Revue Romane, Bind 30 (1995) 1

Futur simple et futur périphrastique: du sens aux emplois

par

Hans Petter Helland

Introduction

Cet article a pour but de montrer explicitement comment l'analyse sémantique du futur, qu'il soit simple ou périphrastique, peut être complétée par différentes spécifications pragmatiques. Nous discuterons d'abord la pertinence de la notion de point de référence et quelques problèmes liés à l'application des idées de Hans Reichenbach à la différence sémantique et pragmatique entre les deux formes avant de proposer un calcul sémantique qui servira à définir (compositionnellement)le sens initial d'un morphème verbal à partir de sa constitution morphosyntaxique. Nous verrons que la forme périphrastique, quelles que soient ses réalisations effectives, aura une structure sémantique complexe, ce qui la distingue de la construction morphosyntaxiquement simple. Ces hypothèses seront alors soumises à des tests empiriques. Nous appuyant d'abord sur un corpus d'exemples où le futur n'est pas spécifié par une localisation adverbiale, nous essaierons de montrer que la périphrase dans sa fonction diachroniquement primaire ne se remplacepas facilement par la construction simple. Il sera nécessaire au passage de redéfinir quelques notions de la grammaire traditionnelle, comme celle de «valeur d'imminence» et celle de «pertinence présente», dans un cadre pragmatique avant de les combiner avec les structures sémantiques initiales. L'explicitation théorique concerne l'introduction d'une part de l'ontologie événementielle de Moens, Steedman et d'autre part des raisonnements par inférence. On pourra ainsi réserver un domaine d'emploi à la périphrase qui s'opposera nettement à celui du futur simple. Nous introduirons ensuite des spécificateurs adverbiaux dans le contexte pour montrer comment la périphrase peut assumer des fonctions d'emploi traditionnellement réservées au futur simple. Il sera, par conséquent, possible de distinguer des emplois commutables et

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non-commutables des deux formes, ce qui sera directement prévisible à
partir de notre cadre sémantique et pragmatique.

Problèmes d'analyse

Reichenbach (1966: 296) propose de représenter la distinction entre le
futur simple et le futur périphrastique du français par les configuration
s1:

(1) Je verrai.

(1)' S-R,E

(2) Je vais voir.

(2)' S, R-E

Le point de l'événement (E) et le point de référence (R) sont simultanés dans un discours au futur simple, ce qui distingue la forme du futur périphrastique. Dans les deux cas, le point de l'événement est postérieur au point de renonciation (S). Pour le futur simple, le E et le R coïncident tandis que, pour le futur périphrastique, le R coïncide avec le S.

Cette analyse est défendue dans les travaux de Vet qui la fondent soit sur l'opposition de +/- proximité (cf. (1980: 35), (1983: 196)) soit sur celle d'anaphore et de deixis (cf. 1984, 1985). Elle semble également être proche de l'intuition traditionnelle selon laquelle le futur simple exprime la «rupture» par rapport au temps de renonciation contrairement à la «proximité psychologique» (et temporelle) exprimée par le futur périphrastique. A première vue, le système de Reichenbach semble représenter formellement les impressions intuitives de la grammaire traditionnelle (cf. Fleischman (1982: 97)).2 Supposons que (2)' spécifie une différence sémantique par rapport à (1)' qui exclut la lecture (1)' pour (4):

(3) Attention, tu vas tomber.

(4) #Attention tu tomberas. (Confais (1990: 280))'

Les problèmes apparaissent dès que l'on aborde des cas où les deux
formes sont commutables, apparemment sans différence quant à l'effet
de sens produit. Vet (1980: 98) affirme à cet égard:

La différence entre le FUT et le FPRO disparaît au cas où la phrase
contient un adverbe de temps, comme dans les exemples suivants:

(i) Jean se mariera l'an prochain,

(ii) Jean vase marier l'an prochain.

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Ici, nous estimons que les deux formes expriment le FUT, bien qu'il soit possible que, pour certains locuteurs, l'idée de la proximité de I (= l'intervalle de vérité) par rapport à rx (= le point référentiel = s), reste plus ou moins présente. (Vet (1980: 98))

II faudra donc, selon Vet, admettre pour (i) et (ii) la même représentation sémantique, correspondant à celle du futur simple. Finalement, la question est de savoir s'il faut accorder à la forme périphrastique un seul sens (de base) ou une conjonction de plusieurs sens distincts. L'analyse de Vet plaide clairement en faveur du deuxième terme de l'alternative. Les étiquettes de FPRO (= le futur proche) et de FUT (= le futur simple) servent, en effet, à désigner d'une part le temps (time) auquel on réfère et d'autre part la forme temporelle (tense) (cf. également Vet (1988, 1990)). Une fois que les deux constructions sont commutables, le FPRO (= la forme temporelle) «exprime le FUT» (= la référence temporelle). Le système de Reichenbach en soi est ainsi incapable de rendre compte de la différence entre le futur simple dans (i) et le futur périphrastique dans (ii). Si ensuite on admet, provisoirement, que le R du futur périphrastique, marque la simultanéité par rapport à S, le système est également incapable de marquer la différence entre:

(5) II va venir.
et:

(6) II va venir demain.

