Revue Romane, Bind 30 (1995) 2

Espace et Résistance dans les Feuillets d'Hypnos de René Char

par «Tu ne peux pas te relire mais tu peux signer.» (Char, p. 198)

Laurence Bougault

Les Feuillets d'Hypnos datent des années 1943-1944, durant lesquelles R. Char dirigea la Section Atterrissage-Parachutage de Céreste, dans les Basses-Alpes, sous le nom de Capitaine Alexandre. On pourrait sans doute rattacher ces pages à la longue liste des romans de guerre, journaux intimes et autres écrits qui ont vu le jour au cours de la première ou de la seconde guerre mondiale. Elles nous semblent pourtant atypiques. Char ne décrit pas, ne produit pas de narratif et n'évoque que rarement les événements historiques eux-mêmes. Et pourtant, malgré cette absence relative de la guerre événementielle dans le texte poétique, il place le lecteur dans une situation d'inquiétude qui mériterait d'être caractérisée.

Ce n'est donc pas en regard des autres écrits de guerre que nous
interrogerons les Feuillets d'Hypnos, mais par rapport à sa situation de
production et de réception.

Car ce qui nous paraît le plus important, c'est d'essayer de comprendrepourquoi, alors qu'il avait la lourde responsabilité d'aménager des terrains de parachutage et d'organiser des sections de combat, pourquoi Char a maintenu le fil ténu de l'encre sur le papier, le fil ténu de la poésie fragmentaire (presque jamais poème pourtant, il faut le remarquer); et pourquoi, au-delà de l'événement, il a choisi de rendre

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publiques ces notes dont il dit : «un feu d'herbes sèches eût aussi bien été
leur éditeur» (p. 173).

Cette double problématique ne se laisse pourtant pas cerner aisément. Elle impliquerait de s'interroger sur le statut du poète, statut double d'homme social et d'écrivant, sur celui des actes eux-mêmes, acte d'écriture et action résistante, et enfin sur celui de la réception, du placement du lecteur par rapport à un tel texte. Ceci permettrait peut-être de répondre à certaines questions qui embarrassent :

Io)Io) Qu'est-ce qui fait du poète un résistant ?

2°) En quoi et pourquoi l'acte de résistance et l'acte d'écriture sontils
compatibles et comparables ?

3°) Comment et pourquoi produire du littéraire en temps de
guerre ?

4° ) Quel est le sens de la publication d'un tel ouvrage (témoignage, preuve, trace, hommage, fiction...), s'agit-il d'un témoignage de l'innommable de la guerre ? d'une attitude face à cet innommable

Sans prétendre répondre entièrement à ces questions aussi importantes que complexes, on peut peut-être, dans un premier temps, essayer de les envisager comme l'horizon d'une mise en question de la problématique de l'espace, telle qu'elle se met en place au sein des structures textuelles, telle qu'elle les mobilise jusqu'à les déborder en les «différant» (Derrida) pour établir un lieu textuel, confluent des sites pluridimensionnels du sujet écrivant, organisés selon l'imbrication des couches du concret et de l'abstrait qui constituent l'homme dans son entier, celui de la nature, de la société et de la langue.

Si c'est bien dans la spirale de l'existence réelle que se met en place un statut du poète comme homme social, il est peut-être possible de montrer comment ce statut social de résistant, qui est aussi d'emblée une attitude éthique, est préalablement fondé par le rapport spécifique qu'entretient le poète avec le monde qui l'entoure, le monde comme contexte spatio-temporel. On garde donc en perspective des questions comme «Pourquoi le poète - et lui plutôt qu'un autre - adopte le profil incernable du maquisard?», «Pourquoi cette marginalité, cette déterminationà rester hors-la-loi - y compris vis-à-vis de l'armée résistante

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puis du gouvernement post-résistance ?» (ces incessantes «virulences
contre de Gaulle» que relève J. Pénard), tout en se limitant à l'examen
de l'inscription de l'espace dans le texte poétique.

Ici s'impose une remarque méthodologique préalable en vue de définir les liens qui existent entre l'organisation hiérarchisée d'un espace (selon les quatre points cardinaux, les oppositions haut/bas, devant /derrière, proche/lointain, dessus/dessous, etc.) et la mise en place d'un système de valeurs. Tout le problème est de savoir en quoi les déterminations de l'individu au sein de son milieu passent progressivement d'un donné géographique à un donné éthique. Ce passage se fait sans doute au niveau d'une troisième détermination, celle du géométrique. En effet, l'accès à une représentation de l'espace comme géométrie permet un premier mouvement vers une transcendance et une conceptualisation du donné vécu humain. A partir de cette prime organisation du monde en un système oppositionnel, le vécu s'organise en fonction d'un système différentiel calqué sur l'environnement concret et géographique du sujet qui se constitue en ego. L'ère de la pensée primitive instaure le haut comme transcendance, le centre comme axus mundi. A partir de là, on arrive sans doute à des distinctions de valeurs plus subtiles, en particulier celle d'une gauche {sinistra) vécue comme néfaste (sinistre). Ces déterminations semblent d'ailleurs si naturelles au fonctionnement de la pensée humaine que le XIXe siècle illustre encore ce passage du géographique à l'éthique à travers la distinction politique, primitivement spatiale, de gauche et de droite.

