Revue Romane, Bind 30 (1995) 2

Les règles sur l'accord des participes passés d'après Chrétien de Troyes

Anthony R. Epp:

Le participe passé en latin, étant toujours variable, s'accorde régulièrement avec son objet direct en présence de l'auxiliaire habere (racine latine du verbe français aveir/avoir) quelle que soit la position de l'objet direct. De même il s'accorde régulièrement avec son sujet quand celui-ci se conjugue avec essere (estre/être en français). Au cours du moyen âge, l'ancien français, loin d'être aussi rigoureux que le latin en observant les accords des participes passés, témoigne du fait que le participe passé de l'ancien français pouvait encore s'accorder avec son régime direct quelle que soit la position de celui-ci, et, de plus, que l'accord se faisait presque toujours entre le sujet et le participe passé lorsque le verbe se conjugait avec estre aux temps composés. Ces accords en ancien français ont lieu plus régulièrement avec estre qu'avec aveir. Pourtant les exceptions en ancien français aux accords normatifs en iatin indiquent la tendance croissante en territoire français à faire l'accord du participe passé conditionnellement plutôt qu'automatiquement.

Pour cette étude, l'auteur a examiné les romans courtois de Chrétien de Troyes afin de déterminer la perspective que donnerait ce corpus de littérature sur les accords des participes passés. L'étude, le résultat d'une analyse statistique des accords, des non-accords et des désaccords présentés par l'œuvre de Chrétien de Troyes, inclut les constructions suivantes : les verbes aux temps composés se servant & aveir comme auxiliaire et possédantun objet direct en post-position; les verbes aux temps composés employant aveir comme auxiliaire et régissant un objet direct qui précède le verbe; les verbes conjugués avec estre aux temps composés; les formes composées des verbes réfléchis; et des cas spéciaux, tels que faire faire> dans lesquels un infinitif suit le verbe aux temps composés. Les abréviations suivantes identifient les citations des œuvres de Chrétien de Troyes : E (Erec et Enide), C (Cligés), I (Le Chevalier de la Charete ou le Roman de Lancelot), Y {Yvain ou Le Chevalier au Lion), et P (Le Roman de Perceval). Ces textes, nous provenant de la main d'un même copiste, présentent une unité linguistique de la langue telle qu'un scribe, Guiot, s'en est servi pour établir son manuscrit au treizième siècle. Pour des raisons de comparaison linguistique, Guillaume d'Angleterre (G), dans l'édition Champion, et l'édition Droz du Roman de Perceval (P2), tous les deux exhibant les

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tendances du dialecte picard, ont également été étudiés. (Les abréviations choisies correspondent à la lettre initiale des noms des héros; Ollier identifieles romans de la même manière dans son Lexique et concordance des œuvres de Chrétien de Troyes.)

Participes passés en post-position

Tout au long du moyen âge, on observe une forte tendance du participe passé à s'accorder en genre et en nombre avec un régime direct qui le précède. Cette tendance est devenue une règle prescriptive en français moderne. Les exemples qui suivent illustrent cet accord mis en pratique dans les romans de Chrétien.

l'avanture lor a contée
qu'an la forest avoit trovee (E, 323-324)

Qui la leingue avoit esmolue
A bien parler et sagemant. (C, 334-335)

Sire, fet il, molt grant anfance
avez feite, et molt m'an mervoil (L, 227-228)

qu'a bien près /'ont ja tuit lessiee
(T = l'Amors) (Y, 19)

que je ai moût grant joie cue
d'une c/iose que j'ai veùe. (P, 379-380)

Uns vallés qui nos a veus. (P2" 162)

Et li rois les ot escoutees (G, 126)

Seuls les participes passés des verbes en -ier de la première conjugaison, et alors seulement dans les deux textes picards, sembleraient poser un problème. Lorsque l'objet direct est féminin, V-e manque fréquemment dans Perceval (P2) et Guillaume. Tandis que les participes de ces mêmes verbes exhibent l'accord -iés avec accent aigu au masculin pluriel, ils montrent -ie et -ies sans accent au féminin.

[[la cote]
Que sa mère li ot baillie.

(P2, 1426)

Se seule m'eiissiés laissie.