Dans (6) la localisation de E est spécifiée par un adverbe relatif de postériorité (demain), ce qui n'est pas le cas dans (5). Il semble donc qu'il soit nécessaire d'introduire deux représentations distinctes pour la même forme, comme le suggère l'analyse de Vet. Autrement, il faudrait marquer un R supplémentaire pour (6), possibilité déjà exclue par la théorie à trois points de Reichenbach. La solution «polysémique» a ainsi au moins deux conséquences théoriques: Elle attribue à deux formes morphosyntaxiquement distinctes la même configuration (et le même sens) ( cf. (6) et (1)) sans pouvoir montrer le lien entre les deux réalisations (5) et (6) de la même forme. Contrairement à cette solution, nous allons maintenant proposer un système qui montre explicitement la différence entre (6) et (7):

(7) II viendra demain.

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tout en prévoyant leur commutabilité. Les structures sémantiques seront
en même temps définies de façon suffisamment vaste pour prévoir
différents emplois des différentes formes.

La structuration sémantique: une forme - un sens

Notre cadre se fonde sur la thèse selon laquelle on n'a pas besoin du même nombre de variables pour la composition sémantique de tous les temps verbaux.4 Nous proposerons un système compositionnel, inspiré par les approches compositi onnelles appliquées à l'allemand par Bàuerle (1979), Ballweg (1986), Fabricius-Hansen (1986, 1991), qui reflète assez fidèlement la constitution morphosyntaxique des temps verbaux du français. Il s'agira dans un premier temps d'isoler la contribution des temps verbaux, comme un élément parmi d'autres (la typologie événementielle, les adverbes temporels, la modalité, les connaissances linguistiques et extra-linguistiques, etc.), à l'interprétation globale d'un énoncé. Le problème fondamental est de définir les notions primitives à partir desquelles on va construire le sens verbal. Bàuerle (1979) relie pour les temps (allemands) morphosyntaxiquement simples, traités comme des opérateurs finis, le temps de l'évaluation (S) et le B(etracht)Z(eit) (cf. la notion de R de Reichenbach) avant de faire coïncider ce dernier avec le temps (plutôt que le «point») de l'événement. Contrairement à cette approche, nous définirons le sens initial d'un opérateur morphosyntaxiquement simple, exemplifié ici par le futur simple, comme spécifiant la relation entre un premier paramètre temporel nommé point perspectif5 et le temps de l'événement. Plus généralement, le sens de tous les temps verbaux du français se définira, en termes d'instructions abstraites adressées au récepteur dans un contexte idéalisé, comme des relations entre un seul ou plusieurs points perspectifs (P¡) et le temps de l'événement (E) déterminées par des opérateurs sémantiques finis et des opérateurs «atemporels», qui restent à être spécifiés, pour les temps composés.

Pour interpréter une phrase tensée contenant une forme simple, il suffit de combiner l'opérateur fini avec une proposition infinitive, à la base de toutes les phrases tensées, que nous appellerons proposition basique (cf. Bàuerle (1979), Ballweg (1986), Fabricius-Hansen (1986, 1991)):

futur (proposition basique)

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Ne se définissant pas intrinsèquement par rapport au temps de renonciation, les temps verbaux ne peuvent plus, contrairement aux hypothèses de la plupart des linguistes (cf. par exemple Reichenbach (1947 /1966), Bàuerle (1979), Lyons (1980), Vet (1980), Levinson (1983), Comrie (1985), Waugh (1987), Hornstein (1990), Declerck (1991), etc.) être considérés, sans précisions, comme faisant partie d'une catégorie déictique. Cela n'empêchera pas le S d'intervenir obligatoirement dans l'interprétation globale d'un énoncé, étant donné que la valeur des paramètres initialement définis doit être fixée par le contexte d'énonciation et que le premier point perspectif (P¡) est localisé temporellement par rapport à S. Il n'est donc pas suffisant de maintenir que le S est simplement «un premier point perspectif» parce qu'il s'agit de deux notions techniques distinctes, l'une relevant de la composition sémantique abstraite des temps verbaux, l'autre relevant exclusivement de la contextualisation réelle. Pour des raisons de simplicité, nous traiterons dans cet article principalement des exemples où le (premier) point perspectif coïncide temporellement avec le temps de renonciation.

Supposons alors que la forme temporelle, en l'occurrence le futur simple, spécifie la relation entre les deux paramètres initiaux comme celle de la postériorité, ce qui pourrait être représenté par la configuration et l'instruction suivantes:

P - E

Situez le temps de l'événement dans la postériorité par rapport au
point perspectif.

La question est donc de savoir si l'on a besoin de connaître la localisation précise d'un événement au futur, fixé dans le système de Reichenbach par le point de référence, pour déterminer le sens initial de ce temps. Il y a des constructions où la localisation du futur est explicitement marquée comme dans (7). Mais ce n'est pas toujours le cas, fait qui est exemplifié par:

(8) On verra.
et:

(9) Un jour, il finira sa thèse.

