Revue Romane, Bind 28 (1993) 2

Anaphores, localisation predicative et instructions interprétatives

par

Bo Laursen

Introduction

Par anaphore j'entends provisoirement un segment textuel dont l'attribution
d'un réfèrent «passe par» un segment précédent (l'antécédent).

Une hypothèse implicite concernant la nature des anaphores semble être à la base de bon nombre de travaux portant sur ce sujet très populaire parmi les linguistes. Selon cette hypothèse, les anaphores ont une existence textuelle objective, c'est-à-dire ou bien un segment textuel (ST) est anaphorique, ou bien il ne l'est pas. Certains ST auraient donc, selon cette idée, la particularité intrinsèque de déclencher automatiquement une connection à un ST précédent. Nommons ce type de ST segment textuel anaphorique (STA). De cette position découle que l'attribution d'un réfèrent à un STA ne peut se faire sans la connection interprétative à un ST précédent.

Appelons immanente cette conception du phénomène qui, en mettant l'accent sur l'établissement automatique de la connection entre anaphorique et antécédent, vise uniquement le texte lui-même comme domaine d'explication.

Une conception légèrement différente est exprimée par Tesnière:

On peut comparer avantageusement les anaphoriques à des ampoules électriques qui ne s'allument que lorsque le fil qui les alimente est mis en contact avec la source d'électricité. Il y a là en quelque sorte une prise de courant sémantique. En ce sens on peut dire que les anaphoriques sont des motsprises de courant. (L. Tesnière: Eléments de syntaxe structurale. 1969, p. 90.)

Tandis que l'approche immanente implique l'univocité sémantique des structurestextuelles
parce que posant le principe d'automaticité de l'interprétatiunanaphorique,
la position de Tesnière laisse une petite marge au sujet

Side 164

interprétant en faisant remarquer que les «ampoules électriques [les anaphoriques]ne s'allument que lorsque le fil qui les alimente est mis en contact avec la source d'électricité» (c'est moi qui souligne). En comparant les anaphoriquesà des ampoules électriques qui, pour être allumées, ont besoin d'être branchées par le sujet interprétant, Tesnière semble suggérer que la connectionentre anaphorique et antécédent ne se fait pas automatiquement et que par conséquent il ne faut pas chercher toute l'explication du phénomène des anaphores dans le texte.

Confrontons les deux conceptions des anaphores à quelques faits.

L'hypothèse immanente prédit que la même séquence textuelle ne peut
faire l'objet d'une interprétation et anaphorique et non-anaphorique. Ceci
semble bien être le cas dans (1) et (2) mais pas dans (3):

(1) Jean voit passer les camions. Ils roulent vite.

(2) Jean s'est arrêté devant des voitures de la marque Lotus. Ces merveilles
possédaient un immense pouvoir de fascination sur lui.

Chacun des deux exemples se composent de deux propositions.

L'interprétation (l'ancrage référentiel) du syntagme nominal (SN) de la deuxième proposition dans (1) et (2) (ils et ces merveilles) passe nécessairement par le SN de la proposition précédente. En d'autres termes, seule une interprétation anaphorique du SN de la deuxième proposition est possible.

Or, cela n'est pas le cas dans (3):

(3) Pierre cherchait Concha partout. La chienne de Jules dormait tranquillement
à l'ombre.

Dans (3) sont possibles et une interprétation anaphorique et une interprétation non-anaphorique. La première consiste à établir une connection interprétative entre Concha et la chienne de Jules (interprétation co-référentielle), et la deuxième consiste à interpréter les deux syntagmes nominaux chacun pour soi sans établir cette connection (interprétation non co-référentielle).

Il semble donc que des exemples comme (3) contredisent l'hypothèse prônée par l'approche immanente selon laquelle l'établissement de connection entre anaphorique et antécédent se ferait automatiquement parce qu'étant inscrit explicitement dans les structures textuelles.

Regardons ensuite de plus près les propos de Tesnière qui paraissent plus attirants. En ce qui concerne les énoncés (1) et (2) - et en restant dans l'univers de la métaphore proposée par Tesnière - le courant passe entre l'ampoule (l'anaphorique) et la source d'électricité (l'antécédent). Cela paraîtégalement être vrai pour l'interprétation anaphorique de l'exemple (3), mais pas pour l'interprétation non-anaphorique du même exemple. Commentse fait-il que (3) puisse faire l'objet de deux lectures différentes? Pour le moment je me limiterai à constater que dans les trois cas le fil n'a pas le

Side 165

même degré d'efficacité (ou d'univocité). Dans (1) et (2) le fil est très efficacece qui permet une prise de contact sans faille, tandis que dans (3) le fil est moins efficace en ce sens que les structures linguistiques ne sont pas univoques, laissant par là une marge de liberté au sujet interprétant.

Je ne pousserai pas plus loin la métaphore de Tesnière. Elle m'a permis de cerner le problème qui m'occupera par la suite et qui est le suivant: comment peut-on expliquer que dans certains cas (énoncés (1) et (2)), l'établissement d'une connection interprétative entre un SN et un SN précédent paraît s'imposer tandis que dans d'autres cas (énoncé (3)) le même type de connection n'est qu'une possibilité? En termes plus simples: pourquoi est-ce que, parmi les SN qui peuvent faire l'objet d'une interprétation anaphorique, certains sont ressentis comme plus explicitement anaphoriques que d'autres?

I. Première partie: théorie

I.1. Interprétation textuelle: structures et processus.

Si je ressens un besoin d'esquisser ici ma conception du processus d'interprétation textuelle, c'est parce qu'un modèle interprétatif me dotera d'un certain nombre de concepts indispensables à une explication du fonctionnement des anaphores. Rappelons que l'établissement de liens anaphoriques entre deux SN fait partie de l'ensemble des opérations interprétatives partielles au même titre que les inférences et la désambiguïsation lexicale pour ne mentionner que deux opérations bien connues.

On peut considérer l'interprétation d'un texte comme un amalgame de plusieurs opérations interprétatives partielles. Dans cette optique, le résultat d'une opération partielle sert de point de départ pour une autre opération et ainsi de suite, si bien que chaque opération interprétative constitue une contribution à la compréhension globale du texte. J'ai caractérisé ailleurs l'interprétation textuelle comme «un processus complexe de synthétisation d'interprétations d'éléments textuels individuels, régi par un principe d'interdépendance et de compatibilité sémantiques» (Laursen 1992, p. 69).

C'est l'hypothèse du présent travail que dans tout acte de compréhension
du langage sont impliqués soit des structures soit des processus cognitifs.

Tout processus d'interprétation «agit sur» notre état cognitif ( = structures cognitives). Le résultat de l'interaction entre un texte et un certain état cognitifest un nouvel état cognitif. Il en découle que le but du linguiste - dans cette perspective cognitive - est de décrire le rôle joué par les structures textuelles dans la transformation d'un état cognitif initial en un nouvel état cognitif1. Il est bien connu que le texte même n'est qu'un seul facteur parmi d'autres (situation, stratégie interprétative du sujet interprétant, etc.) qui tous concourent à la modification d'un état cognitif. Cependant, mon ambitiondans

Side 166

tiondansce travail se limite à me prononcer sur l'apport au changement
d'état cognitif qui peut être attribué au niveau purement textuel.

