Revue Romane, Bind 30 (1995) 2

Patrimoine littéraire européen. Anthologie en langue française, sous la direction de Jean-Claude Polet. Volume 4a : Le Moyen Age de l'Oural à l'Atlantique. Littératures d'Europe Orientale, 830 p. Volume 4b : Le Moyen Age de l'Oural à l'Atlantique. Littératures d'Europe Occidentale, 1166 p. De Boeck Université, Bruxelles, 1993.

Jonna Kjær

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Les deux volumes présentés ici font partie d'un total de 12 volumes prévus et dont les 3 premiers ont déjà fait l'objet d'un compte rendu dans Revue Romane (28-2, 1993, p. 311-312). Dans ces volumes, il était question des traditions juive et chrétienne, de l'héritage grec et latin et des racines celtiques et germaniques. Maintenant, les volumes 4a et 4b mettent à notre disposition la littérature médiévale ou près d'un millénaire de littérature européenne, de l'Est et de l'Ouest, en s'arrêtant avec le XIIIe siècle pour être immédiatement suivis par 3 volumes couvrant la période qui va de Pétrarque à la mort de Shakespeare et de Cervantes.

Bien que ce soit dit de façon discrète, il est évident que cette grande anthologie s'inscrit dans une politique culturelle, celle de la construction actuelle d'une Europe unie. Claude Pichois, qui a écrit les préfaces, est cité ainsi sur la couverture des deux volumes :

Dans les bouleversements qui ébranlent le monde et affectent l'Occident, il est bon que l'Europe fasse l'inventaire de son patrimoine et de ce qu'elle croit avoir apporté au patrimoine de l'humanité, dans la tradition d'une civilisation trois fois millénaire.

Et dans la préface au volume 4a : «N'oublions pas cet enseignement à un
moment où l'Europe se décompose, pour, espérons-le, se recomposer.» Dans

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l'autre préface, on lit : «C'est cette littérature latine du Moyen Âge qui, toutes
«nationalités» confondues, fait vraiment exister cette Europe que nous cherchonsactuellement
à recomposer».

Comme il est normal à cause de leur importance pour le moyen âge, la littérature byzantine occupe plus de la moitié du volume 4a, et la littérature en langue latine presque le tiers du volume 4b. On sait que l'unité de chacune des deux parties culturelles de l'Europe médiévale tenait, respectivement, à la langue commune des savants, celle du grec à l'Est et du latin dans les pays de l'Ouest.

Dans la fin de sa présentation, le directeur de l'anthologie, Jean-Claude Polet, conclut en disant que «Patrimoine littéraire européen entend (...) rester une anthologie européenne...» et le lecteur se demandera peut-être en passant ce qu'y deviendra l'influence arabe, si importante pour la transmission du savoir au moyen âge européen. Mais en arrivant au bon endroit, en Espagne (vol. 4b), il est vite rassuré, car cet apport à notre culture européenne n'est pas négligé.

Tous les textes de l'anthologie sont présentés en français, ou bien reproduits à partir de traductions anciennes, ou bien comme des traductions nouvelles, dont certaines sont inédites. Parfois, une traduction ancienne et une traduction moderne du même texte sont juxtaposées, ce qui permet au lecteur d'apprécier leurs différences significatives pour les mentalités de leurs époques. Quand les traductions anciennes sont données, il n'est pas dépourvu d'intérêt d'apprendre par là qu'un tel texte a été diffusé en traduction et donc connu, sous telle forme et à tel moment. Heureusement, l'orthographe ancienne a toujours été respectée (sauf le remplacement des i et u consonnes par j et v). Les éditions des traductions citées sont indiquées, mais je regrette qu'on n'ait pas signalé aussi les éditions en langue originale, un manque surtout sensible quand il s'agit d'une traduction inédite.

Les volumes contiennent une documentation utile faite de renvois systématiques à un choix d'ouvrages critiques sur les auteurs ou les textes présentés. En général, ces ouvrages critiques sont récents, s'ils ne sont pas des «classiques» dont l'importance pour les recherches actuelles reste incontestable.