Ici la localisation de l'événement n'est marquée ni à la surface ni à un niveau informatif «plus bas». Il semble qu'il suffise de connaître la direction entre le point perspectif (P) et le temps de l'événement (E) pour marquer la structure initialement attribuée au sens du futur en

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français à partir de laquelle les réalisations dans (7) et (8)/ peuvent être prévues. Nous avons donc un argument supplémentaire contre la configuration à trois points proposée par Reichenbach qui est incapable de marquer cette différence. Rappelons que Reichenbach postule que le point de référence est déterminé par un adverbe temporel localisant l'événement précisément dans le temps, ce qui est incompatible avec l'information fournie dans (8) et (9).

Ayant constaté que la structure sémantique des temps morphosyntaxiquement simples peut se définir comme une relation entre deux paramètres initiaux, il nous reste à rendre compte de la composition d'un temps complexe comme le futur périphrastique. Dans le système de Bâuerle (1979), les temps composés (de l'allemand) s'interprètent compositionnellement à l'aide d'un opérateur atemporel perf servant à former des propositions basiques complexes qui ensuite seront combinées avec des opérateurs finis pour construire le sens des temps composés. On se rend vite compte du fait que ce système est incapable de composer le sens du futur périphrastique. Il faudra donc introduire un nouvel opérateur, désormais appelé aller, qui servira à former une proposition basique complexe avant l'intervention de la forme finie. Par opposition à perf, aller fixe la relation entre les deux paramètres P¡ et E comme celle de la postériorité:

perf: E -P,
aller: P, -E

On va alors retrouver cette dernière relation dans la configuration sémantique attribuée à la forme périphrastique du futur. Supposons que aller opère sur une proposition basique simple pour former une proposition basique complexe:

ALLER (ii venir)
II aller venir.

Le présent, étant une forme simple, opère sur la proposition basique et
détermine, conformément à son sens initial, le placement de l'auxiliaire
comme simultané à un point temporel donné:

présent (aller (il venir))
PRESENT (il aller venir)
II va venir.

Si alors on postule que le deuxième paramètre de l'auxiliaire6:

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devient le deuxième point perspectif par rapport auquel le temps de
l'événement est localisé comme postérieur, on pourra rendre la compositionde:

PRESENT (ALLER (proposition basique))

de la façon suivante7:


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c'est-à-dire l'instruction:

Situez un deuxième point perspectif P2P2 fourni par l'auxiliaire dans la
simultanéité par rapport à un premier point perspectif ?v?v
Situez le temps de l'événement dans la postériorité par rapport à P2.

On notera alors que même dans les cas où le futur simple et le futur
périphrastique sont commutables, le cheminement interprétatif sera
distinct:

(10) Je vais remonter à Paris après-denta in.


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(11) Je remonterai à Paris après- demain.


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Le futur périphrastique étant un temps sémantiquement complexe suppose une interprétation en deux étapes, contrairement au futur simple. Nous aboutissons donc à deux résultats semblables tout en ayant suivi des cheminements interprétatifs distincts, ce qui reste inexpliqué dans les approches reichenbachiennes. La substitution du futur périphrastique au futur simple est cependant facilitée par le fait qu'on trouve dans la deuxième ligne interprétative du futur périphrastique (F2 - E) la même relation reliant P, et E que dans la configuration (simple) du futur simple: P - E. Le but des deux sections suivantes sera de justifier par des arguments linguistiques la pertinence d'un deuxième point perspectif dans la configuration initialement attribuée au futur périphrastique, ce qui le distingue du futur simple. Avant de discuter des facteurs réglant la commutation des deux formes, nous examinerons d'abord quelques contextes où les deux temps du futur sont non-commutables.


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La non-commutation des deux temps du futur

Examinons d'abord l'occurrence:

(3) Attention tu vas tomber,
non-commutable avec:

(4) # Attention, tu tomberas.

La grammaire traditionnelle classifierait (3) comme un exemple type de la «valeur d'imminence», sans généralement évoquer le caractère inapproprié d'un exemple comme (4). Il va de soi que la notion de «rupture» ou non avec le «présent», souvent proposée comme trait distinctif des deux formes, ne suffit pas, tout court, pour expliquer la non-recevabilité de (4). La phrase, légèrement modifiée, serait même interprétable dans un autre contexte8:

(12) Attention, un jour tu tomberas.

Le recours à la différence de distance temporelle entre le(s) point(s)
perspectifs) et le temps de l'événement, imminente dans (3) et non-imminentedans

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minentedans(4), est également inapproprié, étant donné que les configurations sémantiques ne disent rien sur l'étendue de l'espace temporel qui sépare P, de E (P¡ simultané à S). Ce qui semble clair, c'est que les notions basiques à partir desquelles on déduit traditionnellementles traits distinctifs, notamment le «présent d'où nous voyons l'avenir» (Damourette, Pichón), l'«état présent précédant l'événement» (Flydal), la «pertinence présente» (Fleischman), etc., doivent être précisées dans un vocabulaire technique de base avant qu'on puisse émettre des hypothèses sur la distinction entre (3) et (4). Constatons d'abord que la commutation par le futur simple semble plus difficilementconcevable pour la paire (3)/(4) que pour:

(13) Tu vas nous manquer, J. P. P.

