Revue Romane, Bind 30 (1995) 1

Actes du XIIe congrès des romanistes Scandinaves I-11, édités par Gerhard Boysen. Aalborg University Press 1994. 716 p.

John Pedersen

Il est toujours malaisé de présenter les actes d'un congrès qui s'est voulu ouvert sur bien des côtés, et telle est justement la tradition des romanistes Scandinaves. Le développement général des études, connu ailleurs aussi, a fait que la philologie romane, au sens traditionnel du terme, s'est fait remplacer par un concept plus vaste, la romanistique, qui recouvre non seulement d'importantes sections linguistiques, mais aussi, avec les études littéraires, déjà inscrites depuis de longues années, des travaux qu'il convient de classer, dans un premier temps, sous ¡'étiquette un peu passe-partout de civilisation.

Le lecteur risque donc de se perdre dans cette richesse: 66 communications individuelles et 6 'tables rondes'. D'autant plus que l'éditeur, conformément à la tradition, a choisi de présenter les communications selon l'ordre alphabétique des auteurs. Un choix qui se défend, mais qui n'est pas sans inconvénients pour tel lecteur qui cherche avant tout les communications concernant, par exemple, la linguistique espagnole. Mais il est vrai que les deux volumes comportent un index thématique, et cette innovation très utile pourrait peutêtre inciter de futurs éditeurs à organiser la présentation des contributions entièrement selon des critères thématiques.

Les études romanes à proprement parler se résument en une seule contribution,celle de R. Veland sur le fonctionnement anaphorique de dernier, ultimo et último. En revanche, les études portant sur la linguistique française comptent,en admettant toutes les variations, environ 35 contributions. Comme il est à prévoir, c'est encore la forte tradition syntaxique qui domine, que ce soit en ancien ou moyen français (par exemple P. Skârup, U. Jokinen, O. Halmoy) ou en français moderne, où l'on remarque, entre beaucoup d'autres, les réflexions de H. Ulland sur l'emploi des déterminants dans des syntagmes agentifs en -eur, de L. Lorentzen sur la concurrence entre bien des et beaucoup de; des analyses de modalité et temps (H. Kronning) et du sujet inversé (M. Hobaek Haff) aussi bien que des contributions sur la fonction référentielle

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étendue du Npr (K. Jonasson) et sur la reprise introduite par c'est-à-dire (K.
Flottum).

De plus en plus, cependant, la section de linguistique française tend à recouvrir aussi des champs moins 'traditionnels', comme par exemple les langues de spécialité, où l'on trouve, parmi d'autres contributions, des réflexions sur «le français des présentateurs de la télévision française» (C. Lindqvist). Autre domaine qui promet de beaucoup évoluer dans les années à venir est l'acquisition du français, où par exemple I.Bartning s'est attaquée aux problèmes d'interaction et de variation. Ajoutons que le français oral a été traité par J. Sand et P. Sihvonen-Hautecœur, tout comme A. Sakari-Veltheim étudie la structure interactionnelle d'un débat et O. Eriksson présente des réflexions sur la linguistique contrastive (français-suédois).

La linguistique italienne compte une contribution d'E. Wiberg qu'on aurait pu présenter aussi avec celle d'Eriksson que nous venons de citer : «11 futuro in alunni bilingui italo-svedesi residenti in Svezia». Entre romanistes, ne serait-il pas logique de grouper les travaux d'après les champs de recherche plutôt que selon les langues? Par ailleurs, les pronoms clitiques (I. Korzen) et les conjonctions concessives de l'italien du cinquecento (B. Elgenius) représentent également la linguistique italienne.

Du côté de l'espagnol, qui compte en tout six contributions, on notera, comme exemples, une étude sur les Glosas Emilianenses (B. Stengaard) aussi bien qu'une analyse de L. Fogsgaard: «Perífrasis de fase». Grâce à la contribution de A. Halvorsen, le roumain n'est pas oublié: «Le marquage de l'objet à réfèrent personnel en roumain».

Le champ de recherche civilisation pose un autre problème de catégorisation. En effet, une seule contribution est classée sous cette étiquette («L'idée de l'intellectuel en France», N. Briigger), alors que des titres comme «Georg Brandes e l'ltalia» (E. Barellai), «Gramsci e il mondo moderno» (G. Sorensen) ou, pourquoi pas ? «Le secret de la Correspondance de Grimm» auraient pu y figurer aussi, n'ayant rien de particulièrement littéraire dans le sujet, ni, du reste, dans les analyses.

Les études proprement littéraires montrent la même dominance de matière française que celle constatée pour les études linguistiques. S. Ramlov Frandsen réfléchit sur les débuts de la prose littéraire aux XIIIe siècle; B-M. Kylander étudie Don Garcie de Navarre, «une comédie manquee de Molière»; en partant des Mots de Sartre, H.V. Holm discute l'autobiographie face au roman. D'autres exemples pourraient être l'étude de S. Swahn «autour d'une œuvre inachevée de Balzac: Les Paysans», ou bien l'analyse de N. Soelberg de «la soidisant métaphore chez Proust».

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il est à noter que les études sur la littérature française se complètent par des contributions sur la littérature maghrébine (K. Holter, H. Lagerqvist et M-A. Séférian). La littérature italienne compte deux études sur Primo Levi: «Problemi critici» (J. Moestrup) et «PL e il mondo animale» (J. Nystedt) et, en outre, un tableau du roman fantastique (L. Beiu-Paladi). La littérature espagnole, de son côté, est représentée par une analyse des symboles chez Garcia Lorca (A. Sahuquillo) et une réflexion sur la «metaficción en el Persíles de Cervantes» (A. Worren).

Pour des raisons évidentes, il importe à notre revue de présenter les résultats d'un congrès des romanistes Scandinaves. Faute de pouvoir entrer dans les détails, et incapable d'énumérer l'ensemble des collègues ayant contribué au résultat convaincant de ce congrès, qui se déroulait au Jutland en 1993, nous devons nous contenter de présenter nos hommages à l'éditeur, le professeur Gerhard Boysen, qui fut aussi le président du congrès, en le remerciant d'avoir si consciencieusement aidé à rendre visibles, aux yeux de nos collègues du monde entier, les préférences, les efforts et les réussites des romanistes Scandinaves.

Université de Copenhague