En conséquence, ce simple fait : il existe un continuum qui mène du site géographique au site de valeurs par le biais d'une situation de la parole du sujet, doit donc nous conduire à envisager en premier lieu le positionnement spatial du locuteur.1

Etre debout

«Madame se tient trop debout dans la prairie», nous dit Rimbaud (1989, p. 57). S'il existe bien un lien entre éthique et géographie, on se demande quand même comment il est possible de se tenir trop debout et quel est le sens d'un jugement de valeurs (trop vs assez vs trop peu) appliqué à une position spatiale, qui est de l'ordre du fait, et même de l'existé ntial ? C'est dans le cadre de cette problématique qu'il faut interroger le texte de Char, grand lecteur de Rimbaud, Char qui écrit, au début de ses notes de guerre :

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Je n'ai pas peur. J'ai seulement le vertige. Il me faut réduire la distance
entre l'ennemi et moi. L'affronter horizontalement, (p. 186)

La problématique des deux citations est exactement la même, la verticalité, dans les deux cas, est vécue par le poète comme un état de fait négatif : le vertige (attraction vers le bas de celui qui est en haut) est signe d'une distance qui doit être réduite, et cette réduction est posée dans l'ordre de la nécessité morale (falloir dénotant la modalité déontique qui implique de fait un système de valeurs sous-jacent).

Le poète se doit donc de lutter contre la tendance à la verticalité que représente cette aspiration à l'idéal, aspiration qui plaçait déjà le locuteur baudelairien du Spleen de Paris, dans «Le Mauvais Vitrier», en état de punir celui qui vit en bas, dans la rue, dans le monde. Cette résistance envers le penchant à l'idéalisme est la condition sine qua non de l'efficacité du poète-résistant, qui doit se placer horizontalement pour pouvoir atteindre réellement l'ennemi, dans la mesure où il s'agit, au cours du combat, d'être face à l'adversaire.

Ceci ne veut pourtant pas dire que le poète renonce à la verticalité, à l'être-debout porté vers la profondeur du ciel, seulement, il réserve cette position au seul poème, au seul texte, alors que la poésie, comme mode d'existence («On ne s'intéresse pas à la poésie. On s'y livre tout entier. On abandonne tout pour elle.» dit R. Char à J. Pénard [1991, p. 17]), se tient dans l'immanence, au centre, le regard horizontal (Le. à l'horizon). C'est cette dualité positionnelle que Char résume en un axiome, assemblant les contraires dans le parallélisme :

Le poème est ascension furieuse; la poésie, le jeu des berges arides, (p. 189)

Cet axiome doit sans doute être rapproché du modèle saussurien
d'organisation du langage, mais dans un aspect tout à fait paradoxal :


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Dans la conception saussurienne comme dans l'axiome de Char, la verticalité, «l'ascension», représente la fixité, qu'il s'agisse, d'un côté, des règles de grammaire qui sous-tendent l'élaboration du paradigme ou, de l'autre, de la structure du «poème», c'est-à-dire du texte, dans sa version à publication, définitive et irrémédiable.

Au contraire, l'axe horizontal, qu'indique le mot «berges», représente la souplesse et la variabilité d'une parole, d'un côté, la parole en train de se réaliser dans le discours, toujours imprévu et infiniment variable, de l'autre, cette «poésie», en tant qu'elle représente l'extrême liberté du langage et s'offre comme «parole», mode de pensée dans «l'oralité» tel que Meschonnic définit ce concept.

Il faut noter néanmoins une inversion dans la répartition du virtuel et de l'actuel sur les deux axes : la verticalité de la langue occupe la position du possible alors que l'horizontalité marque la réalisation, le possible effectué. Dans le langage poétique, c'est précisément l'inverse; la verticalité est ce qui est réalisé : le texte, alors que l'horizontalité est le possible, la poésie en tant qu'elle est virtuelle et toujours à naître.