Les introductions qui précèdent les textes, élaborées par un nombre impressionnantde spécialistes, sont de teneur assez inégale, quand elles ne font pas défaut. A ce sujet, je relève une différence frappante entre les deux volumes : dans le premier, la norme semble être de donner une notice sur l'histoire littérairedu pays en question, dans le second, ce sont surtout les auteurs des textes qui sont présentés, chacun à son tour. Ce choix n'est pas mauvais, car ce sont naturellement les littératures des pays de l'Est qui nous sont les plus étrangères, et nous avons donc besoin d'aperçus historiques pour situer les

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textes individuels, tandis que pour l'Europe de l'Ouest, nos connaissances nous
permettent d'accéder directement aux éclaircissements détaillés.

La liste initiale des collaborateurs aux volumes fait admirer la constitution des équipes de chercheurs venant de beaucoup de pays et de beaucoup de domaines spécialisés. La fin des volumes contient des répertoires des traducteurs (anciens et modernes) avec des renseignements biographiques et bibliographiques

Pour le volume 4a, on ne peut qu'approuver la description qu'en donne Claude Pichois dans sa préface au volume suivant quand il dit que dans 4a «Les lecteurs cultivés ou désireux de se cultiver ont pu se dépayser, allant de découverte en découverte». En effet, le volume nous donne accès non seulement à la littérature byzantine (p. 3-439), mais aussi à celles des pays suivants : l'Arménie, la Géorgie, la Russie, la Tchéquie, la Serbie, la Croatie, la Pologne, la Hongrie, la Finlande, l'Estonie et la Lettonie (mais non pas la Lituanie). Pour la plupart, les introductions et les choix des textes sont riches, mais pour la Serbie, la Pologne, l'Estonie et la Lettonie, on ne trouve qu'un seul texte, ce qui m'étonne sans que je sache pour autant y suppléer.

Le plus grand mérite de ce volume est naturellement l'ampleur donnée à la partie byzantine, autant pour l'excellente introduction que pour l'éventail des textes présentés. Je crois que les lecteurs de cette partie s'accorderont avec moi pour être agréablement surpris par la qualité philosophique et morale, voire par la «modernité» de cette littérature, car elle me fait inévitablement penser aux meilleurs textes plus récents de notre propre culture, ceux des humanistes de la Renaissance et des écrivains du siècle des Lumières!

Avec le volume 4b nous passons dans un paysage plus familier, celui du moyen âge de l'Europe occidentale. La première partie est ici consacrée à la littérature en langue latine. J'avoue que la structure de cette partie ainsi que les critères de sélection sous-entendus me semblent un peu obscurs. Après un chapitre sur l'hagiographie sont présentés des auteurs de textes dont l'inspirationcommune est peut-être à caractériser comme étant d'ordre théologicophilosophiqueou théologico-historique. A titre d'exemple, je relève, selon l'ordre de présentation du volume, Grégoire de Tours, Alcuin, Éginhard, Jean Scot Erigène, Anselme de Cantorbéry, Guibert de Nogent, Abélard, Suger, Bernhard de Clairvaux, Jean de Salisbury, Alain de Lille, Bonaventure et Thomas d'Aquin et enfin Jacques de Voragine dont La légende dorée termine ce chapitre. Dans l'énumération que je viens de donner, j'ai omis une dizaine de noms, mais j'aurais aimé pouvoir mentionner par exemple Hugues de Saint- Victor, Anselme de Laon, Guillaume de Conches, Thierry de Chartres et Gilbert de Poitiers qui font défaut. Dans le chapitre suivant, intitulé «Sciences et Lettres», les textes latins sont groupés selon les rubriques «Encyclopédies», «Astronomie» et «Mathématiques». Cela m'aurait intéressée de pouvoir lire des

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textes spécifiques sur l'astrologie (non seulement sur l'astronomie au sens moderne du mot) ainsi que des bestiaires en latin; il faut patienter jusqu'au chapitre sur les bestiaires français pour y trouver aussi une traduction des Dicta Chrysostomi (un bestiaire latin faussement attribué à saint Jean Chrysostome).

Nous savons que notre concept moderne des genres n'a rien à voir avec la manière de voir médiévale. C'est ce qui explique probablement l'aspect un peu déroutant de l'organisation de cette partie du volume. Mais puisque le livre s'adresse à un public de non-spécialistes, il me semble qu'on aurait bien fait de s'expliquer dans l'introduction sur ce problème des genres et d'en tirer des conséquences plus pédagogiques.

Les chapitres sur les littératures en langue vulgaire sont présentés selon les noms de pays suivants : la France, la Catalogne avec l'Espagne et le Portugal, l'ltalie, la Grande-Bretagne, l'Allemagne, les Pays-Bas, le Danemark, la Norvège. Je ne sais si la Suède a été traitée déjà dans le volume précédent (comme c'est le cas pour l'lslande).

