Revue Romane, Bind 31 (1996) 1

A propos de Maurice Grevisse : Le bon usage (Treizième édition par André Goosse, Duculot, Paris - Louvain-la-Neuve (1993)), - et de quelques autres livres de grammaire française.

Jørgen Schmitt Jensen

Depuis 1953, au terme de mes études de français pendant lesquelles j'avais utilisé - comme tous mes contemporains - deux petites grammaires, celle de Oluf Nielsen et celle, très élémentaire, à l'époque : scolaire, sans doute presque géniale, de Sten et Hyllested, Le bon Usage, Grammaire Française (cinquième édition, 1953), se trouve à portée de ma main, quand je travaille dans mon bureau, et voisine avec les dictionnaires et les grandes monographies syntaxiques et, tout court : grammaticales, considérées, avec raison, comme indispensables pour étudier la langue française.

Mais nous y reviendrons.

On a, à cette époque, longuement parlé de «rationaliser» cette série de
livres et d'articles sur la grammaire française pour en faire un seul volume, -
et, finalement, Togeby a offert de s'attacher à un tel travail.

Et, enfin la Fransk grammatik de Togeby vint et la première en Scandinavie donna à ces études un manuel vraiment utilisable pour des non-français - et des non-romans (1965). L'édition danoise de presque 1000 pages, utilisa surtout les exemples, littéraires et autres, des traités utilisés, y compris Grevisse {Le bon Usage. Grammaire française avec des remarques sur la langue française d'aujourd'hui. 6ème édition. Duculot Gembloux, 1955).

L'ouvrage de Togeby fut une aide très appréciable pour nos étudiants, et le livre fut suivi de l'important manuel, dont on se sert - surtout - aujourd'hui : Pedersen, Spang Hanssen et Vikner : Fransk Grammatik, Akademisk Forlag, 1980. («Si on sait ce qui est contenu dans cette grande grammaire «bleue», on sait déjà beaucoup de choses»). Malgré les discussions qu'elle a suscitées - ou plutôt à cause d'elles - elle a beaucoup contribué à l'enrichissement de l'enseignement du français au Danemark.

Après la mort prématurée de Togeby, des collègues ont continué à préparer
l'édition française de sa grammaire, basée sur des exemples originaux, ce
qui a abouti à la publication de Togeby (Kn.), Grammaire française, publiée

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par M. Berg, Gh. Mérad et Ebbe Spang-Hanssen, Copenhague, Akademisk
Forlag, 1982-1985, en 5 volumes.

Quel rapport, maintenant, entre ces grammaires danoises (Togeby et la grammaire «bleue» de P.S.V.) avec une recensión de Le bon Usage de Grevisse/ André Goosse ? On verra, par la suite, que la discussion portera sur la distincton de grammaires faites pour Français ou pour étrangers, et dans ce cas les contributions danoises sont pertinentes.

Revenons à Grevisse. On a compris que pendant des années Le bon Usage
était le seul instrument disponible - en un seul livre.

De toute façon, pas un cathéchisme à retenir par cœur, mot à mot, mais un manuel, un «vade-mecum» qu'on a toujours «sur soi», surtout quand on se trouve devant des cas particuliers. Ce livre magnifique, qui, malgré tout, se destine surtout à ceux qui savent déjà le français, est, de toute façon, un manuel très utile et très bien fait, - mais est-ce qu'il constitue une méthode, un manuel d'enseignement, un guide, un traité ou un précis - pour des étrangers pour qui le français n'est pas la langue maternelle ?

Qu'est-ce que le bon usage7. Ce n'est pas fortuitement qu'on se met à penser à Vaugelas. C'est descriptif, «l'Usage», mais c'est un peu «normatif», car on ne s'occupe pas de n'importe quel usage, seulement de ce qui est considéré comme «le bon» usage.

Vaugelas est empirique, il le dit lui-même, dans la préface : «Ce ne sont pas icy des Loix que ie fais pour nostre langue de mon authorité priuée; je serois bien téméraire, pour ne pas dire insensé» {Remarques sur la langue françoise). Comme dit Nyrop {Grammaire historique de la langue française, tome I, p. 75) : «Toute l'ambition de Vaugelas est d'éclaircir l'usage et de distinguer le bon du mauvais. Le mauvais est celui du plus grand nombre; le bon est celui de l'élite, c'est «la façon de parler de la plus saine partie de la Cour, conformément à la façon d'escrire de la plus saine partie des Autheurs du temns»».

Ce qu'il recherche, c'est un parler noble, relevé et épuré, et, pour lui,
l'ennemi c'est le peuple et la contagion des provinces (voir Remarques..., I, p.
232).

Qu'on compare ceci avec l'Avant-Propos de Grevisse (12. éd. 1986) «Mais
qu'est-ce que le bon usage?....Avec un renvoi aux § § 12-15, notre auteur
répond (§ 14) àla question de savoir quel français faut-il enseigner? : «..Les
jugements qu'il [se. un ouvrage comme celui-ci, ..dans ses intentions normatives]
avance peuvent être appliqués quand les circonstances demandent que
l'on surveille son langage : ils sont donc portés surtout en fonction du niveau
soutenu. Ils concernent plus la langue écrite que la langue parlée, «quoique
nous nous soyons efforcés de faire à celle-ci la place qui lui revient» (p. 19).