Dans 1.1.1, je propose un modèle représentationnel minimal des structures cognitives du sujet interprétant impliquées dans la compréhension du langage, et dans 1.1.2, je passe à une esquisse des processus cognitifs qui, sur la base d'un texte, d'une perception de la situation de communication et des structures cognitives, opèrent une modification de ces dernières.

I.1.1 Un modèle minimal des structures cognitives.

Si l'on se propose de modeler le processus d'interprétation du langage naturel, il semble opportun de représenter les structures cognitives du sujet interprétant comme étant composées de deux domaines : domaine général et domaine spécifique.

Le domaine général est le lieu de notre 'savoir' à long terme. C'est le réservoir de nos expériences sur la base duquel nous interprétons le monde.2 Le domaine spécifique est le lieu de représentation de ce qui nous occupe pour le moment. Si, par exemple, nous sommes engagés dans un échange langagier, le domaine spécifique sert de dépôt aux éléments discursifs indispensables à la participation à cet échange (objets discursifs et prédications). Tandis que le domaine général est le lieu du 'savoir' stéréotypé - savoir général extrait d'innombrables occurrences interprétatives - le domaine spécifique est donc le lieu du 'savoir' occurrentiel parce que lié à l'interprétation en cours. Dans l'interprétation des segments anaphoriques, l'interlocuteur s'appuie sur les deux domaines cognitifs. Or, dans ce travail je mettrai l'accent sur le domaine spécifique que j'appellerai par la suite modèle discursif.

J'entendrai par modèle discursif une structure composée par un nombre d'entités discursives à chacune desquelles est attaché un nombre de prédicats. Convenons de représenter chaque entité par la majuscule E suivie d'un chiffre permettant de la distinguer des autres entités de la représentation. Convenons ensuite de représenter les prédicats par une description en langue naturelle. On peut discuter si le modèle doit comprendre une description en langue naturelle des entités. La décision dépend de l'usage qui sera fait du modèle. Etant donné que le présent modèle me servira de cadre théorique pour décrire le fonctionnement de certains phénomènes linguistiques, il me paraît en effet utile d'inclure un élément dans le modèle permettant d'enregistrer la description linguistique donnée de chaque entité (descriptions linguistiques des entités).

Fig. 1 est un modèle discursif:

Side 167

DIVL3674

Fig. 1. Modèle discursif.

Ce type de modèle discursif est rudimentaire, et peut être détaillé si on le désire. Il est évident que la catégorie de 'prédicat' est très grossière et peut être sous-divisée. Ainsi l'on peut distinguer par exemple les prédicats qui décrivent une relation entre les entités (AIME E2; CONNAIT El), les prédicats qui décrivent un événement (EST RENTRE tard hier soir; A ECRIT une lettre d'amour à E2), et les prédicats qui décrivent un état (grand; petit; a 19 ans).

Il va sans dire que la simplicité du modèle proposé rend celui-ci inutilisable à bien des égards. Or, pour mon but un modèle d'un niveau de sophistication plus élevé aurait brouillé la conceptualisation, sans pour autant me permettre de mieux décrire les phénomènes faisant l'objet de la présente étude.

I.1.2. Trois processus interprétatifs.

Je vois la technique linguistique de l'anaphore comme un moyen pour le locuteur d'indiquer à l'interlocuteur que celui-ci doit établir un lien interprétatif entre deux éléments textuels qui se trouvent le plus souvent dans deux propositions différentes. Etant donné que la technique anaphorique est donc le plus souvent une instruction à l'interlocuteur d'établir une connexion à travers propositions, la proposition apparaît comme un niveau pertinent pour l'étude des anaphores.

Les deux catégories cognitives 'entité' et 'prédicat' me serviront de base
pour ma conception de la structuration sémantique de la proposition, si bien
que je pose qu'en principe toute proposition comporte au moins une entité et

Side 168

un prédicat.3 C'est mon hypothèse que ce schéma cognitif (entité/prédicat)
sous-tend tout processus de production et de réception linguistiques.

Pottier semble être du même avis car il prétend qu'une communication verbale sans entité et prédicat est inconcevable (1987, 64f).4 En effet, on ne dit pas quelque chose (= prédicat) sans le rapporter à quelque chose (= entité). De même, on ne repère pas quelque chose (entité) sans avoir quelque chose à en dire (- prédicat). Autrement dit, il semble exister une solidarité cognitive entre la catégorie 'entité' et la catégorie 'prédicat'.

Une hypothèse concernant les principes d'organisation textuelle vient se greffer sur l'hypothèse cognitive entité/prédicat. Selon cette hypothèse (voir par exemple Marslen-Wilson/Levy/Tyler 1982 et Combettes 1986), un énoncé n'est compréhensible ('makes sensé') à un interlocuteur que s'il remplit au moins deux conditions. Premièrement, il doit être rattachable à un domaine de la représentation mentale de l'interlocuteur (cf. 'entité'), et deuxièmement il doit fournir une ou plusieurs information(s) relative(s) au domaine auquel il se rattache (cf. 'prédicat').

Marslen-Wilson/Levy/Tyler (1982) conçoivent donc l'énoncé comme ayant deux fonctions : la fonction locative (the location fonction) et la fonction predicative (thè prédication function). Ils caractérisent les deux fonctions ainsi:

By the location function, we mean thè requirement that thè utterance he in some way mappable, by thè listener, onto some location, or région, in her mental représentation. 'l'hère must be some property of the utterance that enables the listener either to connect it directly to some discourse structure already présent in the représentation, or else to construet a new mental location for it, using her kowlcdge of thè context of speaking and her generai knowledge of the world. Unless such a connection can be made, the listener will literally not know what the speaker is talking about.

By the prédication function, wc mean the requirement that the utterance should in some way succccd in telling ine ¡istener something, relative to the varieties of types of knowledge (about states of affairs, intentions, altitudes, etc.) that are already associated wilh ihe mental iocaiion onto which the utterance maps (or which it causes to be construeted). The utterance should have the property of in some way changing or adding to what the listener already knows. 'Io assume this is to assume no more than that evcry utterance has some communicative purpose. (367-368)

D'après cette théorie, les deux énoncés suivants (4 et 5) sont déviants parce
que chacun des énoncés, tels qu'ils sont présentes ici, ne remplit qu'une des
deux fonctions:

(4) ? la petite fille rousse en face de toi

(5) ? l'avons vue il y a trois ]ours

Side 169

(4) ne remplit que la fonction locative en désignant une entité sans en dire quelque chose, tandis que (5) ne remplit que la fonction predicative en fournissant un prédicat sans indiquer sa localisation dans la représentation mentale de l'interlocuteur.