Ceci s'explique par le fait que le poète mise sur la possibilité d'une langue qui ne soit pas système mais déjà, dans son projet, communication mouvante avec le dehors, alors que tout texte en stipule l'impossibilité. C'est en ce sens qu'Yves Bonnefoy insiste sur l'échec du poème par rapport au projet d'une parole poétique, car «s'il permet que l'on s'éveille d'un rêve» (Bonnefoy, 1991, p. 97) et permet d'espérer «préserver en moi l'entre-vision de cette lumière qui est là-bas, en avant de nous» (ibid.), «cet élan vers autrui n'est qu'un faux-semblant, du fait d'un renfermement qui est inhérent à l'écriture» (Bonnefoy, 1991, p. 227). Par quoi la poésie n'est pas le poème, mais bien plutôt «le travail inachevable de l'œuvre, qu'il peut y avoir en autrui» (Bonnefoy, 1991, p. 218). Elle n'accède donc à la liberté que dans le virtuel (comme le marque l'emploi du verbe pouvoir chez Bonnefoy), c'est-à-dire dans la possible (mais parfois improbable) rencontre du poème avec ses entours capables de renouer avec la quête de poésie de l'auteur, (entours en cela frères tels que Baudelaire les rêvait). Au contraire, la réalisation en soi se marque toujours comme clôture, d'une manière si évidente que le poème est bien souvent considéré comme «illisible», c'est-à-dire empêchant toute communication, au lieu d'être cette parole de communion espérée par la poésie.

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L'inversion de la schématisation spatiale du linguistique dans son usage poétique est donc loin d'avoir un caractère anecdotique et permet au contraire de corroborer, s'il en était besoin, et de mieux cerner, le concept-clef des travaux de Jean Cohen, concept que ce dernier résume ainsi : «La poésie n'est pas autre chose que la prose, répétons-le, elle est l'antiprose.» (Cohen, 1966, p. 213)

Cette idée centrale qui gît dans le préfixe anti-, et que nous venons de dégager à partir de l'examen succinct des positionnements du locuteur dans l'espace de son texte permet une première justification de l'engagement politique du poète, car, si anti- veut dire «contre», et si résister signifie «faire effort contre l'usage d'une force», alors il y a bien un lieu commun entre l'expérience poétique et l'expérience de résistance, lieu commun que proclame résolument cet axiome des Feuillets d'Hypnos : «Je n'écrirai pas de poème d'acquiescement.» (p. 202)

Mais être-contre parce qu'on se tient préalablement debout et volontairement face-à ne suffit pas à faire du poète un résistant. L'écriture poétique est aussi ce qui permet d'être à la fois à distance et à proximité du réel : «Epouse et n'épouse pas ta maison.» (p. 183), dit Char, et c'est ce qui poussera le poète, comme nous allons le voir, à s'engager dans une action tout en évitant l'empiègement dans le on-dit tel qu'Heidegger l'évoque, on-dit qui se laisse aisément capturer par les idéologies du plus habile.

Etre vers le lointain comme non-saisi

Le détachement, le «dégagement» (Gide) du poète, se justifie par la
position spatiale de celui qui écrit :

Les ténèbres du Verbe m'engourdissent et m'immunisent. Je ne participe
pas à l'agonie féerique. D'une sobriété de pierre, je demeure la mère de
lointains berceaux, (p. 198)

Le retrait qu'impose l'acte d'écriture est aussi ce qui dispose à porter le regard non dans le proche, mais vers le lointain. Ce lointain est avant tout ce qui est non-saisi, non-possédé : «Je ne participe pas» dit Char, et c'est dans cette suspension de l'action comme engagement possessif que se valide la non-participation du maquisard aux systèmes politiques ou militaires qui sont des systèmes de pouvoir (non-participation qui distingue, remarquons-le, le poète du romancier, tout entier impliqué,

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lui, dans le système narratif comme système de pouvoir d'un narrateur
sur une histoire, des personnages, etc.).

Pourtant, paradoxalement, ce retrait qui est en même temps une
tension vers l'horizon au loin, n'exclut pas, mais a lieu conjointement
avec, une situation dans l'immédiat du monde.

Etre dans l'immédiat comme non-normé, non-inclus dans un système de valeurs

L'implication dans un système de valeurs commence, comme on l'a vu, par le positionnement du sujet selon les axes gauche/droite, haut/bas, devant/derrière, etc. En même temps, le cadastre éthique est bien enfermement du sujet : il impose une position sans issue par rapport à l'ensemble du réseau spatio-éthique :


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La prise de position au sein de cet ensemble implique donc une ponctualité, une fixation dans l'idéal. Or le poète tente de faire échec à tout enfermement dans un système de valeurs, toujours potentiellement capable de devenir dogmatique ou totalitaire. En conséquence, il commencera par éviter la catégorisation des structurations de l'espace qui aboutit chaque fois à un figement de la position éthique et politique. Or comment le faire, sinon en se postant debout, non plus dans l'espoir d'atteindre un au-delà qui serait déjà orientation structurante, mais dans ce que la poésie allemande appelle «l'extrême milieu», qui diffère du centre où se détermine le jeu des oppositions, en s'inscrivant comme le point-au-sein-du-monde, l'absolument ici-bas qui s'étale jusqu'aux confins de l'horizon sans distinguer un côté d'un autre, évitant par cette ponctualité extensive les catégories normées :