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Plus tard (p. 20) «les qualités attendues d'une bonne langue écrite sont
énumérées :a)La clarté..., La correction «fondée sur des critères variables»....,
où l'auteur arrive à cette conclusion que «Le présent livre a préféré partir de
l'observation».

La discussion continue avec des considérations sur le choix qui s'impose au grammairien, lequel «peut ambitionner de distinguer dans cet usage un bon, un moins bon et un mauvais..» - Comme on voit, l'idéal du bon français n'est pas tout à fait absent. Suivent des considérations plutôt littéraires, - et stylistiques.

On voit que - malgré des atténuations importantes - on n'est pas tellement
éloigné des points de vue du seigneur de Vaugelas!

N'empêche qu'on ne soit pas laissé à l'absurde : Ce livre s'adresse à des personnes connaissant déjà bien le français, et donne de bons conseils à ses lecteurs pour qu'ils puissent éviter des erreurs qu'ils pourraient commettre en faisant ñ du - «bon usage». Et c'est très important - pour les étrangers aussi.

On se demande toujours dans quelle mesure cette belle grammaire de la langue française s'adresse à des étrangers voulant apprendre bien la langue française. Mais, examinons d'abord les œuvres citées qui sont à la base de cette grammaire :

La bibliographie est importante et bien faite,- mais un 'francisant' scandinave regrettera l'absence d'un grand nombre de monographies et d'autres œuvres de grammaire française élaborées dans les pays nordiques. Citons quelques-uns de ces livres qui devraient logiquement appartenir à une bibliographie de la linguistique française : L'importante série romane - Studia Romanica Upsaliensia - les Acta Universitatis Upsaliensia, série créée par Bengt Hasselrot (I), qui contient de nombreuses monographies importantes et utiles. Citons - en vrac - quelques titres (avec leurs numéros de série) :

- Klum, A.: Verbe et adverbe. Etude sur le système verbal indicatif et sur le système de certains adverbes de temps à la lumière des relations verbo-adverbiales dans la prose du français contemporain. (1) (1961) - Un classique pour l'étude des temps du verbe français, surtout pour les aspects.

- Carlsson, L: Le degré de cohésion des groupes subst. + subst. en français
contemporain, étudié d'après la place accordée à ladjectif épithète. (3) (1966).

- Carlsson, L.: Le type : C'est le meilleur livre qu 'il ait jamais écrit - en espagnol,
en italien et en français contemporain. (5) (1969).

- Olsson, L.: Etude sur l'emploi des temps dans les propositions introduites par
quand et lorsque et dans les propositions qui les complètent en français
contemporain. (6) (1971).

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En tout cas, la syntaxe verbale est très bien représentée dans cette série,
comme en témoignent par exemple, les titres suivants :

- Silenstam, M.: L'emploi des modes dans les propositions complétives étudié
dans des textes français de la seconde moitié du XVIF siècle. - Très pertinent
pour l'usage du subj. dans le français contemporain. (11 ) ( 1973).

- id.: Les phrases qui contiennent une complétive. Ebauche d'un système. (24)
(1979).

- Eriksson, B.: L'emploi des modes dans la subordonnée relative en français
moderne. (23) (1979).

- Lindquist, C: L'emploi temporel dans la complétive au subjonctif introduite
par un temps du passé en français contemporain. (28) ( 1980).

- Wall, K.: L'inversion dans la subordonnée en français contemporain. (30)
(1980).

- Sundell, L.-G. : Le temps futur en français moderne. (49) (1991).

Pour ce qui est de la syntaxe nominale :

- Forsgren, M.: La place de l'adjectif épithète en français contemporain. Etude
quantitative et sémantique. (20) (1978).

- Persson, B.: Etude sur la concurrence entre les groupes du type les côtes de
France - les côtes de la France - les côtes françaises en français contemporain
(14) (1974).

- et des études phonétiques, comme par exemple :

- Âgren, ].: Etude sur quelques Liaisons Facultatives dans le français de conversation
radiophonique. Fréquences et facteurs. (10) (1973).

Enfin d'autres études, comme celle de Bengt Hasselrot, sur la vitalité de la formation diminutive française au XXe siècle (8) ( 1972), celle de G. Sundell sur la coordination des propositions conditionnelles en français contemporain (37) (1985). Et encore : Birgitta Jonare: L'inversion dans la principale non-interrogative en français contemporain (16) (1976).

Parmi les autres séries suédoises de ce type, citons la Romanica gothoburgiensia, dans laquelle a été publiée récemment l'importante étude de Olof Eriksson sur La phrase française. Essai d'un inventaire de ses constituants syntaxiques. (XLII) (1993).

Ajoutons à ce choix de grammaire française, publiée en Suède, qu'on aurait aimé trouver dans la grande bibliographie de Le bon Usage, la très importante étude de Kerstin Jonasson sur Le Nom Propre. Constructions et interprétations (Duculot). Mais, celle-ci trouvera probablement, plus tard, la place qu'elle mérite dans les bibliographies belges : elle date de 1994.