Même si les deux fonctions ne doivent pas forcément être remplies par des éléments linguistiques dans l'énoncé même - car très souvent la localisation d'un prédicat n'est pas spécifiée dans l'énoncé, mais est inférable de l'entour énonciatif (co-texte ou situation)5 - ma conception du processus interprétatif s'en inspire. C'est mon hypothèse que l'interprétation suit en gros le schéma cognitif entité/prédicat, si bien que la procédure interprétative par défaut consiste essentiellement de deux opérations : repérage d'un domaine du modèle discursif, et assignation d'un prédicat au domaine repéré.

Or, ces deux opérations sont nécessairement précédées d'un processus de segmentation de la chaîne qui a pour résultat une division de la chaîne en «morceaux» textuels dont la largeur est «convenable» pour l'interprétation. A l'intérieur de chaque «morceau» une délimitation est opérée, soit des éléments textuels dont la fonction est de guider l'interlocuteur dans son processus de localisation, soit des éléments textuels qui constituent le prédicat à être attribué à la localisation repérée.

En conséquence, je propose un modèle de l'interprétation textuelle qui
distingue trois phases : 1) segmentation, 2) localisation, et 3) assignation
predicative:


DIVL3716

Fig. 2. Trois phases du processus interprétatif

Comme mon but n'est pas de rendre compte du processus général de l'interprétation, le modèle proposé est volontairement minimal et ne vise que le contenu propositionnel des énoncés, laissant hors considération, par exemple, toute trace du locuteur et de la situation d'énonciation. Par la suite, le modèle me servira à esquisser le rôle joué par les anaphores dans le processus général d'interprétation textuelle.

Vu dans la perspective du modèle proposé, l'interprétation d'un énoncé comme Charles a 10 ans consiste d'abord dans une segmentation de la chaîne en vue de repérer l'entité Charles et le prédicat a 10 ans. Cette segmentation de l'énoncé terminée, commence la phase de la localisation. Dans cette phase, le point essentiel est de savoir si le réfèrent de l'expression linguistiquerepérée comme 'entité' (in casu Charles) existe déjà comme entité dans le modèle discursif de l'interlocuteur, ou s'il s'agit d'un nouveau réfèrent.

Side 170

Cette question est cruciale, car dans la phase suivante (assignation predicative)le prédicat va être attaché à l'entité choisie comme étant la «bonne». Le modèle proposé laisse supposer que les trois phases partielles se succèdent dans un ordre déterminé. Or, cela n'est pas forcément le cas. Notre savoir sur l'ordre cronologique des opérations interprétatives reste limité, et je n'entre pas dans la discussion de cette question.

Après le traitement cognitif de l'énoncé, le modèle discursif du sujet interprétant a subi une modification provoquée par le «sens» de l'énoncé. Ou bien une nouvelle entité avec prédicat a été établie dans le modèle discursif initial, ou bien l'ensemble des prédicats attachés à une entité qui existait déjà a été modifié.

I.2. Anaphores et localisation.

Dans cette section je situerai l'interprétation d'anaphores par rapport au modèle de l'interprétation textuelle esquissé dans la section précédente. Il ressortira de ce qui suivra que la technique anaphorique joue un rôle crucial pour le processus interprétatif partiel de localisation.

D'abord une précision. Comme le propose la théorie de Marslen-Wilson/Levy/Tyler (1982) concernant les fonctions locative et predicative (voir plus haut), j'ai parlé jusqu'ici de domaine de localisation. Le concept domaine' vague, je prends le pas de le remplacer par entité discursive. Par entité discursive j'entendrai une entité qui a sa place dans un modèle discursif.

Dans sa production d'un texte, le locuteur dispose de certains moyens linguistiques pour indiquer à l'interlocuteur à quelle entité de son modèle discursif celui-ci doit attacher un prédicat donné. Ou bien le locuteur peut se servir d'un indice signalant que le prédicat n'est attachable à aucune entité existant dans le modèle discursif de l'interlocuteur. Pour ce faire il peut utiliser par exemple l'article indéfini. Voir (6):

(6) Un homme tout habillé en noir s'approcha.

Il est bien connu que l'article indéfini introduit quelque chose de neuf au discours. En d'autres termes, l'emploi du morphème un est une indication à l'interlocuteur que le SN homme tout habillé en noir n'a pas d'entité correspondante dans son modèle discursif.

D'autres morphèmes ont la fonction de signaler à l'interlocuteur qu'un SN
donné existe déjà dans son modèle discursif. Ceci semble être le cas du
démonstratif. Voir (7):

(7) Un homme tout habillé en noir s'approcha. Ce monsieur était inconnu de
tous.

Side 171

L'emploi du morphème ce dans ce contexte est une indication à l'interlocuteur
que le prédicat était inconnu de tous doit être attaché à une entité qui
existe déjà dans son modèle discursif.

Il est évident que la différence entre (6) et (7) concerne la localisation du
prédicat. Cette différence me permet de définir le concept d'anaphore.

Par énoncé anaphorique j'entends un énoncé dont - comme c'est le cas de la deuxième proposition de (7) - le prédicat se laisse attacher à une entité existant déjà dans le modèle discursif de l'interlocuteur. Les énoncés anaphoriques s'opposent aux énoncés non-anaphoriques qui sont des énoncés dont le prédicat ne peut être attaché à une entité existant déjà dans le modèle discursif de l'interlocuteur. (6) en est un exemple.

Ma description des énoncés (6) et (7) laisse supposer qu'où bien un énoncé est anaphorique, ou bien il ne l'est pas. Or, nos intuitions concernant les énoncés (1), (2) et (3) (présentés dans l'introduction) suggèrent que ceci n'est pas le cas.

Dans ce qui suit, les éléments théoriques proposés dans les pages précédentes me serviront de base pour une reformulation et une précision du problème posé dans l'introduction. Considérons de nouveau les énoncés (1), (2) et (3):

(1) Jean voit passer les camions. Ils roulent vite.

(2) Jean s'est arrêté devant des voitures de sport de la marque Lotus. Ces
merveilles possédaient un immense pouvoir de fascination sur lui.

(3) Pierre cherchait Concha partout. La chienne de Jules dormait tranquillement
à l'ombre.

L'état du modèle discursif après interprétation de chacun des énoncés (1), (2)
et (3) ressort des figures 3, 4,5 et 6.


DIVL3775

Fig. 3. Interprétation de (1)

Side 172

DIVL3766

Fig. 4. Interprétation de (2)

( 1) et (2) sont peu équivoques, si bien que l'on a beaucoup de mal à s'imaginer des représentations de leurs interprétations qui diffèrent des figures 3 et 4. Il en va tout autrement pour (3), où deux lectures sont également possibles. Voir figures 5 et 6 qui décrivent les deux interprétations possibles de (3):


DIVL3769

Fig. 5. Interprétation anaphorique de (3)


DIVL3772

l'ïg. 6. Interprétation non-anaphorique de (3)

Comme il ressort des figures 5 et 6, la différence entre les deux interprétationspossibles de (3) se rapporte à la localisation du prédicat de la deuxième proposition de l'énoncé (dormait tranquillement à l'ombre). L'interprétation anaphorique (fig. 5) rattache le prédicat dormait tranquillement à l'ombre à E2, entité établie lors de l'interprétation de la première proposition de l'énoncé.L'interprétation non-anaphorique (fig. 6), par contre, déclenche l'établissementd'une

Side 173

blissementd'unetroisième entité (E3) dans le modèle discursif. C'est à cette
nouvelle entité qu'est rattaché le prédicat dormait tranquillement à l'ombre.