(G, 265)

La réduction de -iée à -ie semblerait prêter à une confusion entre le masculin et le féminin. Philipon, pourtant, mentionne ce phénomène comme étant caractéristique de la Bourgogne orientale,' et Paul Meyer rappelle la théorie promulguée par Gaston Paris, selon qui l'affaiblissement de cette désinence s'est tout d'abord manifesté en Picardie.2

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Les romans de Chrétien ne comportent que peu de cas où le participe passé ne reflète pas le genre et le nombre de l'objet direct qui le précède. Contre 2054 accords, les textes de Chrétien n'ont révélé que 51 participes passés non-accordés et un seul faux accord. Dans 27 des 51 cas de nonaccords, il s'agit d'objets directs composés d'au moins deux termes coordonnés, mais dont un seul exerce son influence sur l'accord.

Le col et la face ot vergiee (E, 221)

Quant il sa requeste et son dit
Ot tote oie et escoutee. (C, 4184-4185)

que la parole et la color
ot une grant pièce perdue. (L, 1436-1437)

La teste nue et le col nu
li a li gloz abandoné (Y, 5648-5649)

tote la viltance et la honte
qu'il li avoit longuement fête (P, 4036-4037)

Et il toz ?f?f toutes les a
Comandees al roi des rois (P2, 2646-2647)

Et le corone et le roiaume
Li avoit on por çou donné (G, 2052-2053)

En examinant ces exemples représentatifs, on se rend compte que, à l'exception unique du passage de Cligés, la promixité détermine la nature de l'accord, avec le terme de l'objet direct qui se trouve le plus proche du participe passé influençant la nature de l'inflection de celui-ci. On note aussi dans les exemples ci-dessus que la prescription en français moderne pour la dominance masculine lorsque l'accord se fait avec des objets des deux genres ne tient pas toujours en ancien français. De plus, des 51 nonaccords, une huitaine d'entre eux se produisent avec le verbe faire, ce qui semblerait suggérer une résistance de ce verbe omni-utile à accepter des désinences.

Grant joie ont fet au convoier (E, 1425)

en chose qu'il aient fait. (L, 6775)

Cose por coi nos doions pendre
N'avons nos mie fait, je cuit. (G, 1846-1847)

Les dix-sept cas de non-accords qui restent ne constituent aucun groupe
cohérent.

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les clos des chevax a veii (E, 3520)

Car la valor et la bonté
De l'arrabi veu avoient (C, 3574-3575)

Certes, dame, je li eusse
Boene conpaingnie porté. (C, 5160-5161)

Sire, qui nos a tret d'essil
et ramenez an noz meisons (P, 2942-2943)

Curieusement l'exemple de Perceval montre l'accord du deuxième participe
mais non pas du premier. Finalement, le seul faux accord semblerait être la
sorte d'erreur qu'on attendrait d'un copiste.

... de ma jornee
m'avez grant masse destorbee (E, 4115-4116)
(m' = Gauvain)

Le tableau sommaire démontre sous forme de statistiques la forte tendance
avec laquelle Chrétien, tel que ses scribes nous l'ont transmis, accordait les
participes passés avec les objets directs qui les précédaient.


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Tableau sommaire PARTICIPES PASSÉS EN POST-POSITION '•Les chiffres entre parenthèses représentent les non-accords où il s'agit du verbe faire.


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Tableau sommaire PARTICIPES PASSÉS EN POST-POSITION '•Les chiffres entre parenthèses représentent les non-accords où il s'agit du verbe faire.

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Objet direct en post-position

Tandis que les participes passés en français moderne ne reflètent plus ni le nombre ni le genre des objets directs qui les suivent, on trouve fréquemment de tels accords en ancien français. Dans cette construction, les textes de Chrétien de Troyes portent témoignage d'un accord en transition, avec l'accord universel hérité du latin cédant le pas à ce qui deviendra à la longue la prescription du français moderne contre l'accord avec un régime direct en post-position. Il est vrai, néamoins, que tous les sept textes examinés foisonnent de passages où le participe passé s'accorde avec un objet direct en post-position.

et ot en sa main aportee
une corgiee an son noee. (E, 147-148)

qu'il ot oies les noveles (E, 2277)

Or a bien feite sa besoingne
Li vaslez qui molt an fu liez (C, 100-101)