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De toute façon, on aurait aimé des références plus nombreuses à l'importante
production scandinave sur le français moderne. Bornons-nous à citer
quelques titres venant de Norvège et du Danemark :

Jane-Odile Halmoy : Le gérondif, éléments pour une description syntaxique et sémantique. Trondheim, 1982 - et la très importante étude de Helge Nordahl : Les systèmes du subjonctif corrélatif. Etude sur l'emploi des modes dans la subordonnée complétive en français moderne. (Universitetsforlaget, Bergen- Oslo, 1968), qui figure dans un grand débat, à l'époque, sur le subjonctif français/roman, dans les pays Scandinaves. C'est aussi le cas du livre du Danois Gerhard Boysen : Subjonctif et Hiérarchie, Etude sur l'emploi du subjonctif dans les propositions complétives objets de verbes en français moderne. (Etudes romanes de l'Université d'Odense, vol. 1. - Odense University Press, 1971).

Parmi les autres études danoises citées, nous avons remarqué, avec plaisir, la grande Grammaire française en cinq volumes de K. Togeby (cf. ci-dessus), mais nous avons vainement cherché les titres très importants de Holger Sten : Manuel de Phonétique française (Munksgaard, Copenhague, 1973), et, surtout, Les temps du verbe fini (Indicatif) en français moderne (Kobenhavn, Ejnar Munksgaard, 1952), - titre qui, pourtant, se trouve dans la bibliographie de l'édition de 1953. Cet important travail est toujours d'actualité!

On aurait aimé, dans ce contexte, trouver Le Datif en français de M. Herslund
(Bibliothèque de l'lnformation grammaticale, 14) (Louvain-Paris,
Peeters, 1988).

De Blinkenberg, deux études importantes sont citées, mais on aurait aimé
trouver aussi son très utile livre sur Le problème de la transitivité en français
moderne, (Kobenhavn 1960, Munksgaard).

Un autre classique de la linguistique française paru à Copenhague et qu'on cherche en vain, est le volume extrêmement important, d'un point de vue pratique mais, aussi, d'un point de vue théorique, de Ebbe Spang-Hanssen sur Les prépositions incolores du français moderne (G.E.C. Gad, Copenhague 1963).

Les Etudes Romanes de l'Université de Copenhague comptent aussi quelques titres extrêmement utiles dans notre contexte, comme par exemple la Syntaxe des noms géographiques en français contemporain de J. Lomholt (Copenhague 1983). - Cette syntaxe représente un grand problème pour les étrangers. Du même auteur : La concurrence entre en, à, dans employés dans le groupe subst. + prép. + nom géographique en français contemporain. (1991). Et Hanne Korzen avec Pourquoi et l'inversion finale en français : Etude sur le statut de l'adverbial de cause et l'anatomie de la construction tripartite ( 1985).

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Citons encore Morten Nojgaard Les adverbes français. Essai de description
fonctionnelle. Tomes I-111. (Det Kongelige Videnskabernes Selskab. En
commission chez Munksgaard - Copenhague, 1992-1995).

Ici, nous venons d'allonger une liste, d'ailleurs incomplète, d'études qui auraient pu être extrêmement utiles pour un usager étranger de la grammaire de Grevisse. Il y aurait certainement bien d'autres titres à proposer, par exemple des travaux venant d'Allemagne, mais nous nous sommes borné aux pays Scandinaves, en sachant pertinemment que nous ne sommes pas complet avec ces quelques renvois à la littérature linguistique scandinave traitant la grammaire française.

Après avoir donné un aperçu de ces travaux, venons-en à quelques exemples de Grevisse vis-à-vis de traitements concrets de problèmes grammaticaux : prenons deux points qui sont extrêmement difficiles pour les Danois - comme pour les autres Scandinaves et pour tous ceux qui ont pour langue maternelle une langue germanique : l'aspect (la différence entre il parlait et il parla) et le subjonctif

Nous aborderons aussi quelques autres problèmes.

Dans l'éd. de 1953 de Grevisse, nous apprenons que «L'aspect du verbe est le caractère de l'action considéré dans son développement, l'angle particulier sous lequel l'accomplissement (le «processus») de cette action est envisagé (§ 607 bis). Les principaux aspects sont :

L'instanéité (aspect momentané) : la bombe éclate.

La durée (aspect duratif) : Je suis en train de lire, je pourchasse.

L'entrée dans l'action (aspect incohatif) : II se met à rire. Il s'endort,
etc. etc. - Nous, nous parlerions plutôt de mode d'action (Aktionsart).

Dans l'édition de 1993 de Grevisse, nous trouvons, au § 740 (sous Le verbe, Section 1.-Généralités) : «l'aspect est la manière dont s'expriment le déroulement, la progression, l'accomplissement de l'action.» - Dans une note l'auteur explique : «cela se marque notamment dans l'opposition entre l'indicatif imparfait et le passé simple, l'action étant considérée comme inachevée dans un cas, comme achevée dans l'autre.» - Cela est réalisé aussi par les temps composés, qui expriment l'accompli : j'ai mangé/ je mange.

Dans le même paragraphe, nous trouvons que l'imparfait, dans sa valeur générale...«montre un fait en train de se dérouler dans une portion du passé, mais sans faire voir le début ni la fin du fait» : comme le soir tombait, l'homme sombre arriva. (Hugo).