Dans la partie française du volume, je m'étonne de l'absence des textes hagiographiques comme ceux sur sainte Eulalie, saint Alexis ou saint Eustache; à propos de la Chanson de Roland, on aurait pu faire mention de la version occitane et de l'adaptation norroise; Le Pèlerinage de Charlemagne est mentionné brièvement, mais l'aspect parodique ou du moins comique du texte est absent (on se contente de dire que cette chanson de geste est «atypique»); dans les chapitres sur les troubadours et les trouvères, j'aurais aimé voir parler des troubadours femmes, les trobairitz, qui peuvent paraître assez intéressantes pour certain(e)s. Il y manque à mon avis une explication sur la «fin'amors» et l'«amour courtois», et sur ce qui caractérise et distingue ces notions, notions qui ont considérablement influencé les mentalités jusqu'à nos jours. De façon cavalière on se contente de dire que «ce n'est pas le lieu de revenir sur les constantes - et les poncifs - de l'amour courtois» (p. 433).

Pour les lais de Marie de France, on a choisi de ne pas donner le lai du Chievrefoil qui raconte l'amour de Tristan et Iseut, le lai est heureusement mentionné plus tard à propos des autres textes tristaniens. Au chapitre sur Tristan et Iseut, où cinq versions différentes de l'histoire du couple sont représentées,le lecteur est renvoyé à l'édition bilingue, par Jean Charles Payen, qui donne un choix de textes modernes et anciens sur Tristan et Iseut. Des traductions,plus récentes et plus fidèles, des mêmes textes se trouvent dans le recueil de la collection «Lettres gothiques» qu'on aurait mieux fait d'indiquer à mon avis, d'autant plus que ce recueil a le mérite de mettre aussi à la disposition du lecteur la traduction très intéressante donnée par la saga norroise (datant de 1226) du roman de Thomas d'Angleterre sur Tristan et Iseut. Pour le roman de Tristan par Béroul, c'est un extrait de texte tiré de la traduction de Pierre

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Jonin qui nous est offert, ce qui est fort bien, mais on aurait peut-être pu citer aussi celle de Herman Braet. On trouve des extraits de quatre romans de Chrétien de Troyes, le Erec et Enide étant omis. A propos de son roman Cligès, il aurait été pertinent, vu le projet global du Patrimoine littéraire européen, de relever son cadre byzantin ainsi que la théorie selon Chrétien sur la translatio studii.

Pour les chroniqueurs, il est curieux de voir donner quatre extraits de la Conquête de Constantino pie par Villehardouin et pas un seul extrait de Robert de Clari, petit chevalier qui a décrit à sa façon la même croisade (la quatrième). Le Roman de Renard est présenté comme un phénomène français, sans mention de la tradition allemande ni de la source probable, ou «l'avant-texte», en latin, YYsengrimus, écrit par un auteur de Gand (appelé Nivard ou plutôt, selon les recherches actuelles, Simon, abbé de Saint-Bertin). Pour le plus grand profit du lecteur, les présentations ouvrent souvent des perspectives sur l'intertextualité médiévale et sur la survie des textes. C'est ainsi qu'on s'étonne de ne pas voir mentionner ni Boccace ni Chaucer ni La Fontaine quand il est question des fabliaux français. En plus, un seul fabliau est reproduit en extrait quatre fois, c'est Les trois aveugles de Compiègne, suivi d'un extrait de L'Enfant de neige. Ce choix me semble un peu malheureux s'il est vrai, comme l'a démontré le spécialiste danois Per Nykrog, que ie fabliau ie plus typique du genre est celui à triangle erotique (mari, femme et amant). Par contre, le lecteur se félicitera du chapitre sur les romans d'aventure, textes le plus souvent dépréciés ou passés sous silence par la critique antérieure mais qui commencent à attirer l'intérêt des chercheurs. C'est cependant dans ce groupe que l'on trouve le célèbre Floire et Blanchefleur (donné ici en extrait avec cinq textes moins connus). Trois textes de Jean Renart sont présentés en traduction inédite (par M.-L. Chênerie). Si Jean Renart est à considérer comme «le plus grand romancier en vers après Chrétien de Troyes» comme le dit la traductrice dans son introduction, on ne peut que s'étonner qu'il n'existerait pas déjà des traductions en français moderne de son œuvre? La partie française se termine sur d'excellentes présentations de Jean Bodel, de Robert de Boron et du cycle du Lancelot-Graal, de Rutebeuf, du Roman de la Rose, d'Adam de la Halle et de Joinville, chapitres que je n'éprouve pas le besoin de compléter, de même que je n'ai pas commenté, dans ce qui précède, les chapitres sur le drame liturgique ou les romans antiques (romans de Thèbes, d'Enéas et de Troie).