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Entre télescope et microscope, c'est là que nous sommes, en mer des
tempêtes, au centre de l'écart, arc-boutés, cruels, opposants, hôtes indésirables.
(Aromates chasseurs, p. 516)

Or, c'est bien cette volonté - indubitablement d'ordre poétique - d'être dans l'immédiat comme milieu du monde, comme «centre de l'écart», qui se trouve réalisée dans le maquis au cours de ces années de guerre comme en attestent plusieurs fragments :

Parole, orage, glace et sang finiront par former un givre commun, (p. 189)

la vie insécable (p. 210)

Entre le monde de la réalité et moi, il n'y a plus aujourd'hui d'épaisseur
triste (p. 220)

Cette communion entre l'homme et le monde, ce mode d'être au milieu, dans l'immédiat, peut être caractérisé comme une tendance à s'en tenir à ce qu'Heidegger nomme VEreignis et que Jacques Garelli commente en ces termes :

Le mouvement de VEreignis, sans lequel ne peut se concevoir le jeu du monde, est co-présent, bien qu'invisible et déphasé par rapport au jeu intramondain. En ce sens, il ne lui est pas homogène. Dès lors, le mouvement de YEreignis doit se penser tel qu'il se déploie, en deçà de toute structure, car l'ordre des structures est relatif à l'étant constitué, individualisé. (Garelli, 1991, p. 207)

La co-présence de l'homme et du monde, telle que la revendique le poète, est donc bien un refus de s'insérer dans un système normatif et, dans une certaine mesure, un refus de l'être de langage (refus qu'on connaît radical chez Rimbaud) qui s'avère toujours déjà prisonnier du système, et toujours déjà structure : ordre «mondain» auquel échappe sans cesse le «jeu du monde»2 :

Le poète ne peut pas longtemps demeurer dans la stratosphère du Verbe.
Il doit se lover dans de nouvelles larmes et pousser plus avant dans son
ordre, (p. 180)

Le poète est donc à la fois celui qui continue à écrire pour se placer au
loin, tendu vers l'insaisissable et hors du on-dit, celui-ci se manifestant
partout dans ce qui est à proximité, et l'homme qui interrompt l'écriturepour

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turepours'immerger dans un ordre infra-structurel qui n'est pas système mais immédiateté et insécable. Ce refus de la norme comme cadastre de distinctions et de valeurs, ce refus de l'enfermement dans le système qu'est la langue sera, à plus forte raison, un refus de s'insérer dans l'ultra-normatif de l'idéologie nazie.

C'est donc bien comme poète que Char choisit la résistance : son être debout affronte, pourtant horizontalement; il s'engage dans le face à face, tendu vers le lointain dont il est la source (Char dit «la mère»), il évite l'empiègement dans l'opinion publique (empiègement plus flagrant encore de nos jours, vue la diffusion du on-dit par l'audiovisuel), enfin, par l'immersion dans le monde, il refuse la fossilisation inhérente à tout système.

Ainsi le poète, grimoire du vivant indique du non-mondain qui est la vie dans sa simplicité, son authenticité, sa présence («Le poète, conservateur des infinis visages du vivant.» p. 195), car il s'agit bien d'une indication, d'une forme oblique qui se loge et ne peut se loger qu'entre les mots - tout entiers intramondains - dans un intervalle qu'évoque Char lorsqu'il écrit :

Entre la réalité et son exposé, il y a ta vie qui magnifie la réalité, et cette
abjection nazie qui ruine son exposé, (p. 204)

Le poète, en introduisant la «vie» - le non structurable et le non géométrisable, dans les interstices du langage «exposé», s'oppose au nazisme (dans la mesure où celui-ci est d'abord discours totalitaire comme le montrait déjà J.P. Faye), en cela qu'il garantit la préservation d'une possible traversée du mondain vers le monde, seule capable de maintenir le système hors de sa tendance à la fixité fossilisante du totalitarisme. Le mondain, soumis à la distorsion que provoque la tension vers le monde, persiste ainsi comme mode acceptable de l'être. En cela, cette tension extra-structurelle s'oppose et lutte contre l'idéologie nazie qui cloisonne le système de représentations de la réalité en s'efforçant de bannir l'indication oblique du vivant (ruinant ainsi l'exposé). Par là, elle institue quelque chose comme du paramondain : poussée à l'extrême de la dérive dans le on-dit instauration en métadoxa, exhorbitation des tendances catégoriales du mondain qui finit par faire sortir celui-ci du «jeu de l'homme» (Axelos) et par fonctionner, de l'intérieur, comme contrariété des possibles propres du sémiotique.