La question qui se pose est la suivante: comment expliquer cette différence
d'univocité quant à la localisation du prédicat dont font preuve les énoncés (1)
et (2) d'un côté, et l'énoncé (3) de l'autre?

Mon explication se situera dans le cadre d'une conception instructionnelle du sens linguistique. Ainsi, dans ce qui suivra, je défendrai la double hypothèse que 1) certains morphèmes servent d'instructions à l'interlocuteur d'établir un lien interprétatif (c'est-à-dire anaphorique) entre le SN sous interprétation (SNn) et un SN déjà interprété (SNn.x), assurant par là la «bonne» localisation du prédicat du SNn, et 2) ces morphèmes n'ont pas la même «force instructionnelle», certaines instructions (morphèmes) étant plus univoques que d'autres.

Dans la section suivante sera étayée la conception instructionnelle du sens
linguistique qui vient d'être suggérée.

I.3. Une conception instructionnelle du sens linguistique.

Comme le font remarquer Sperber/Wilson (1986, p. 1-3), une certaine tradition linguistique nous a appris à concevoir le sens linguistique comme un phénomène qui existe de manière concrète et quasi-objective dans le texte, emballé dans des réceptacles (c'est-à-dire les signes). Une conséquence de cette conception du sens est de considérer le travail «interprétatif» de l'interlocuteur, thème qui n'a d'ailleurs jamais été au centre des préoccupations de cette tradition, comme consistant simplement à «ouvrir» les réceptacles. Le travail de déballage terminé, l'interlocuteur n'a qu'à saisir le sens ainsi mis à nu. Or, beaucoup de travaux récents en sémantique suggèrent que le processus interprétatif se déroule différemment, et le modèle «codiste» sous une forme pure porte aujourd'hui les marques de la désuétude.

Une autre conception de la sémantique linguistique, qui met l'accent sur les processus cognitifs impliqués dans le travail interprétatif, consiste à voir le sens d'un texte, non pas comme un phénomène préconstruit, mais comme un phénomène à construire. Le texte n'est pas envisagé comme un ensemble de réceptacles de sens, mais comme un ensemble d'instructions dont la vocation est de guider l'interlocuteur dans sa construction du sens. Les morphèmes du texte ne sont pas univoques, mais servent, grâce à leur fonction de guides interprétatifs, de restrictions au nombre d'interprétations du texte qui sont possibles. C'est dans l'esprit de cette conception instructionnelle du sens linguistique que je tâcherai de rendre compte de certains phénomènes anaphoriques.

L'idée essentielle est qu'en cours d'interprétation le sujet interprétant se
forme constamment des attentes quant à la suite d'un nombre d'énoncés déjà
(provisoirement) interprétés II s'agit du principe de la projectabilité. Nolke

Side 174

(1990) caractérise ainsi le principe: «(...) l'interprétation d'un énoncé impliqueen partie l'interprétation de l'énoncé suivant : «on devine ce qui va venir», (p. 114). On retrouve ce phénomène à différents niveaux textuels. Considérons l'énoncé (8):

(8) Jean sentait l'herbe sous ses pieds. Il traversait le champ en profitant de l'air
frais. Dans le lointain un paysan transportait le lait des vaches...

L'énoncé (8) donne lieu à une certaine attente quant aux unités lexicales à apparaître dans la suite. Il serait surprenant que (8) soit suivi d'unités lexicales telles que par exemple maquillage, fusée, marketing, désambiguïser, démâter ou meringue. Des unités comme par exemple cultiver, moisson, poules, labourer, par contre, ne nous étonneraient pas du tout."

On peut constater le même phénomène sur le plan propositionnel. Témoins
(9) et (10):

(9) Pierre est pauvre mais ...

(10) Martine entra dans la salle de classe, prit place et se mit à attendre le
professeur. Celui-ci arriva, salua les élèves, enleva sa veste, ouvrit son sac et
en retira un livre. Ayant ouvert son livre à la première page, i1...

Dans (9) une continuation comme est bête serait très surprenant. Etant donné que le connecteur mais lie deux propositions sémantiquement spécifiées entre elles, son apparition dans un énoncé déclenche une certaine attente chez l'interlocuteur quant à la proposition qui lui succède. C'est ainsi que, sur la base de mais, l'interlocuteur s'attend à ce que la seconde proposition soit en opposition sémantique à la première.

Dans (10) une suite comme ... se mit à sauter sur place serait de beaucoup plus surprenante que ... se mit à lire de haute voix. Ici il est question d'une succession de propositions qui font naître une certaine présomption quant au contenu propositionnel suivant.7

L'attente déclenchée par (11) concerne le niveau traditionnellement décrit
par la syntaxe:

(11) II comprend ...

Les suites possibles de (11) sont, soit un syntagme nominal (par exemple le livre), soit un syntagme adverbial (par exemple vite), soit une subordonnée nominale (par exemple qu'elle ne soit pas venue). N'importe quelle autre suite syntaxique serait très surprenante.

Il semble donc qu'à chaque moment dans son processus interprétatif le sujet interprétant se forme des hypothèses quant à la suite du texte, hypothèsesqui sont déclenchées par des segments textuels (morphèmes et ensemblesde morphèmes) déjà (et peut-être provisoirement) interprétés. Les hypothèses subissent une évaluation par le sujet interprétant, de telle sorte que l'hypothèse choisie comme étant «la bonne» est celle qui s'intègre le

Side 175

mieux au co-texte suivant, à la situation de communication, et à l'environnementcognitif
du sujet interprétant (modèle cognitif et stratégie interprétative).

Vu sous cet angle, le processus interprétatif est un va-et-vient continu
entre émission et évaluation d'hypothèses interprétatives.

Il s'ensuit que quand on dit qu'un texte contient les instructions pour sa propre interprétation, cela n'est ni faux ni tout à fait vrai. Un texte ne comporte pas les instructions, mais des instructions pour sa propre interprétation, car très souvent un même segment déclenche plusieurs hypothèses interprétatives. Ou plus précisément : un texte comporte les contraintes pour sa propre interprétation. Car seules les hypothèses déclenchées, qui sont le plus souvent en nombre limité, sont considérées par l'interlocuteur. C'est ce dernier principe qui explique le fait qu'un texte donné ne permet pas n'importe quelle interprétation. Autrement dit : étant donné que le sujet interprétant ancre son interprétation dans les structures textuelles, celles-ci restreignent le nombre d'hypothèses interprétatives possibles.

