Revue Romane, Bind 29 (1994) 2

Le pronom neutre asta et le marquage de l'objet en roumain. Am trait s-o vedem si pe asta!

par

Arne Halvorsen

1. Introduction

Dans son article sur le marquage de l'objet dans les langues romanes et sémitiques, Bossong (1991:151- distingue les catégories pétrifiées, caractérisées comme des servitudes grammaticales, et les catégories vivantes, qui admettent une certaine variation. Le marquage de l'objet en roumain offre un bon exemple d'une catégorie vivante, qui, selon l'auteur, est porteuse de signification («meaningful») et implique de la part du locuteur une certaine liberté de choix au moment de renonciation.

La description de cette variation - pour le roumain donc entre présence et absence du marqueur pe - peut se faire par énumération, c'est-à-dire en énumérant, plus ou moins systématiquement, les facteurs censés être pertinents .1 Une autre démarche possible, dont la force explicative est à l'évidencebien supérieure, est de tenter de formuler, à partir des facteurs reconnus,un principe explicatif suffisamment général pour couvrir, sinon l'ensemble,du moins la majorité des cas. Un survol rapide permettra d'évaluer la diversité des explications proposées: pour la plupart des chercheurs roumains,pe joue un rôle discriminatoire,2 c'est-à-dire que c'est un moyen de distinguer le nominatif/sujet et l'accusatif/objet, une minorité étant d'avis qu'il sert à marquer «le genre personnel».3 Les auteurs étrangers de grammairesroumaines ont généralement adopté une opinion plus nuancée en attribuant kpe une fonction identificatoire ou individualisante, permettant de mettre l'objet en relief.4 Finalement, l'on peut mentionner une explication plus «moderne», selon laquelle pe est une marque de thématicité, annonçant que le réfèrent de l'objet est «caractérisé par une propension thématique non seulement inhérente mais aussi contextuelle».5 Chacune de ces explicationsérige

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tionsérigeen principe explicatif un ou plusieurs des traits considérés comme les plus typiques pour l'apparition de pe: 1) pe a un rôle discriminatoire parce qu'il marque explicitement l'objet, alors que le sujet (substantival) n'a pas de marque propre; 2) pe marque «le genre personnel» parce qu'il exige la présence du trait | + humain) de l'objet substantival; 3) pe a une fonction identificatoire parce qu'il introduit de préférence des objets comportant le trait [ + défini]; 4) pe annonce un élément thématique parce que le thème est plutôt humain et défini que non humain et non défini, tout comme l'objet typique marqué parpe est [ + humain] et [ + défini].

Le défaut majeur de ces explications est qu'elles sont formulées en termes trop généraux pour pouvoir nous aider à prédire avec quelque précision quand l'emploi depe est obligatoire, interdit ou possible, et encore moins, si pe est possible, à rendre compte des facteurs qui déterminent le choix du locuteur. Une façon de remédier à cette trop grande généralité serait non seulement d'énumérer mais aussi de hiérarchiser, selon leur force relative, tous les facteurs jugés pertinents pour chaque catégorie d'objets. Ainsi, l'on pourrait établir une hiérarchie des traits qui déterminent l'emploi de pe devant un syntagme nominal [ + personnel], selon une formule simple comme la suivante:


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Une telle formule prédit bien que les chances de trouver l'objet marqué par pc, sont infiniment plus grandes si le constituant comporte les traits [ + défini] et [ +singulier] que s'il est muni des traits [-défini] et [-spécifique]. Ce dont une telle formule est incapable, c'est d'expliquer pourquoi certains traits sont plus dominants que d'autres et, surtout, pourquoi aucun des traits énumérés, même pas le plus dominant, ne rend la présence du marqueur obligatoire dans tous les contextes. Comment rendre compte de tous les exemples où c'est le cas le moins fréquent qui se présente? Pourquoi le locuteur peut-il se passer de pe même devant un objet personnel défini au singulier? Pourquoi trouve-t-on, souvent dans le même texte et dans des conditions d'emploi quasiment identiques, l'objet personnel défini au pluriel tantôt avec, tantôt sans le marqueur pel Quelles sont les raisons qui conduisent le locuteur à employer parfois le marqueur devant un syntagme comportant les traits [-défini, + spécifique], et même, contrairement à ce que prétendent les linguistes,6 devant un objet [-défini, -spécifique]?

Devant tant de questions intrigantes laissées sans réponse, il ne reste qu'une voie à suivre: explorer séparément et plus à fond chaque cas où la liberté de choisir entre pe et son absence existe. C'est seulement en comparantsystématiquement les conditions d'emploi là où l'opposition se présente que l'on peut arriver à préciser mieux que l'on ne l'a fait jusqu'à présent l'impact des différents facteurs reconnus, en découvrir d'autres passés inaperçuset,

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perçuset,peut-être même, trouver le trait fondamental qui sous-tend tous les
autres.

Dans un travail antérieur (Halvorsen 1993), nous avons étudié l'opposition entre pe et son absence dans un domaine restreint, à savoir dans les cas où l'objet a pour constituant un substantif pourvu des traits [ + personnel] et [ +singulier]. Il s'agissait là d'un domaine dans lequel l'opposition +/-pe était chose reconnue, amplement signalée dans la littérature sur le phénomène. Le présent travail aura pour but de décrire l'alternance + /-pe dans un autre domaine, restreint lui aussi, mais où, assez paradoxalement, elle n'existe pas selon l'opinion des linguistes qui se sont occupés de la question. Il s'agit du pronom «neutre» asta («ça, cela»),7 qui, bien qu'il apparaisse dans la majorité des contextes sans/?e, n'est pas incompatible avec ce marqueur, comme l'illustre le sous-titre de cet article:

(\)Am traits-o vedem §ipe asta! (R. L. 24. 5. 91 p. 1)
Avons vécu que-le voyons même pe ça!
(On aura tout vu)

Ce pronom constitue ainsi un lieu privilegié pour expliquer tant l'absence que la présence de la marque explicite de l'objet, du moins à l'intérieur d'un domaine limité. Nous essayerons donc de répondre aux deux questions suivantes: (1) pourquoi le pronom asta est-il, dans la grande majorité des cas, non marqué en position objet et (2) quelles sont les conditions qui doivent être remplies pour que le marqueur pe puisse apparaître?8

2. Asta à l'intérieur de la catégorie des pronoms

A l'intérieur de la catégorie des pronoms, l'influence des différents facteurs dépend du caractère inhérent ou contextuel de ceux-ci. Ainsi, le trait [ + pers] n'est dominant que s'il est inhérent, permettant de distinguer deux sous-ensembles: MINE,9 cine, oricine, cineva, altcineva, careva, cutare, nimeni, qui apparaissent obligatoirement avecpe quelle que soit leur interprétation sémantique, et ce, ceva, orice, altceva, qui n'acceptent jamais le marqueur. Si le trait [ + pers] est contextuel, son influence est encore très sensible avec les pronoms quantificateurs, tels que cî(i, ctyva, nid unul, mulj,i, qui peuvent se construire avec pe à condition qu'ils réfèrent à des personnes. Avec les numéraux unul, doi, etc., le trait [ + pers] perd déjà une partie de sa force, car pe est possible non seulement si ces pronoms réfèrent à des personnes - le plus souvent [ +spécifique]10 - mais aussi, bien que plus rarement, dans des cas de référence à des inanimés [ + spécifique].