Suivent b) Emplois particuliers avec des emplois de l'imparfait, IoIo avec valeur de conditionnel, 2 ° l'imparfait narratif ou historique, (type : Une demi-heure plus tard [... ]ilse déshabillait pour se mettre au lit). Suivent des considérations de type historique sur l'existence du phénomène dès le Moyen-Âge et sur sa grande fréquence chez les romanciers naturalistes.

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3°, c'est une autre «catégorie» qui est présentée : L'imparfait d'atténuation,
par exemple : Je voulais vous demander deux choses...

Nettement «grammaticale» est la règle qui impose l'imparfait après le si
conditionnel (indépendamment du «temps réel»).

Finalement dans toute cette série d'imparfaits, arrive l'imparfait hypocoristique (comme il était sage! comme il aimait bien sa maman! - dira une mère à son enfant). La catégorie de Sten «imperfectum ludi» se retrouve ici (mais seulement pour la Belgique!) : Moi, j'étais le gendarme, et tu voulais voler un vélo.- Après, on trouve d'autres «sous-catégories».

Dans le § 851, nous apprenons que le passé simple exprime :

Un fait bien délimité à un moment du passé, sans considération du contact que
ce fait, en lui-même ou par ses conséquences, peut avoir avec le présent.

Suit une série de remarques, probablement pour préparer la définition du passé composé, où nous apprenons (quand-même) que cette forme «Tantôt... concurrence (spécialement dans la langue parlée) le passé simple pour des faits sans rapport avec le moment de la parole». (Avec un renvoi à une remarque de type historique, § 852, Hist.).

En outre nous trouvons, dans l'index alphabétique, de l'éd. de 1953, au §
607, que «l'aspect du verbe est le caractère de l'action considérée dans son
développement,...

Nous avons déjà remarqué que c'est ce que nous autres nous appelons «l'Aktionsart», ce qui ne paraît pas imcompatible avec ce qui est ajouté au § 607 bis : L'aspect est parfois exprimé intrinsèquement par le verbe luimême : pourchasser; - souvent il est marqué au moyen d'expressions auxiliaires ou d'adverbes; - parfois il est indiqué par un préfixe ou par un suffixe : relire, buvoter.

Dans les éditions postérieures (1986) et (1993), nous trouvons au § 740 : l'aspect est la manière dont s'expriment le déroulement, la progression, l'accomplissement de l'action :... Et, dans une remarque finale : La notion d'aspect n'a pris qu'assez récemment (!) une grande place dans les études sur la grammaire française. Les linguistes présentent à ce sujet des vues souvent divergentes. - (C'est le moins qu'on puisse dire!).

De toute façon, cette distinction entre le passé simple et l'imparfait est un grand problème pour tous ceux qui n'ont pas le français comme langue maternelle. Grevisse nous renseigne fort peu là-dessus. Dans les généralités sur ce problème, qui en est vraiment un pour les étrangers, on trouve deux paragraphes : 851, sur l'imparfait, et 852, sur le passé simple, en tout quatre paragraphes et demi.

Voyons quelques traitements non-français du sujet : d'abord avec le livre
classique sur Les temps du verbe fini (indicatif) en français moderne par H.

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Sten (Copenhague, 1952). Au début du chapitre IV sur Le passé simple (p.
95), l'auteur déclare :

Avec les temps du passé nous touchons à un des problèmes les plus difficiles de la syntaxe française. Il est difficile surtout pour les étrangers. Pour le subjonctif, des Français peuvent faire des fautes aussi bien que nous, pour les aspects jamais. Il y a des cas où on peut employer et l'imparfait et le passé simple sans que le s,ens change considérablement, mais on veut toujours dire quelque chose en choisissant l'une ou l'autre des formes. Ce peut être parfois des nuances subtiles. Mais on ne peut étudier les langues sans s'occuper de subtilités. Et il y a des situations où on fausserait complètement le sens en choisissant mal. On peut croire avoir saisi la différence théorique entre le passé simple et l'imparfait, on peut même avoir écrit de savantes dissertations sur le sujet - et quand il faut traduire le prétérit d'une simple phrase germanique il arrive qu'avec toute sa science on ne sait pas comment faire. On est encore heureux si un Français à qui on demande son avis dit qu'on peut «mettre les deux». Mais ce n'est pas toujours le cas.