Dans l'esprit de la conception instructionnelle esquissée le potentiel instructionnel (le «sens») d'un morphème (ou autre segment textuel) est reflété par le nombre d'hypothèses interprétatives différentes auquel il donne lieu. Sur la base de cette définition indirecte du sens des unités linguistiques, tentons de déduire une définition relative de l'univocité d'un morphème. La force instructionnelle (c'est-à-dire le degré d'univocité) d'un morphème est fonction du nombre d'hypothèses interprétatives différentes auxquelles il donne lieu. Plus le nombre d'hypothèses interprétatives déclenchées par un morphème est élevé, moins le morphème est univoque, et plus il est ambigu.8

La conception instructionnelle du sens qui vient d'être esquissée, ainsi que le modèle interprétatif (chapitres I. 1 et I. 2), me serviront de cadre pour mon traitement de l'interprétation des trois types de constructions anaphoriques présentés dans l'introduction.

11. Deuxième partie : analyse

Dans cette deuxième partie les éléments théoriques proposés dans la première partie seront appliqués dans une explication des phénomènes anaphoriques présentés dans l'introduction. Rappelons qu'il s'agit de l'intuition que, parmi les segments pouvant faire l'objet d'une interprétation anaphorique, certains sont plus nettement anaphoriques que d'autres.

Dans la perspective instructionnelle du sens adoptée (cf. I. 3.), cette intuitiontrouverait son explication dans une différence de valeur instructionnelle des morphèmes dont se composent les segments. Selon la théorie proposée, le degré d'univocité d'un segment textuel est fonction du nombre d'hypothèsesinterprétatives qu'il déclenche - les hypothèses, rappelons-le, étant à leur tour déclenchées par des morphèmes, ou groupes de morphèmes. En

Side 176

conséquence, le degré moindre d'univocité de (3) par rapport à (1) et à (2)
serait lié à une différence d'univocité instructionnelle des morphèmes dont
se composent les trois énoncés.

Par la suite, cette hypothèse sera mise à l'épreuve. Cette entreprise se déroulera en trois temps. Dans un premier temps (11. 1.) les segments anaphoriques des énoncés (1) à (3) seront analysés en vue d'établir exactement quels morphèmes instruisent l'interlocuteur de revenir en arrière dans son processus interprétatif. Dans un deuxième temps (11. 2.) le potentiel instructionnel des morphèmes trouvés dans 11. 1. sera analysé en vue d'établir leur degré d'univocité instructionnelle. Dans un troisième temps (11. 3.), et sur la base des résultats des deux analyses précédentes, une simulation des opérations cognitives impliquées dans les interprétations des énoncés (1) à (3) est opérée. Munis des résultats des sections 11. 1., 11. 2. et 11. 3., nous serons en mesure de juger de la validité du cadre théorique proposée pour expliquer l'intuition qui a donné lieu à ce travail.

II.1. Trois types de segments anaphoriques.

Dans ce chapitre une analyse des énoncés (1), (2) et (3) (qui représentent trois types de segment anaphorique différents) établira quels éléments linguistiques dans les trois énoncés servent à renvoyer l'interlocuteur en arrière dans son processus interprétatif.

Le segment anaphorique dans (1) (ils) est un SN qui se compose d'une
proforme non-lexicale, et dont l'antécédent est un autre SN (les camions).

Le segment anaphorique dans (2) (ces merveilles) a la forme d'un SN
composé d'un démonstratif et d'une expression nominale. Son antécédent est
un autre SN (des voitures de la marque Lotus).

Le segment dans (3), qui peut faire l'objet d'une interprétation anaphorique (la chienne de Jules), est un SN qui se compose de l'article défini et d'une expression nominale. Dans le cas d'une interprétation anaphorique du segment, l'antécédent est un autre SN (Concha).

Nous voyons que les segments anaphoriques des trois exemples ont ceci
de commun d'avoir la forme d'un SN capable de désigner un être ou un objet
et de renvoyer à un antécédent qui est un SN.

D'après une typologie traditionnelle - dont je ne discuterai pas ici l'utilité - , les segments anaphoriques des énoncés (1) à (3) sont décrits respectivement comme anaphore pronominale, anaphore démonstrative et anaphore définie.

Nous voyons que les trois types de segments anaphoriques qui m'intéressent
ici se composent des éléments-types suivants: pronom personnel, article
(démonstratif ou défini) et expression nominale.

Side 177

DIVL3879

Fig. 7. Formes et composants des segments anaphoriques étudiés

Comme il ressort de la figure 7, l'anaphore pronominale n'a qu'un seul
composant (pronom), tandis que les anaphores démonstrative et définie en
ont deux (démonstratif/article défini et expression nominale).

Je rappelle que les trois types de segment ont ceci de commun qu'ils peuvent renvoyer à un (autre) segment nominal précédent, mais apparemment leur renvoi n'a pas le même degré de prescription (cf. l'intuition décrite dans l'introduction).

Un test d'élimination suggère quels sont les composants des trois types de
description (pronominale, démonstrative et définie) qui signalent à l'interlocuteur
qu'il se trouve devant un segment anaphorique.

On remarquera que l'application du test résulte dans des énoncés agrammaticaux. Or, la déviance syntaxique n'affecte pas la pertinence du test qui est destiné à dévoiler les principes cognitifs (et non pas syntaxiques) régissant la compositon des énoncés. L'hypothèse qui sous-tend cette position est que nous sommes capables d'interpréter des énoncés agrammaticaux pourvu que ceux-ci soient sémantiquement bien formés. Cette hypothèse est confortée par le fait que, le plus souvent, les infractions des règles syntaxiques d'une langue quelconque régulièrement commises par les étrangers et les enfants n'empêchent pas ceux-ci de se faire comprendre. Il va sans dire que, si l'on adopte cette position, un travail important reste à faire : définir les critères permettant de distinguer les énoncés sémantiquement bien formés des énoncés sémantiquement mal formés. Laissant de côté la question des conséquences théoriques de l'hypothèse adoptée, je propose de revenir au test.

Considérons (12) à (14) qui contiennent des segments du même type que
(l)à(3):

(12) Deux garçons passaient. Ils étaient grands.

(13) Les amis de Charles n'avaient pas de voiture. Pourtant ce bien de consommation
était très répandu dans son entourage.

Side 178

(14) Martine se trouvait devant un grand immeuble. La construction était impressionnante.

Si l'on supprime les morphèmes soulignés, les énoncés ne fonctionnent plus, car dans ce cas la deuxième proposition des énoncés ne remplit plus la fonction locative que doit remplir une proposition (cf. la théorie de Marslen- Wilson/Levy/Tyler p. 8-9). La deuxième proposition manque d'indices quant à la localisation cognitive des prédicats {étaient grands, était très répandu dans son entourage, était impressionnante).

Or, les trois suppressions n'ont pas exactement les mêmes conséquences pour l'interprétation des énoncés dans lesquels apparaissent les morphèmes supprimés. Tandis que la suppression du pronom (12) entraîne la suppression de l'agent même de la deuxième proposition, les suppressions du démonstratif et de l'article défini (13 et 14) entraînent seulement l'effacement de la détermination de l'agent de la deuxième proposition, et non pas l'effacement de l'agent même. Dans (13) et (14) il reste une description linguistique de l'agent (ce qui n'est pas le cas dans (12)), mais l'interlocuteur ne sait s'il s'agit d'une entité déjà existante dans son modèle discursif ou d'une nouvelle entité. Comparons (13) et (14) à (15) et (16):

(15) Les amis de Charles n'avaient pas de voiture. Pourtant ce bien de consommation
était très répandu dans son entourage.