(14) Tu nous manqueras, ]. P. P.

sans que d'autres linguistes, du moins à notre connaissance, aient rapporté cette observation à la notion d'Aktionsart (= mode d'action). II s'agit en effet, dans le premier cas, d'un événement télique («Tu tomber») et, dans le dernier cas, d'un événement atélique («Tu nous manquer»). Pour des raisons de simplicité, nous terons dans cet article la distinction entre deux types événementiels caractérisant sémantiquementla proposition basique. Les événements atéliques se définissent par la propriété de divisibilité et de cumulativité. Une partie de l'événement «Tu nous manquer» a la même propriété que le tout (divisibilité) alors que l'opération consistant à additionner deux événements de ce type donnent comme résultat un intervalle continu avec exactement les mêmes propriétés (cumulativité). Inversement, les événements téliques, possédant un point final inhérent, n'acceptent ni le test de divisibilité ni celui de cumulativité. Une partie de l'événement «Tu tomber» n'est pas un intervalle du même type que le tout (- divisibilité) et l'union de deux événements comme «Tu tomber» ne fournit pas un intervalle continu de la même sorte (- cumulativité).9 Supposons alors que les événements initialement téliques en combinaison avec les opérateurs temporels peuvent être associés à la notion de nucléus adaptée à partir de Moens, Steedman (1988). Le nucléus complet comprend un point de culmination précédé d'une phase préparatoire et suivi d'une phase conséquentielle (cf. Moens, Steedman (1988: 18), Moens (1987: 47))10:

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II nous semble que la notion de nucléus, réservée à l'analyse des réalisations particulières, peut contribuer à éclairer un certain nombre de données concernant l'emploi effectif du futur périphrastique. L'acceptabilité de (3) par opposition à (4) pourrait ainsi s'expliquer pailacontribution sémantique de l'auxiliaire au présent qui spécifie la relation entre deux points perspectifs simultanés. Il y a, par conséquent, une place disponible dans la configuration du futur périphrastique, notamment le P2, pour être associée à la phase préparatoire d'un événement télique, ce qui n'est pas le cas pour le futur simple. Ajoutons les paires suivantes:

(15) 11 va s'envoler.... Choubert! Ecoute...

(16) # II s'envolera... Choubert! Ecoute...

(17) Elle se tord de souffrance et marmonne sans arrêt en farsi: Je vais
mourir...

(18) # Elle se tord de souffrance et marmonne sans arrêt en farsi: Je
mourrai...

(19) Le feu va s'éteindre, dit le petit garçon en essuyant ses lunettes.

(20) #Le feu s'éteindra, dit le petit garçon en essuyant ses lunettes. Quand le point perspectif, défini comme étant inhérent au futur périphrastique, sont fixés par la situation enunciative particulière, on pourrait illustrer la spécification des paramètres de (3), de (15), de (17) et de (19) de la façon suivante, où P2P2 coïncide avec la phase préparatoire:


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Cette spécification serait exclue pour les exemples correspondants au
futur simple sans la présence de l'auxiliaire et, par conséquent, le
deuxième point perspectif:


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Se trouverait ainsi précisée et explicitée l'intuition traditionnelle selon laquelle la forme périphrastique réfère à l'«état précédant l'événement au futur» (cf. Flydal (1943)). On justifierait également les paraphrases du futur périphrastique:

(21) (cf. 15) II est sur le point de s'envoler.

(22) (cf. 17) Elle est sur le point de mourir.

(23) (cf. 19) Le feu est sur le point de s'éteindre.

Le point final de culmination, qui est défini comme étant intrinsèquement lié à l'événement télique initial (cf. la caractérisation de «Tu tomber»), n'est pas nécessairement atteint, fait qui ressort typiquement rianc un rnnfpvtp Hit hiçtorimip nii P. pst Héralp à psuche de V

(24) La voiture de Marie va me dépasser. Un quart de seconde, je pense à
me laisser tomber devant les roues, à simuler le coma.

Ici, il n'y a aucune implication d'un accomplissement final. On pourrait
même imaginer une suite telle que:

(25) La voiture de Marie va me dépasser. Un quart de seconde, je pense à
me laisser tomber devant les roues, à simuler le coma. Mais brusquement,
elle s'arrête.

Cet «empêchement par la suite» est parfois rapporté à la notion d'intention,
comme le montrent les remarques de Comrie (1976: 64-5) sur la
différence entre (26) et (27):

(26) Bill is going to throw himself off a cliff.

(27) Bill will throw himself off a cliff.

Le locuteur énonçant (27) se trompe, selon Comrie, si Bill ne réalise pas ses plans, ce qui n'est pas le cas pour (26). Pour que ce dernier énoncé soit pragmatiquement recevable et vérifié, il suffit que Bill ait l'intention de sauter du rocher. L'exemple (28), par contre, contenant un SNsujet (- animé), montre qu'on ne peut pas généraliser cette analyse de la périphrase comme se rapportant à la notion d'intention, impossibilité


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correctement prédite d'ailleurs par le cadre théorique de Fleischman
(1982: 88):

(28) Attention, l'avion va atterrir.

Par conséquent, la périphrase n'exprime pas en soi l'intentionnalité. La conceptualisation en trois phases proposée par Moens, Steedman s'applique, comme on a pu le constater, aux valeurs de la périphrase traditionnellement appelées imminentes. On remarque ainsi que l'effet (secondaire) de proximité temporelle, sans être intrinsèquement lié au sens de la périphrase, découle du fait que l'événement, déjà «en cours» à P¡, va normalement culminer dans un avenir proche. La localisation peut même être précisée par un adverbe du type immédiatement:

(29) (cf. 15) II va s'envoler immédiatement.