Ce n'est qu'avec les pronoms que l'on peut caractériser de [ + défini], que le trait [ + pers] cesse d'être pertinent pour le marquage. Il s'agit en effet d'un ensemble de pronoms assez hétérogènes: font partie de ce groupe le pronom personnel de la troisième personne el, etc. - qui d'ailleurs est peu employé

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avec référence àun inanimé11 - les démonstratifs aceasta, cel, etc., le pronom relatif-interrogatif care, le pronom possessif al meu, etc., les pronoms dits «indéfinis» celâlalt, flecare et tofi et les ordinaux primul, amîndoi, etc. Dans les matériaux réunis, ces pronoms se construisent invariablement avec pe,il pourvu qu'ils renvoient à un substantif précis avec lequel ils s'accordent, le cas échéant, en genre (et en nombre) (voir infra). Le facteur commun à l'emploi de tous ces pronoms assez différents - qu'ils soient désignés par le trait [ + défini] ou autrement - réside dans le fait qu'ils sont non saturés, en ce sens que leur interprétation dépend du contexte.13 La saturation peut se faire soit par renvoi à une mention antérieure (anaphore coréférentielle (el, aceasta, care relatif) ou anaphore lexicale (al meu), soit par renvoi à un ensemble (care interrogatif, celâlalt, flecare, to(i, primul, amîndoi), soit enfin par l'ajout d'expansions qui rendent le syntagme autoréférentiel (cel).u

Dans la mesure où l'on accepte le groupement sous l'étiquette [ + défini], la formule suivante, où ( + subst. accord] désigne le renvoi à un substantif avec lequel le pronom s'accorde, rendra compte des conditions d'emploi de pe devant ces pronoms:


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L'introduction d'un nouveau «trait» - renvoi à un substantif avec lequel le
pronom s'accorde - est nécessaire pour rendre compte de l'opposition que
l'on peut illustrer par les exemples a) et b):

(2) a. Ji-as recomanda-o însâpe-asta. (Stânescu Sing. 141)
Te-recommanderais-la pourtant pe celle-ci.
(Je te recommanderais pourtant celle-ci)
b. înghite asta imediat. (Georgescu început 215)
Avale ça immédiatement.
b' Râbdârïprâjite, doatnnà, asta am mâncat. (R. L. 2. 8. 93 p. 5)
Patiences frites, madame, ça ai mangé.
(Des patiences frites, madame, c'est ce que j'ai mangé)
b" M-a{i nenorocit, asta a[ifâcut! (Stânescu Sing. 93)
Me-avez ruiné, ça avez fait!
(Vous m'avez ruiné, c'est ce que vous avez fait)

(3) a. nu §i le maipoate aminti acumpe toate. (Stànescu Régula 187)
ne se les plus peut souvenir maintenantpe toutes,
(maintenant il ne peut plus se souvenir de toutes)
b. Toate le-au réunit. (Rosen Pnmejdii 109)
Toutes les-ont réussi.
(Ils ont tout réussi)

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(4) a. ea despicû realità{ile, çipe celepentru, §ipe celé contra. (Memoria 2. 91 p. 91)
elle analyse réalité-les, etpe celles pour, etpe celles contre,
(elle analyse les réalités, celles pour comme celles contre)
b. cum nu putea scoate de la mine celé dorite de el, m-a torturât (R. L. 3. 12. 91
p. 8)
comme ne pouvait tirer de moi celles souhaitées de lui, me-a torturé
(comme il ne pouvait tirer de moi ce qu'il souhaitait, il m'a torturé)

Mais, bien que l'on puisse désigner les emplois illustrés par les exemples b) par le terme traditionnel de «neutre», les différences entre ces emplois sont notables, et il n'est pas facile de dire quel est leur trait unificateur. Dans 2 b) comme dans tous les exemples a), les pronoms soulignés sont non saturés, et leur interprétation exige l'existence d'un segment dans le contexte ou dans la situation immédiate. Dans 3 b) et 4 b), par contre, les expressions pronominales sont employées autoréférentiellement, c'est-à-dire que leur réfèrent est identifié par le seul sens des constituants.15 Il ya donc deux espèces de «neutres», les neutres diaphoriques/déictiques et les neutres autoréféreritiels ou aphoriques.16 Finalement, la comparaison des exemples de 2) montre qu'il n'est pas suffisant, pour distinguer les emplois «non-neutres» et «neutres», d'utiliser comme critère «le renvoi ou non à un substantif», car dans 2 a) comme dans 2 b') asta a bien un antécédent substantival. Le cas de 2 b) est un peu différent. Asta exige la présence d'un objet dans la situation, la nature de cet antécédent non linguistique étant déterminée par les restrictions du verbe. Celles-ci exigent que l'objet ait la propriété «susceptible d'être avalé», d'où l'on peut conclure que l'antécédent doit être tel qu'il peut être dénommé par un substantif. Ce qui importe, ce n'est donc pas tant la nature de l'antécédent que l'exigence de ne pas faire accorder le pronom avec un substantif ou, si le pronom est employé déictiquement, avec un objet susceptible d'être dénommé par un substantif.

Si l'on fait abstraction - un peu arbitrairement - de l'expression toate acestea et de l'opposition qui distingue le proche et le lointain (asta/aia), le pronom asta semble occuper une place à part. Comme pronom démonstratif, il est diaphorique/déictique; son caractère de «neutre» se manifeste au niveaumorphologique par son invariabilité vis-à-vis de l'antécédent,17 et au niveau référentiel - si l'on compare les exemples 2 b)- dans la diversité de ses antécédents. Pourtant, ces observations ne nous aident pas grandement à comprendre pourquoi asta se construit sans pe sauf dans des conditions particulières. La raison n'est-elle pas tout simplement à chercher dans la nature même des antécédents? L'on pourrait par exemple avancer que l'antécédenttypique du pronom est une proposition ( comme dans 2 b"), essayer d'expliquer tant bien que mal les autres cas par une hypothèse propositionnelle,et dire que dans la hiérarchie des grandeurs linguistiques, les propositionsoccupent la dernière position et «par conséquent» ne demandent pas

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pe. Or, des explications de ce genre, basées sur la nature des antécédents, négligeraient un fait capital, à savoir que les antécédents ne changent pas en fonction de la variation + l-pe. Cette constatation nous amène à conjecturer que l'origine du non-emploi de pe devant asta se trouve dans le pronom lui-même, dans sa façon de faire référence plutôt que dans la nature de ses antécédents.

