'à titre exceptionnel.

Il convient d'observer que lorsque nous employons le terme de phonème, celui-ci ne doit pas être entendu dans un sens strictement phonologique, c'est-à-dire comme une pure abstraction, mais plus grossièrement comme un élément phonique, et que graphème sert à désigner, comme lettre ou signe graphique, un élément de l'écriture. Signalons aussi que vocable n'est pas utilisé comme désignation strictement statistique10 dans notre exposé mais qu'il y entre dans un chassé-croisé synonymique avec motet terme.

Les titres des travaux cités en abrégé sont donnés sous leur forme complète dans notre bibliographie qu'on trouve à la fin du présent article. En s'y reportant, notre lecteur découvrira également l'explication de tous les sigles au moyen desquels nous désignons les ouvrages auxquels nous faisons référence.

En citant des passages de l'ouvrage de Nodier, nous respectons l'orthographe
surannée de l'auteur, quitte à la moderniser partout ailleurs.

Les limites imposées à notre étude nous empêchent de résumer le contenu du livre qui se trouve au centre de notre intérêt. Pour les idées qui y sont développées nous renvoyons notre lecteur à Larat (1923, p. 250-252) et à Vaulchier(l9B4, p. 187-189).

2. Le vocabulaire général réduit

2.1. Eléments exclus.

Le texte dépouillé comprend au total quelque 165.000 mots. Du moment que nous essayons de dégager ce qui est particulier au vocabulaire de l'auteur, il va sans dire que nous avons laissé de côté les passages où Nodier reproduit des textes d'auteurs qui font autorité, et dont il se réclame, ou d'écrivains dont il se raille, de même que les éléments qui servent de support à l'exposé mais qui, se trouvant pour ainsi dire à la limite du vocabulaire proprement dit, appartiennent plutôt à ce qu'on pourrait dénommer le paravocahulaireu : noms de personnes, de lieux et d'institutions, titres d'ouvrages, mots et expressions allogènes, étymons, signes graphiques ou séquences de signes graphiques visant à illustrer l'orthographe ou la prononciation, abréviations, chiffres indiqués sous forme de symboles

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mathématiques. Comme les néologismes font, de plus, l'objet principal de notre étude, nous avons jugé bon d'éliminer du vocabulaire en cause ceux des éléments parmi lesquels les créations lexicales nouvelles n'ont guère de chance de se glisser : interjections, morphèmes12 et lexèmes fréquemment utilisés. Aussi avons-nous écarté les substantifs, les adjectifs, les verbes et les adverbes qui, en raison de leur fréquence d'emploi, occupent, quand on en retranche ceux qui relèvent de la classe des morphèmes, les 762 premières places sur la liste établie par Juilland - Brodin - Davidovitch ( 1970, p. 387-409). intention initiale était en effet d'exclure les 1000 mots - les morphèmes mis à part - notés comme les plus fréquents par Juilland et son équipe, mais 238 d'entre eux s'avèrent absents du vocabulaire de Nodier, décalage dû, à l'évidence, à deux facteurs principaux : 1) Les fréquences d'emploi de la liste mentionnée reposent sur des matériaux qu'ont fournis pour une large part des textes littéraires publiés dans les années 1920-1940, alors que le texte nodiérien est de nature plutôt savante et date de la première moitié du XIXe siècle. On n'est donc pas surpris en confrontant le vocabulaire de Nodier et la liste en question de découvrir sur celle-ci la présence de mots qui font défaut à celui-là et qui témoignent d'une époque et d'un genre de textes différents; 2) A la différence de Juilland et de ses collaborateurs qui recensent les mots de leur corpus comme unités graphiques autonomes, nous nous basons sur les lexies du vocabulaire que nous étudions, c'est-à-dire sur ses unités de fonctionnement, qui coïncident souvent avec les mots mais qui peuvent aussi comprendre plusieurs signifiants correspondant à un seul signifié (coup d'œil, tout à l'heure, etc.). C'est le cas des lexies dites composées."

Nous comptons pour des unités différentes deux lexies homonymes qui
n'entrent pas dans les mêmes paradigmes.

2.2. Caractéristiques.

Passons, après notre élagage du vocabulaire, aux 3371 lexies qui nous restent et qui sont pour la plupart de fréquence moyenne ou faible. Pour la commodité de l'exposé nous les qualifions provisoirement ci-dessous d'items, qui, se laissant classer dans les catégories du substantif, de l'adjectif, de l'adverbe et du verbe, autrement dit dans les parties du discours les plus importantes, se distribuent comme suit :

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Tableau I

Signalons d'abord quelques faits qui ne découlent pas des chiffres de notre
tableau :

Parmi les items on trouve un total de 102 lexies composées (3,0%), dont 25 substantifs /55/, 9 adjectifs/12/, et 68 locutions adverbiales /306/, lesquels constituent par conséquent 1,5%, 1,2% et 32,2% respectivement des catégories 1 a-c. Il s'ensuit que les lexies composées de la catégorie adverbiale prédominent ici tant du point de vue numérique (32,2%) que sous le rapport du nombre d'occurrences (46,8%). La catégorie du verbe n'offre que des lexies simples.

On se demande si l'extraordinaire prépondérance des substantifs - ils constituent presque la moitié des items ci-dessus - s'explique par l'état tronqué du vocabulaire examiné ou si, en fin de compte, elle est typique de toute la prose savante de la première moitié du siècle passé, domaine qui, à notre connaissance, n'a pas fait l'objet jusqu'ici d'analyses fouillées.14 Quoique le problème paraisse insoluble dans l'état actuel des choses, la première des deux hypothèses semble de toute façon la plus vraisemblable, du moins si nous comparons les proportions des catégories 1 a-d supra avec celles de la liste précitée de Juilland et alii, tout en nous limitant aux 1000 unités les plus fréquentes, y compris celles qui jouent le rôle de morphèmes. Les substantifs, s'élevant à un total de 382 (soit 38,2%), y sont également majoritaires, il est vrai, mais nous y voyons les autres catégories se répartir ainsi : 256 verbes (25,6%), 137 adjectifs (13,7%) et 89 adverbes (8,9%). La catégorie des substantifs l'emporte sans doute numériquement sur les autres parties du discours, bien que moins notablement que dans le travail de Nodier, dans n'importe quel texte en prose, à quelque époque qu'il ait été écrit.

On s'aperçoit que Nodier a glissé consciemment ou inconsciemment dans
son exposé quelques mots ou expressions qui, étant tous enregistrés par

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Huguet ( 1925-1967) ou Dubois - Lagane (I960), sont plutôt caractéristiques du lexique des XVIe et XVIIe siècles et qui étaient en conséquence tombés en désuétude lors de la publication de son travail. Voici les archaïsmes formels ou sémantiques que nous y avons notés :

apprenti}', «apprenti» IM (83), arène, «sable» IM (177), bouquer, «céder» IM (30), colloqucr, «mettre» IM (234/, consonnante, «consonne» 151 (20, 50, etc.), discord, «désuni» l\l (83), fiorir, «fleurir» l\l (218), ouvrée, mesure de terre l\l (194), topinatnbou, «sauvage» 111 (137), vocale, «voyelle» /16/ (50, 103, etc.), décompte fait, «tout compte fait» IM (122) et que bien que mal, «tant bien que mal» IM (168).

Bien que l'auteur de l'ouvrage se pose en défenseur des patois et plaide pour leur conservation,15 il ne donne aucun échantillon lexical typiquement régional dans son texte où il nous fournit en revanche deux spécimens du parler populaire : etlepouce, «encore plus» 131 (195, 198, 199) et boutonner IM (41), verbe dont «le peuple [...] se sert pour déterminer le premier degré de l'ébullition» .16 Ajoutons que l'emploi métaphorique du verbe signalé par Nodier est inconnu à TLF.

Du côté sémantique, les aspects les plus frappants du vocabulaire en
discussion sont incontestablement l'imprécision de sens des termes qui le
composent et leur polysémie.

C'est ainsi qu'on voit souvent se succéder deux adjectifs dont le sens du premier, servant en quelque façon de bouche-trou, est précisé par celui qui l'accompagne, souligné ci-dessous par nous : «des consonnes soufflantes ou chuintantes» (115), «des noms pittoresques et expressifs» (245), «le son radical ou syllabaire» (89), c'est-à-dire syllabique.

L'étroitesse du cadre fixé pour notre travail nous interdit de nous étendre sur la multiplicité de sens caractérisant les mots dont Nodier fait usage. Bornons-nous à constater qu'au nombre des vocables les plus polysémiques se trouvent radical, apparaissant tantôt comme adjectif 1671, tantôt comme substantif/32/, et philosophique 1241 dont les diverses nuances échappent maintes fois au lecteur du livre, à supposer que, parfois, l'adjectif ne soit pas complètement vide de sens,-faisant uniquement fonction de remplissage.

Le temps est venu de nous occuper de l'inventaire que nous avons dressé des éléments néologiques d'un vocabulaire réduit dont nous venons de faire un très rapide survol et dont les traits les plus saillants sont la prédominance quantitative des substantifs, le sens flou des termes ainsi que leur polyvalence.