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Cette immersion dans l'existence simple du monde concret, qui fait du poète le prototype du maquisard, celui qui doit «Agir en primitif et prévoir en stratège» (p. 192), au cœur du monde et pourtant encore inscrit dans le mondain : «Nous nous battons sur le pont jeté entre l'être vulnérable et son ricochet aux sources du pouvoir formel» (p. 219), se tient donc encore au plus fort de la préoccupation humaniste, comme le souligne la préface :

Ces notes marquent la résistance d'un humanisme conscient de ses devoirs,
discret sur ses vertus, désirant réserver l'inaccessible champ libre à la fantaisie
de ses soleils, et décidé à payer le prix pour cela. (p. 173)

Mais d'aucuns se demandent déjà comment, dans le texte, le poète
accomplit ce miracle d'indiquer du non-mondain par la langue qui est
tout entière intramondaine.

Il nous semble que cette indication s'accomplit dans ce qu'on considère en propre comme le domaine du poétique, à savoir l'image. Car si l'image se laisse définir comme la non-coïncidence entre information et expression (Molinié, 1991, p. 83), alors, dans l'intervalle qui se crée entre la forme et sa déformation, le monde, «la terre qui est la vie» (Bonnefoy, 1991, p. 82), peut peut-être s'engouffrer et reprendre sa place autour de l'homme, évitant ainsi le figement et la fossilisation de la forme elle-même. Si cela est ainsi, alors s'explique naturellement cette anecdote que rapporte Char dans les Feuillets :

Un officier, venu d'Afrique du Nord, s'étonne que mes «bougres de maquisards», comme il les appelle, s'expriment dans une langue dont le sens lui échappe, son oreille étant rebelle «au parler des images». [...] la langue qui est ici en usage est due à l'émerveillement communiqué par les êtres et les choses dans l'intimité desquels nous vivons continuellement, (p. 190)

Comment l'officier, n'existant pas autrement que comme prisonnier d'un système qui est l'armée - et la langue de l'armée - ainsi que l'atteste d'emblée la désignation par son seul grade hiérarchique (à positionner sur l'axe vertical) et non par son nom propre, pourrait-il entrevoir ce qu'il y a de communion, forcément horizontale, entre l'homme (l'être mondain) et la vie (le non-mondanisable), communion qui ressurgit dans la parole vivante sous la forme de l'image poétique ? Le maquisard n'est pas le militaire. Son statut est le même que celui du

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poète, il est l'homme insaisissable de l'intervalle, celui que ne peut
atteindre en aucun cas le totalitarisme, l'objet à censurer par excellence
parce qu'irréductible à la norme en tout état de cause :

Ni la corne totalitaire ni le paralogisme ne se sont logés dans notre front.
La notion du juste et de l'injuste dans les faits usuels a tenu en haleine la
sympathie («Les utopies sanglantes du XXe siècle», p. 578)

L'image comme parole de l'intervalle est donc ainsi fondée à devenir la parole de l'être libre car en faisant éclater les formes fossiles du mondain, en provoquant la mutabilité de ces formes par les emplois inadéquats, la parole poétique se fait anti-statique donc insaisissable donc vraiment libre. Ce lien entre l'intervalle, «l'enclave» et la liberté, Char le note avec insistance dans les Feuillets :

J'aime ces êtres épris de ce que leur cœur imagine la liberté qu'ils s'immolent pour éviter au peu de liberté de mourir. Merveilleux mérite du peuple. (Le libre arbitre n'existerait pas. [...] Cependant il existe entre tout cela et l'Homme une enclave d'inattendus et de métamorphoses dont il faut défendre l'accès et assurer le maintien, (p. 212-13)

L'enclave, parce qu'elle est le creux, constitue un non-cernable où se réfugie la liberté humaine, ce qui en propre s'oppose à l'aliénation totalitaire de l'être. Mais sans doute serait-elle insuffisante, disons plutôt en péril, si n'était de surcroît la rapidité poétique qui fait pour Char la grandeur de Rimbaud :

Sa découverte, sa date incendiaire, c'est la rapidité. [...] En poésie, on n'habite que le lieu que l'on quitte [...]. Mais tout ce qu'on obtient par rupture, détachement et négation, on ne l'obtient que pour autrui. [...] Le donneur de liberté n'est libre que dans les autres. Le poète ne jouit que de la liberté des autres. (Recherche de la base et du sommet, p. 733)

Si la rapidité comme anti-statisme (donc anti-idéologique) est la garantie d'une liberté fondée sur l'impossibilité de saisir ou de circonscrire dans l'espace, elle est aussi ce qui justifie la guerre du poète, cette nécessité de préserver les autres dans leur liberté pour pouvoir exister en tant que poète. La boucle se ferme sous la forme de la spirale, liberté poétique et liberté politico-sociale se conditionnent mutuellement au cœur de Tanti-statique de la parole poétique :

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La perte de la vérité, l'oppression de cette ignominie dirigée qui s'intitule bien (le mal, non dépravé, inspiré, fantasque est utile) a ouvert une plaie au flanc de l'homme que seul l'espoir du grand lointain informulé (le vivant inespéré) atténue. Si l'absurde est maître ici-bas, je choisis l'absurde, l'antistatique, celui qui me rapproche le plus des chances pathétiques. Je suis homme de berges - creusement et inflammation - ne pouvant l'être toujours de torrent, (p. 217)

Par l'anti-statisme, le poète est l'incernable en lutte contre : contre la structure mortifère du logos nazi, contre la gabegie morale de la collaboration («Lie dans le cerveau : à l'est du Rhin. Gabegie morale : de ce côté-ci.» p. 191), contre le logos rigide de l'armée de résistance. C'est pourquoi poème et vie maquisarde se rejoignent et s'identifient dans un même mode d'être qui est l'action.