Mais, avant d'explorer ses propriétés référentielles, il convient d'examiner
brièvement les particularités d'ordre syntaxique de ce pronom, qui, nous
allons le voir, ne feront que confirmer sa place particulière.

3. Les particularités syntaxiques de asta

Le comportement vis-à-vis du marqueur pe comme la possibilité de se faire redoubler par un clitique sont deux traits syntaxiques qui font ressortir la spécificité de asta par rapport aux autres pronoms neutres comme par rapport aux définis en général: les pronoms comme ce, ceva, nimic, ceea, etc., sont incompatibles avecpe comme avec les clitiques,18 alors que asta accepte le marqueur (dans des conditions qu'il reste à préciser19) et apparaît souvent redoublé par le clitique o en position préverbale:

(5) Cù mi-a spus-o sipe asta. (Petrescu Ultima 72)
Car me-a dit-le etpe ça.
(Car il m'a même dit ça)

(6) §i asta o stiau ei mai bine decît mine. (Ciuceanu Intrare 297)
Et ça le savaient eux plus bien que moi.
(Et ça, eux ils le savaient mieux que moi.)

(l)Asta trebuie s-o recunoaste\i si voi. (Stânescu Sing. 69)
ça faut que-le reconnaissiez et vous,
(ça, il faut que vous le reconnaissiez vous aussi)

D'autre part, le fait que asta soit susceptible d'occuper cette position sans
réduplication clitique, distingue ce pronom de toute autre expression [ + défini],
pronominale ou substantívale20:

(S) Asta nu te-au întrebat? (Ciuceanu Intrare 307)
ça ne te-ont demandé?
(ça ils ne te l'ont pas demandé?)

(9) Asta ai vrut sa stii. (Tudoran Maria 46)
ça as voulu que saches,
(c'est ça que tu as voulu savoir)

(10) Tóate astea le-am aflat ceva mai tîrziu. (Ciobanu Conv. 128)
Toutes celles-ci les-ai su quelque chose plus tard,
(toutes ces choses je les ai sues un peu plus tard.)

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(11) Grija asta sa n-o ai, (Câlinescu Serin 492)
Souci-le celui-ci que ne-le aies.
(Que tu n'aies pas ce souci)

La variation + i-pe comme celle entre absence et présence du clitique, qui,
elle, n'existe que pour asta, ne peuvent se comprendre si l'on ne prend en
considération les propriétés référentielles de ce dernier.

4. Les propriétés référentielles de asta

Les travaux de Kleiber (1983 et 1984) et de Corblin (1987) ont clairement montré la spécificité des démonstratifs (surtout adjectifs ou déterminants) en français. Les quatre points suivants résument, espérons-le, l'essentiel de leurs observations:

(I) Les démonstratifs présupposent obligatoirement l'existence d'un objet à désigner. Il s'ensuit que, contrairement aux expressions définies, les expressions démonstratives n'ont pas d'emploi non spécifique (Kleiber 1983: 102). De plus, elles semblent nécessiter une interprétation par reprise (Corblin 1987: 195).

(II) Les démonstratifs sont des «symboles indexicaux opaques» qui ne déterminent pas par eux-mêmes, «le type de réfèrent concerné pour chaque situation dénonciation» (Kleiber 1983: 115), ils identifient le réfèrent «par proximité (puisqu'aucun principe linguistique n'est fixé)» (Corblin 1987: 242).

(III) Les expressions démonstratives ont une valeur classifiante: elles peuvent être considérées comme des abréviations d'une structure classificatoire du type c'est uni du N, ce N présupposant ainsi l'existence d'autres N (Kleiber 1984: 76). Dans le groupe nominal, le contenu (ou la référence virtuelle) n'est pas utilisé pour identifier ou désigner un objet mais pour le (re)classifier (Corblin 1987: 242).

(IV) Une conséquence de la valeur classifiante est que les descriptions démonstratives présentent un caractère contrastif, opposant un TV à d'autres N de la même série ou de la même classe (Kleiber 1984: 77). Cette valeur de contraste, appelée interne à la classe des N, propre au démonstratif, est opposable à la valeur de contraste du défini qui est dite externe à la classe des N (Corblin 1987: 220).

Prenons ces points comme base pour la discussion sur les propriétés référentielles
de asta.

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4.1. La force référentielle de asta.

Comme tout démonstratif, asta ne connaît pas d'emploi non référentiel, son emploi implique toujours qu'il y a référence à un particulier (même dans les cas de «pseudo-désignation», voir l'exemple (27)), bien que l'élément auquel il renvoie puisse donner lieu à une interprétation du type générique:

( 12) Asta se mànîncà si în altà parte.
ça se mange aussi dans autre lieu,
(ça se mange aussi ailleurs)

D'autre part, le principe de l'interprétation par reprise (ou par seconde mention, voir Corblin 1987: 128) ne semble pas entièrement valable pour ce pronom. Même s'il est vrai que asta a toujours un sens référentiel, il n'en découle pas nécessairement qu'il est la seconde mention du réfèrent, à moins de prendre le terme de «seconde mention» au sens de «déjà existant dans la situation d'énonciation». Il y a en fait deux cas à distinguer. Dans un énoncé comme (13):

(13) N-am §tiut asta.
Ne-ai su ça.
(Je ne savais pas ça).

asta renvoie bien à un énoncé antérieur,
tion d'un «fait». Par contre, dans (14):

constituant ainsi une seconde men-

(14) Cite§te asta.
Lis ça.

l'emploi du pronom semble plutôt exiger que l'objet auquel il renvoie pour être interprété soit nouveau, au sens de «introduit pour la première fois dans le discours et non complètement identifié pour l'auditeur». Nous verrons plus loin que cette différence est liée à la possibilité qu'ont les référents d'être classifiés ou non.

4.2. Les antécédents de asta.

On a vu plus haut que asta objet apparaît dans deux types de contexte
apparemment assez différents, illustrés par les exemples (13) et (14). Nous
discuterons ces cas dans cet ordre.