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3. Les néologismes

3.1. Qu 'est-ce qu 'un néologisme?

Les lexies (mots, séquences de mots) récemment créées, empruntées à une langue étrangère ou déjà existantes mais ayant reçu des acceptions nouvelles et visant normalement à dénoter des réalités inédites peuvent être qualifiées de néologiques.17 Les néologismes sont donc exclusivement conceptuels ou bien conceptuels et formels à la fois. Ces derniers, surtout, sont en général de formation savante et portent un cachet allogène.18 Mais pendant combien de temps passent-ils pour des nouveaux venus avant de s'intégrer pour de bon dans l'usage, perdant ainsi leur nature néologique? Nos dictionnaires de base, de même que Ducrot -Todorov (1972), gardent le silence à ce sujet. Mercier (1801) ne répond pas non plus à notre question. Nodier, lui, regarde, à ce qu'il semble, comme nouveaux tous les mots apparus depuis le début de la Révolution, attendu qu'il cite comme néologisme par exemple le substantif antécédent (179) au sens de «fait passé qu'on rappelle à propos d'un fait actuel»,19 attesté avec cette acception en 1789. Il en résulte que mot et concept en l'occurrence étaient en usage depuis au moins 44 ans au moment où son ouvrage était en chantier, espace de temps qui nous paraît cependant un peu trop long pour permettre à un terme ou à une signification de rester néologiques. Les rédacteurs de NIS ( 1986, p. 3) évaluent d'autre part la persistance du caractère néologique à la durée approximative d'une génération, en d'autres termes à un laps de temps correspondant à une trentaine d'années,20 durée que nous estimons plus proche de la réalité. C'est pourquoi nous avons classé, sous certaines réserves (voir ci-après), parmi les néologismes exposés dans les pages suivantes les lexies du texte de Nodier qui ont été attestées à partir de 1800 par nos dictionnaires de base ou qui, n'y figurant pas, n'ont pas été attestées du tout. Nous avons également tenu pour néologiques les termes et expressions connus avant le commencement du siècle dernier mais utilisés par Nodier avec des sens apparemment inconnus avant cette époque.

Le fait qu'une lexie n'ait pas été enregistrée par nos dictionnaires de base, que sa première manifestation écrite n'ait pas été datée par eux ou qu'ils l'aient datée peu de temps avant ou même longtemps après l'élaboration du texte nodiérien n'implique cependant pas qu'elle serait un néologisme. C'est ainsi que le vocabulaire à l'étude offre quelques termes qu'ignorent FEW, GLLF, GR et TLF bien qu'on les voie figurer dans des textes parfois assez anciens :

Ephratéen l\l (235) et GalaaditelM (235), adjectifs substantives se rapportant à
Ephraïm et à Galaad respectivement et qui apparaissent déjà dans le Livre des
Juges; 21 mélolonthe, «hanneton» 121 (193, 226),platycère, «cerf-volant» /!/ (192),

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substantifs dont se sert Geoffroy (1762, p. 519) et (1799, p. 514), ainsi que leucanthème,
«reine-marguerite» 121 {189) que l'on découvre dans Lamarck ( 1778 :11,
136).

Quelques lexies du vocabulaire se sont manifestées dans la littérature
antérieurement aux dates de première attestation signalées par nos dictionnaires
de base et indiquées ci-après entre crochets :

Grammatairéii (92, 267) [1845), substantif employé par Dumarsais et Voltaire au dire de Boiste 8 et désignant « [1') alphabet ou [la] collection des lettres d'une langue» (p. 351); gutturale 12/ (119) [1834] et sifflante/\/ (133) [ 1835], substantifs relevés par l'Encyclopédie (Vil, 1015, et XV, 181); l'adjectif chuintant 121 (115, 235)[ 1819J, au moyen duquel Court de Gebelin (1775, p. 123, 131 et pass.) désigne une des «touches» de «l'instrument vocal»;22 le substantif sylvie, «anémone des bois» l\l (191) [1800], que nous avons détecté dans Lamarck (1778 :111,317); bêta/l/(124), phi M (18, 131), thêta/l/ (131) etxi/lí (91)23 que Lancelot (1656, p. 23) présente sous leurs formes françaises en compagnie de toutes les autres lettres de l'alphabet grec.

Comme les termes énumérés ne sont donc pas des néologismes suivant notre
façon d'envisager ceux-ci, nous les avons exclus de notre inventaire néologique.
C'est la même raison qui nous a fait éliminer :

Bonne-main, «pourboire» l\l (198) [1877], formé, semble-t-il, à l'exemple de belle-main, «pot de vin», qui remonte pour le moins au XVIIe siècle24 et dont il est probablement à peu près contemporain; et le pouce loi [1842] (cf. 2.2 supra), où le substantif, évoquant vraisemblablement l'ancienne mesure de longueur homonyme, supprimée en 1795,2r> laisse entendre que la locution en cause provient d'une époque antérieure à celle de la Révolution. Les deux lexies mentionnées, de même que Sylvain, «coléoptère» 121 (192) [1800], terme également écarté, ont dû se confiner longtemps dans l'usage oral avant d'être admis dans la langue écrite.

3.2. Groupe 1 : Néologismes formels et conceptuels apparus entre 1800 et 1833.

Commençons par passer en revue celles des lexies nouvelles que l'auteur de
Notions élémentaires avait déjà à sa disposition l'année même où il s'est mis à
écrire son ouvrage :

Anthropomorphe, 5.m.,/2/(182) [1811]; clappement, s.m., l\l (78) [1831]; dandy, 5.m.,/l/(187) [ 1817]; dandysme, s.m., l\l (187) [ 1830]; dantesque, adj., l\l (159) [1830|; euphmsme, s.m., /l/ (251) [1820]; historiologue, s.m., /l/ (176) [1829]; homophone, adj., 11/ (51 ) [ 1822]; idéographie, s.f., l\l (36) [ 1822?!; idéographique, adj./l/ (77) [1822]; intelligent id, adj., 13/ (84, 138, 251 ) [1832]; lexicologique, adj., /1/(16) [1827); linguistique, 5..f.,/17/ (13, 14, 18, etc.) [ 1826]; mimique, s.f., Ili (14) [1823]; monogrammatique, adj., /!/ (91) [1808]; néographie, s.f., loi (174,

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180,205) [1823]; onomatologie, s J.JM (217) [18\7\\phonétique, adj./3/ (77, 78) {1822};phonétiquement, adv.,/1/ (79) [\822]; pseudonymie, 5..f., /l/ (68) [1818]; psychisme, s.m., /l/ (242) [1812]; stéréotypage, s.m., /l/ (88) [1802]; terminologie, s.f., /9/ (36, 41, 133, etc.) [1801]; vin7iser, vb., /l/ (159) [1801]; vocalisation, s.f., 77/ (19, 80, 92, etc.) [1821].

Nous avons expliqué ailleurs pourquoi nous avons choisi 1800 pour point de
départ de notre recensement des néologismes considérés.

La date de première apparition d'idéographie que nous avons marquée cidessus par un point d'interrogation est problématique : FEW indique 1839, alors que TLF donne 1840. Or, la naissance du mot doit remonter à 1822 au plus tard, car c'est cette année que son dérivé idéographique, qui suppose évidemment la préexistence du substantif, a été attesté pour la première fois.

Notons que dandy, dandysme et euphuisme ont été empruntés à l'anglais,
tandis que dantesque est de provenance italienne.

En étudiant la liste du groupe 1, on observe parmi les 25 néologismes atteignant un total de 62 occurrences la prédominance des termes qui sont apparus depuis 1820, au nombre de 16 (64,0%). Ils comptent un total de 44 apparitions (71,0%) dans le texte.

Les mots de notre liste ci-dessus appellent aussi quelques commentaires
visant leur sens ou leur emploi :

Quand il parle des «clappements des Hottentots» (78), Nodier entend sans doute par clappement «bruit aigu et net de la langue contre le palais», définition que donne Boiste 8 (p. 146), tout en pensant aux sons claquants ou clics caractérisant certains consonantismes de l'Afrique du Sud26 - peut-être a-t-il confondu clappement et claquement.

Néographie signifie dans ses contextes «manière nouvelle [...] d'écrire les
mots» (Boiste 8, p. 485).

Nodier recourt, paraît-il, à l'adjectif intelligentiel lorsqu'il éprouve le besoin de distinguer le sens de «relatif à l'intelligence» (TLF, X, 388), par exemple dans «l'alphabet est le thermomètre intelligentiel de la société humaine» (138) et celui de 'doué d'intelligence', exprimé par intelligent /11/ (54, 80, 81, etc.).

Dans «système lexicologique» (16) - c'est nous qui soulignons - l'adjectif
porte un des sens qu'il avait au siècle dernier et quelquefois toujours au
début du nôtre, celui de «lexical» (GR, V, 1023).

Vocalisation est un terme, non à double, mais à triple entente. Il signifie 'formation de sons vocaliques' dans «L'homme tenoit de la nature la faculté de la vocalisation» (19). Il porte en outre le sens d'«émission de sons non articulés» - l'explication provient de GDU (XVI : 2, 1140) - dans «les vocalisations des animaux» (80). Il apparaît finalement comme synonyme, nous semble-t-il, de voyelle dans «la plus foible vocalisation [se. Ye instable]

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sur laquelle puisse s'appuyer une consonnante» ( 104) et «ce qui reste à faire ...] c'est [...] un alphabet [...] où toutes les vocalisations et les articulations (...) soient classées» (267), passage qui oppose comme le remarque DN, vocalisations (voyelles) et articulations (consonnes). Ayant plus de volume que son synonyme, vocalisation est en outre sans doute tenu pour plus prestigieuxque lui par Nodier.