(16) Martine se trouvait devant un grand immeuble. La construction était impressionnante.

La suppression des morphèmes soulignés dans (15) et (16) (le composant «expression nominale» des descriptions démonstrative et définie) a également des conséquences décisives pour la localisation des prédicats. Or, contrairement à ce qui était le cas dans (13) et (14), ce sont les descriptions linguistiques des entités indiquant les domaines d'ancrage prédicatif (bien de consommation et construction) qui manquent, tandis que les déterminations (ce et la) restent intactes. Les déterminants ce et la signalent qu'il s'agit d'entités qui sont supposées exister déjà dans le modèle discursif du sujet interprétant.

Ces quelques manipulations suggèrent que parmi les composants des segments
anaphoriques analysés (cf. fig. 7), ce sont le pronom, le démonstratif,
et l'article défini qui instruisent le sujet interprétant de revenir en arrière.

La fonction de l'expression nominale - autre composant des segments anaphoriques (démonstratifs et définis) - n'est pas de signaler à l'interlocuteurqu'il doit revenir en arrière, mais de le guider dans sa recherche d'un antécédent. Ayant identifié un segment comme étant nominal et anaphorique (grâce aux instructions que semblent comporter le pronom, le démonstratif, et l'article défini), l'interlocuteur commence sa recherche d'un antécédent. Dans ce processus, l'interlocuteur s'appuie sur le sémantisme du nom supposéanaphorique

Side 179

séanaphoriqueparce que précédé par un élément signalant l'anaphore (démonstratifou article défini). Il sait (sur la base de ses expériences textuelles) que l'anaphore fonctionne sur une base sémantique. Ses connaissances de la technique linguistique qu'est l'anaphore, lui disent qu'il existe une contiguïté sémantique entre antécédent et segment anaphorique. L'identification de l'antécédent est souvent relativement facile (surtout en cas d'anaphore fidèle ou l'anaphorique est une simple reprise de l'antécédent), mais parfois elle demande un savoir linguistique et/ou encyclopédique considérable(s) chez l'interlocuteur (certaines anaphores infidèles et certaines anaphores associatives) .9

Remarque:

II est généralement admis que l'anaphore définie fonctionne sur la base d'une contiguïté sémantique entre antécédent et anaphorique. Or, en ce qui concerne l'anaphore démonstrative, les vues sont partagées. Corblin (1987) prétend que le sens de l'expression nominale ne joue aucun rôle dans la recherche de l'antécédent déclenchée par la description démonstrative anaphorique ce N. Il dit: «Le groupe nominal ce N isole son désignation en vertu de la proximité et, quel que soit son contenu, classine ce désignatum comme X» (209. C'est moi qui souligne.). Or, plusieurs travaux (voir par exemple Marandin 1986 et Kleiber 1990) ont montré que la position de Corblin n'est pas tenable : comme c'est le cas de l'anaphore définie, l'anaphore démonstrative fonctionne sur la base des relations sémantiques de contiguïté entre antécédent et l'expression nominale de la description démonstrative, même si le rôle joué par ces relations est loin d'être le même pour les deux types

L'analyse effectuée me permet de détailler mon modèle de l'interprétation textuelle (voir fig. 2) en spécifiant le déroulement de l'interprétation d'anaphores. Il semble que dans l'interprétation d'anaphores le processus de localisation se compose de deux sous-processus: identification de l'instruction anaphorique et recherche de l'antécédent.


DIVL3899

Fig. 8. Déroulement de l'interprétation d'anaphores

Side 180

Pour les segments anaphoriques revêtant la forme d'une description pronominale, les deux sous-processus se fondent sur le même composant : le pronom. En d'autres mots, le pronom semble, soit signaler à l'interlocuteur qu'il doit revenir en arrière, soit guider - par son sémantisme restreint (genre et nombre) - l'interlocuteur dans sa recherche d'un antécédent «convenable».

Pour les segments anaphoriques revêtant la forme d'une description démonstrative ou définie, par contre, chacun des deux processus semblent dépendre de ses propres composants linguistiques. Apparemment c'est le déterminant (démonstratif et article défini) qui sert d'indice à l'interlocuteur de revenir en arrière, tandis que l'expression nominale a la fonction de guide à l'interlocuteur dans sa recherche d'un antécédent.

Malgré le fait que le démonstratif et l'article défini ont en commun de renvoyer l'interlocuteur en arrière dans son interprétation, il existe des différences entre les deux morphèmes quant à la façon dont ils renvoient. Corblin et Kleiber ont fait un grand effort pour décrire et expliquer ces différences, et leurs efforts ont résulté dans une série de travaux sur le sujet (cf. par exemple Corblin 1983, 1987,1990 et Kleiber 1986a, 1986b, 1988, 1990). Dans ce travail je m'intéresse à la variabilité du «degré d'anaphoricité» des segments anaphoriques, et par là au degré d'univocité des instructions anaphoriques. Je me concentre donc sur le sous-processus I de la figure 8: identification de l'instruction anaphorique. Les travaux de Corblin et de Kleiber, par contre, visent le sous-processus II : recherche de l'antécédent.

L'analyse effectuée dans cette section suggère donc que ce sont les morphèmes suivants qui véhiculent une instruction anaphorique dans les énoncés (1) à (3): pronom personnel, démonstratif et article défini. Or, le fait que ces trois morphèmes véhiculent une instruction anaphorique n'exclut pas la possibilité qu'ils véhiculent d'autres instructions en même temps. En d'autres termes : nous sommes confrontés au problème de Yunivocité instmctionnelle des morphèmes en question. Ce thème fera l'objet de la section suivante (11. 2.)

II.2. Potentiel instructionnel du pronom personnel, du démonstratif et de l'article défini.

Rappelons que dans la perspective adoptée, l'univocité instructionnelle d'un morphème dépend de son potentiel instructionnel, et que celui-ci est reflété par le nombre d'hypothèses auquel donne lieu le morphème. Pour comparer l'univocité instructionnelle de deux morphèmes, on a donc besoin de connaître leurs potentiels instructionnels, concept qui se dévoile en étudiant l'ensemble des hypothèses interprétatives possibles de chaque morphème. L'ensemble des types d'emploi d'un morphème reflète son potentiel instructionnel, tel qu'à un type d'emploi correspond une instruction.

Side 181

Dans cette section seront énumérés les différents types d'emploi du pronom personnel, du démonstratif, et de l'article défini. Comme nous le verrons par la suite, les trois morphèmes ont ceci de commun de guider l'interlocuteur dans son interprétation référentielle des actants du discours.

Une étude sémasiologique du pronom dévoile trois types d'emploi différents
: emplois anaphorique, cataphorique, et déictique.