Selon les formules classiques, le propre du pronom asta est de pronominaliser une proposition complétive (voir p. ex. Niculescu 1978: 234) ou d'être un substitut de proposition («pro-sentence», Farkas 1978: 90). Mais, si asta peut être considéré comme la réplique pronominale d'une complétive, c'est tout simplement parce qu'il peut y avoir coïncidence entre l'existence antérieure d'une complétive et les exigences constitutives du verbe dont asta est l'objet, comme dans l'exemple donné par Niculescu (loc. cit.):

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(15) Fratele meu spune [câ te-a vâziitfi. Eu nu cred astai.
Frère-le mon dit que te-a vu. Je ne crois ça.
(Mon frère dit qu'il t'a vu. Je ne crois pas ça)

Seul le principe de la proximité nous empêche de prendre toute la phrase
précédente comme antécédent:

( 15') [Fratele meu spune câ te-a vâzut]\. En nu cred astay

C'est un principe tellement fort que si le locuteur ne vise pas le candidat le
plus proche, il est obligé de préciser, après coup, quel est l'antécédent:

( 16) - Da, [nu ne place nevastâ-ta]\! déclara râspicat Leonora.
E afectatâ, superficialû, ci niei...
- §tiu asta\!Adicâ çtiu cànu va place - (Stânescu Sing. 68)
- Oui, ne nous plaît femme-ta! déclara ferme Leonora.
Est affectée, superficielle, et même pas...
- Sais ça! C'est-à-dire sais que ne vous plaît -
(- Oui, ta femme ne nous plaît pas! déclara carrément Leonora.
Elle est affectée, superficielle, et même pas...
- Je le sais! C'est-à-dire, je sais qu'elle ne vous plaît pas)

La quasi-identité structurale entre asta et une complétive (exemple (15)) n'est que fortuite. Car ce qui caractérise le fonctionnement de ce pronom, c'est qu'il construit son réfèrent selon les exigences de la place qu'il occupe. Ainsi une proposition peut constituer son antécédent, sans que son contenu devienne pour autant le réfèrent proprement dit de asta:

(17) [Dacâ nu semnezi, te omonm]\. Cunosc asta^ cunosc pe dinafarà, nu mai
cunosc decît astax. (Georgescu Inceput 160)
Si ne signes, te tuons. Connais ça, connais sur dehors, ne plus connais que ça.
(Si tu ne signes pas, nous te tuons. Je connais ça, je connais ça par coeur, je
ne connais plus que ça)

Ici encore l'on voit que le lien entre asta et la partie du (con)texte à laquelle il faut se reporter pour interpréter le pronom peut être assez lâche. L'identification du réfèrent de asta - car il en a nécessairement un - prend bien appui dans l'énoncé précédent. Mais cette fois, à cause des contraintes sélectionnelles qui pèsent sur l'objet du verbe a cunoaste, la lecture ne sera plus propositionnelle, comme elle le serait dans par exemple stiu asta. Autrement dit, le contexte propositionnel du pronom nous force à considérer [Dacâ nu semnezi, te omorîm], non du dedans, mais «de l'extérieur»: le réfèrent n'est pas le contenu de l'énoncé, mais l'énoncé lui-même, appréhendé comme une «chose», entité paraphrasable par «ce qu'ils disent». Cette liberté vis-à-vis de son antécédent, restreinte seulement par les exigences du verbe, est un trait fondamental de asta.

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La situation est apparemment assez différente si asta a pour antécédent
un substantif, comme dans les deux exemples suivants:

( 18) Ridic picioarele ji le sprijin de perete acoperindu-le eu [ziand pe care mi-l
dâduse adineaun «doamna directoare»} \ spunîndu-mi: «Citeste asta\ jj nu ne
mai veni eu baliverne.» (Georgescu Ineeput 102)
Lève picds-les et les appuie de mur couvrant-les avec journal-le/?e que me-le
avait donné un peu plus tôt «madame-la directrice» disant-me: «Lis ça et ne
nous plus viens avec balivernes.»
(Je lève les pieds, les appuie contre le mur et les couvre avec le journal que
«madame la directrice» m'avait donné un peu plus tôt en me disant: «Lis ça
et ne nous tracasse plus avec des balivernes»)

( 19) David câuta din ochi [manuscrisul]\. Anton Dumitrascu se rosi, si se grâbi sa
se scuze. - Oh, lûsaii astax. (Eliade Huliganii 323)
David cherchait de yeux manuscrit-le. Anton Dumitra§cu se rougit, et se
hâta que se excuse. - Oh, laissez ça.
(David cherchait des yeux le manuscrit. Anton Dumitra§cu rougit et se hâta
de s'excuser. - Oh, laissez ça)

Ici, aucune restructuration de l'antécédent n'est nécessaire: celui de (18), ziarul, semble remplir les conditions pour être un «bon antécédent» d'un pronom variable. Malgré cela, le locuteur a choisi l'invariable asta. En choisissant d'ignorer le statut catégoriel de l'objet sur lequel il veut attirer l'attention, le locuteur laisse délibérément dans le vague la nature précise de cet objet, il le présente tout simplement comme une chose. L'exemple (19) constitue un cas un peu différent. En utilisant asta, le locuteur prend son antécédent comme point de départ pour ainsi dire pour évoquer tout ce que le manuscrit représente pour lui. Avec l'expression heureuse de Cadiot (1988: 177), l'on peut dire que le pronom «traite l'objet auquel il réfère non pas au titre de «réel» individualisé, doué d'autonomie, mais au titre de support pour son expérience propre». Le réfèrent de asta n'est donc pas identique à celui de son antécédent, c'est une entité référentielle aux contours vagues dont fait partie le réfèrent de l'antécédent.

Cet examen rapide des référents de asta fait apparaître la caractéristique de ce pronom: une certaine liberté vis-à-vis de son antécédent, qui n'est souvent qu'un point de départ pour la création du réfèrent. Cette indépendance fait qu'il est souvent difficile et quelquefois même impossible de circonscrire avec exactitude son antécédent dans le matériau linguistique fourni par le contexte.21 La diversité de ses antécédents est une autre conséquence de cette indépendance. Il en découle aussi qu'il n'y a pas de reprise d'un nombre plus ou moins grand de traits contenus dans l'antécédent, pour la simple raison que l'on ne voit pas très bien quels seraient les traits à reprendre à des antécédents tellements différents. Nous verrons dans la section suivante que ces antécédents ont quand même une propriété qui les unit.

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4.3. Asta et la valeur classifiante.

La valeur classifiante semble chose prouvée dans le cas des déterminants démonstratifs: une expression démonstrative comme Acest N est à concevoir comme le résultat d'une classification préalable sous forme d'une phrase du type (Dém) este un N, où l'élément descriptif N sert à opérer une (^classification d'un individu déjà repéré. Les pronoms démonstratifs variables en genre et en nombre, qui ne comportent pas d'éléments descriptifs, classifiants, ne font, dans le cas typique, que reprendre une classification antérieure, tout en marquant par les flexifs de genre (et éventuellement de nombre) le statut catégoriel de leur antécédent. Mais cela a-t-il un sens de dire que asta a une valeur classifiante?