Au queudre avoit mises les mains (C, 1150)

v^ûaïîi il v_u jCUC SU yi'GiCÏC yx^, l<-j-i~jj

Molt ont par ceanz tanpesté
et reverchiez toz ces quachez (Y, 1264-1265)

Bien a vangiee, et si nel set,
la dame la mort son seignor (Y, 1366-1367)

Percevax, ce conte l'estoire,
a si perdue la mémoire (P, 6009-6010)

Car cil ot en lui amassez
Toz les visces et toz les maus (P2, 18-19)

Qu'il avoit çainte Escalibor (P2> 5902)

Des qu'ele ot jus mise l'orelle. (G, 454)

Or vos ai donee ma vie (G, 2486)

Cet accord, ne tenant nullement compte de la position du régime direct, représente donc une continuation du rapport intime en latin entre le participe passé et son objet direct. Dans tous les sept textes, comme le montrera le tableau sommaire, l'accord domine.

Pourtant, on peut, malgré la pression de l'héritage latin, et déjà dans les
vieux monuments de l'ancien français, relever de nombreux cas de nonaccordsentre

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accordsentreles participes passés et les objets directs qui les suivent. Dans
l'œuvre de Chrétien le non-accord constitue une tendance minoritaire mais
non négligeable.

Ja avoit oï la novele (E, 780)

Tant se sont martelé les danz
et les joes et les tiasez (E, 5924-5925)

Ensi ont fet peis et acorde (C, 4138)

qui li a mis el cors la fia me (L, 3750)

Lui n'avez vos /ef nule /zonfe (L, 4450)

fet m'avez chose qui m'enuie (Y, 506)

avez vos dit honte et enui (Y, 114)

Tu as veù, si com je croi,
les enges don la gent se plaignent (P, 396-397)

Tu au veù, si coin je croi,
Les angles dont la gent se plaignent (P2, 398-9)

Car por vous m'a huit fait grant honte (P2, 5347)

Nos avons moult eti ensamble
Joie, rikice, honor et aise (G, 286-7)

En examinant des textes d'ancien français choisis pour donner une vue d'ensemble sur la langue au moyen âge, le témoignage littéraire révèle une évolution indiscutable vers le non-accord entre le participe passé et l'objet direct en post-position. Jusqu'au quatorzième siècle l'accord et le nonaccord rivalisent l'un avec l'autre et sont pratiquement à égalité.3 De Vogel affirme que :

A partir du XIIIe siècle il semble que, sous l'influence des études latines, on ait senti le besoin de faire varier le participe d'une façon plus régulière; toutefois, si le complément se trouve placé après l'auxiliaire et le participe, la tendance de ne pas faire l'accord s'accentue de plus en plus.4

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Tableau sommaire OBJET DIRECT EN POST-POSITION


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Tableau sommaire OBJET DIRECT EN POST-POSITION

Participes passés des verbes conjugués avec 'estre'

Comme être en français moderne, estre en ancien français peut servir d'auxiliaire à trois groupes de verbes : certains verbes intransitifs, les verbes transitifs employés à la voix passive, et les verbes réfléchis et pronominaux (traités ici comme un seul groupe). Pour cette étude, les deux premiers groupes ne feront qu'un seul.

Dans les romans de Chrétien, les verbes intransitifs se conjuguant presque toujours avec estre comprennent : aler, apparaistre, approchier, arriver, avenir, cheoir, courir, descendre, devenir, entrer, issir, monter, morir, naistre, paraistre, partir, remanoir, remestre, repairier, rester, revenir, saillir, sortir, tomber, tourner, venir. De temps à autre on rencontre, pourtant, aler qui, aux temps composés, se conjuguent avec aveu.

N'orent pas une lieu alee (E, 2921)

Comme en français moderne, les verbes auxquels estre sert d'auxiliaire aux temps composés observent l'accord entre le sujet du verbe et le participe passé, et cet accord obéit à des critères non seulement de genre et de nombre, mais aussi de cas. Les passages suivants illustrent les accords en cas exigés par le cas sujet masculin, un -s étant de rigueur. Cet accord s'observait généralement jusqu'au treizième siècle et se faisait même encore au cours du quatorzième.

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Cest esprevier sui venuz querré (E, 844)
(Erec parle.)