Cela nous amène à croire que c'est parce que pseudonymic compte une syllabe de plus que pseudonyme que l'auteur du texte le lui a substitué dans «Lycophron2' a existé [...], son nom n'est pas une pseudonymie pour exprimer l'astuce [...] d'un loup» (68). Nous aurons lieu de reparler plus loin de sa prédilection pour les mots volumineux au détriment des mots courts.

Monogrammatique, qui figure dans «écriture littérale et monogrammatique»
(91), est rattaché par Boiste 8 à monogramme, substantif que Nodier
emploie cependant avec un sens particulier, voir infra, 3.5.

A ses débuts, stéréotypage était selon TLF un terme de typographie. Nodier donne cependant à ce mot le sens de 'débit stéréotypé' à en juger par le contexte «il [se. l'homme] passa d'un stéréotypage sans variété à l'art d'assouplir sa phrase» (88).

L'acception d'onomatologie, qui, d'après FEW, désignait primitivement une nomenclature, se dégage du contexte où le mot s'insère : «C'est à défaut d'avoir réfléchi sur [les] mutations [...] du nom propre au nom local et vice versa que des écrivains [...] sont tombés dans de si lourdes erreurs sur l'onomatologie historique» (217). Le substantif, absent de Boiste 7, a été introduit dans Boiste 8, remanié et augmenté par Nodier,28 où il est défini «science des noms» (p. 500).

L'auteur de Notions élémentaires se sert de linguistique au sens de «simple histoire de la parole et de l'écriture considérées depuis leur origine jusqu'à la fin de leurs premiers développements naturels» (13) tout en avertissant ses lecteurs qu'«on n'entendra pas ici [par ce terme] la science universelle du langage» (loc. cit.). Si, d'autre part, nous supprimons la négation et l'adverbe ici du passage cité, nous nous trouvons en présence d'une définition du mot et du concept en cause qui devait connaître quelque quatre-vingts ans plus tard un immense succès et qui n'était évidemment pas inconnue à Nodier, ainsi que le révèle son exposé. Pour Boiste 8 linguistique désigne par contre l'«étude des langues, de leur origine et de leur filiation» (p. 431). C'est à l'évidence un substantif polysémique dès son apparition en français. Notons à ce propos que nous avons exclu de notre examen linguiste 131 (54, 75, 208), dont on possède, suivant TLF, des attestations depuis le XVIIe siècle.

Un historiologue est, explique Boiste 8, un «mauvais historien» (p. 371). Le
terme ne semble cependant pas comporter de nuance péjorative dans «Aucunehistoire
antique ne peut s'éclaircir que par l'étymologie, et les savants

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historiologues [...] sont entrés (...) largement dans cette idée» (176). Nodier y a vraisemblablement fait appel parce qu'il a un peu plus d'ampleur qu'historien et qu'étant composé d'un suffixe grec, il présente un aspect plus «docte» que lui. Les deux substantifs, dont chacun ne fait qu'une seule apparitiondans le vocabulaire étudié, y sont apparemment interchangeables en tant que synonymes.

Le sens de psychisme n'est pas possible à préciser dans «Zoé [...] étoit l'existence, Psyché [...] étoit l'âme [pour les Grecs]. La zoologie et le psychisme ne nous disent pas tout-à-fait cela» (242). Peut-être la définition du mot donnée par Boiste 8 est-elle adéquate dans le contexte, à savoir «système matérialiste qui suppose l'âme formée de fluide psychique» (p. 583). N'oublions pourtant pas de faire observer en même temps qu'on ne rencontre pas dans ledit dictionnaire dandysme, idéographie (mais idéographique]), phonétiquement, pseudonymie, terminologie, viriliser et vocalisation et que stéréotypage y est indiqué comme terme typographique.

Les mots figurant sur notre liste, mais que nous nous sommes dispensé de
commenter ont les acceptions et les emplois qu'indiquent les grands dictionnaires
d'usage modernes et ne soulèvent pas de problèmes.

3.3. Croupe 2: Neologismes formeis et conceptuels attestes depuis 1834.

En écrivant son ouvrage, paru en librairie en 1834, l'année même d'ailleurs où est sortie la 8e édition remaniée du dictionnaire de Boiste, confiée aux soins de Nodier (cf. 3.2 ), celui-ci n'a pas seulement eu recours aux mots du groupe 1 supra mais a pu employer en outre d'autres néologismes dont, de toute évidence, il disposait déjà mais qu'on n'a détectés dans la littérature que postérieurement à la mise en chantier de son travail. Les voici :

Alphabétaire, adj., Ili (122) [1838]; alphabétiste, s.m., Ili (114) [1845]; aphone, adj., l\l (160) [1834]; argotisme, s.m., l\l (226) [1838]; canzonnette, s.f., l\l (225) [1845]; digramme, s.m., loi (121) [1857]; extra-littéraire, adj., l\l (251) [1851]; lexicologue, s.m., l\l (77) [1840]; marinisme, s.m., /il (251) [1840]; mélioratif, 5.m.,/l/(209) [ 1921}; mimologisme, s.m., loi (30, 38, 132) [1840]; mythisme, s.m., l\l (251) [1834]; néo-latin, adj., 14/ (50, 166, 212, etc.) [1834]; patoiser, vb., Ili (250) [1834]; phonographie, s.í, 111 (159) [1842];phonographique, adj., 12/ ( (100, 267) [1842); polysyllabie, si, 111 (37) [1845];progressibilité, s.f., IM (45) [1842]; semi-voyelle, s.f., l\l (103) [1845]; sensitivité, si., l\l (14) [1853]; soufflante, si., /]/ (119) [1933]; syntaxer, vb., l\l (224) [1845]; tétragramme, s.m., IM (224) {1859}; théologisme, s.m., Ili {17) [1840].

Que signifient donc les 24 termes que nous venons de voir défiler?

Soufflante se laisse facilement interpréter à partir de son contexte : «G [...]
exprime tantôt une soufflante [...] dans genre, tantôt une gutturale [...] dans

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gaule» (119). On voit que l'auteur du texte emploie soufflante au sens de
chuintante, substantif dont, par contre, il ne se sert jamais dans son exposé.

Le contexte élucide également le sens de tétragramme, qui, par dérivation impropre, en vient à jouer le rôle d'adjectif dans «Dieu est un mot tétragramme, un mot uni-syllabe» (243-244) et qui signifie conséquemment '(mot) monosyllabique, représenté graphiquement par quatre lettres'.

Semi-voyelle dénote dans l'exposé «YE appelée muette» (103), voyelle
dénommée aussi, comme on sait, e caduc, féminin ou instable.

Au dire de Nodier «le signe X a été introduit dans l'alphabet pour figurer [tantôt] le digramme [...] KS ou GZ», tantôt «le digramme SS» (121), d'où il découle que pour lui un digramme est tout simplement une suite de deux graphèmes. Il attribue pourtant au terme son sens actuel, celui de 'deux graphèmes reproduisant un phonème unique' quand il décrit la prononciation du n mouillé, orthographié gn dans son Examen critique (p. 203) de 1828. La définition adéquate du mot est d'ailleurs donnée par GDU qui renvoie à un autre texte nodiérien que nous n'avons pas réussi à identifier mais qui, en tout cas, ne peut être postérieur à 1843, année où l'écrivain a fait publier son dernier ouvrage.29

En raison de son entourage contextuel nous nous sentons autorisé à interpréter sensitivité comme 'faculté de sentir' : «Le végétal a été doué de la faculté de vivre et il tendra à l'état de sensitivité. L'animal a été doué de la faculté de sentir et il tendra à l'état d'intelligence [...]. L'homme a été doué de la faculté de penser» (14-15).

Si Boiste 8 transcrit aphone par «qui ne rend pas de son» (p. 4), on préférerait
néanmoins traduire l'adjectif envisagé par 'muette' dans «cette lettre
aphone [se. lep de temps] mais étymologique» (160).

Nous nous voyons obligé de faire appel aux dictionnaires, en choisissant de préférence ceux du siècle passé, pour essayer de déterminer les acceptions du reste des mots dont nous traitons, attendu que les passages du texte qui les présentent sont insuffisamment développés pour révéler ce qu'ils y signifient. C'est ainsi que la forme semble primer le fond dans «sans pédantisme, sans philosophisme et sans théologisme» (17), de même que dans «les hommes [...] recoururent au diminutif, à l'augmentatif, au mélioratif» (206), passages où Nodier a dû se proposer surtout de créer des homéotéleutes en -isme et en -//respectivement. Selon DN (11, 1469) théologisme peut signifier par extension «subtilité», «ergoterie», acceptions qui paraissent applicables au premier cas signalé. Quant au substantif mélioratif il est évidemment impossible de dire s'il est porteur du sens qu'il aura en réapparaissant dans un texte de 1921, où il sera défini «terme propre à présenter l'énoncé sous un jour favorable» (TLF, XI, 605).