Pierre et Jean se voient souvent. Ils se connaissent bien,
(emploi anaphorique)

Lorsqu'i/ parle de ses enfants, Pierre a l'air très content,
(emploi cataphorique)10

(A à B en voyant passer une femme): Elle vient de divorcer,
(emploi déictique)

Les mêmes trois types d'emploi sont attestés pour Y adjectif démonstratif :

Pierre a acheté une maison. Cette maison est rouge,
(emploi anaphorique)n

Ils jugent le problème automatiquement d'après ce principe, que la vérité est
la nouveauté.12
(emploi cataphorique)13

(A à B en voyant passer une femme): Tu connais cette femme?
(emploi déictique)

Pour ce qui est de Xañide défini, le nombre de types d'emploi différents est plus grand. Sont attestés au moins cinq types différents. Citons d'abord les trois types que l'article défini a en commun avec le pronom et le démonstratif: emplois anaphorique, cataphorique, et déictique.

Autour de la maison il y avait un jardin. Dans le jardin poussaient des fleurs,
(emploi anaphorique)14

A: Qu'est-ce qu'il a, Bill?
B: La femme avec qui il est sorti hier soir l'a mal traité.15
(emploi cataphorique)16

(Ecriteau d'une portière de jardin:) Attention au chien
(emploi déictique)

Passons ensuite à deux types d'emploi qui sont particuliers à l'article défini :
emplois encyclopédique et possessif.

Side 182

D'abord l'emploi encyclopédique. Souvent l'article défini sert à renvoyer
l'interlocuteur à un savoir supposé partagé par le locuteur et l'interlocuteur.
En témoigne l'échange suivant entre deux personnes habitant la même ville:

A: Ou sont passés mes enfants?
B: 'lôut à l'heure je les ai vus devant la mairie.

Ici lámame renvoie à la mairie de leur ville, même si elle n'est pas visible au moment de renonciation (Hawkins 1978, p. 115). La mairie est référentiellement interprétable parce que A (et B) sait qu'il y a une mairie dans la ville et dispose d'un savoir encyclopédique concernant cette mairie.17 Nommons encyclopédique' emploi de l'article défini, parce que dans son interprétation référentielle l'interlocuteur fait appel à son savoir et non pas à la situation immédiate de communication. C'est le critère de la visibilité qui permet de distinguer cet emploi de l'emploi déictique. Pour être classé comme emploi déïctique, le réfèrent du SN introduit par l'article défini doit être visible au moment de renonciation. Pour être classé comme emploi encyclopédique, le réfèrent du SN introduit par l'article défini doit être représenté dans les structures cognitives de l'interlocuteur (domaine général).

Les deux exemples suivants illustrent l'emploi possessif de l'article défini:

Le garçon s'est cassé la jambe
Le garçon ferme les yeux

Ici l'article défini marque une relation d'appartenance entre le réfèrent du
SN qu'il introduit et l'agent de la proposition, guidant par là l'interlocuteur
dans son interprétation référentielle du SN en question.

Remarque:

A première vue les emplois possessif et anaphorique dit «associatif» (cf. note 14) se ressemblent. C'est ainsi que dans les deux cas il existe un certain type de relation sémantique entre deux éléments non-coréférentiels. Dans son processus interprétatif le récepteur établit un lien entre ces deux éléments. Ainsi l'emploi anaphorique associatif fonctionne grâce à la relation sémantique entre maison et porte (cf. l'exemple dans note 14) et l'emploi possessif fonctionne grâce à la relation sémantique entre garçon et jambe (ou yeux) (cf. supra). On pourrait donc être tenté de considérer les deux emplois comme étant du même type.

Or, une différence qui me paraît importante dans une perspective interprétative m'amène à y voir deux types d'emplois différents. Dans le cas de l'emploi anaphorique associatif, l'établissement du lien interprétatif peut se faire entre deux éléments se trouvant dans deux propositions différentes (cf. l'exemple dans note 14). Dans le cas de l'emploi possessif, par contre, le lien interprétatif ne peut se faire qu'entre deux éléments se trouvant dans la même proposition. Voir les exemples suivants:

Side 183

La figure 9 récapitule les pages précédentes et permet de comparer le potentiel
instructionnel des trois morphèmes étudiés.


DIVL3959

Fig 9. Potentiel instructionnel du pronom, du démonstratif et de l'article défini

Une comparaison entre les trois morphèmes révèle des différences considérables
quant à leur potentiel instructionnel.

Au niveau général d'analyse où se situe le présent travail, le pronom et le démonstratif possèdent le même potentiel. Leur présence dans un texte instruit l'interlocuteur que dans son processus de localisation du prédicat de l'énoncé, il doit se reporter ou bien au co-texte gauche (anaphore), au cotexte droit (cataphore), ou bien à l'environnement situationnel.18

Le potentiel instructionnel de l'article défini, par contre, est plus riche que ceux du pronom et du démonstratif, ou si l'on préfère : l'article défini donne lieu à davantage d'hypothèses interprétatives que ne le font les deux autres morphèmes étudiés. En plus de reporter l'interlocuteur au co-texte gauche, au co-texte droit, et à la situation - fonctions qu'il a en commun avec le pronom et le démonstratif -, l'article défini peut renvoyer l'interlocuteur à une quatrième instance pour la localisation predicative : un savoir supposé partagé entre locuteur et interlocuteur.

Sur la base de cette modeste étude sémasiologique des fonctions des trois morphèmes traités, je me permets de conclure que le pronom et le démonstratifsont plus univoques du point de vue instructionnel que l'article défini. Je suis arrivé à cette conclusion en comparant le nombre de fonctions textuellespossibles que peuvent remplir les trois morphèmes. Sur la base de son savoir linguistique (qui comprend la connaissance des fonctions textuelles

Emploi possessif réussi:Le garçon s'est cassé la jambe
Emploi possessif non réussi: *Pierre avait rencontré un garçon. La jambe
était cassée.

Side 184

des morphèmes de la langue), l'interlocuteur se forme des hypothèses interprétativesqui dépendent des éléments textuels rencontrés dans le cours de sa lecture du texte. Vu son potentiel instructionnel plus grand, l'article défini donne lieu à un nombre plus élevé d'hypothèses interprétatives que le pronomet le démonstratif.

Remarque:

Cette relative ambiguïté instructionnelle de l'article défini ne semble pas être entièrement comprise (ou acceptée) par Weinrich (1985) et Kieras (1985) qui manifestent une conception trop simpliste du potentiel instructionnel de l'article défini. Ainsi, il semble peu approprié de rebaptiser l'article défini 'article anaphorique' (Anaphorischer Artikel), comme le propose Weinrich (p. 267 ff.), car, comme nous venons de le voir, l'emploi anaphorique n'est qu'un type d'emploi de l'article parmi d'autres. De même, l'affirmation suivante de Kieras semble hâtive et en contradiction avec les faits présentés aux pages précédentes: «Simple prose follow straightforward rules for the use of the determiners a and the to mark new and given referents. « (p. 91). En effet, nous venons de voir qu'en français l'emploi cataphorique de l'article défini est un moyen très efficace et très courant d'introduire un nouveau réfèrent dans le discours. Ceci n'est pas une spécialité du français et vaut également pour l'anglais.

II.3. Simulations interprétatives.

