Revue Romane, Bind 29 (1994) 2

Keith Busby: «Chrétien de Troyes: 'Perceval' ('Le Conte du Graal')». Criticai Guides to Frenai Texts 98. Grant & Cutler Ltd, London, 1993. 98 p.

Jonna Kjær

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Ce petit livre publié dans la série des «Criticai Guides» s'adresse aux étudiants. C'est une explication de texte ou lecture commentée du dernier roman, inachevé, de Chrétien de '1 royes, qui a eu la fortune que l'on sait. Sédition de référence est celle de William Roach, mais Keith Busby vient lui-même de livrer au public sa grande édition du Conte du Graal basée sur tous les manuscrits (Max Niemeyer Verlag, Tubingen, 1993, p. vii-xci + 1-583). Comme le roman de Chrétien est biparti et raconte d'abord les aventures de Perceval (v. 69-4815), puis celles de Gauvain (v. 4816-9234), je rappelle que KB esl aussi un spécialiste de Gauvain (Keith Busby: Gauvain in Old Freneh Literatura. Amsterdam. 1980). Ainsi, ses collègues arthuriens trouveront un intérêt particulier à le voir aussi réussir avec brio à condenser son grand savoir dans le cadre d'un «guide» pédagogique.

Le livre esi structure selon trois chapitres, The Prologue, The Adventures of Perceval, The Adventures of Gauvain. La partie Perceval du roman est divisée en onze épisodes, celle de Gauvain en six. Malgré ce déséquilibre apparent, KB démontre de façon convaincante comment les deux parties se complètent dans une symétrie (avec parallélismes. variations, oppositions et inversions) pour former finalement une unité de structure et de sens. Pour les chercheurs ce sera là. je crois, l'apport le plus important du livre.

Pour les étudiants, il sera stimulant d'avoir d'une part une lecture compréhensive
(et compréhensible!) vers pour vers du roman, avec des commentaires intercalés sur
la littérature arthunenne en général et les autres romans de Chrétien en particulier, et

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d'autre part beaucoup de renvois aux meilleurs critiques qui ont contribué à éclaircir
ce roman assez difficile pour ses «mystères» et sa complexité.

Dans la présentation de la partie Perceval, les grands thèmes dominants sont ceux de l'apparence et de la réalité, de la non-communication (pas seulement les silences de Perceval au Château du Graal) et enfin de la charité que Perceval doit apprendre, avec la chevalerie, dans ce roman d'apprentissage. Dans la présentation de la partie Gauvain, KB insiste sur la complexité déroutante des aventures. Une observation d'importance capitale, à mon avis, fait voir que tandis que l'itinéraire de Perceval est linéaire (avec un développement spirituel visible), celui de Gauvain est circulaire (et fragmenté).

Pour terminer, je voudrais souligner un aspect de la partie Gauvain qui ressort de la présentation de KB, mais peut-être trop implicitement. Car il me semble que la «non-communication» illustrée dans la partie Perceval se trouve contrebalancée par une «communication abusive» dans la partie Gauvain à tous les niveaux - paroles, sexe, courtoisie, agressivité - et même à celui de la narration. Pour cette idée d'une communication complémentaire, je renvoie à l'étude de Claude Lévi-Strauss sur deux «mythes universels», le mythe percevalien de la communication interrompue et le mythe œdipien de la communication excessive (Cl. Lévi-Strauss: «De Chrétien de Troyes à Richard Wagner». 'Parsifai'. Programmheft 1 der Bayreuther Festspiele, 1975).

Université de Copenhague