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II convient de passer aux autres mots qui restent à discuter sous le rapport
sémantique :

Ayant, d'après DN (I, 142), «rapport à l'alphabet», alphabétaire sert de
synonyme à alphabétique, adjectif avec leque il voisine dans l'exposé de
Nodier.

Le même dictionnaire (loc. cit.) explique qu'alphabétiste désigne «celui qui
a inventé l'alphabet» ou un «rédacteur d'alphabet».

Dans Boiste 8 nous découvrons l'explication d'argotisme : c'est un «mot
formé de l'argot» (p. 51).

DN (I, 532) nous fait savoir que canzonnette est un mot d'emprunt italien
et qu'«on appelle de ce mot [...] de petites chansons aux refrains populaires».

Par «langues extra ou ultra-littéraires» (251) Nodier comprend, nous paraît-il, les langues ou plutôt les langages qui, se trouvant en dehors de la littérature ou en marge de celle-ci, sont, dès lors, dépourvus de toute littérarité, tels que celui de la préciosité, qualifié de «jargon» (loc. cit.). Nous n'avons vu extra-littéraire figurer dans aucun de nos dictionnaires parus au siècle dernier.

Lexicologue dénote «celui qui s'occupe de lexicologie», nous apprend tout
laconiquement CDA (p. 694).

Dans nos ouvrages lexicographiques de date ancienne, nous n'avons trouvé aucun renseignement sur l'emprunt italien marinisme antérieur à celui que fournit Littré (IV, 2034) : «Style affecté et de mauvais goût qui fut celui de Marini». Un mimologisme est, dit Boiste 8, une «figure par laquelle on imite un être animé dans quelque chose [...] de sa voix pour le faire reconnaître» (p. 465) et, suivant CDA (p. 789), «un mot formé par mimologie [...] de la voix humaine». Le passage « [les] innombrables mimologismes de tous les bruits élémentaires, de tous les bruits animaux, de tous les bruits méchaniques de l'industrie» (38) montre néanmoins que le terme désigne non seulement un mot créé à partir du bruit d'un être animé mais aussi une création lexicale faite par imitation d'un bruit quelconque dans le texte étudié, où mimologisme prend parfois la relève d'onomatopée dont il est tout bonnement synonyme.

Peut-être mythisme est-il utilisé par Nodier avec une acception signalée par GDU (XI : 1, 759), «esprit mythique» dans «le mythisme de Lycophron» (251 ).3() En tout état de cause, les définitions du mot qu'indique Boiste 8 (p. 481), «science des mythes», «abus des explications mythiques», etc., paraissent peu appropriées au cas.

En considération des passages du texte qui offrent néo-latin, «vocables néolatins» (212), «la langue françoise [...] est néo-latine» (166), «radicaux [...] néo-latins» (212) «langues néo-latines» (230), l'éclaircissement communiqué par le dictionnaire de Boiste, selon lequel l'adjectif en cause sert à qualifier

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une «langue» ou une «littérature» [...] formée à l'imitation des Latins» (p.
485) est assez mal venu et ne vaut de toute manière pas celui que nous lisons
dans CD A : «se dit de toutes les langues modernes dérivées du latin» (p. 828).

Boiste 8 nous explique le sens de patoiser par l'indication «parler patois» (p. 525) qui cadre toutefois mal avec «mots [...] plus ou moins patoisés selon les lieux» (250). La définition de CDA «rendre patois» (p. 907), en d'autres termes 'exprimer en patois', convient indubitablement mieux en l'espèce.

La photwgraphie est la «peinture des sons par l'écriture» - c'est-à-dire un
alphabet phonétique - d'après l'explication de CDA (p. 937), lequel a accueilli
aussi phonographique : «qui a rapport à la phonographie» (loc. cit.).

Voici la manière dont DN (11, 933) définit polysyllabie : «multiplicité des
syllabes dans les mots». Sans doute cette définition s'accorde-t-elle bien avec
«la polysyllabie des sauvages» (37).

Le sens de progressibilité dans «le mouvement de progressibilité [... ] propre à la pensée de l'homme» (45) ne se laisse pas cerner aisément. Boiste 8 traduit le mot par «état d'un individu, d'une espèce [...] qui a de l'aptitude à se perfectionner» (p. 577). Or l'«état» de l'explication boistienne - formulée peut-être par Nodier lui-même (cf. plus haut, 3.2) - paraît incompatible avec le «mouvement» de l'extrait tiré de Notions élémentaires. C'est que progrès s'apparente sémantiquement à «mouvement», tandis que progressibilité a sans conteste des sèmes en commun avec «état», de sorte qu'on se serait attendu à trouver dans le passage cité ci-dessus ou «le mouvement de progrès» ou bien «l'état de progressibilité». Ce qui vient d'être dit nous fait penser qu'en élaborant son exposé, l'auteur a d'abord hésité dans son choix entre progrès et progressibilité et qu'il a fini par opter pour le dernier des deux termes qu'il a dû juger plus étoffé et, par voie de conséquence, plus euphonique - outre qu'il lui a sans doute paru avoir une allure plus «savante» - que le premier. Il en résulterait qu'en définitive progressibilité fait figure de synonyme de progrès dans le cas envisagé.

A propos d'«une langue [...] bien syntaxée» (224) on lit la définition la plus adéquate de syntaxer dans CDU (XIV:2, 1335), «soumettre aux règles de syntaxe», alors que celle qu'en propose DN (11, 416), «faire de la syntaxe», n'est guère valable en l'occurrence. Dans la combinaison «bien syntaxée» il semble par ailleurs s'agir d'un participe passé adjectivé, signifiant à peu près 'possédant une bonne syntaxe'.

Soulignons qu'en indiquant les années de première attestation des termes figurant sur notre liste, nos dictionnaires de base n'ont pas observé, dans le cas où il n'ont pas omis de les relever,31 qu'argotisme, mimologisme, progressibilité et tétragramme ont déjà été accueillis par Boiste 8. Ce dictionnaire a enregistré, de plus, aphone, mythisme, néo-latin et patoiser tout en assignant à quelques-uns des mots mentionnés des acceptions qui ne correspondent

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pas à celles dont ils sont porteurs dans l'exposé nodiérien, sans compter qu'il
fournit quelquefois à leur sujet des renseignements qui portent à faux.

Il y a lieu de signaler au surplus que lexicologue, mimologisme, néo-latin, polysyllabie, progressibilité, sensitivité et théologisme se présentent dans la partie du texte de Nodier qui a été publiée originellement sous forme d'article de journal dans Le Temps (cf. Introduction supra et notre n. 1) et qu'ils remontent en conséquence à 1833.

On peut constater que si l'on fait abstraction de l'acception, quelle qu'elle soit, de chacun des néologismes dont nous venons de rendre compte et que l'on ne considère que sa forme,32 notre examen du vocabulaire considéré nous permet de marquer d'une antidate - parfois assez spectaculaire - la première apparition écrite de tous les mots du groupe 2 autres qu'aphone, mythisme etpatoiser. Ajoutons subsidiairement que les 21 termes que nous pouvons ainsi antidater ont dans le texte examiné un nombre de 29 occurrences sur un total de 32, soit 90,6%.

3.4. Groupe 3 : Néologismes formels et conceptuels non attestés.

Le vocabulaire étudié se compose aussi de termes apparemment nouveaux lors de la parution du travail de Nodier mais que nous ne trouvons consignés et définis ni dans nos dictionnaires de base ni - à quelques exceptions près - dans les ouvrages lexicographiques du XIXe siècle dont nous disposons. Cela nous a forcé à en interpréter la plupart nous-même en nous fondant dans la mesure du possible sur les contextes où ils apparaissent. Comme les interprétations que nous en proposons ci-après sont parfois sujettes à caution, nous les donnons sous toutes réserves :

Cis-pyrénéen, adj., l\l, 'qui est en deçà des Pyrénées' : «les basques des vallées cispyrénéennes» (233); cultorisme, s.m., /l/, 'cultisme' : «le culturisme de Gongora» (251); cultoriste, s.m., l\l, ' cultiste' : Gongora et ses cultoristes» (70); denti-labial, adj.,/1/, 'labiodental' : «la consonne denti-labiale F» (117); denti-labiale, s.f, l\l, 'labiodentale' : «les denti-labiales que produit l'apposition de la dent sur la lèvre inférieure» (133); hétéroglotte, adj., /l/, 'qui emprunte ses termes à une langue étrangère' : «Cette science hétéroglotte [se. la nomenclature scientifique] ne s'est jamais développée plus hardiment que dans le système métrique» (194); lèsegallicisme, s.m., l\l, 'atteinte portée àla dignité du français' : «il [...] avoit été question de détruire le bas-breton et [...] toute autre langue suspecte de lèzegallicisme» (234); nasalement, 5.m.,///, 'caractéristique nasale' : «Le françois [...] avec ses nazalements disgracieux (...) fit rapidement le tour du monde érudit» (158); néophone, ad)., l\l, 'nouveau du point de vue phonique' : «Henri «Estienne exprime (...) mieux cette valeur néophone que les continuateurs actuels de la prononciation» ( 150) -il est question du digraphe ai substitué àoi représentant à l'origine une diphtongue;33 nomendaturier, s.m., /!/, «faiseur de nomencla-

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tures» selon DN (11, 652) : « [les] nomenclaturiers (...) ont substitué le mot de convention au vocable naturel» ( 189-190); onomatechnie, s.f., l\l, 'établissement d'une terminologie' : «allier beaucoup d'érudition à peu de sentiment dans l'onomatechnie des choses naturelles» ( 190); orthographier, s.m., 121, 'innovateur de l'orthographe' : «l'orthographier [...] a trouvé la pénultième [se. l'avant-dernière lettre] inutile» (160), «l'orthographier [...] a [...] compliqué l'investigation d'une difficulté de plus» (loc. cit); seïcentiste, s.m., l\l, 'écrivain ou artiste du dixseptième siècle italien' : «le cavalier Marin [se. Marini] et son pâle cortège de seicentistes maniérés» (70); thêt, s.m., l\l, 'thêta' : «leur thêt [se. celui des Grecs] est l'onomatopée de sucer» (91); vocabulntion, s.f., l\l, 'vocabulaire' : «Les langues du Nord [...] s'unirent dans leur vocabulation crue et heurtée au cri des sapins qui se rompent» (55).