On trouve un autre excellent exemple du traitement de l'aspect (le passé simple versus l'imparfait) se trouve dans la très importante grammaire de Harald Weinrich : Grammaire textuelle du français (Didier/Hatier, Paris, 1989), qui, à mon avis, est très utile pour comprendre l'usage de ces deux temps dans un texte français, mais moins pour enseigner à des non-Français à les utiliser activement. Harald Weinrich organise un type de «système» pour expliquer les traits pertinents pour décrire les divers phénomènes grammaticaux des temps et du système temporel. Quant à notre problème (p.s. vs impf), c'est surtout le «relief temporel» qui intéresse : le «relief temporel» distingue entre \'arrière-plan (l'imparfait, le plus-que-parfait) et le premier plan (passé simple, passé antérieur) entre focalisation («rhème») et topicalisation («thème»). Varrière-plan, c'est la «toile de fond», le temps ralenti, [le «lento»] vis-à-vis du temps du premier plan, qui donne au récit un temps narratif accéléré [le «presto»]. Toute cette description est appuyée par des citations de textes qui démontrent parfaitement la vision de l'auteur (H.W.) des temps comme indiquant cette focalisation (+/-) entre le presto et le lento, entre ces deux plans : «toile de fond» vs «la narration accélérée». - Seulement, je ne cache pas mon scepticisme sur la possibilité d'application générale de cette vision; c'est toutefois un point de vue très intéressant dont on devra tenir compte et qui devra certainement être incorporé dans les grandes descriptions du phénomène; (une précision : Harald Weinrich n'aime pas le terme d'aspect). Je renvoie à mon compte-rendu dans Revue Romane, 27 1 1992, p. 147-152.

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En Scandinavie, où le problème se pose réellement, on a besoin d'autre chose. A la suite des importantes études de Sten et de Klum, Togeby a élaboré, dans sa Grammaire Française, des chapitres qui devraient permettre, même aux Scandinaves, de maîtriser les méchanismes aspectuels, et de choisir «correctement» entre l'imparfait et le passé simple. Or, dans le vol. II : Les Formes Personnelles du Verbe (au § 914 du chapitre VI, sur les Aspects), nous retrouvons l'erreur «systématique» de Togeby, pour qui la différence entre le futur et le conditionnel était analogue à celle entre le passé simple et l'imparfait (nous n'y croyons pas, ce que nous avons démontré ailleurs*). Nous nous pressons donc d'arriver au § 915, où commence l'exposition des différences qui distinguent les deux temps du passé par une brève description des principes qui différencient le passé simple et l'imparfait. Nous arrivons au sens du passé simple et de l'imparfait (§ § 916-923), avec des paragraphes comme : Signification du passé simple et de l'imparfait (916), passé simple + imparfait fond de décor (917). Passé simple + imparfait du style indirect (918), Le style indirect libre (919) et : Imparfait + passé simple (920). Au § 921, nous nous penchons sur l'lntroduction à une histoire, au § 922, sur le passé simple + l'imparfait du même verbe, ce qui nous mène à l'imparfait + passé simple du même verbe (923) pour arriver ensuite à la partie intitulée Coordination du passé simple et de l'imparfait : avec un seul sujet : § 924, avec Deux sujets réunis par «et», et : Deux sujets réunis par «mais» (§§ 925 et 926). Après ceci, nous arrivons à la partie traitant de la racine verbale et les aspects (§ 927 : Verbes perfectifs et § 928 : Imperfectum de conatu, suivis du § 929 aller+infinitif et venir de +infinitif du § 930 faillir et synonymes et du § 931 verbes déclaratifs. Ensuite le § 932 : Les verbes imperfectifs et 933 : Le passé simple ingréssif; et au § 934 : être, suivi du § 935 : avoir. Cette partie se termine par le § 936 : Les verbes modaux.

Ce qui est très important - et qui n'avait pas été tout à fait développé chez Grevisse (malgré les §§ 965 et 967, sur l'adverbe de temps et d'aspect (surtoutjamais et toujours)), c'est la partie sur l'influence des compléments adverbiaux,contenant : Compléments adverbiaux perfectifs (§§ 937-944) : de..à ..entre, etc. en (§ 939), deux ans, un instant, etc., longtemps, tout le jour, etc. à partir de, etc. et : jusqu'à (§ 944). Ensuite, nous arrivons aux Compléments adverbiaux perfectifs-imperfectifs : Pendant et durant, de, adverbes ingressifs {alors, à peine). Les adverbes indiquant rapidité et lenteur, peu à peu, l'imparfaitpittoresque, adverbe ponctuel+ imparfait pittoresque, adverbe postponctuel+ impf pittoresque. Ce chapitre est suivi des compléments adverbiauximperfectifs (§ 955 : aujourd'hui, ce soir, maintenant, etc., tout à l'heure, déjà, encore, depuis..plus..plus..., ce qui nous mène directement aux compléments adverbiaux itératifs (par exemple toujours et jamais, souvent, de temps en temps, chaque jour, etc. etc.). L'influence aspectuelle des autres membresde

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bresdephrase parle du sujet et de l'objet, concernant leurs rapports avec l'aspect. - Ensuite, nous voyons les rapports avec les diverses propositions adverbiales (temporelles perfectives (quand, lorsque, que) les conjonctions perfectives-imperfectives (tant que) et, ensuite, les conjonctions temporelles imperfectives : comme, pendant que, cependant que, durant que, à mesure que, depuis que.. Finalement, nous arrivons aux conjonctions temporelles itératives, - chaque fois que et, enfin, aux autres propositiones subordonnées, contenant des exemples du style indirect, des propositions causales, consécutives,des propositions «relatives» indépendantes, des propositions relatives attributs, des propositions relatives explicatives au passé simple, à l'imparfait, des propositions relatives explicatives au passé simple, à l'imparfait, des propositions relatives déterminatives, et du type : Substantif temporel + relative determinative. Et, finalement : Superlatif + relative determinative (§ 1009). - C'est évidemment compliqué, et pour des personnes «a-aspectualisées»de leur naissance, il faut probablement un très gros effort. Togeby y arrive, comme on s'en doute d'après ce qui précède.