Qu'a boen port estes arivez. (C, 378)

fii toz armez, et ses chevax
fii an mi la cort amenez (L, 200-201)

tant esfes vos de san vuidiez (Y, 76)

Vostre pères, si nel savez,
fit par mi les jambes navrez (P, 433-434)

A terre est de paor chetis (P2, 161)

Au cas régime masculin singulier, le participe passé reste sans inflection
comme dans la langue moderne. Le cas sujet au masculin pluriel amène
aussi une absence d'inflection.

tuit sont venu a la devise (E, 1066)

si sont devant le roi venu (L, 163)

et par lui sont amanteù
li boen chevalier esleû (Y, 39-40)

An un jor andui li vaslet
adobé et chevalier furent (P, 466-467)

Maint mauvais sont de bons issu (G, 1168)

Au régime du masculin pluriel, le participe passé montre l'accord avec -s
comme en français moderne.

Le sujet neutre singulier n'entraînait pas d'inflection. Ce n'est que plus
tard, lors de la perte du système casuel, que le masculin et le neutre se
confondent.

que ce seroit fet par mon los (E, 3371)

Ja n'iert seti ce que je veul? (C, 625)

que tôt ne fust covert d'oisiax (Y, 463)

Fet fu quati que il comanda (P, 4218)

Les accords féminins, comme le démontrent les exemples ci-dessous,
s'alignent avec les normes encore observées dans la langue moderne.

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a Quaradigan son chastel,
ot li rois Artus cort tenue;
einz si riche ne fu veüe (E, 28-30)

Ala de Grece an Engleterre
Qui lors estoit Bretaigne dite. (C, 17)

Les nés par son comandement
Furent chargiees cele nuit (C, 228-229)

s'an/u la corz tote estormie. (L, 81)

que je fui de chevaliers née (P, 421)

Ou les avaines sont semées. (P2, 310)

La soe honor doit estre morte. (P2, 540)

Je ne sai se eie est venue (G, 94)

Quant matines furent cantees (G, 125)

On ne trouve des cas de non-accords que dans neuf passages chez Chré
tien, ce qui portent témoignage du rapport intime en genre, en nombre et
en cas entre les sujets et les participes passés liés par l'auxiliaire estre.

Einz que troi jor soient passez (E, 1325)

Ensi puet estre, se lui plest,
Entr'aus deus la chose bien feit. (C, 2524-2525)

trop justes enuit eschaufé (L, 4878)

que vos aiez enuit esté
bien aeisiez et reposé. (P, 3467-3468)

Qant li chevalier sont lassez (P, 4352)

Quoique l'on puisse rencontrer de rares exemples de verbes réfléchis se
servant d'avoir plutôt que d'estre comme auxiliaire pour former les temps
composés en ancien français, tels que dans ce passage de Saint Alexis,

Parfitement s'at a Deu comandet

(La Vie de Saint Alexis, 288)

tous les verbes réfléchis dans l'étude présente se servent d'estre comme auxiliaire. Le français moderne demande que le participe passé s'accorde avec le pronom réfléchi pourvu que celui-ci fonctionne comme objet direct ou que le participe fasse partie d'un verbe pronominal de nature idiomatique.Les

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tique.Lesexemples suivants illustrent les conditions amenant l'accord et le
non-accord en français moderne.

ils se sont vus I elles se sont vue s
ils s'en sont souvenus I elles s'en sont souvenue s
ils se sont évanouis I elles se sont évanouie s
ils se sont lavés / elles se sont lavé e s
ils se sont lavéAes mains I elles se sont lavéAes mains

En ancien français, cependant, l'accord se fait non pas avec le pronom réfléchi servant de cas régime direct mais avec le sujet du verbe. Si l'on ne tenait compte que des accords féminins, on serait embarrassé de déterminer si on y voyait un accord avec le sujet ou le régime. Mais au masculin, le système casuel entre en jeu, et il démontre clairement que les participes passés prennent les désinences du cas sujet. Tandis que le cas régime masculin est marqué par une absence d'inflection au singulier, le cas sujet masculin exige un -s au singulier, précisément l'inflection que l'on trouve dans les accords ci-dessous. Au pluriel une absence d'inflection caractérise le cas sujet masculin, et le cas régime masculin prend un -s. Au pluriel comme au singulier, les textes montrent donc le rôle joué par le sujet et non pas par le régime en déterminant l'inflection des participes passés des verbes réfléchis aux temps composés.