Pour les adjectifs ultra-littéraire IM et uni-syllabe I\l, 'monosyllabique', notre
lecteur se reportera aux exemples donnés ci-dessus à propos ai extra-littéraire et
de tétragramme (3.3 : groupe 2).

C'est, nous semble-t-il, pour diversifier son style que Nodier fait alterner uni-syllabe avec monosyllabe 121 (22, 28). Quant à orthographier, les définitions indiquées par Boiste 8 (p. 506) ne sont guère applicables aux contextes cités, alors que le sens qui s'y adapte (cf. supra) ressort d'un passage d'Examen critique où l'auteur du texte dépouillé parle du «vandalisme des grammairiens [...] et des orthographiers» (p. 237), parmi lesquels il compte notamment Voltaire. En recourant au substantif considéré, l'écrivain a sans doute voulu éviter une éventuelle confusion avec orthographiste, «auteur qui traite de l'orthographe» (Boiste 8, loc.cit.), au risque pourtant de voir le mot utilise entrer en conflit avec l'infinitif homonyme et homographe d'un verbe qui apparaît, lui aussi, dans son exposé. Le choix de nomenclaturier, issu, à ce qu'il semble, de nomenclaturer, «inclure dans une nomenclature» (TLF, 11, 205), doit s'expliquer par le souci de parer à un fâcheux malentendu qu'aurait pu faire naître l'emploi du mot polysémique nomenclateur (cf. Boiste 8). Les motifs que nous avons invoqués plus haut relativement à historiologue, progressibilité, pseudonymie et vocalisation ont probablement amené Nodier à préférer vocabulation à vocabulaire.

Hétéroglotte, néophone et onpmatechnie ont été formés sur des éléments de base grecs, le premier terme sur heteros, 'autre', etglottos, 'relatif à la langue', le deuxième sur neos, 'nouveau', et phonê, 'son', et le troisième sur onoma, 'mot', et tekhnê, 'art'. Thêt représente un effort sérieux de la part de l'auteur de faire porter un habillement français à un terme grec.

Cultorisme, qui, à son tour, a donné naissance à cultoriste, semble résulter
d'un croisement de autisme et de gongorisme, mots empruntés à l'espagnol et
adaptés à la structure morphophonétique du français.

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Seïcentiste est une création probablement nodiérienne, faite à partir de l'italien seicento, 'six cents', numéral qui désigne aussi le dix-septième siècle. Le lexique italien ignore pourtant le mot qui aurait pu servir ici de modèle, *seicentista, - du moins n'est-il relevé ni par DLI ni par VLI. Le faux italianisme laisse néanmoins présager l'apparition de secentista qui selon GR ne sera attestée qu'en 1891. C'est la francisation de secentista, qui est sorti de secento, variante de seicento.

Cis-pyrénéen a été fait par analogie avec cisalpin, cismontain, etc. (cf. TLF). La formation plaisante de lèse-gallicisme est pareillement de nature analogique, due à l'exemple de lèse-majesté, de lèse-nation et d'autres termes signalés par TLF.

Nasalement a été dérivé de nasaler, verbe attesté, d'après TLF, en 1845,
mais qui, effectivement, apparaît déjà en 1828 dans les Onomatopées (p. 46).
Vocabulation paraît créé par plaisanterie à partir d'un *vocabuler, verbe fictif.

A denti-labial (e) Boiste 8 a substitué dento-labial (e), forme que, du reste, on découvre aussi dans les Onomatopées (p. 166). Subsistant dans la plupart des dictionnaires qui se succèdent au cours du siècle passé et du premier tiers du nôtre, dento-labial (e) sera finalement relayé par labiodental (e) qu'on verra figurer, comme l'indique GR, pour la première fois dans un texte français de 1909.

Les 17 mots du groupe 3 offrent un total de 18 occurrences - orthographier se manifeste seul à deux reprises dans l'exposé de Nodier. Il est probable que l'immense majorité de ces nouveautés lexicales — qui paraissent toutes redevables de leur naissance à la faculté créatrice de l'auteur du texte sauf, peutêtre, nomenclaturier, attribué à tort ou à raison par DN à Landais34 - ont connu une existence éphémère, car on n'en trouve que quatre qui aient trouvé place dans quelques dictionnaires : cultorisme, cultoriste, orthographier, et nomenclaturier, sur le cas desquels nous allons revenir plus loin (voir 3.8 infra).

3.5. Groupe 4 : Néologismes uniquement conceptuels.

Le vocabulaire qui fait l'objet de notre étude présente non seulement des mots nouveaux du point de vue formel en même temps que sémantique mais se compose aussi de vocables, enracinés depuis plus ou moins longtemps dans l'usage et auxquels sont assignés des emplois et des acceptions qui leur étaient probablement inconnus avant la parution de l'ouvrage de Nodier. L'année de la première apparition formelle de chacun de ces termes, telle qu'elle est indiquée par nos dictionnaires de base, sera marquée ci-dessous entre crochets.

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Un rapide coup d'œil jeté sur l'exposé révèle que c'est particulièrement en
entretenant ses lecteurs de faits linguistiques que l'auteur du texte fait usage
de ses néologismes conceptuels.

Quand il s'arrête sur quelques propriétés du phonétisme français, Nodier ne dispose évidemment pas de termes techniques adéquats pour les expliquer ou les caractériser et fait appel à cet effet, tout en se fondant, semble-t-il, sur ses propres impressions auditives, aux adjectifs éclatant (1694), emphatique [1579], mou 1170], soufflant [ 1125] et au substantif féminin tonique [ 1762]. Nous le voyons ainsi traiter de «voyelle éclatante» ( 150) IV mi-fermé final de liberté et de «voyelle emphatique» (loc.cit.) Ye mi-ouvert accentué de tempête. Dans ce dernier cas, l'adjectif a sans doute pour fonction principale de dénoter la durée vocalique allongée qui, à l'époque, pouvait toujours jouer un rôle distinctif.3"1 L'occlusive dorso-vélaire sonore est qualifiée de «gutturale éclatante dans gaule» ( 119) et se différencie de sa variante dorso-palatale, appelée «gutturale molle dans guerre» (loc. cit.). Le substantif tonique désigne éventuellement une syllabe portant le sommet de la courbe intonative - et qui n'est pas pour autant toujours celle que frappe l'accent d'intensité36-dans «l'élocution [était] soutenue alors par [...] une accentuation plus nette et par des toniques plus mordantes [se. plus sonores] » (81). Nous avons déjà cité un exemple où sotaní apparaît comme synonyme de chuintant (voir 2.2).

Parmi les autres néologismes de sens relevant peu ou prou du domaine linquistique
on remarque :

Dénominateur, s.m. [ 1484], qui n'est pas utilisé comme terme mathématique - il est indiqué comme tel par exemple dans Boiste 8 - mais qui paraît signifier élément servant à dénommer qch.' dans «lu [...] est le dénominateur universel de la lumière» (50); monogramme, s.m. [1557], employé non au sens de «caractère qui [...] renferme [...] les initiales d'un nom» - c'est la définition de Boiste 8 (p. 471) - mais avec l'acception 'signe graphique symbolisant un phonème unique' dans «un monogramme grec» (115). Le vocable, qu'on peut rapprocher de digrumine et de tétragramme, rangés plus haut dans le groupe 2 (ci. 3.3), s'emploie aussi comme adjectif dans «vocales monogrammes» (108) pour indiquer que chacune des voyelles considérées correspond à un graphème particulier, de même que monogrammatique, classé dans notre groupe 1 (voir 3.2), donne à entendre dans «l'écriture littérale et monogrammatique» (91) que chacune des lettres de celle-ci représente un seul phonème; substantiver, vb. [ 1380], que, dans «une phraséologie qui substantive le discours» (37), nous croyons pouvoir transcrire par '(lui) conférer de la substance'; vocaliser, vb. [1611], qui est un terme à deux sens, signifiant nous paraît-il, d'une part 'faire suivre (une consonne) d'un supplément vocalique' - à propos d'une écriture syllabique qui ne note de la syllabe que la consonne37 - dans «la lettre voyelle [se. le son vocalique] ne sert qu'à vocaliser la lettre consonnante [se. le graphème consonantique]» (102), d'autre part 'fournir un élément vocalique (à un mot)' dans «sa

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seule propriété [se. celle de la voyelle] [est] de vocaliser le mot [...], puisque le
mot ne peut se passer d'elle» (111).