On a vu plus haut que asta est susceptible d'être employé dans les cas où l'antécédent est un substantif, donc un élément classifiable. Il est, en principe, toujours possible de classifier de tels antécédents, de les faire figurer dans des phrases à prédicat classificatoire. Mais, comme l'a montré Kleiber de manière convaincante pour le démonstratif neutre français (1987: 117), dès que l'on a classine un segment, c'est-à-dire rangé son réfèrent dans une classe référentielle donnée, l'emploi de asta est exclu. Ainsi l'on a bien des suites du genre:

(20) (revine eu o ceaçcâ de ceai §i [o caçetâji) - înghite astax imediat.
E un calmant nervos. (Georgescu Inceput 215)
revient avec une tasse de thé et un cachet - Avale ça immédiat.
Est un calmant nerveux.
(il revient avec une tasse de thé et un cachet - Avale ça immédiatement.
C'est un tranquillisant)

mais il n'est guère possible d'inverser l'ordre des phrases:

(20') E [un calmant ñervos]\. - *înghite ostai imediat.

Il en va autrement des antécédents de type propositionnel, dont les référents, selon les théories les plus répandues, sont des entités innommables ou nonnommées (Maillard 1974: 65), «qui ne font pas partie d'une classe référentielle dont les individus portent le même nom», «des candidats privilégiés à une fixation par le mot chose (ou par cela)» (Kleiber 1987: 118). Le fait que asta ait deux concurrents substantivaux, à savoir des expressions comportant fapt («fait») et lucru («chose»), qui sont susceptibles, elles aussi, de renvoyer à une proposition, comme dans (21) et (22):

(21) Cînd Antonescu a îmbrâcat càma§a verde, faptul m-a çocat. (Ciobanu Conv.
149)
Quand Antonescu a mis chemise-la verte, fait-le me-a choqué.
(Quand Antonescu a mis la chemise verte, le fait m'a choqué)

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(22) - lar dumneavoastrà a¡i déclarât câ este necesar ca Occidental sâ-si deschidâ
ochii si urechile asupra bnitalei realità\i a comunismului. Am în[eles corect
acest lucru. Rege Mihai? (Ciobanu Conv. 280)
- Et vous avez déclaré que est nécessaire que Occident-le que-se ouvre
yeux-les et oreilles-les sur brutale-de-la réalité la communisme-de-lui. Ai
compris correcte cette chose, Roi Michel?
(Et vous avez déclaré qu'il est nécessaire que l'Occident ouvre les yeux et ¡es
oreilles sur la réalité brutale du communisme. Ai-je compris cela correctement,

peut donner à penser qu'une proposition est du moins classifiable comme un fapt ou un lucru. On observe toutefois que ces noms ne peuvent pas servir de termes classificatoires pour les propositions, du moins si l'on s'en tient au test que constituent les phrases à prédicat classificatoire. Lucru non modifié est inacceptable en position attribut et fapt ne constitue pas un prédicat classifiant:

(23) a. * Câ Antonescu a îmbrâcat câmasa verde este un lucru. (Que Antonescu ait mis la chemise verte est une chose.) b. Câ Antonescu a îmbrâcat câmasa verde este un fapt. (Que Antonescu ait mis la chemise verte est un fait.)

On peut bien décrire une occurrence individuelle de proposition comme un fapt ou un lucru par des expressions définies contenant ces noms comme élément descriptif, mais l'on ne peut guère la classifier comme appartenant à la classe des faits ou à la classe des choses. Pour Kleiber (1987: 123), cette dernière impossibilité s'explique par le trait «absence de dénomination» ou de «classification» qui caractérise les noms comme chose.

Si l'on considère les flexifs de genre et de nombre comme des indices catégoriels, l'invariabilité de asta peut encore s'interpréter comme une indépendance quant à la distinction entre catégories ou entre classes. Si asta semble particulièrement apte à renvoyer à des propositions, c'est tout simplement parce que ces dernières font partie de tout ce qui n'est pas classifiable. Asta se présente ainsi comme un élément intrinsèquement non classifiant.

4.4. Asta et les faits de contraste.

Comme mentionné plus haut, les expressions démonstratives en général sont particulièrement aptes à opérer par contraste interne, conséquence naturelle du fait qu'elles présupposent une (re)classification. Leur emploi nécessite l'existence d'un ensemble de plus d'un membre, ce qui explique l'anomalie d'une suite comme (24):

Side 185

(24) Am cumpàrat o carte. ? Ji-as recotnanda-o pe aceasta
Ai acheté un livre. Te-recommanderais-le pe celui-ci.
(J'ai acheté un livre. Je te recommanderais celui-ci)

et la régularité de (25):

(25) Am cumpàrat trei carii. Ji-as recomanda-o pe aceasta.
Ai acheté trois livres. Te-recommanderais-le pe celui-ci.
(J'ai acheté trois livres. Je te recommanderais celui-ci)

où le réfèrent de (pe) aceasta est opposé aux autres, ce qui peut être exprimé explicitement par une suite du genre: dar nu pe celelalte doua («mais pas les deux autres»). Il y a donc contraste interne, c'est-à-dire à l'intérieur de la classe référentielle des livres achetés.

Il est assez facile de démontrer que asta présente, en comparaison, un
caractère peu contrastif, ce qui n'est qu'une conséquence naturelle de son
caractère de non classifiant. Ainsi son emploi dans:

(26) Gitele asta.
(Lis ça)

n'implique pas une intention de la part du locuteur de distinguer le réfèrent
de asta de quoi que ce soit de déterminé. Tout au plus peut-on le mettre en
opposition avec une autre occurrence de asta ou avec l'indéterminé altceva:

(26') Cueste asta si nu asta/altceva.
(Lis ça et pas ça/autre chose)

La possibilité de contraster asta avec un réfèrent classine semble également
très limitée:

(26") ? Cites te as ta si nu pe acela.
(Lis ça et pas celui-là)

contrainte qui s'explique vraisemblablement par l'impossibilité qu'il y a à
opposer deux référents, dont l'un est classifié et l'autre non encore classifié.