Nous avons donc pu isoler un effet particulier lié à l'emploi de la forme périphrastique et étendre notre structuration pour inclure le nucléus de Moens, Steedman. Ayant restreint le nucléus à un nombre limité d'exemples contenant des événements téliques, il nous reste pourtant pas mal de problèmes à résoudre. D'abord, l'emploi de la périphrase n'est pas réservé aux événements téliques:

(30) Un de ces messieurs va vous accompagner.

Nous trouvons également des exemples construits à partir d'événements
atéliques qui acceptent la paraphrase «être sur le point de»:

(31) Nous allons nous embrasser comme deux amants quand elle a un
sursaut instinctif et me repousse avec violence. (Sundell (1991: 227))"

(32) Nous sommes sur le point de nous embrasser comme deux amants
quand...

Ensuite, même les événements téliques ne sont pas nécessairement conceptualisés comme une unité complexe décomposée en phases. Ainsi (33) ne contient aucune spécification sur la phase préparatoire de l'événement «Je revenir»:

(33) Repose-toi, c'est fini, je vais revenir.

étant compatible avec le contexte dans:

(34) Repose-toi, c'est fini, je vais revenir demain matin.

plutôt que:

(35) # Repose-toi, c'est fini, je suis sur le point de revenir.

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Le résultat de notre précision théorique est donc apparemment modeste puisqu'elle n'apporte aucune explicitati on sur les conditions générales réglant l'emploi de la forme périphrastique par rapport à la forme morphosyntaxiquement et sémantiquement simple. Tout ce qu'on peut en déduire, c'est que la configuration de base du futur périphrastique, contrairement à celle du futur simple, contient un deuxième point perspectif qui doit être spécifié, par exemple par la phase préparatoire d'un événement télique. Il reste cependant à établir un lien entre les divers emplois de la forme périphrastique pour expliquer des cas comme (13)/ et (30)-

Rappelons d'abord l'analyse événementielle de Nef (1986) fondée sur un ensemble C de conditions, défini relativement à un ensemble de croyances, qui constituent la «cause» d'un événement futur. En associant à un événement (atélique) du type:

(36) II va neiger.

un ensemble de conditions, par exemple:

c, = ciel couvert, c2c2 = température voisine de 0, c3c3 = humidité de
l'air convenable, etc.,

Nef prévoit son acceptabilité «si une partie ou une totalité des conditions
sont remplies» (cf. Nef (1986: 120)). L'emploi de:

(37) II neigera.

serait cependant possible «sans qu'aucune des conditions ne soit remplie». Modifiant l'hypothèse de Nef (1986), on pourra dire que la présence de signaux typiques (cx à c3) dans la situation d'énonciation permet aux interlocuteurs de conduire un raisonnement pragmatique concernant la localisation événementielle dans (36). Il faudra, à cet égard, souligner qu'il s'agit d'inférences pragmatiques basées sur des connaissances et non d'inférences logiquement nécessaires. Les indications situationnelles pourraient donc être considérées comme une liste de prémisses. On pourrait même ajouter une paraphrase du type:

(38) Comme vous le voyez à Pi( il va neiger à Pi+l.Pi+1.

Comme il s'agit d'un événement atélique, il ne peut pas contenir une phase préparatoire dans le sens strict défini ci-dessus. L'auxiliaire peut cependant être associé aux signaux typiques précédant l'événement. La réunion de circonstances préliminaires pour une réalisation inférée

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comme prochaine indiquerait également pourquoi certains auteurs ont associé à la forme périphrastique un degré modal de certitude épistémique.L'emploi de la construction simple dans le même type de contexte situera, par contre, le temps de l'événement dans la postériorité par rapport à P sans qu'on puisse raisonner à partir de signaux typiques à S (P simultané à S), étant donné l'absence de l'auxiliaire au présent. (37) est par conséquent non-marqué quant à la localisation de l'événement,d'où la compatibilité avec un adverbe de référence indéterminée:

(39) II neigera un pur ou l'autre.

Et (40) ne peut être qu'anomal:

(40) # Comme vous le voyez àP,il neigera àP¡tl

Ici, il n'y a aucune limite concernant la localisation événementielle. La réalisation ou non de signaux typiques à S servira à compléter et même inclure le critère basé sur la phase préparatoire d'un événement télique. Le futur simple semble, en effet, plus ou moins pragmatiquement inapproprié dans les contextes suivants pour des raisons plus générales que celles fondées sur l'ontologie événementielle de Moens, Steedman (cf. (3)/(4)):

(41) Tapie: Je vais partir.

(42) # Tapie: Je partirai.

(43) Mitterrand: Sauf événement imprévu, donc improbable, les armes vont
parler (énoncé immédiatement avant le déclenchement de la guerre du
Golfe).

(44) # Mitterrand: Sauf imprévu, donc improbable, les armes parleront.

(45) Je n'arrive pas à soulever cette valise. Puisque tu es là, tu vas m'aider.

(46) #Je n'arrive pas à soulever cette valise. Puisque tu es là, tu m'aideras.

(47) Tiens! Il va pleuvoir.