Il est fort possible que le texte examiné occulte de nombreux néologismes conceptuels autres que ceux que nous avons passés en revue, mais la polysémie des mots du vocabulaire nodiérien et surtout l'imprécision de sens de ceux-ci, à laquelle s'ajoute l'insuffisance des contextes où ils figurent, nous ont empêché de les déchiffrer tous et même, dans certains cas, d'émettre des hypothèses relativement à leurs acceptions. Ce qui est d'ailleurs significatif, c'est qu'aucun des emplois que Nodier fait des vocables énumérés n'a survécu jusqu'à nos jours et qu'aucun d'entre eux n'est connu des dictionnaires que nous avons consultés, à deux exceptions près : soufflant, qui a été enregistré comme terme phonétique par GDU, LVS ainsi que par GLLF, lequel le déclare vieilli, et monogrammatique, qui fait acte de présence dans GDU (XI : 1, 462). Tout en taisant le sens prêté par Nodier au substantif monogramme, ce dictionnaire cite l'adjectif en cause dans le contexte nodiérien reproduit ci-dessus avec la définition «qui représente un seul son ou une seule articulation». Ajoutons incidemment que le substantif tonique apparaît en qualité de terme phonétique dans le même dictionnaire (XV : 1, 290), accompagné de l'explication «voyelle ou syllabe frappée de l'accent tonique [se. l'accent d'intensité] », explication avec laquelle il se manifeste de nouveau dans NLI et LVS, alors que GLLF et GR passent cet emploi sous silence.

Comme, en raison des circonstances alléguées, nous n'avons pu poursuivre notre recensement des néologismes exclusivement sémantiques, lequel reste ainsi incomplet, nous jugeons bon de ne pas tenir compte par la suite des emplois liés aux mots signalés du groupe 4, dont nous avons trouvé inutile de chiffrer les occurrences.

3.6. Proportion néologique.

S'élevant à un total de 66 termes qui apparaissent en tout 112 fois (1,6%) dans l'exposé de Nodier, les mots des groupes 1-3 qui nous restent après l'élimination du groupe 4 ne constituent qu'une partie infime (2,0%) du vocabulaire général réduit, composé, comme nous l'avons vu, de 3371 items totalisant 7163 occurrences, même si, du point de vue numérique, ils l'emportentlargement sur les 12 archaïsmes du texte (voir 2.2 supra), dont le nombre et les apparitions n'atteignent même pas 0,5% du vocabulaire examiné.Il suit de là que la modernité du stock de mots de Notions élémentaires n'est rien moins qu'impressionnant si tant est que celle d'un texte se laisse mesurer sur la quantité de ses néologismes. Il tombe d'un autre côté sous le sens que pour être à même de déterminer la proportion néologique du vocabulaire envisagé plus rigoureusement que nous n'avons pu le faire ici, il

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aurait été indispensable de faire la part également de toutes les nouveautés lexicales uniquement conceptuelles qui s'y présentent. Il nous aurait fallu, de plus, pouvoir comparer, toutes proportions gardées, bien entendu, le contingentde néologismes formels et sémantiques du travail nodiérien non seulementavec celui d'un autre ouvrage linguistique datant du premier tiers du XIX" siècle mais aussi avec celui de textes littéraires de Nodier et d'autres écrivains parus à l'époque concernée et, en outre, avec celui de textes représentatifsdu style journalistique d'alors. C'est pourtant là une besogne dont l'accomplissement dépasserait nos forces.

3.7. Distribution et structures morphologiques.

Les néologismes se manifestent souvent dans le texte réunis en groupes comme à la p. 14, qui offre l'ensemble linguistique, mimique et sensitività ou à la p. 251, où s'agglomèrent cultorisme, euphuisme, extra et ultra-littéraire, intelligentiel, marinisme et mythisme. De temps à autre, le même terme se répète - c'est le cas de digramme, qui apparaît à trois reprises à la p. 121. Il arrive pourtant aussi au lecteur du livre d'avoir à lire une longue suite de pages avant de découvrir une seule nouveauté lexicale. Les termes néologiques se distribuent donc de manière inégale dans l'exposé.

Rangés dans leurs catégories grammaticales respectives, les mots de nos
groupes 1-3 supra se répartissent de la façon suivante :


DIVL3189

Tableau II

En confrontant les tableaux I et 11, nous voyons que celui-ci reflète celui-là, quoique les écarts qu'on observe entre les quatre catégories soient plus marqués dans le vocabulaire néologique, où la hiérarchie est toutefois la même qu'auparavant : les substantifs l'emportent du point de vue quantitatif

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sur les représentants des trois autres classes, les adjectifs sont plus nombreux
que les verbes, la catégorie la plus pauvre est celle des adverbes.

Le chiffre 1,9 de la col. 3.c. du tableau II pourrait nous faire croire que chacun des substantifs apparaît à peu près à deux reprises dans le texte. Il n'en est pourtant pas ainsi en réalité. Le fait est que seuls 8 représentants de la catégorie en question se manifestent plus d'une fois dans l'exposé, à savoir : linguistique 1171, terminologie 191, vocalisation 171, digramme 13/, mimologisme/3/, néographie/3/, anthropomorphe/2/ et orthographier/2/.

Parmi les adjectifs on en trouve quatre dont le total d'occurrences dépasse une seule : néo-latin 141, intelligentiel loi, phonétique loi et phonographique 121. Les autres néologismes, à quelque catégorie grammaticale qu'ils appartiennent, sont des hapax, lesquels sont par conséquent largement majoritaires.

Il y a lieu de faire remarquer que le vocabulaire néologique de Nodier ne
comprend aucune lexie composée du type coup d'œil, etc.

Lorsqu'on étudie comment se distribuent les néologismes par rapport à leur sémantisme, on est frappé de voir la place prépondérante occupée par le domaine de la linquistique, qui comprend, du moins si l'on prend linguistique au sens le plus large possible, 44 mots dont le nombre d'occurrences atteint un total de 87 (77,7%). Parmi les 22 termes non linguistiques qui constituent le vocabulaire envisagé il y en a 10 ( 15,1%) qui se rapportent au domaine plutôt littéraire {canzonnette, cultorisme, cultoriste, dantesque, euphuisme, extra-littéraire, marinisme, pseudonymie, seïcentiste, ultra-littéraire), tandis que les 12 vocables restants (18,2%) relèvent des aires notionnelles les plus diverses - nous trouvons inutile d'essayer de les préciser - et qui sont : anthropomorphe, cis-pyrénéen, dandy, dandysme, historiologue, intelligentiel, mythisme, progressibilité, psychisme, sensitivité, théologisme et viriliser.

Morphologiquement les néologismes en discussion se laissent classer ainsi : A. : ceux, au nombre de 27 (40,9%), que forment un ou plusieurs termes de base grecs auxquels s'accolent le plus souvent des suffixes grécolatin s38 : thêt, anthropomorphe, mimologisme, onomatechnie, phonographique, etc.; B. : ceux que constituent, et dont on compte 6 (9,1%), un ou deux termes de base de provenance grecque auxquels se joignent des affixes d'originelatine : alphabétaire, orthographier, phonétiquement, stéréotypage, syntaxer,uni-syllabe; C. : ceux qui se composent d'un ou de plusieurs termes de base d'origine non grecque avec adjonction d'affixes empruntés primitivementau grec : néo-latin, argotisme, terminologie, lèse-gallicisme, etc. L'élémentgrec se réduit à la séquence -is- dans viriliser et vocalisation. Le vocabulairecomporte 11 mots (16,7%) présentant cette structure; D. : ceux dont les termes de base de même que les suffixes proviennent du latin, et dont 13

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( 19,7%) font partie du vocabulaire examiné : nomenclaturier, progressibilité,
etc.; E. : ceux, au nombre de trois (4,6%), qui sont de formation entièrement
populaire : clappement, patoiser, soufflante.

En dehors des groupes ci-dessus on distingue un ensemble de 6 xénismes (9,1%), composé des italianismes canzonnette, dantesque et marinisme et des anglicismes dandy, dandysme, euphuisme. Les pseudo-hispanismes cultorisme, cultoriste ainsi que le pseudo-italianisme seïcetitiste, créés par un francophone (Nodier?) - ou des francophones - ont été inclus dans le groupe C supra.

On observe que le groupe A, celui dans lequel entrent 27 mots dont tous les éléments sont empruntés au grec, est le plus nombreux des groupes énumérés. Si nous y joignons les 16 vocables des groupes B et C, nous obtenons un total de 43 termes contenant au moins un ingrédient grec et qui font ressortir encore plus nettement la teneur hellénique du stock de mots néologiques recensés (65,2%).

Comme un néologisme est par définition un mot savant,39 on ne s'étonne
pas de constater la rareté des mots du groupe E, ceux de formation populaire.

Ce qui vient d'être énoncé paraît en définitive nous autoriser à conclure que le néologisme le plus typique qu'emploie Nodier est un substantif de formation plus ou moins savante, composé d'un ou de plusieurs constituants issus du grec, ayant pour fonction de dénoter un phénomène linguistique et apparaissant une seule fois dans le texte.