En emploi diaphorique, il semble même difficile d'opposer deux référents différents de asta par «existence simultanée». En emploi déictique, l'on peut bien coordonner deux ou plusieurs occurrences de asta pour désigner deux ou plusieurs choses non classifiées à condition qu'elles soient «monstrables». De telles suites sont également possibles dans la pseudo-désignation:

(27) la subiectul cutare, predichez asta si asta, (Goma^4r/a 333)
A sujet-le tel, prédique ça et ça,
(A tel ou tel sujet, je prédique ça et ça)

mais sont difficilement concevables si le pronom est employé diaphoriquement:

Side 186

(28) El a plecat. Ea a ràmas acolo. - ? §tiu asta si asta.
(Lui est parti. Elle est restée là. Je sais ça et ça)

(29) ? Trebuie sâfaci asta sait asta: sa studiezi sau sa lucrezï.
(Il faut que tu fasses ça ou ça: que tu étudies ou que tu travailles)

En tant que diaphorique «aveugle», dont le seul critère de localisation (le principe de la proximité excepté) réside dans le caractère non classifié de l'antécédent, asta est indifférent à la distinction singulier/pluriel, ce qui fait qu'il est à même de reprendre une pluralité d'entités coordonnées:

(30) Am luat un rac de mustâ^i ji l-am învîrtit deasupra ei pînû cînd racul i-a cûziit în poalà $i a prins-o de deget. Asta amfûcut-o anume. (Ciobanu Conv. 127) (J'ai pris une écrevisse par les moustaches et je l'ai fait virer au-dessus d'elle jusqu'à ce que l'écrevisse tombe dans son giron et la prenne au doigt. Ça je l'ai fait exprès)

Cela ne veut pas dire que asta soit exclu des contextes qui impliquent une opposition paradigmatique plus ou moins forte, comme ceux de focalisation, dont la fonction est précisément de marquer qu'un élément (le foyer) est présenté comme le résultat d'un choix parmi les membres d'un paradigme.22 Comme on le sait, le foyer peut être marqué par l'accent d'insistance (focalisation contrastive dans la terminologie de Martin 1983: 220), par certaines constructions syntaxiques dont surtout le clivage (focalisation identifîcatrice chez Martin 1983: 221), et par les marqueurs de foyer appelés par Nolke (1983 a) les adverbes paradigmatisants, tels que (en français) ne... que, surtout et même.

En roumain, langue qui ne connaît pas le clivage, c'est l'antéposition de l'objet par rapport au verbe qui est avant tout la structure syntaxique focalisante. Comme on l'a déjà constaté, le pronom asta est la seule expression définie susceptible d'occuper cette position sans être reprise par le clitique correspondant. Cela s'explique, à notre avis, par le caractère peu contrastif, peu différenciateur, de ce pronom. Alors qu'avec les autres pronoms démonstratifs il y a contraste à l'intérieur d'un ensemble établi à partir de la description que l'on a du réfèrent (et par conséquent présence de pe et réduplication), avec asta l'on peut jouer sur la distinction identification/contraste (absence/présence du clitique). Ainsi, l'on peut commenter l'énoncé (31) par a) ou par b):

(31) - Nu ne place nevastâ-ta. (Ta femme ne nous plaît pas)
(a) - Asta stiu. (Ça je sais)
(b) - Asta o çtiu. (Ça je le sais)

mais seul b) semble établir un contraste, présupposant «je sais aussi d'autres
choses», a) ne faisant que «désigner l'élément unique auquel le prédicat peut
convenir» (Martin 1983: 221).

Side 187

A notre avis, ces faits sont autant d'indices de la faible contrastivité inhérente au pronom asta. Il n'est pas illégitime de supposer que c'est là la raison de l'absence de pe: si la fonction de ce marqueur est, devant les pronoms démonstratifs, de signaler que leurs référents se trouvent en contraste avec d'autres,23 le faible contraste dont peut faire preuve asta n'est pas suffisant pour qu'on le marque par pe. La dernière section aura pour objectif de montrer qu'il faut que le contraste se double d'une visée particulière, marquée par certains adverbes, pour qu&pe puisse apparaître devant asta.

5. Asta et les adverbes marqueurs de foyer.

Le comportement de asta quand celui-ci est le noyau de certains adverbes restrictifs ou paradigmatisants (Nolke 1983a) est particulièrement révélateur. Les adverbes dont le rôle se borne à marquer que le prédicat s'applique précisément au réfèrent désigné, tel que tocmai («précisément»), ou ceux dont le rôle est d'indiquer l'exclusivité, comme doar ou ne... decît («seulement»), ne semblent pas capables de faire sortir asta de son statut d'objet non marqué (voir aussi exemple (17)):

(32) tocmai asta ar dori ci ei sa scape de mine (Ciuceanu Intrare 300)
précisément ça souhaiteraient et eux que se débarrassent de moi
(c'est précisément ça qu'ils souhaiteraient, qu'ils se débarrassent de moi)

Tout autre est la situation si ce sont les adverbes si («aussi», «même») et nici («non plus») qui marquent le foyer, car avec eux le marqueur de l'objet pe est non seulement susceptible d'apparaître mais semble même exigé dans le registre littéraire. Ainsi, à côté des exemples comme:

(33) As fi vrut sa împiedic si asta. (Georgescu început 64)
Aurais voulu que empêche et ça.
(J'aurais voulu empêcher ça aussi)

(34) da, stiu si asta, (Stánescu Regula 171)
oui, sais et ça,
(oui, je sais ça aussi)

on trouve des exemples où asta porte le marqueur pe:

(35) La sfîrsit m-au obligat sù-mi ling mîinile. Am fâcut-o sipe asta. (R. L. 3. 12. 91
p. 8)
A fin me-ont obligé que-me lèche mains-les. Ai fait-le mèm&pe ça.
(A la fin ils m'ont obligé à me lécher les mains. J'ai même fait ça)

(36) Va sa zicà sipe asta o sue! (Stánescu Regula 133)
Va que dise même pe ça le sait!
(C'est-à-dire que même ça il le sait)

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(37) - Ponte cû-i în bínele táu. - Nici pe asta n-o pricep (Goma Cul 331 )
- Peut que-est dans bien-le ton. - Mèmepe ça ne-le comprends.
(- Peut-être que c'est pour ton bien. - ça non plus je ne le comprends pas)

L'influence des adverbes si et nici sur le marquage semble hors de doute:
confrontés à des séquences telles que (38) et (39):

(38) - Nu ne place nevastâ-la.
(là femme ne nous plaît pas)
a) - O stiu pe as ta/ Pe as ta o stiu.
Le sais/x? ça/ Pe ça le sais.
b) - §i pe asta o stiu/ O stiu si pe asta.
Mèmcpe ça le sais/ Le sais mèmcpe ça.

(39) - Poate dà drumul la hoarde spre Atlantic.
(Peut-être qu'il met les hordes en mouvement vers l'Atlantique).
a) - Nu ova face pe asta/ Pe asta nu ova face.
Ne leva faire pe ça/ Pe ça ne leva faire.
b) - Nici pe asta n-o va face.
Même/K? ça ne-le va faire.

les informateurs acceptent les commentaires du type b) tout en rejetant le
type a). Quant à la possibilité d'employer ces adverbes sans faire précéder en
même temps asta parpe, donc les structurations:

(40) a) §i asta amfácut-o/ §i asta o più.
b)Am fâcut si asta/ più p asta.

on constate que les informateurs n'excluent pas les commentaires du type (40 b), mais leur préfèrent le type avec pe, considéré «plus correct», et hésitent devant (40 a), qui leur semble «gauche». C'est donc surtout en antéposition verbale, position qui favorise une focalisation contrastive, que la présence de pe semble s'imposer.