Pour les principales - où le subjonctif (roman) a vraiment un sens opposé à la forme indicative correspondante - nous trouvons une série d'exemples dans le § 399 : formes de la phrase injonctive : type : Qu'il sorte, § 400 :1a phrase optative : type : Que Dieu vous garde!, et, sans que, dans un assez grand nombre de formules consacrées, surtout à la 3e3e personne : Dieu nous garde!/ Ainsi soit-il!/ à Dieu/ À Dieu ne plaise/Puissiez-vous réussir + d'autres formules de souhait, exprimées d'autres façons (le contenu domine dans la disposition!). Il s'agit surtout de formules consacrées, appelées 'prédicats de phrase'. Des listes extrêmement utiles présentées à peu près comme des entrées de vocabulaire. Sont citées, ici, aussi des 'injonctions fictives' au subjonctif avec la valeur d'une proposition conditionnelle ou concessive : Que les chênes fatidiques soient coupés... ces solitudes ne sont pas déchues de pouvoir (avec un renvoi au § 865, où, justement, sont traités, systématiquement, le subjonctif, comme 'prédicat de phrase', précédé, ou non, de que (Quepersonne ne sorte!/Soit!), et d'autres types : Qu 'il s'agisse de recherche philosophique ou matémathique..., aucune excitation sexuelle n'a lieu). Avec savoir : Je ne sache point que... «Le subjonctif avec la valeur du conditionnel passé» (J'eusse aimé...), le type : Dussé-je.... et d'autres.

Les grands problèmes concernant l'usage du subjonctif se trouvent, comme tout le monde sait, dans les subordonnées, et surtout dans ce que Grevisse appelle : la proposition conjonctive essentielle Je veux que vous sortiez. Nous avons renvoyé à d'importantes études Scandinaves sur ce problème,et nous nous bornons à renvoyer à des comptes rendus dans cette Revue Romane où sont analysés ces livres, très importants : II s'agit de Helge Nordahl : Les systèmes du Subjonctif corrélatif. Etude sur l'emploi des modes

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dans la subordonnée complétive en français moderne.(Kß 1970, p. 263-268 (compte rendu par G. Boysen!!)) et G. Boysen : Subjonctif et Hiérarchie. Etude sur l'emploi du subjonctif dans les propositions complétives objets de verbes en français moderne. (RR 1972, p. 297-331, discussions/ soutenance de thèse). Et : Lennart Carlsson : Le type C'est le meilleur livre qu'il ait jamais écrit, en espagnol, en italien et en français.

Avec des retombées : Vorrei una moglie que mi amasse. Rection secondaire?
(RR 1973, p. 26-33 et RR 1974, p. 282-292, (Contexte et liberté) dans une
discussion «de principe» avec le soussigné.

Ces études - monographiques - donne une très bonne base pour manier les questions de mode en français, et sont forcément plus détaillées que ce qu'on trouve dans la grammaire de Grevisse. Néanmoins, malgré cette «lacune», nous avons trouvé que le chapitre en question dans les dernières éditions du Bon Usage (surtout l'éd. de 1993) donnent les renseignements nécessaires pour bien utiliser les modes en français. Pour les relatives et l'usage du subjonctif, nous renvoyons à la discussion citée ci-dessus (pour l'italien, mais grosso modo valable pour le français aussi) avec Lennart Carlsson, sur le subjonctif dans les relatives analysé comme l'effet d'une rection secondaire («supplémentaire) («Je veux une femme qui (et: je veux que cette femme) sache jouer au bridge»). (Cf. JSJ: Subjonctif et Hypotaxe en italien, Odense, 1970, surtout p. 532-588).

Les deux études, très importantes, sur le subjonctif dans les complétives, donnent de nombreuses informations sur ce qui est probablement au centre de l'usage modal en français. G. Boysen est formel à l'extrême, au point qu'il ne cherche pas à discuter en quoi consiste le changement de sens que provoque un changement de mode après certains verbes.('Une fois cette double possibilité modale constatée, il est en dehors de notre sujet de chercher à déterminer en quoi consiste la différence sémantique correspondant à l'alternance des deux modes'. On aurait bien aimé que notre auteur nous donne ce petit renseignement. Ceci dit, le livre est plein de discussions intéressantes avec tous les grammairiens qui ont précédé GB dans le domaine.

Nordahl est moins orthodoxe, il commet de 'petits péchés' au grand plaisir de ses lecteurs : Après le verbe il arrive que les deux modes sont possibles, pour rendre l'opposition précision/imprécision temporelle. De plus il y a bien d'autres indications sémantiques - plus précises aussi - chez Nordahl.