Ce mode d'être dans l'action qui caractérise le poète et le maquisard participe entièrement de Tanti-statisme comme anti-système. L'action n'est pas à entendre ici comme activité quotidienne mais plutôt comme son contraire. Alors que l'activité quotidienne prive l'homme de sa liberté en l'enfermant dans le social qui est système clos (de hiérarchie) et contraignant (du fait des habitudes, routines et autres modes de vie), l'action ramène au contraire le sujet dans l'intervalle qui préserve le mondain du paramondain tel que nous l'avons défini. C'est parce qu'il y a là quelque chose de primordial pour le poète que Char s'émerveille de ces paroles d'Archiduc qu'il rapporte dans les Feuillets :

Archiduc me confíe qu'il a découvert sa vérité quand il a épousé la Résistance. Jusque-là il était un acteur de sa vie frondeur et soupçonneux. L'insincérité l'empoisonnait. Une tristesse stérile peu à peu le recouvrait. Aujourd'hui il aime, il se dépense, il est engagé, il va nu, il provoque. J'apprécie beaucoup cet alchimiste, (p. 182)

Le mot «alchimiste», dont les poètes se servent sans cesse pour se désigner eux-mêmes, montre bien à quel point René Char peut s'identifier avec Archiduc (identification qui à lieu dans l'écriture même, le discours rapporté étant bien prise en charge, parole de l'autre mise pour et en place de la parole du je, superposée et fondue avec elle).

Si la parole poétique est donc bien, pour Char, résolument portée vers
et dans l'action - dès avant la guerre, on pouvait lire des Poèmes
militants (1932) - il faut encore chercher le soubassement et la justificationd'un

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tiond'untel engagement. Nous les trouverons une fois de plus dans la
référence au texte rimbaldien.

Les «Réponses interrogatives à Martin Heidegger» (p. 7345q) portent en
effet en épigraphe :

La poésie ne rythmera plus l'action. Elle sera en avant.

Rimbaud.

Cette exergue, tirée des lettres dites du voyant, est commentée en deux
temps :

- Premier temps : La poésie est un «être d'action en avant de l'action»
(car elle est la «loi» de l'action). On retrouve cette idée dans les
Feuillets :

Dans ton corps conscient, la réalité est en avance de quelques minutes d'imagination. Ce temps jamais rattrapé est un gouffre étranger aux actes de ce monde. Il n'est jamais une ombre simple malgré son odeur de clémence nocturne, de survie religieuse, d'enfance incorruptible, (p. 227)

L£s quelques phrases développent et précisent le théorème rimbaldien. C'est à l'imagination qu'il revient de placer la parole poétique dans sa fonction anticipatrice, mais c'est pourtant comme réalisation tangible («il n'est jamais une ombre») qu'il faut concevoir le temps en avance du poème, celui-ci ne se séparant pas de sa réalisation spatiale en intervalle. Cet «en avant» serait d'ailleurs à rapprocher des conceptions de Heidegger sur «l'être-jeté», qui correspond au mouvement de sortie allant du mondain vers le monde et s'opposant au dévalement dans le on-dit qui constitue proprement l'enfermement à l'intérieur des structures pré-établies du mondain (voir Heidegger, 1986, p. 223-28).

- Deuxième temps : «La poésie est le moi en avant de l'en-soi, 'le poète
étant chargé de l'Humanité' (Rimbaud).»

Ce deuxième temps met en relation directe le mode d'être dans l'action et un soubassement éthique qu'il nous faut à présent questionner pour comprendre ce qui maintient et valide l'écriture pendant ces années 1943-44.

Le mode d'être éthique que nécessite l'action politique pendant la seconde guerre mondiale est à la fois celui qui conduit à se placer hors de la polis (le résistant est avant tout un clandestin) et pourtant celui qui s'insère dans le culturel, au carrefour de l'esthétique et de l'utile.