Li chevaliers s'est avant trez (E, 805)

déplorer ne se sont tenu (E, 1440)

De Hantone s'an sont torné (C, 294)

Tant s'est Alixandres penez (C, 412)

Li chevalier 5e sont armé (L, 2194)

trovez me sui an ccst boschage (Y, 3064)

que moût bien aencré se furent. (P, 3000)

Et li preudom s'est abaissiez (P2, 1624)

Si s'en sont hors issu par l'une. (G, 353)

Au féminin, où le cas ne joue pour ainsi dire pas de rôle, l'usage est
parallèle à celui du français moderne. (Dans une littérature où dominent
les mâles, les occurrences de féminins pluriels s'avèrent fort rares.)

La pucele s'est avant trete (E, 174)

L'enors qui s'i est arestee. (C, 37)

celi qui s an estoit paigniee (L, 1355)

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Lors s'est arriers mise a la voie (Y, 1086)

Si se sont antresaluees (Y, 4961)

et s'i sont les ongles remeses (P, 8436)

Et celé s'est molt desfendue (P2, 704)

Dont ne me soie aperçeue. (G, 240)

D'après notre étude, l'accord du participe passé des verbes réfléchis avec le sujet constitue l'usage presque sans exception en ancien français. Les textes de Chrétien ne révèlent en effet que deux exemples de non-accords. Dans ces deux passages le -s du cas sujet manque.

si s'est del tierz délivré (E, 2902)

Lors s'est vers ses conpaignons fret (C, 1806)


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Tableau sommaire ACCORD DU PARTICIPE PASSÉ AVEC ESTRE


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Tableau sommaire ACCORD DU PARTICIPE PASSÉ AVEC ESTRE

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Participes passés dans la construction du faire causatif

En français moderne le participe passé de faire demeure invariable toutes
les fois qu'il est suivi d'un infinitif, comme dans la phrase :

Je la lui ai faii planter.

Quoique la construction du faire causatif ne se trouve pas souvent, elle se présente assez fréquemment dans les textes de Chrétien pour établir le nonaccord comme une norme sans exception du moment où l'objet direct occupe la post-position.

Descendre a fet de son cheval
Enyde delez une haie (E, 4936-4937)

Cil qui de nul mal ne se dote
a fet remenoir sa gent tote (L, 5079-5080)

et que l'en ot fet avaler
anbedeus les portes colanz. (Y, 1522-1523)

car a cest port a fet tranchier
maintes testes a chevalier. (P, 7207-7208)

Et Tyebaus ot fait amasser
Toz ses parens et ses cosins (P2,4886-4887)

Lorsque l'objet direct précède faire, l'invariabilité, bien qu'elle ne soit plus
unanime, constitue encore une tendance importante.

Li empereres li dona,
Quant a chevalier l'aboda,
Les a fet repondre et celer. (C, 4571-4573)

Li granz renons de vostre pris
m'a molt/et après vos lasser (Y, 5052-5053)
(m' - une dame)

Et la penitance et le mal
qu'a la dameisele as fet trere (P, 3946-3847)

Mais à côté de la possibilité d'un participe passé invariable quand l'objet direct précède le verbe faire, on constate que l'accord du participe avec cet objet a lieu dans près de la moitié des cas. Dans tous ces accords, l'objet direct sert de complément à l'infinitif.

et si l'ont sor un faudestuel
feite aseoir, outre son vuel. (E, 4747-4748)
(1' - Enyde)

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Si qu'anbedeus a un seul poindre
Les a fez contre terre joindre (C, 3725-3726)

Meleaganz l'ot feite feire (L, 6428)
(1' = la tour)
)

Qui avroit toz fez amasser
voz chevaliers por cest afeire, (Y, 6554-6555


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Tableau sommaire PARTICIPES PASSÉS AVEC FAIRE CAUSATIF

Finalement, quelques autres verbes, y compris laisser, veoir (voir) et oïr (ouïr/entendre), peuvent aussi régir un infinitif. Selon l'usage moderne, le participe passé dans cette construction reste invariable aussi longtemps que l'objet direct précède l'infinitif et sert de régime à l'infinitif. Par contre, l'usage courant exige que le participe passé s'accorde avec l'objet direct si celui-ci sert de sujet à l'infinitif. Si l'on ose tirer une conclusion basée sur les six occurrences de cette construction dans l'œuvre de Chrétien et dont