Les détails qu'on trouve dans des monographies comme celles que nous venons de citer ne sont évidemment pas cités dans une grande grammaire comme celle de Grevisse, mais, malgré leur absence, ce qu'on lit dans Le bon Usage nous permet de nous comporter modalement en français avec une certaine aisance, dans ce que Grevisse appelle La proposition conjonctive essentielle (§ 1068 et suivants) . Après des exemples de conjonctions du type

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prépositions + ce + que (s'attendre à ce que etc.) nous arrivons aux «fonctions de la proposition conjonctive essentielle» (§ 1070 et suivants), où les complétivessont a) Sujet {Cela m'étonne qu'il ne m'ait pas averti) b) Sujet réel, c) Complément d'objet, direct ou indirect, de verbe d) Complément d'un nom (par exemple : l'espoir que), e) Complément d'un adjectif, 0 Suite des introducteurs voici, voilà, c'est. Suit le chapitre Le mode dans la proposition conjonctive essentielle (§ 1071), qui est le point qui nous intéresse ici. Nous apprenons que «l'indicatif est le mode ordinaire lorsqu'il n'y a pas d'intention particulière, notamment dans les cas suivants : a) La proposition dépend d'un verbe, d'un nom, d'un adjectif qui exprime une simple constatation, une certitude, une vraisemblance, une probabilité. {Je suis sûr que, II est certain que...). Suivent des cas, au subjonctif provoqué par une négation, par un contexte interrogatif ou conditionnel, et d'autres cas où 'Le subjonctif n'est pas inusité dans les cas suivants' {II est vraisemblable ..., etc..) espérer que, et même croire et penser, avec des renvois à l'ancienne langue (on pourrait ajouter : l'italien et l'espagnol). Puis il y a une Remarque sur sembler (II semble/Il me semble + l'ind. ou le subj., spécialement si le verbe est accompagnéd'un adjectif attribut, ce dernier régissant le mode : // me semble certain que vous réussirez, etc. etc. Au § 1072 nous voyons des exemples de cas où «Le support de la proposition exprime la négation, le doute ou la possibilité (Je nie que les choses se soient passées ainsi). D'autres cas sont cités, où les constatations, certitudes etc. sont accompagnés d'une négation etc. (Il était peu probable qu 'elle allât jamais dans ce fond de province). Dans ces cas-là, l'indicatifest possible si nous ne savions pas que la ville était si distante. (De même, à peu près, ignorer). Après, nous arrivons à b) des expressions de nécessité, volonté etc. {il faut que etc.)+ le subj. (D'ailleurs, nous ne croyons pas que la complétive après II faut que soit un sujet, cf. : il le faut).

Avec des remarques sur le type décider (arrêter, etc.) + subj. ou l'ind. et beaucoup d'autres détails., pour arriver à c) expressions de sentiment (+ subj.), avec possibilité de l'indicatif après de ce que : II se réjouit de ce que le maître était en verve, nous passons au cas bien connu où : d) La proposition sujet ou complément est placée en tête de la phrase , ce qui, normalement mais pas toujours, entraîne le subjonctif: Que le problème soit politique est hors de doute. (Mais :Qu 'elle n 'étaitpas mariée, cela se voyait à son vêtement).

Le paragraphe contient beaucoup d'autres exemples du jeu modal, comme le mode après le fait que, l'idée que, la pensée que, et comme il est + adjectif au subjonctif, des cas d'attraction (de l'expression Je ne sache pas + subj., et des cas particuliers, où nous retrouvons : il s'agit que, il arrive que et d'autres, suivis de b) Verbes personnels : imaginer et supposer et d'autres qui rendent bien complète la description modale.

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On se demande si tout ceci - comme chez Boisen et Nordahl - ne pourrait pas s'exprimer d'une façon plus simple : Si on constatait que le jeu modal dans les complétives se fait simplement en fonction du mode de base - le subjonctif-, et que ce qu'il faut expliquer sont les indicatifs, imposés par des rections indicatives, approchant la subordination d'une espèce de coordination. Cela mettrait peut-être en relief les insistances indicatives, et faciliterait certainement la tâche pédagogique. (De la même façon qu'autrefois (dans certaines traditions d'enseignemenent du français langue étrangère) on faisait pour les propositions sujet, qui «se mettent automatiquement au subjonctif, à moins d'être directement régies par un support exprimant en lui-même la certitude (savoir etc.)). On pourrait faire de même à propos des propositions objet. Un argument pour une telle analyse se placerait dans la tendance des propositions antéposées à se mettre au subjonctif (la «rection» indicative apparemment va de «gauche» à «droite» (comme par exemple dans l'accord dans les participe passés), Une forte «rection» indicative peut, éventuellement, se faire sentir, dans un sens «inverse».

«Pédagogiquement», il y a certainement un avantage à accepter une telle
analyse, et elle n'est certainement pas opposée aux faits syntaxiques.

De toutes façons, nous ne pouvons pas nier que le traitement du jeu modal que nous offre Grevisse dans son manuel, même comparé aux études spécialisées que nous avons citées, est extrêmement utile et intéressant. Pouvonsnous en conclure que, contrairement à la question de l'aspect, le subjonctif est une matière que les francophones doivent apprendre, de nos jours?

Contrairement à d'autres chapitres de la grammaire, celui-ci est utile, -
même pour un non-francophone.