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Car si, depuis Baudelaire, l'art est désormais inséparable de la morale et
de l'utilité, la morale est en retour conditionnée par l'attitude esthétique
de l'homme :

Si l'homme ne fermait pas souverainement les yeux, il finirait par ne plus
voir ce qui vaut d'être regardé, (p. 189)

Si le poète n'admet de juger que placé au carrefour d'horizons divers, sa position éthique peut être caractérisée comme celle du doute (celui-ci étant bien hésitation entre plusieurs voies), ce que confirme Char dans les Feuillets :

Le doute se trouve à l'origine de toute grandeur. L'injustice historique s'évertue à ne pas le mentionner. Ce doute-là est génie. Ne pas le rapprocher de l'incertain qui, lui, est provoqué par l'émiettement des pouvoirs de la sensation, (p. 224)

Dans ce carrefour du doute souverain, engagement (politique) et dégagement (de l'écrivant) se tiennent pour maintenir la tension entre ténèbre et lumière (fermer les yeux et voir), logos et anti-logos, pour assurer à l'homme son immanence comme co-présence :

Je me fais violence pour conserver, malgré mon humeur, ma voix d'encre. Aussi est-ce d'une plume à bec de bélier, sans cesse éteinte, sans cesse rallumée, ramassée tendue et d'une haleine, que j'écris ceci, que j'oublie cela. Automate de la vanité ? Sincèrement non. Nécessité de contrôler l'évidence, de la faire créature, (p. 221-22)

L'éthique du poète, qui fonde l'action du maquisard, repose sur cette «nécessité de contrôler l'évidence», c'est-à-dire d'assigner un lieu à l'évidence du monde, cette immédiateté qui permet la communion («Guérir le pain. Attabler le vin.», écrit encore Char, p. 219), un lieu qui n'est ni tout à fait la langue - prisonnière du mondain - ni uniquement l'action - trop liée au monde pour pouvoir le voir encore, et qui s'apparente au phénomène comme «lieu de monde», tel que le décrit Marc Richir :

En tant que strictement coextensif d'une phase de présence de son côté nécessairement incarnée dans une trouée constitutive par ses horizons d'une sorte de monde concret, il n'est, à proprement parler, rien d'autre que ce monde concret et incarné lui-même, et corrélatif d'un schème

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organe : ce peut être telle vision, telle sensation [...], telle œuvre d'art [...]
(Richir, 1987, p. 291)

Ce phénomène, dans ce qu'il a de proprement poétique, on peut sans doute l'appeler la voix, la voix dont le poète nous dit qu'elle doit être préservée, pour que se maintienne un sens de l'action. Car, étant donné qu'elle est, comme nous l'avons vu, ce qui est «trop debout», ce qui réside dans un excès par rapport à la norme, ce qui est outrance et outrage vis-à-vis du système linguistique et donc social, cette voix poétique se charge d'une compétence évaluatrice et c'est ainsi que «Le poète, susceptible d'exagération, évalue correctement dans le supplice» (p. 212). Ce dernier est donc, lorsqu'il reconnaît son implication dans l'histoire, un des plus aptes, en raison de cette outrance qui caractérise sa parole, à faire opposition au logos totalitaire.

Si la parole poétique est donc bien la source éthique de l'action
politique, le préambule comme loi, elle est aussi et enfin ce qui achève
et donne sens a posteriori, car :

L'action qui a un sens pour les vivants n'a de valeur que pour les morts,
d'achèvement que dans les consciences qui en héritent et la questionnent.
(p. 220)

Or, il n'y a héritage que s'il y a mémoire, et la mémoire ne se conserve que dans l'écriture, même si, comme le montre Platon dans le Phèdre, à travers le mythe de Teuth, dans le travail de mondanisation qu'accomplissent les hommes, l'écriture est à la fois ce qui pallie le défaut de mémoire et ce qui décharge les hommes de l'effort de responsabilité du ressouvenir, simultanément remède et péril.

Après ce parcours trop rapide, il semble néanmoins possible d'indiquer
des orientations de réponses aux questions qui étaient à l'horizon de
cette étude :

Io)Io) Ce qui fait du poète un résistant est bien son positionnement spatial en tant que poète. En instaurant le lieu comme lieu de présence, le poète court-circuite ce qui, dans la langue en tant que système, risque de se fossiliser et de faire dériver l'homme dans le paramondain, idéologie nazie ou tout autre système totalitaire de valeurs.

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2°) L'acte de résistance et l'acte d'écriture sont non seulement compatibles mais encore comparables car ils résident dans le maintien de la liberté humaine au cœur d'un mondain quineine se prive pas d'ouvrir des portes d'accès à la vie, à la commune présence, seule opposition effective contre la haine systémique de l'énoncé nazi. On pourrait même dire que le poète est et ne peut être qu'un résistant car, dans toute son utilisation du langage, il va à l'encontre du on-dit qui n'est que le sable dont se serviront les maîtres du système langagier pour bétonner la parole et édifier l'anti-logos.

3°) Produire du littéraire en temps de guerre est donc le meilleur moyen qu'a le poète de préserver l'action de la dispersion, de l'errance et de l'erreur, celle-ci n'étant pas déviance envers un système, spatial et/ou normatif, mais bien vers celui-ci, dans la mesure où il constitue toujours le danger de totalitarisme.