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Tableau sommaire PARTICIPES PASSÉS AVEC FAIRE CAUSATIF

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la moitié montre l'accord, on conclura que l'ancien français hésitait encore entre l'accord et le non-accord dans cette construction. Dans les quatre passages ci-dessous, l'accord et le non-accord se conforment à ce qui est éventuellement devenu la règle moderne.

se fu lessiee entr'ax cheoir (Y, 66)
(se = la reine)

A ses piez s'est lessiez cheoir
mes sire Yvains .... (Y, 6720)

Oï ot feire menssion
Del roi Artus qui lors reignoit (C, 66-67)

se tu as veii par ici
passer ma dame la reïne. (L, 352-353)

On a bien veii alever
De teus que vilain ravalèrent (G, 2208-2209)

Dans seulement un passage trouve-t-on l'usage médiéval déviant des
prescriptions modernes dans cette construction.

Et cil dïent qu'il lor avoient
veùz trois chevaliers conquerre
droit an celé pièce de terre. (Y, 4938-4940)

Conclusion

Dans cette étude, l'auteur a cherché à démontrer une continuation en ancien français de l'accord en latin du participe passé quand on se sert de l'auxiliaire estre, et à signaler un éloignement de l'accord quand les verbes de l'ancien français forment les temps composés avec l'aide â'aveir. Avec estre, les textes montrent que l'accord a lieu dans plus de 99% des cas. Pourtant, en ce qui concerne les verbes réfléchis, le français moderne a transformé la nature de l'accord, abandonnant le sujet comme déterminant de l'accord et donnant ce rôle au pronom réfléchi servant de régime. Quant à la transition avec aveir il s'agit d'un abandon de l'accord automatique en faveur d'un accord déterminé par certaines conditions. A condition que le régime direct précède, plus de 97% des participes passés chez Chrétien font l'accord. Là, la seule hésitation significative a lieu lorsqu'il y a un régime à termes multiples. Les objets directs post-posés au verbe, tandis qu'ils persistent à déterminer les inflections sur les participes passés en ancien français au taux de 71%, signalent, par leur taux de 29% de non-accords, la direction suivie par la langue dans les siècles postérieurs. L'évolution vers

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le non-accord coïncide avec les observations de Nyrop sur l'ordre des mots aux temps composés. Tandis qu'aveir + participe passé + régime l'a éventuellement emporté sur d'autres ordres des mots, c'était en effet avoir + régime + participe passé qui était «l'état le plus ancien de notre construction» .5 Cette construction, pourtant, a disparu avec le moyen âge. La construction actuelle, avec le régime en post-position, se présente tôt en français écrit, et avec elle advient la possibilité d'un participe passé invariable: «De très bonne heure le participe [dans la construction avoir + participe + régime] est laissé invariable, ce qui indique que le lien entre celui-ci et le régime est rompu et que l'auxiliaire fait corps avec le participe. »6 Les romans de Chrétien témoignent de la langue à une époque où le lien entre le régime direct et le participe passé, quoique pas encore rompu, faisait preuve de fragilité. Tandis que les deux textes picards devaient faire l'office de comparaison avec le francien dans cette étude, ils n'exhibent en fait aucune divergence importante, en ce qui concerne l'accord du participe passé, du francien des textes de Guiot.

Anthony R. Epp

Université de Nebraska Wesleyan



Notes

1. E. Philipon, «Les Parlers du duché de Bourgogne aux XIIIe et XIVe siècles,» Romania, XLI (1912), p. 576-577.

2. Paul Meyer, «Henri d'Andeli et le chancelier Philippe,» Romania, I (1872), p. 205.

3. Anthony R. Epp, L'Accord grammatical en vieux français (University of Colorado, 1971), p. 253-254.

4. K. Sneyders de Vogel, Syntaxe historique du français, (La Haye : Librairie J.-B. Wolters, 1927), p. 235.

5. Kristoffer Nyrop, Grammaire historique de la langue française, tome VI (Copenhagen : Gyldendalske Boghandel, 1930), p. 253.

6. Nyrop, Grammaire historique..., tome VI, p. 255.