Qu'on me permette une petite remarque d'ordre terminologique : Comme toute grammaire française, Le bon Usage doit évidemment se servir de la terminologie grammaticale française. Mais je trouve peu cohérente et même déroutante la structuration qui est une extrême conséquence de la terminologie qui divise ce que la terminologie classique latine appelait pronoms (formes adjectives et substantives). Il y a des exemples de cette persistance d'une terminologie française, même au Danemark : le rapport entre mon et mien n'est nullement comparable à celui qui existe entre ce(t) et celui-là («ce livre est (le) mien et mon livre»). On pourrait continuer. Pourquoi ne pas se servir de la terminologie latine et parler de «pronoms», éventuellement, de pronoms adjectifs, ou, mieux : de pronoms adjectifs et pronoms substantifs dans le cas des possessifs de «formes conjointes» et de «formes disjointes»?

La question qui, depuis le début de ce compte rendu, flotte un peu entre les lignes, il faut bien l'aborder directement ici, au moment de la conclusion. Faut-il recommander la grammaire de Grevisse aux étudiants? Aux étudiants français, «de naissance», certes, - mais aux étudiants étrangers, aux Danois,

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par exemple? Là, la Grammaire française de Togeby, naturellement, semble aussi être la meilleure solution. Mais, il est évident qu'il y a un grand besoin d'un Grevisse, - aussi. Témoin la difficulté que l'on éprouve à donner une réponse univoque pour les deux parties, spécialement étudiées ici, celle sur l'aspect, qui ne donne rien au «non-francophone», et celle sur le mode qui en donne beaucoup, même comparée aux études monographiques, spécialisées, comme nous l'avons déjà vu.

Oui, certainement, quelqu'un qui travaille avec la langue française doit (aussi!) avoir son Grevisse à portée de main, pour bien des raisons : d'abord il y trouvera des renseignements utiles, pour s'exprimer en français, mais également pour l'étude des nuances dans ses lectures en comparant avec les nombreuses citations littéraires qu'il trouve dans Le bon Usage, tout en utilisant les chapitres où il pourra trouver de précieux renseignements réels. Il apprendra rapidement à se «méfier» des autres chapitres.

Mais il y a une autre raison pour se servir tout le temps de ce livre : la vue générale de la terminologie française de nombreuses disciplines linguistiques et disciplines apparentées. Là, je pense surtout aux 300 premières pages, où les non-spécialistes trouveront des précis (de contenu aussi bien que de terminologie) de : Le langage et son étude avec de très bonnes définitions du signe, des sons, des mots, du syntagme, etc. etc., des «diverses linguistiques», des diverses terminologies, etc. etc., dans une très bonne vue générale. Suit une très brève, mais concise Histoire du français (origine, le système de l'ancien français et vues sur d'autres époques du français (II), et ensuite nous trouvons (III) Diffusion et variétés du français, avec des spécificités géographiques et stylistiques (toujours très comprimé), ce qui aboutit à la question déjà citée : Quel français faut-il enseigner? avec les considérations et les réponses à cette question.

Après ces considérations suit le grand chapitre (Première Partie : Les sons, le signes écrits, les mots), qui fourmiile de renseignements utiles sur la phonétique du français actuel, de notions de phonétique historique, sur les signes graphiques, sur des principes de l'orthographe (y compris, par exemple, de longues règles détaillées sur l'emploi de la majuscule, la ponctuation. Un chapitre entier sur les mots, avec définitions et classifications, critères morphologiques et syntaxiques etc., etc., une section entière traitant de l'origine des mots, étymologies, néologismes, archaïsmes, «le fonds primitif», les emprunts, etc. pour arriver aux Formations françaises, y compris les dérivés (par exemple par suffixation, composition + quelque chose d'une grande actualité : les Eléments étrangers. Le chapitre se termine sur des considérations sur L'évolution sémantique (métonymie, analogie, métaphore, etc.).

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Cette partie, qui constitue une vue très générale, est très utile, quoique
insuffisante; c'est comme un dépôt de connaissances pour quelqu'un qui
s'occupe du français, généralement, ne fût-ce que pour la terminologie!

Oui, rien que pour cela, il est bon d'avoir son Grevisse à portée de main,
quand on travaille, en tant que 'francisant' actif.

Mais, comme il ressort de ce qui a été dit plus haut, la «batterie de travail»
doit contenir aussi la Grammaire française de Togeby.

Alors, la batterie est vraiment bonne et utile. J'aurais voulu avoir les deux à ma disposition, pendant mes études. Je suis heureux de les avoir maintenant! Malgré toutes les raisons d'irritation qui émanent de certaines parties de Le bon Usage, l'ouvrage est très agréable - et très utile, même pour des non-francophones -, si ces derniers possèdent aussi une G.F. de Togeby. Ce qui n'est pas du tout négatif! Réjouissons-nous que les temps soient révolus, où l'on avait «seulement» la grammaire française : Le bon Usage - surtout pour des «indigènes » - de Grevisse. Quelle richesse, maintenant, pour ceux qui s'occupent activement d'améliorer leur expression en français.

Jergen Schmitt Jensen

Université d'Aarhus

*) Cf. ]S] : «Vorgang» et «Zustand» des formes passives et leurs rapports avec
l'aspect du verbe en français moderne, dans : Etudes Romanes dédiées à Andreas
Blinkenberg, Munksgaard, Copenhague, 1963, p. 59-83.