La raison qui explique la possibilité et même l'obligation de marquer l'objet asta pur pe si le pronom est en même temps le foyer des adverbes si et nici24 est évidemment à chercher dans la signification sémantico-pragmatique de ces adverbes.

On sait depuis les travaux d'Anscombre et de Ducrot et ceux de Nolke que, pour décrire le fonctionnement de tels adverbes, il faut supposer qu'ils véhiculent trois composants de signification. Pour Nolke (1983a: 55-59), il s'agit d'un posé, d'un présupposé fort et d'une valeur argumentative. L'interprétation d'un énoncé comme:

(41) §i pe asta o pie.
Mèmepe ça le sait.

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aura, selon cette description, comme (1) le posé: stie asta, comme (2) le présupposé fort: stie si aitele et comme (3) la valeur argumentative: faptul câ stie asta «est (présenté par le locuteur comme) un argument plus fort pour une certaine conclusion» que faptul câ stie si áltele.

On vient de voir qu'un contraste quelconque établi entre le réfèrent de asta et d'autres référents possibles (le présupposé fort) n'est pas suffisant pour que/?e apparaisse. Autrement dit, dans une simple énumération, quand le locuteur considère le réfèrent de asta simplement comme un des éléments d'une série, le mettant pour ainsi dire sur la même ligne que les autres, pe n'est pas employé. Ainsi s'expliquent, croyons-nous, les cas mentionnés plus haut, où asta en postposition non marqué par pe est déterminé par si (§tie §i asta). Il s'agit alors de simples assertions, où aucune importance particulière n'est accordée au fait désigné. Si par contre l'objet se trouve focalisé, il est beaucoup plus difficile d'ignorer cette potentialité véhiculée par si, à savoir celle de pouvoir signaler que le fait désigné est plus important que ce qu'il présuppose, d'où l'hésitation des locuteurs devant les énoncés du type si asta o stie.

C'est donc l'attitude du locuteur qui est décisive: si le fait désigné est considéré comme plus saillant dans la situation d'énonciation, plus important d'un certain point de vue que les autres faits avec lesquels il contraste, l'emploi de pe s'impose. En tant que marque d'une visée spéciale, pe ne répond évidemment pas à un automatisme d'ordre syntaxique, et c'est au niveau de l'énoncé qu'il faut chercher pour comprendre en quoi consiste plus précisément «l'argument plus fort». Nous nous contenterons de donner quelques

Reprenons les exemples (1), (35) et (36). Pour comprendre l'exemple
(35):

(35) La sfîrsit m-au obligat sà-mi ling mîinile. Amfâcut-o sipe asta.

il faut savoir qu'il s'agit d'un prisonnier qui a été forcé de faire un certain nombre de travaux humiliants, dont celui de nettoyer les toilettes avec les mains. Par l'emploi de pc, le locuteur signale que le fait de s'être léché les mains, prouve, mieux que les autres arguments invoqués, qu'il a dû tout faire.

La fille qui découvre que son père, qu'elle considère déjà comme quelqu'un
qui sait tout, est aussi un champion des jeux, peut s'écrier:

(36) Va sa zicâ si pe asta o stie!

Le fait d'être un excellent joueur ne s'ajoute pas seulement aux autres activités
dans lesquelles excelle son père mais est décrit comme une chose inattendue
qui complète l'image qu'elle a déjà d'un omniscient.

Finalement, dans des expressions quasiment figées du genre:

( 1 ) Am trait s-o vedem si pe asta!

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on présente «le fait qu'on ait vu asta» comme étant plus désagréable, plus
critiquable ou plus étonnant selon les cas, qu'une (longue) série d'autres
choses également désagréables, critiquables ou étonnantes.

La description de ces quelques exemples montre qu'il est difficile de préciser davantage ce que c'est que cette valeur informative - tellement dépendante de la situation d'énonciation. De toute façon, il s'agit d'une structuration hiérarchisée de l'information, dans laquelle le rôle de, pe est de marquer que le réfèrent de l'objet asta est à considérer comme occupant une place plus importante que les éléments avec lesquels il contraste.

6. Conclusion

On rejoint ainsi, mutatis mutandis, l'hypothèse que nous avons avancée ailleurs (Halvorsen 1993) pour expliquer le non-emploi de pe devant un objet dont le constituant est un nom [ -I- défini] [ + personnel] [ + singulier]: on peut dire en simplifiant que, pour qu'un tel objet puisse «échapper au marquage par pc», il faut que le réfèrent soit non seulement sommairement décrit (c'est-à-dire par le substantif seul) - contrastant ainsi uniquement par le contenu du substantif - mais aussi considéré comme occupant un rang inférieur par rapport au locuteur. Avec le pronom asta, la situation est pour ainsi dire renversée: pour avoir accès au marquage par pc, il faut non seulement que son réfèrent soit en contraste avec d'autres entités - ce qui est déjà difficile, vu sa propriété de renvoyer à ce qui n'est pas (encore) classifié - mais aussi que l'énoncé dont il fait partie soit marqué - par exemple au moyen d'adverbes paradigmatisants comme si et nici - comme occupant un rang supérieur dans la hiérarchie informative qu'établit le locuteur dans la situation d'énonciation.

Arne Halvorsen

Université de Trondheim



Notes

1. Voir p. ex. GuÇu-Romalo (1973, p. 162-64), lordan & Robu (1978, p. 649-50) et Avram ( 1986, p. 293-96).

2. Voir p. ex. Puscariu (1976: 138), Graur (1968: 300), Gut.u-Romalo (1969: 180), Parkas (1978: 92).

3. Rosetti (1978: 138) et Coteanu (1963: 246).

4. Voir Sandfcld & Olsen (1962: 58) et Beyrer, Bochmann, Bronsert (1987: 282), qui semblent s'appuyer sur Niculescu ( 1959).

5. Popescu-Ramirez & làsmowski-De Ryck (1988: 310). Cette dernière explication a une certaine parenté avec celle proposée par rlàsmowski-DerIàsmowski-De Ryck (1987: 380): «il semble que/?e introduise un complément d'objet dont la représentation s'impose à la conscience d'une manière inhabituellement nette, soit qu'il s'agisse d'objets capables d'action et de réaction, soit alors qu'il contraste avec d'autres objets de la même espèce (celui-ci, le bon, lequel d'entre eux, etc.).»

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5. Popescu-Ramirez & làsmowski-De Ryck (1988: 310). Cette dernière explication a une certaine parenté avec celle proposée par rlàsmowski-DerIàsmowski-De Ryck (1987: 380): «il semble que/?e introduise un complément d'objet dont la représentation s'impose à la conscience d'une manière inhabituellement nette, soit qu'il s'agisse d'objets capables d'action et de réaction, soit alors qu'il contraste avec d'autres objets de la même espèce (celui-ci, le bon, lequel d'entre eux, etc.).»