Après les presque 300 pages sur la littérature française, suivent d'abord, présentées ensemble, les littératures de la Catalogne, de l'Espagne et du Portugal. Selon mes connaissances, il s'agit là d'un choix de textes représentatifs et importants parmi lesquels je relève en particulier ceux d'Eugène de Tolède, de Bahya Ibn Paquda, de Pierre Alphonse (le célèbre Disciplina clericalis est présenté dans une traduction française datant du XVe siècle), du poème du Cid, d'un choix de lyrique galégo-portugaise, des Miracles de Notre-Dame par

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Dame par Gonzalo de Berceo, et encore d'Alphonse X le Sage et de Raymond Lulle. Pour l'ltalie, on trouve une étude instructive sur la littérature franciscaine,une bonne présentation de l'Ecole sicilienne, et Dante Alighieri a droit, comme il est normal, à une vingtaine de pages. Personnellement, j'ai apprécié de faire la connaissance de Guitton d'Arezzo (un chansonnier et des épîtres), de Jacopone da Todi (Stabat du Calvaire), de Ceceo Angiolieri (un chansonnier)et de lire Marco Polo par lui-même.

La présentation de la littérature de la Grande-Bretagne commence avec Bède (Histoire ecclésiastique du peuple anglais) et Alfred le Grand; toutes les sources de caractère historique qui ont servi directement ou indirectement à la création de la littérature arthurienne sont présentées : Nennius, Geoffrey de Monmouth, Wace, Lawamon. On appréciera en outre, je crois, les exemples fascinants de prose pieuse pour femmes!

Le chapitre consacré à la littérature de l'Allemagne commence avec deux écrivains femmes, Roswitha de Gandersheim et Hildegarde de Bingen. Ensuite, sont présentés le Rolandslied et la poésie d'amour, le «Minnesang», dont le représentant le plus important, Walther de la Vogelweide, bénéficie d'un chapitre spécial.

Dans le chapitre sur Gottfried de Strasbourg et sa version de l'histoire de Tristan et Iseut on s'étonne de ne pas voir mentionner Eilhart d'Oberge, l'auteur d'un Tristan antérieur, ni les continuateurs du poème de Gottfried luimême. On trouve des extraits du roman Erec de Hartmann d'Aue, qui est une adaptation d'un roman de Chrétien de Troyes tout comme son Iwein. Mais si le modèle d'lwein était présenté dans le chapitre sur Chrétien, ce n'était pas le cas pour celui d'Erec.

Dans la présentation de Wolfram d'Eschenbach et de sa version du mythe du Graal, Parzival, ce texte est résumé. Cela est utile pour le lecteur qui se demandera sans doute pourquoi il ne trouve pas toujours de tels résumés de l'intrigue des textes donnés en extrait (le manque se fait surtout sentir pour les romans de Chrétien de Troyes dans ce qui précède). L'introduction au texte constate que Wolfram donne à l'histoire «un cadre neuf», mais sans expliquer en quoi consiste exactement la nouveauté. On aurait dû, à mon avis, donner des explications de ce genre partout où il est question de reprises et de suites données à des textes connus déjà sous d'autres formes, comme c'est si souvent le cas dans la tradition médiévale. Un chapitre sur la littérature didactique donne des explications lumineuses sur la Schwankdichtung, la Spruchdichtung et la Lehrdichtung.

Si i'Ysengrimus faisait défaut dans ce que nous venons de voir en tant que source du Roman de Renart, on mentionne, en présentant Reynart le Goupil dans le chapitre sur les Pays-Bas, un modèle français par Perrot de Saint-Cloud qu'on ne trouve pas non plus mentionné dans le chapitre sur le Roman de Renart français. Dans un ouvrage destiné au grand public, il est compréhensiblequ'on

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siblequ'onévite les discussions détaillées sur les problèmes de source qui préoccupent les spécialistes, mais des renvois internes et des remarques sur l'intertextualité pourraient éclaircir le lecteur sur le caractère proprement européen de ce patrimoine qu'on veut mettre à sa disposition. Il me semble qu'un travail d'équipe plus systématique aurait profité aux articles qui traitent des mêmes traditions littéraires dans des pays différents. En fin de compte, c'est cette mouvance européenne de la littérature qui est la spécificité de la littérature médiévale.