4°) La publication d'un tel ouvrage se justifie par le fait que l'action ne peut devenir exemplum, ne peut recouvrir son sens éthique qu'une fois consignée dans les registres de la mémoire commune, désormais écrite.

L'acte poétique est le préambule de l'acte politique mais aussi son
poursuivant. Voilà ce qui, à nos yeux, justifie l'écriture au milieu de la
lutte. On peut donc bien dire, avec Yves Bonnefoy que :

En fait, ce qui devrait sembler impossible, après Auschwitz, ce n'est pas la poésie, qui sait son mensonge, c'est le discours idéologique, c'est la prose. Et la question qu'il faudrait se poser c'est : comment, après la révélation de ses gouffres, la parole en général peut-elle se sentir autorisée à poursuivre sans de profondes réformes de son discours conceptuel, de ce qu'on peut dire sa rhétorique ? Or à cela la poésie est utile. (Bonnefoy, 1991, p. 274)

Un tel discours poétique, qui, par le traitement oblique de la parole (son positionnement interstitiel), met l'être-au-monde devant l'innomméen lutte avec l'in-nommable est peut-être ce qui fait de nous, lecteurs, et lecteurs hors-guerre, des témoins; c'est peut-être - si l'on admet la pratique d'une telle lecture - ce qui nous place non plus comme simples récepteurs passifs d'un «message», mais comme les voyants d'une catastrophe, les admis au spectacle d'un carnage : assis aux bancs des jeux du cirque antique, une fois encore, mais mal-à-I'aise,

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mais responsables de ce témoignage comme s'il fallait demain venir à la barre et conscient de cette double nécessité d'être inscrits dans un système qui tôt ou tard peut se révéler le «tableau d'honneur des supplices» mais qu'il faut continuer, par l'espérance volontaire, à pousser contre «la plane simplicité du soleil» afin d'éviter le retour du pire au cœur même de la langue.

C'est ainsi que nous avons lu l'ultime parole et le seul «poème» des
Feuillets d'Hypnos :

La Rose de Chêne

Chacune des lettres qui composent ton nom, ô Beauté, au tableau d'honneur des supplices, épouse la plane simplicité du soleil, s'inscrit dans la phrase géante qui barre le ciel, et s'associe à l'homme acharné à tromper son destin avec son contraire indomptable : l'espérance, (p. 233)

Laurence Bougault

Université de Paris 111



Notes

1. Nous renvoyons, au sujet d'un traitement plus général du problème de l'espace aü sein du texte poétique, à M. Collot, 1989, qui resitue les problèmes proprement stylistiques dans le cadre d'une réflexion plus vaste, inspirée notamment par la phénoménologie et les travaux de Merleau- Ponty.

2. A l'instar de la philosophie contemporaine dont J. Garelli est un des représentants, nous userons de la distinction entre le monde et le mondain. Schématiquement, le monde entre dans l'ordre d'une réalité telle qu'elle est ressentie, éprouvée, mais non encore pensée par l'homme. Le mondain, lui, constitue le premier stade de la médiatisation entre l'homme et le monde, en tant qu'il est le système de représentations (primitivement symboliques) par lequel l'homme, en s'individuaiisant, prend connaissance du monde et accède à la possibilité de le dire (de manière sémiotique). Tout discours sur le monde est intramondain. Tout éprouvé de coprésence suggère le monde.

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Résumé

Le but de cet article est d'apporter un début de démenti scientifique à l'idée fameuse d'Adorno selon laquelle la poésie après Auschwitz est impossible. Non seulement cette idée nous semble fausse mais nous croyons à l'inverse que la poésie est, de tous les langages, celui qui est le plus à même de faire adopter à l'homme une attitude résolument anti-totalitaire. Pourquoi ? Parce que l'espace que dessine le texte poétique est le plus à même de procurer au Dasein un lieu suffisamment ouvert pour rompre avec la clôture du signe sur quoi se fonde toute fermeture idéologique, ce que nous tentons de mettre en évidence à travers l'étude des structures spatiales des Feuillets d'Hypnos de René Char.

Ouvrages de référence

Axelos (K.): Le Jeu du monde. Minuit, 1969.

Bonnefoy (Y.): Entretiens sur la poésie, Mercure de France, 1990.

Char (R.): Œuvres complètes, Gallimard, coll. «Bibliothèque de la Pléiade», 1983.

Collot (M.): La poésie moderne et la structure d'horizon, PUF, coll. «Ecriture»,
1989.

Faye (J.P.): Langages totalitaires, Hermann, 1972.

- Rythmes et mondes. Au revers de l'identité et de l'altérité, Millón, coll. «Krisis»,
1991.

Heidegger (M.): Etre et temps, Gallimard, NRF, coll. «Bibliothèque de philosophie»,

Meschonnic (H.): La rime et la vie, Verdier, 1989.