6. Selon la vue synoptique donnée par Tasmowski-De Ryck (1988: 382-3), les traits (-pro) (+pers) (-déf-spéc) bloqueraient l'emploi de pe comme la réduplication clitique, que l'objet se trouve devant ou après le verbe. Voir aussi Dobrovie-Sorin (1990: 388), qui semble exclure la lecture non-spécifique avec un objet marqué parpe. Un contre-exemple est: Pe un bàrbat, atingerea ei l-arfi électrocutât (Tudoran Maria 358).

7. Asta est, comme ça, le terme non marqué dans l'opposition entre le proche et le lointain.

8. Notre description est fondée sur un corpus résultant du dépouillement d'un certain nombre d'ouvrages en prose datant de la période 1935-93, cf. la bibliographie. Pour certains aspects de la question nous nous basons sur les résultats d'une mini-enquête effectuée à Bucarest au mois de mai 1993.

9. MINE représente ici: mine, une, noi, voi, dumneata, dumneavoastrâ et dumnealuildumneaei.

10. Le cas de unul est assez complexe. Comme dans le cas des syntagmes nominaux, il faut constater que le trait [-spécifique] ne bloque pas la présence depe: încercase sa gàseascù pe unul, mâcar pe unul de a cârui castitate sa fie sigurâ, (Stânescu Regula 144). D'autre partie semble exclu dans les expressions unul/altul: Hai câ v-am pus unul lîngà altul sa sta[i de vorbà. (Ciuceanu Intrare 319).

11. El dans p. ex. l-am câutat pe el sera normalement interprété comme se référant à une personne. La référence à un inanimé n'est pourtant pas exclue, comme le montre l'exemple suivant: Pe ele (apartídele) le înfiin\eazù dorin¡a de afirmare a opinieipublice, (R. L. 13. 9. 91 p. 5).

12. Cette situation ne se reflète pas nécessairement dans la langue parlée. Par exemple, il y a actuellement une tendance à omettre pe devant care relatif. De toute façon, la description de Farkas (1978: 90), répétée avec quelques modifications par Tasmowski-De Ryck (1988: 379), selon laquelle pe serait obligatoire devant ces pronoms si le réfèrent est [+personnel] et facultatif («généralement pe» chez Tasmowski-De Ryck) si le réfèrent est [-personnel], n'est pas confirmée par les matériaux.

13. Voir p. ex. Corblin (1987: 9).

14. Cet aperçu rapide des propriétés référentielles masque le fait que certains pronoms n'impliquent pas nécessairement l'un ou l'autre de ces modes de référence. Ainsi, le pronom al meu entre tantôt dans une expression du type anaphore lexicale (îmi strie via{a, si pe a voastrâ totodatâ), tantôt dans une expression autoréférentielle (ai vostri au condamnât pe ai nostri).

15. Pour distinguer les emplois «neutres» et «non neutres» du pronom toate, il suffit de faire appel à la distinction entre référence à un ensemble donné dans le contexte! autoréférence: toate dans 3a) est anaphonque alors que toate dans 3b) est autoréférentiel. Cette distinction n'est pas suffisante pour expliquer la différence entre 4b) et par exemple cei de-acasâ, qui sont tous deux autoréférentiels. Là, il faudra introduire une autre distinction, celle entre le déterminé et l'indéterminé, sensible, bien sûr, aussi dans le cas de toate: cei de-acasâ a pour réfèrent une pluralité (de personnes) bien déterminée, cele dorile de el évoque une pluralité (de choses) indéterminée.

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16. Les termes diaphorique et aphorique ont été introduits par Maillard (1974: 56-7), le premier pour désigner «la référence contextuelle en général» sans distinguer anaphore et cataphore, le second pour les éléments qui n'impliquent pas le texte.

17. Même ainsi formulé, le critère ne suffit pas pour distinguer les emplois du pronom démonstratif en position sujet, où il s'accorde souvent avec le substantif attribut. Peut-on encore parler d'un emploi non neutre si le pronom accordé a pour antécédent une proposition?

18. Fait exception ce relatif qui se trouve souvent redoublé.

19. Comme signalé dans l'introduction, les linguistes semblent unanimes pour déclarer que pe est incompatible avec les pronoms neutres: dans la description de Farkas (1978, p. 90), les pronoms asta/aia, employés comme «pro-sentences», sont marqués par «never/re»; Tasmowski-De Ryck (1987: 378), qui suit Farkas dans les grandes lignes, range asta avec nimic et ceva dans la classe des pronoms définis par les traits (-pers) (+/- contenu propositionnel), pour lesquels pe est interdit. Roegiest (1988: 358), qui s'appuie (à tort) sur V. Gu^u-Romalo (1973: 163), déclare que: «les pronoms à sens neutre sont aussi les seuls pronoms qui rejettent pe comme marque de I'OD dans toutes les circonstances.» Finalement, mentionnons Avram ( 1986: 294-5), qui affirme que les pronoms démonstratifs - à l'exception des féminins à valeur neutre - se construisent obligatoirement avec pe, affirmation qui, évidemment, n'écarte pas la possibilité pour ces derniers de se construire avec le marqueur.

20. Fait qui ressort d'ailleurs des vues synoptiques de Tasmowski-De Ryck (1987: 383).

21. Voir Cadiot (1988: 191). Cette observation, selon laquelle il y a décalage entre les pronoms dits «neutres» et leurs antécédents, se reflète d'ailleurs dans la terminologie utilisée dans les travaux récents sur les phénomèmes de référence. Ainsi Kesik (1989: 22 et passim) adopte la distinction faite par Maillard (1974: 57) entre diaphores segméntales (par exemple il) et diaphores résomptives (par exemple cela, ceci).

22. Voir Nolke 1983 b: 150.

23. Explication suggérée d'ailleurs par Tasmowski-De Ryck pour l'ensemble des pronoms, cf. la citation donnée dans la note 5.

24. Ces deux adverbes ne sont probablement pas les seuls à pouvoir provoquer l'apparition de pe; d'autres adverbes paradigmatisants comme mâcar, cel pu{in («au moins»), etc., sont de toute évidence des candidats possibles.

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Résumé

Le pronom démonstratif asta constitue un lieu privilégié pour étudier le fonctionnement du marquage de l'objet en roumain. Bien qu'apparaissant comme non marqué dans la majorité des contextes, ce pronom n'est pas incompatible avec le marqueur pe. Le but de cet article est de montrer que si asta, contrairement aux autres pronoms démonstratifs, se construit normalement sans pe, c'est en raison de son caractère de terme non classifiant, peu contrastif. Nous avons essayé de démontrer que, pour avoir accès au marquage par pc, il faut que asta soit le foyer d'adverbes paradigmatisants tels que^i, dont le rôle est d'opérer une structuration hiérarchisée de l'information.

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