3.8. Extinction et survie.

Lesquels des néologismes répertoriés s'utilisent toujours, sinon principalement dans le registre parlé, du moins quelquefois dans le langage écrit? Pour tâcher de fixer leur nombre, nous avons adopté une méthode qui peut certes soulever des objections mais qui nous sembie en tout cas ia plus appropriée à notre propos : tenir pour vivants ceux des termes qui ont été admis par GR, le plus récent de nos dictionnaires de base, lequel, tout en s'efforcant de rendre compte de «l'usage contemporain» (I, X), offre «une nomenclature d'environ 75.000 entrées», censées couvrir «la totalité des mots de la conversation courante et une grande partie de ceux que l'on trouve dans les textes littéraires effectivement lus ou écoutés» (ibid., XII).

Il va de soi que les 17 vocables classés ci-dessus dans le groupe 3 font défaut à GR. A ceux-ci il faut joindre les 10 mots suivants, appartenant à nos groupes 1 et 2 : alphabétiste, historiologue, mimologisme, mythisme, néographie, onomatologie, polysyllabie, progressibilité, théologisme et soufflante, employé comme terme phonétique.40

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Bien sûr, les 27 mots sortis de l'usage n'ont pas tous disparu immédiatement et simultanément. Il est de fait que nous en trouvons 14 qui ont figuré plus ou moins longtemps dans les dictionnaires avant de s'éteindre définitivement comme le fait voir le tableau ci-dessous :


DIVL3229

Tableau 111

Le tableau montre horizontalement dans combien de dictionnaires figure chacun des mots, et, verticalement, combien de mots chaque dictionnaire a relevés. Les dictionnaires consultés ont été disposés par ordre chronologique, suivant leurs dates de publication.

Nous voyons qu'ayant été admis par 7 dictionnaires différents, mimologisme ouvre ici la marche en compagnie de mythisme, de néographie et d'onomatologie, qu'ils sont suivis par alphabétiste, cultoriste, polysyllabie et progressibilité, relevés dans 6 ouvrages lexicographiques, et que les autres termes ont eu moins de longévité.

Le fait qu'orthographier n'ait été enregistré que dans Boiste 8, rédigé par
Nodier, incline à penser que c'est ce dernier qui a créé ce mot.

Soufflante figure non seulement dans les dictionnaires signalés par le
tableau 111 mais apparaît aussi dans celui de Marouzeau ( 1933, p. 169), où on
lit que «le terme s'applique proprement aux sifflantes mais souvent aussi aux

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fricatives en général». Nodier, lui, l'applique aux chuintantes (cf. 3.3). Le terme est qualifié d'archaïque par GLLF avant de disparaître des dictionnaires, accompagné de néographie, celui des mots disparus qui a «tenu le coup» le plus longtemps.

Depuis qu'un vocable a trouvé place dans un ouvrage lexicographique, on a l'impression qu'il a tendance, en vertu de la loi d'inertie, à être transmis de dictionnaire en dictionnaire longtemps après être sorti de l'usage réel, ("'est le cas de termes qui ont sans doute été utilisés très rarement, tels qu alphabétiste, cultoriste et néographie, admis même par Littré qui semble par ailleurs assez restrictif, du moins si l'on compare le nombre de mots qu'il a relevés avec la quantité de vocables enregistrés par les autres dictionnaires du tableau

Si nous abandonnons les mots devenus obsolètes pour passer aux 39 termes qui ont survécu - ceux qui ont été admis par GR -, nous nous apercevons que les adjectifs alphabétaire et ititelligentiel, traités de vieillis par ce dernier ouvrage, manquent dans GLLF, de même, du reste, qu extra-littéraire, sensitivité, stéréotypage et syntaxer.^ Nous notons aussi qu extra-littéraire est absent de tous nos dictionnaires publiés antérieurement à GR si nous exceptons TLF - que d'ailleurs, nous ne faisons pas entrer en ligne de compte ici et qui attribue le terme à Murger.

N'oublions pas de signaler la quantité des mots survivants admis dans les dictionnaires qui figurent dans notre tableau 111 - GLLF et GR mis à part, bien entendu : NLI : 37 (94,9%), GDU : 36 (92,3%), DN : 35 (89,7%), LVS : 34 (87,2%), Littré : 31 (79,5%), CDA : 29 (74,4%) et Boiste 8 : 20 (51,3%).

La nomenclature de Littré s'avère de nouveau assez restrictive, il est vrai, mais elle est néanmoins infiniment plus riche en l'espèce que celle de Boiste 8 qui ne contient qu'un peu plus de la moitié des mots mentionnés. NLI et GDU se révèlent ici les plus «accueillants» de tous les dictionnaires, même si les définitions des vocables qu'ils proposent ne coïncident pas toujours entièrement avec les emplois qu'en fait Nodier dans son texte, ce qui vaut du reste également pour les explications données à ce propos par tous les autres ouvrages lexicographiques en cause. C'est au demeurant sans surprise que l'on constate que plusieurs termes qui surnagent aujourd'hui du point de vue formel ne sont pas restés tels quels sous le rapport conceptuel mais ont subi des transformations de sens au cours des temps. Nous n'en citons que ces exemples, choisis au hasard : Phonographie, d'où a été dérivé l'adjectif phonographique, et qui dénote un alphabet phonétique dans l'ouvrage de Nodier (cf. 3.3), est utilisé par la suite comme «terme de physique» selon l'explication de Littré (VI, 1827), servant à désigner un «moyen de figurer les sons sur le papier». Encore plus tard, le substantif en vient à représenter l'«enregistrement et [la] reproduction des sons par un procédé mécanique»,

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c'est-à-dire par le recours à un «phonographe» (GR, VII, 353-354). C'est à partir de cette phase de l'évolution que phonographe est perçu, semble-t-il, comme base des dérivés phonographie et phonographique. Du moment que la phonographie a été remplacée par d'autres techniques pour enregistrer et reproduire les sons, il y a pourtant longtemps que les trois termes sont tombés en désuétude;

A semi-voyelle, qui, dans Nodier, sert de dénomination à \'e instable (voir 3.3) et qui désigne aussi d'après CDA (p. 1104) une «consonne dont le nom commence par une voyelle : effe, elle», etc., Littré, considérant les «semivoyelles» comme des «voyelles [qui] ne forment pas syllabe», confère le sens que, grosso modo, le mot porte actuellement;

Sensitivité employé par Nodier pour dénoter la faculté de sentir (cf. 3.3), passe dans le domaine de la physiologie où, suivant Littré (VII, 33), le terme exprime la «propriété simple de sentir, inhérente à chaque partie du système nerveux centripète», définition qui revient, quoique formulée un peu autrement et un tantinet plus circonstanciée dans NLI. Le substantif qui manque dans GDU, LVS et GLLF, réapparaît dans GR (VIII, 702), selon lequel il sert à dépeindre le «caractère [...] d'une personne sensitive». Le même dictionnaire affirme que le mot concerné est d'un emploi peu fréquent de nos jours.

Il nous paraît impossible de déterminer si, dans les cas qui viennent d'être cités, il est question de termes réutilisés ou recréés plutôt que de survivances. Qu'il s'agisse de réutilisation, de recréation ou de survie, il ressort de toute manière de notre examen que 59,1% des mots qui composent le vocabulaire néologique de Nodier vivent toujours dans le lexique français actuel, bien qu'on en trouve quelques-uns qui sont en train de devenir obsolètes. Ajoutons finalement que si nous laissons de côté l'usage tout particulier que Nodier fait de linguistique (cf. 3.2) et que si nous nous bornons à examiner les diverses définitions qu'en offrent les dictionnaires que nous avons consultés, nous pouvons lire en les juxtaposant et en suivant leur ordre chronologique l'historique des étapes qu'a parcourues l'évolution de la science du langage. Il va sans dire que nous n'entrons pas dans le détail à ce sujet.

4. Conclusion

Notre lecteur n'a pu manquer de s'apercevoir qu'un des traits les plus frappants du vocabulaire néologique dont nous avons rendu compte est l'écart par rapport à la norme sémantique. A ses néologismes attestés avant ou après la publication de ses Notions élémentaires, Nodier donne souvent des acceptions qu'ignorent les dictionnaires du siècle passé. A cela s' ajoute le fait que certains de ces termes tenus pour nouveaux il y a quelque 150 ans, et dont il reste toujours près de 60 % en usage, ont subi des transformations sémantiques. Il suit de là que, dans plusieurs cas, ceux qui ont cours aujourd'hui ne

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portent plus le sens qu'ils avaient à l'origine ou dont ils sont porteurs dans
l'exposé de Nodier.

Les néologismes inventoriés, qui font partie d'un vocabulaire composite dont ils constituent une faible proportion et où ils voisinent avec des mots «traditionnels», quelques archaïsmes et quelques termes de caractère populaire, sont pour la plupart des substantifs ayant trait à la linguistique. Ils tendent à s'assembler en groupes espacés et se distribuent irrégulièrement dans le texte.