Revenons aux Pays-Bas. Comment se fait-il qu'aucun texte arthurien ne figure dans le chapitre? Serait-ce parce qu'une littérature arthurienne néerlandaise n'existe pas? Ou qu'elle n'est pas assez «originale» pour mériter une mention? Ou qu'elle est trop récente pour être inclue dans le volume qui s'arrête, on le sait, avec la fin du XIIIe siècle? Je laisse à Hendricus Sparnaay le soin de réfuter ces trois arguments hypothétiques que je viens de proposer : «Several Arthurian romances hâve corne down to us in Middle Dutch, some of them not known in Old French or elsewhere...» et : «Arthurian romance in the Netherlands attained its flower in the second half of the thirteenth century, though it is often difficult to date the texts.» (Chapitre 34 The Dutch Romances, p. 443-61 in Arthurian Literature in the Middle Ages. A Collaborative History, edited by Roger Sherman Loomis, Oxford, 1974).

Le Danemark a droit à trois chapitres, présentant respectivement les ballades et deux livres en latin, La Geste des Danois par Saxo Grammaticus et Hexaemeron par Anders Sunesen. Si on renvoie heureusement à notre plus grand spécialiste des ballades, lorn PlO, bien que son livre soit écrit en danois, on aurait pu donner des références aussi à notre spécialiste de Saxo, Inge Skovgaard-Petersen (qui a d'ailleurs aussi publié en anglais). Notre spécialiste d'Anders Sunesen, Sten Ebbesen, est mentionné pour un de ses articles en anglais. Que sont devenus notre tradition des contes populaires et notre spécialiste dans le domaine, Bengt Holbek, dont l'œuvre de synthèse est publiée en anglais (Interprétation of Fairy Taies. Danish Folklore in a European Perspective, 1987)? Il s'agit là d'une tradition d'abord orale, bien sûr, mais le problème est le même pour les ballades.

Pour la Norvège, il y une bonne introduction qui explique les rapports politico-culturels entre la Norvège et l'lslande, ce qui renvoie implicitement le lecteur intéressé par la littérature norroise (commune à la Norvège et à l'lslande) au volume précédent de l'ouvrage du Patrimoine. Ici, on nous offre des extraits de quatre textes norvégiens, Histoire des rois de Norvège, YHomilaire norvégien, Le Miroir du roi et un exemple de «stev», la poésie populaire spécifiquement norvégienne. En tant que renvoi critique, j'aurais trouvé opportun de mentionner le spécialiste norvégien Sverre Bagge pour son ouvrage de synthèse sur Le Miroir du roi {The Politicai Thought of the King's Mirror, 1987).

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Si la Suède est placée dans le volume précédent comme je le suppose, on aurait peut-être pu s'attendre à trouver ici, dans le présent chapitre sur la Norvège, au moins un renvoi aux Eufemiavisor {poèmes d'Eufemia), puisque c'est sur l'initiative de la reine norvégienne, Eufemia, que ces poèmes ont été traduits en suédois (mais il est vrai qu'Eufemia était d'origine allemande et qu'on ne connaît pas de modèle norvégien ou autre des poèmes traduits), ainsi que c'est le cas pour l'adaptation suédoise du roman du Chevalier au lion, traduit d'abord en vieux norrois, en Norvège, d'après le roman de Chrétien de Troyes et qu'on aurait pu mentionner aussi à propos du «patrimoine» norvégien.

En guise de conclusion, je ne reprendrai pas le début de ce compte rendu pour louer encore une fois l'initiative et l'énorme tour de force représentés par le Patrimoine littéraire européen. Au cours de ma présentation, le lecteur aura compris que c'est le volume 4a qui m'a procuré le plus grand plaisir et la raison en est qu'il m'a donné accès à une littérature, celle de Byzance et des pays de l'Est, dont ma connaissance était encore très limitée. Si donc les lecteurs non seulement de ce volume, mais aussi du volume 4b se trouvent dans la même situation, ils vivront une aventure enrichissante avec ces deux volumes. Pour les autres, la lecture risque de soulever certaines questions et certaines frustrations, comme ce fut mon cas pour le volume 4b.

Université de Copenhague