(48) # Tiens! Il pleuvra.I''

Il semble que le raisonnement pragmatique, pourvu que le P coïncide avec S, soit plus général que le critère «local» de la phase préparatoire, non-applicable dans (41) à (48) (des événements atéliques dans (43), (45), (47), événement télique non-décomposé en phases dans (41)). Nous pouvons donc formuler une première généralisation, qui est en effet indépendante de la typologie événementielle, et qui prédit que le futur périphrastique, contrairement au futur simple, a un deuxième point perspectif dans son sens de base qui doit être associé à quelque

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chose, par exemple à un ensemble de circonstances réunies préalablementà la réalisation événementielle. Ces dernières sont définies de façon suffisamment large pour englober la phase préparatoire d'un événement télique et les signaux typiques d'un événement télique ou non. «Tiens» dans (48) sera ainsi un élément contextuel qui contribue à bloquer la lecture du futur simple parce que le futur simple ne possède pas un deuxième perspectif. Le fait que la construction simple n'exprime pas directement le lien aux «indices réunis» d'un événement futur, en combinaison avec la spécification non-marquée de E dans le sens de base, indiquerait pourquoi elle peut assumer la fonction d'un futur dit éloigné. On remarque que l'intersection d'autres événements entre P¡ et E est facilitée par l'emploi du futur simple,13 fait qui est justifié par:

(49) Je n'y suis pour rien, Véra. C'est une longue histoire. Je vous expliquerai.
Mais dites-moi ce que vous faisiez là, avec ces imbéciles.

qu'on peut comparer à:

(50) Q: Pourquoi, finalement, restez-vous?
T-inie- Ta waic H'-jKr»rH x/r»nc ovnlinnor nmirnnni i'oi \//~>iiln norhr
Quand vous donnez le meilleur de vous-même...

La localisation événementielle dans (49) reste ainsi non-spécifîée, ce qui
est paraphrasable par:

(51) Je vous expliquerai plus tard. Mais dites-moi d'abord ce que vous
faisiez là avec ces imbéciles.

La forme périphrastique exigerait, par contre, par la présence de l'auxiliaire, que toutes les circonstances soient réunies pour une réalisation postérieure. Les circonstances réunies préalablement à E impliquent typiquement, dans un contexte approprié, que le temps de l'événement ne tardera pas à se réaliser:

(52) II peut faire ça. Et il va le faire.

(53) Nous allons brûler les Américains et leurs alliés avec le pétrole arabe.

(54) Dites, vous le savez? Non? Eh bien! je vais vous le dire: un carré de
valets, ni plus ni moins, vous m'entendez?

Il semble (cf. également (13) et (14)) qu'on puisse expliquer l'opposition
entre :

(55) Tu vas nous manquer.
et:

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(56) Tu nous manqueras.

selon les mêmes principes. Bien que les deux formes soient commutables, le calcul sémantico-pragmatique suivra deux cheminements interprétatifs différents. Rappelons qu'il s'agit d'un événement atélique sans phase préparatoire. Le futur dans (56), étant sémantiquement simple, localise simplement le temps de l'événement non-spécifiquement dans la postériorité relativement à P contrairement au futur périphrastique, sémantiquement complexe, dans (55) dont l'auxiliaire s'associe à un ensemble de circonstances préliminaires, d'où l'effet secondaire de proximité. C'est donc la première étape interprétative de la construction périphrastique, représentant le sens du présent (?l coïncide avec P2), qui est activée lors de son emploi. On aurait ainsi une explication naturelle du fait que la construction simple est beaucoup plus facilement de mise dans des contextes où la localisation événementielle se situe à un moment indéterminé de l'avenir, soit en combinaison avec un adverbe de référence non-déterminée14:

(57) Un jour, peut-être, tu souffriras,
soit non:

(58) La victoire, a poursuivi Saddam, sera, avec l'aide de Dieu, celle de la
nation, par la guerre ou par la paix.

Il suffit que E soit placé dans un intervalle quelconque, éventuellement pragmatiquement délimité, qui s'étend de P vers la droite. Jusqu'ici, nous avons justifié le fait d'attribuer aux deux formes du futur différents sens de base, en examinant des contextes où elles sont non-commutables. Il restera alors à rendre compte des cas où les deux formes sont commutables, apparemment sans différence quant à l'effet de sens produit.

Les temps du futur et la spécification temporelle

La construction simple est, conformément à son sens initial, indifférente quant à la distance qui sépare le point perspectif et la localisation événementielle, qui peut varier de l'avenir immédiat à l'avenir plus lointain. Elle se combine ainsi avec des spécificateurs adverbiaux du type:

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(59) Repris en main par Michel Pintón, les adhérents directs de I'UDF
tiendront une convention nationale à Versailles le 12 mars 1991.

(60) II reviendra bientôt.

(61) La semaine prochaine, j'irai à Paris pour voir où elle habite.

(62) II prendra sa retraite dans dix ans.