S'opposant avec opiniâtreté à la floraison néologique d'alors, en particulier aux héllénismes introduits dans les terminologies scientifiques,'12 Nodier accumule par-ci par-là les néologismes auxquels il a recours dans le but évident de tourner leur emploi en ridicule. La forte concentration de termes nouveaux formés sur des éléments grecs qu'on observe dans son vocabulaire peut donc être mise sur le compte de l'ironie. Il est probable que sa prédilection pour les néologismes volumineux que nous avons pu constater est due à l'influence de ses lectures de Rabelais, écrivain qui avait coutume de forger des mots interminables afin de railler les savants.43

C'est vraisemblablement aussi l'aversion qu'il éprouvait pour les vocables récemment créés qui l'a amené à les exclure autant que possible de son remaniement du dictionnaire de Boiste, qui n'a admis que 28 (42,4%) des 66 néologismes dont nous avons dressé l'inventaire. Si les lecteurs de Notions élémentaires avaient désiré consulter un dictionnaire tant soit peu complet pour être à même de comprendre tant bien que mal le texte nodiérien, il leur aurait fallu attendre pendant 12 ans la parution de DN, qui a relevé 45 (68,2%) des mots néologiques recensés. L'ouvrage lexicographique le plus riche sous ce rapport est NLI, dont les derniers volumes ont paru au début du siècle actuel. On y trouve 48 (72,7%) des néologismes concernés.

Nous sommes bien conscient que nous nous sommes servi d'un critère fragile et précaire lorsque, pour déterminer si un terme est à considérer comme néologique ou non, nous avons choisi de nous baser sur la date de sa première attestation écrite.4'1 Peut-être découvrira-t-on à l'avenir que tel vocable que nous avons fait passer pour nouveau-né pendant le premier tiers du siècle dernier remonte en réalité plus loin dans l'histoire du lexique français et n'était nullement une nouveauté lexicale à l'époque considérée. Malgré ses nombreux défauts, notre examen nous a toutefois mis à même d'antidater la première apparition de 32 mots dont nous avons tenu 21 pour néologiques et que nous avons pu situer en 1833-1834. Si nous abandonnons le stock de mots qu'offre le livre de Nodier pour examiner d'autres vocabulaires nodiériens, il est en effet possible de reculer encore plus l'année de première manifestation écrite de cinq termes compris dans notre inventaire : mimologisme, digramme, tétragramme, aphone et clappement, dont les trois

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premiers figurent dans Examen critique (pp. 42, 203, 250) et les deux autres dans les Onomatopées (pp. 89 et 107), ouvrages dus à la plume du même auteur et publiés l'un comme l'autre en 1828. A supposer que les deux derniers termes se manifestent aussi dans l'édition originale du travail de Nodier sur les onomatopées, rareté bibliographique dont il reste un seul exemplaire en France45 et que nous n'avons pas eu l'occasion d'examiner, ils apparaissent en fait pour la première fois dans un texte français de 1808.

De son propre aveu, Nodier a donné naissance à hétéroglotte (194). Il affirme en outre avoir »inventé» d'autres mots encore (109), souvent, semble-t-il, dans une intention ironique - cf. ce qui vient d'être énoncé à propos des néologismes à ingrédients grecs. Comme, sauf pour le cas de l'adjectif susmentionné, nous ne saunons déterminer lesquels des termes néologiques répertoriés sont nés sous sa plume, nous avons dû nous limiter à présumer que la plupart des vocables de notre groupe 3 supra sont de son cru. On peut noter, de plus, que du fait qu'ils citent une dizaine des créations lexicales récentes signalées ci-dessus, insérées dans des extraits tirés de Notions élémentaires dont ils indiquent l'auteur, DN, GDU NLI et LVS en attribuent plus ou moins directement la paternité à Nodier. Ainsi, l'ironie du sort a voulu que l'implacable adversaire des nouveautés du lexique qu'était en réalité l'auteur du livre soit passé lui-même à la postérité comme créateur de néologismes!

Hans Backvall

Stockholm



Notes

1. Vaulchier (1984, p. 38). La partie du texte datant de 1833 constitue à peine le tiers de l'exposé du volume belge et correspond aux pp. 11-92 de celui-ci.

2. Voir Vaulchier (1984, p. 34).

3. Cf. par exemple Castex-Surer (1966, pp. 41-42, 46, 49 ss.), Echelard (1984, p. 94-95), Milner (1973, p. 54-55) et Salomón (1964, p. 300-301).

4. Larat(l923, p. 253-270).

5. Vaulchier(l9B4, p. 37).

6. Ibid., p. 16.

7. Ibid., p. 146.

8. Cf. Ducrot-Todorov(l972, p. 7).

9. Cet ouvrage est toujours en cours de publication.

10. Voir àce propos Dubois et alii (1973, p. 510).

11. Cf. leparafcxfede Genette (1987, p. 7).

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12. Il s'agit évidemment ici des morphèmes qui se manifestent comme unités graphiques autonomes dans un texte et qu'on pourrait aussi traiter de «mots vides». Pour les morphèmes français on verra Gougenheim ( 1938, p. 7455.).

13. Voira ce sujet par exemple Picoche (1977, p. 23).

14. Il est vrai que Henmon (1924) a répertorié les mots les plus fréquents du français du XIX1' siècle mais en se basant sur un dépouillement de textes exclusivement littéraires et, en plus, publiés à la fin de cette période.

15. Voir Larat (1923, p. 210-221) et Vaulchier (1984, p. 225-226).

16. On trouve cette explication dans Nodier (1828a, p. 65).

17. Cf. Dubois et alii (1973, p. 334-335).

18. Voir Picoche (1977, p. 119).

19. Nous empruntons la définition à TLF (111, 102).

20. Selon ibid.

21. Bible (1700), chap.Xll, 6, et Bible ( 1565), chap. XI, 1.

22. Les vieux théoriciens comparaient l'appareil phonatoire à un instrument à vent, muni d'un clavier et de touches, cf. Genette (1976, p. 89-90). La touche désignait simultanément le point et le mode d'articulation d'un phonème.

23. Selon TLF, bêta et phi ont été attestés en 1838 et en 1805 respectivement. D'après GLLF, thêta et xi ne se seraient manifestés par écrit qu'en 1904 et en 1876.

24. Cf. Dubois- Lagane (1960, p. 309).

25. Voir Walter( 1989, p. 77).

26. Voir Dubois et alii (1973, p. 87).

27. C'est un poète de l'époque alexandrine, voir GE (XXII, 813).

28. Vaulchier (1984, p. 71).

29. Ibid., p. 79.

30. Voir n. 27 supra.

31. Ainsi FEW a seul enregistré mimologisme mais exclu argotisme àla différence de GLLF, GR et TLF.

32. C'est évidemment le principe adopté par nos dictionnaires de base quand ils indiquent la première attestation écrite d'un mot.

33. Voir Bourciez (1946, p. 642).

34. Voir pour l'écrivain Napoléon Landais, mort en 1852, GE (XXI, 860).

35. Cf. Carton (1974, p. 215).

36. Voir ibid., p. 87 ss.

37. Dubois et alii (1973, p. 81). Quant à l'importance attachée dans les théories anciennes à la consonne par rapport à la voyelle, on se reportera à Genette (1976, pp. 53,90).

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38. Pour les suffixes, y compris ceux d'origine gréco-latine -ie, -ique, -isme, -iste, - iser, -isation, on verra Bourciez (1946, pp. 63-66, 655-658) et pour les autres affixes Mitterand (1965, p. 33 -48).

39. Cf. Picoche(l977, p. 119).

40. On y découvre par contre le subst. fém. soufflante, apparu en 1931 et désignant une sorte de compresseur. Il résulte à l'évidence d'une substantivation de l'adj. épithète de machine soufflante, alors que le terme phonétique homonyme et homographe dont se sert Nodier procède de consonne soufflante (cf. l'exemple de soufflant donné plus haut sous 2.2). Comme le mot n'est pas de même provenance que le terme phonétique et qu'il n'entre pas dans les mêmes paradigmes que lui, il n'y a pas lieu d'en tenir compte ici.

41. Ce mot n'en est pas moins toujours vivant, a telles enseignes que Cellard ( 1979, p. 95) l'emploie, de même d'ailleurs que Nodier, comme participe adjectivé en parlant d'un «langage syntaxe, noble, figé».

42. Voir par exemple Larat (1923, pp. 244, 250)

43. Ibid.,p. 247.

44. Cf. Bàckvall (1989, p. 227-228).

45. Selon Genette (1973, p. 265).

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Résumé

L'étude a pour but d'inventorier ceux des mots qui pouvaient passer pour néologiques pendant les premières décennies du siècle passé et qui font partie du vocabulaire de Notions élémentaires de linguistique, ouvrage de Nodier. Elle nous fait constater que plus de la moitié de ces termes, dont un grand nombre - à peu près le tiers - semblent faire leur première apparition en français écrit dans le texte nodiérien, sont toujours en usage, du moins si nous ne tenons compte que de leur aspect formel. C'est que Nodier leur prête fréquemment des acceptions qui s'écartent de celles que signalent à leur propos les dictionnaires, sans compter qu'ils ont souvent changé de sens depuis leur naissance. L'auteur du livre paraît avoir eu recours à ses néologismes principalement pour ridiculiser la prolifération des termes néologiques qu'il combattait et qui caractérisait en particulier les nomenclatures savantes d'alors.

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