Comme il s'agit d'un temps sémantiquement simple, les exemples (59) -(62) ont en commun de spécifier explicitement la localisation de E dans une relation de coïncidence partielle ou totale. On aura ainsi comme résultat des configurations spécifiées comme celle de:


DIVL455

(62')

Ayant abandonné définitivement la piste qui mène à une différenciation
primaire entre les deux formes selon un degré de proximité temporelle,
g' s\4-4-j-m A *•*** \ fiTMiir^r lo íV»f rv"»¿» níárítAUf) ofimia ¿avi /~i-£irv\£ir\i- /~r\rv^rv^ ¿a li
UH O dILVUU 1U CI UUUYWI i CI- IUI 11IV, UVlipm UJLIU V* V, y VAVIVIVUIVH V VViiiUiV 4construction
en combinaison avec divers specificatemi adverbiaux
variant de la proximité à l'avenir lointain. Cette hypothèse semble
être confirmée par les exemples suivants:

(63) On va partir en Espagne le 27 juillet 1994.

(64) II va venir tout à l'heure.

(65) ... mais c'est un problème interne, demain, le Marcom va clore ses
frontières et s'isoler du reste de la planète.

(66) II va prendre sa retraite dans dix ans. (Vetters (1989: 372))

Si l'on accepte que les adverbes temporels de (63) à (66), postposés ou
non, spécifient la localisation événementielle, on obtiendra pour (66) la
configuration de:


DIVL458

(661)

où le temps de l'événement est inclus dans l'intervalle de localisation
fourni par l'adverbe temporel. Nous savons néanmoins que beaucoup


DIVL455

(62')


DIVL458

(661)

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de grammairiens (cf. Flydal (1943: 35sqq.)) ont insisté sur le fait que la forme périphrastique s'emploie plus rarement que la construction simple en combinaison avec une détermination temporelle. Jeanjean (1988) caractériserait ainsi l'emploi du futur périphrastique dans (66) comme un cas marginal. Il est évident qu'un tel emploi est difficilement explicable si l'on traite, ce qui a souvent été fait, la forme périphrastique comme un temps du présent. Une fois qu'on accepte la structure sémantique que nous avons proposée pour cette construction en tant que temps complexe du futur, (66) n'a plus rien d'énigmatique. Au contraire, la configuration générée est parfaitement normale, comme l'est d'ailleurs son équivalent non-déterminé pour (67), étant donné que la distance qui sépare P2P2 de E reste non-spécifiée dans la configuration de base:

(67) 11 va prendre sa retraite.

Malgré ce fait, il y a un risque assez grave de «surgénération». Finalement, àen croire les statistiques effectuées dans ce domaine,15 la construction simple semble se combiner plus facilement avec ce type d'adverbes. Le futur simple est ainsi commutable avec le futur périphrastique dans les exemples (63)-(66). Si la différence sémanticopragmatique entre les deux formes dans des occurrences non-spéci fiées se manifeste clairement d'après les principes esquissés dans la section précédente, il en va autrement pour les exemples (63)-(66) ci-dessus. Il semble que l'ajout d'un adverbe temporel de localisation approprié rende superflue la différence d'explicitation pragmatique. Plus généralement, l'effet secondaire de +/- proximité qui découle de l'inclusion ou non des signaux typiques dans l'événement, disparaît si la localisation événementielle est précisée. Cette commutabilité n'est pas limitée à des localisations événementielles dites éloignées de P,. Elle semble acceptable même dans les cas où la distance est proche:

(68) II va bientôt revenir.

(69) II reviendra bientôt.

auxquels on attribue différentes configurations sémantiques sans qu'elles soient nécessairement corrélées à différents calculs pragmatiques. La conclusion qu'on pourrait en tirer est malgré tout instructive. Il est fort probable que, d'un point de vue quantitatif, le futur périphrastique est moins fréquent avec une localisation adverbiale que le futur simple. Quoi qu'il en soit, la possibilité d'une telle combinaison doit être prévue

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dès le niveau sémantique initial sans qu'il soit nécessaire de recourir à la notion d'exception. Considérant avec Fleischman (1982, 1983) et d'autres, la valeur dite aspectuelle comme diachroniquement primaire, on pourra dire que la forme périphrastique a assumé des fonctions d'emploi traditionnellement réservées à la construction simple, transitionfacilitée par le sens initial de la périphrase. On retrouve finalement dans sa deuxième étape interprétative exactement la même relation entre P¡ et E que dans le sens initial du futur simple. Le calcul sémantico-pragmatiqueque nous avons développé ici semble, en effet, confirmerles données diachroniques de Fleischman (1982: 99) selon lesquelles «je vais chanter» «in conversation has taken over for the most part the temporal function of «chanterai» without, however, losing its original aspectual value». Cela dit, on touche également à des questions inévitablesde nature stylistique (langue parlée, écrite, châtiée, populaire, etc.) qui ont été considérées comme secondaires par rapport à la structurationsémanticopragmatique. Nous constaterons simplement que les deux formes, dès le niveau sémantique initial, laissent ouverte la question de savoir si le E est précisément déterminé ou non. La compatibilité facilitée par la construction simple avec des adverbes «indéterminés» du type un jour s'explique par la spécification pragmatique ainsi que la co-occurrence préférée de la forme périphrastique avec immédiatement. Du reste, le futur périphrastique accepte souvent les mêmes types de localisateurs que le futur simple, ce qui est directement prévisible à partir de la configuration sémantique. On obtiendra alors des résultats, rapportés à une évolution diachronique, qui sont plus facilement commutables et où on peut effectivement parler d'une «concurrence».

Conclusion

Dans le présent travail, nous avons essayé de justifier la pertinence de deux niveaux dans l'analyse des temps du futur: une configuration sémantique complétée par des spécifications pragmatiques. Ayant montré l'insuffisance des principes de Reichenbach appliqués aux temps du futur, nous avons défini le futur périphrastique comme un temps morphosyntaxiquement complexe contrairement au futur simple. Il a suffi d'introduire dans la composante sémantique un opérateur atemporelali.hr qui est l'équivalent futur de perf. Malgré la différenciation sémantique initiale entre les deux formes, il a fallu recourir à une explicitation pragmatique pour expliquer les emplois effectifs des

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formes, en particulier les cas de commutabilité ou non-commutabilité, ce qui nous a permis d'introduire l'ontologie événementielle tripartite de Moens, Steedman et une structuration des connaissances pour la spécification contextuelle. Contrairement au futur simple, le futur périphrastique dispose d'un deuxième point perspectif dans la configurationsémantique initiale qui doit être contextuellement spécifié. Nous avons pu vérifier que la différence interprétative dans des phrases non-spécifiées par des adverbes de localisation est effectivement còrrélée à des calculs pragmatiques distincts. Cette opposition nette peut néanmoins se «neutraliser» pragmatiquement devant la présence de spécificateurs adverbiaux. Nous avons argumenté contre l'attribution de deux sens distincts à la forme périphrastique dont l'une correspondrait à celui du futur simple. En effet, la structure sémantique de base a été construite de façon suffisamment large pour prévoir différentes réalisationsconformément à des principes «monosémiques».

Hans Petter Heliana

Université de Trondheim



Notes

1. Il s'agit d'un système désormais classique construit à partir de trois notions primitives: le point de renonciation (S), le point de l'événement (E) et le point de référence (R). La relation de simultanéité est marquée par «,» et celle d'antériorité par «-». L'idée centrale est qu'on a besoin de trois variables pour le calcul sémantique de tous les temps verbaux dans une langue donnée. Pour une discussion détaillée et une référence assez complète des études reichenbachiennes, voir Helland (1993a).

2. Voir aussi pour une discussion du système de Reichenbach appliqué aux temps du futur (anglais), Haegeman (1989).

3. Ce type d'inacceptabilité est rarement évoqué dans la littérature. Voir cependant pour des commentaires, Confais (1990).

4. Cette thèse est en contradiction avec celle de Reichenbach qui postule que les trois notions primitives (S, R, E) sont nécessaires et suffisantes pour la composition sémantique de tous les temps verbaux d'une langue donnée.

5. La notion de «point perspectif» est empruntée àla Théorie de la Représentation Discursive (cf. Kamp, Rohrer (1983)) mais définie différemment.

6. Nous adoptons ici la convention proposée par Declerck (1991) X pour représenter la relation de simultanéité entre X et Y: Y

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7. Il s'agit ici d'une simplification notationnelle par rapport à: P, E Aux P2-EP2-E

8. Par exemple dans le contexte «Attention, un jour tu tomberas si tu continues à agir comme ça.»

9. Ces définitions simplifiées se fondent sur une très riche littérature traitant des classifications situationnelles issues de la taxonomie classique en quatre classes de Vendler (1967) et développées dans la littérature aspectuelle par des auteurs comme Taylor (1977), Dowty (1979), Mourelatos (1981), Fabricius-Hansen (1986), etc. Les notions de divisibilité et de cumulativité sont empruntées à Krifka (1992). Notons cependant que la classification établie ici s'opère, contrairement à d'autres approches, à partir de propositions basiques non-temporalisées sans l'intervention ¿es opérateurs temporels.

10. Moens, Steedman (1988) se servent de cette structure événementielle complexe, en combinaison avec les trois paramètres de Reichenbach, pour prévoir les transitions permises dans leur «aspectual network» tout en nrprisapt le fonctionnement anaphorique des temps verbaux. Soulignons que nous réservons, contrairement à ces auteurs, la notion de nucléus aux événements téliques.

11. Cf. la lecture inacceptable de # Nous nous embrasserons comme deux amants quand ....

12. La paire (47) et (48) est inspirée par Vet (1985).

13. Cf. aussi Flydal (1943: 73-5), Vet (1985: 50).

14. Les enquêtes de Sundell (1991) montrent les proportions suivantes: plus tard: FS (55 exemples), FP: (0 exemple); un jour: FS (52 exemples), FP (0 exemple).

15. Cf. Sundell (1991), S. Lorenz (1989), B. Lorenz (1989), Klum, Burman (1977), Klum (1961), etc.

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Résumé

Ce travail a pour but de justifier la pertinence de deux niveaux distincts dans l'analyse des temps du futur en français moderne: une composante sémantique complétée par des spécifications pragmatiques. Le futur simple, conformément à sa constitution morphosyntaxique simple, se définit comme une forme sémantiquement simple contrairement à la complexité morphosyntaxique et sémantique du futur périphrastique. Incorporant des spécifications d'ordre pragmatique, il est possible de prédire différents fonctionnements des deux temps verbaux et de montrer pourquoi ils sont commutables dans certains contextes et non-commutables dans d'autres.

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