Munis du cadre théorique proposé dans la première partie ainsi que des résultats de l'analyse du potientiel instructionnel des morphèmes choisis (11. 2.), tournons-nous de nouveau vers les trois énoncés qui ont donné lieu à ce travail (énoncés (1), (2) et (3), présentés dans l'introduction).

Dans ce qui suivra je décrirai le processus d'identification de l'instruction anaphorique de la deuxième proposition des trois énoncés en explicitant les hypothèses interprétatives auxquelles donnent lieu les morphèmes étudiés.19 Cependant, - vu que dans ce travail les énoncés sont considérés hors contexte situationnel -, je ne traiterai pas les hypothèses déclenchées par l'instruction déïctique.

II.3.1. Interprétation du pronom.

D'abord l'énoncé (1):

(1) Jean voit passer des camions. Ils roulent vite.

Au moment où l'interlocuteur s'attaque à l'interprétation de la deuxième
proposition de l'énoncé (1), l'état de son modèle discursif est le suivant:

Side 185

DIVL4002

Fig. 10. Interprétation partielle de (1)

La segmentation de la deuxième phrase terminée, l'interlocuteur en amorce le processus de localisation predicative, et se voit confronté au problème de savoir à quelle entité attribuer le prédicat roulent vite. Comme nous venons de le voir (cf. 11. 2), le pronom comporte potentiellement trois instructions, qui, d'ailleurs, concernent toutes la localisation predicative. Il s'agit des instructions anaphorique, cataphorique, et déïctique. Seules les deux premières sont traitées ici.

Instruction anaphorique =>

Hypothèse interprétative: Dans le co-texte gauche il se trouve un élément qui,
par sa concordance sémantique avec ils, permet d'attribuer un réfèrent à ils
et par là d'ancrer son prédicat dans le modèle discursif.

Résultat de l'évaluation de l'hypothèse anaphorique: Positif. Antécédent
possible: camions (E2).

Instruction cataphorique =>

Hypothèse interprétative: Dans le co-texte droit, il se trouve un élément qui
par sa concordance sémantique avec ils permet d'attribuer un réfèrent à ils et
par là d'ancrer son prédicat dans le modèle discursif.

Résultat de l'évaluation de l'hypothèse cataphorique: Négatif. Aucun subséquent

Vu le résultat des évaluations des hypothèses, seule l'interprétation anaphorique
de ils est retenue.

Remarque:

Deux questions se posent à ce propos. D'abord celle de savoir s'il existe une
hiérarchie entre les instructions. Ensuite celle de savoir d'après quels critères
le sujet interprétant évalue les hypothèses.

En commençant par la deuxième question (critères d'évaluation) il y a lieu de croire que le critère qui sert à évaluer les hypothèses est le degré de cohérence interprétative (notion qui reste à être définie) que le sujet interprétant peut établir entre une hypothèse d'un côté et la suite du texte et les facteurs situationnels et cognitifs de l'autre. Plus le degré de cohérence d'une hypothèse avec les facteurs mentionnés est grand plus l'évaluation de l'hypothèse en question semble être positive. Comme nous allons le voir par la suite, le savoir du sujet interprétant (domaine generali peut également jouer un rôle

Side 186

décisif dans l'évaluation des hypothèses. Finalement on ne peut pas non plus
exclure que des critères syntaxiques servent d'indices d'évaluation.
En ce qui concerne l'existence éventuelle d'une hiérarchie entre les instructions
on peut constater une ligne de partage entre les instructions intra-textuelles
(anaphorique et cataphorique) d'un côté et l'instruction extra-textuelle
(déïctique) de l'autre. Considérez l'échange suivant entre A et B qui
flânent dans une grande salle où sont exposées des voitures de la marque
Renault:

A: J'adore les voitures Mercedes.

B: Elles sont très belles.

A ne peut interpréter le pronom elles (dans Elles sont très belles) que comme renvoyant au SN les voitures Mercedes. l'interprétation qui consisterait à faire renvoyer elles aux voitures Renault se trouvant dans l'entour situationnel immédiat est peu probable à moins que l'énoncé de B soit accompagné d'un geste désignant les voitures exposées. Il semble donc que l'instruction co-textuelle l'emporte sur l'instruction déïctique. La primauté du co-texte sur l'entour situationnel semble être un fait interprétatif général car on peut également la constater dans l'opération interprétative qui consiste à lever les ambiguïtés lexicales (Laursen 1992, p. 58-60).

II.3.2. Interprétation du démonstratif.

Passons à l'interprétation de l'énoncé (2):

(2) Jean s'est arrêté devant des voitures de la marque Lotus. Ces merveilles
possédaient un immense pouvoir de fascination sur lui.

Etat du modèle discursif du sujet interprétant lors du commencement de
l'interprétation de la deuxième proposition:


DIVL4055

Fig. 11. Interprétation partielle de (2)

Après avoir entrepris une segmentation de la deuxième phrase de l'énoncé, l'interlocuteur a à ancrer le prédicat possédaient un immense pouvoir de fascination. Le potentiel instructionnel du démonstratif étant identique à celui du pronom personnel (cf. 11. 2), le sujet interprétant doit évaluer trois hypothèses interprétatives. Ici, deux sont explicitées:

Side 187

Instruction anaphorique =>

Hypothèse interprétative: Dans le co-texte gauche il se trouve un segment qui, par sa concordance sémantique avec l'expression nominale à laquelle ces est joint, permet d'attribuer un réfèrent à l'expression nominale, et par là d'ancrer son prédicat.

Résultat de l'évaluation de l'hypothèse anaphorique: Positif. Antécédent
possible: voitures de sport de la marque Lotus (E2).

Instruction cataphorique =>

Hypothèse interprétative: Dans le co-texte droit, il se trouve un segment qui, par sa concordance sémantique avec l'expression nominale à laquelle ces est joint, permet d'attribuer un réfèrent à l'expression nominale, et par là d'ancrer son prédicat.

Résultat de l'évaluation de l'hypothèse cataphorique: Négatif. Aucun subséquent

Vu le résultat des évaluations, seule l'interprétation anaphorique de ces
reste possible.

Il semble donc que le modèle proposé dans la première partie de ce travail soit en mesure de rendre compte du fait que seule une interprétation anaphorique est possible des énoncés (1) et (2), tels qu'ils apparaissent ici (en dehors de contexte textuel et situationnel). Reste à savoir si le modèle est également en mesure d'expliquer le fait que l'énoncé (3) peut faire l'objet soit d'une interprétation anaphorique soit d'une interprétation non-anaphorique.

II.3.3. Interprétation de l'article défini.

Passons à une simulation de l'interprétation de l'énoncé (3):

(3) Pierre cherchait Concha partout. La chienne de Jules dormait tranquillement
à l'ombre.

Après l'interprétation de la première proposition et de la segmentation de la
deuxième phrase de l'énoncé, l'état du modèle discursif du sujet interprétant
est le suivant:


DIVL4095

Fig. 12. Interprétation partipllp dp (1\

Side 188

C'est sur cette base mentale que l'interlocuteur se lance dans la segmentation de la deuxième phrase. Dans la phase suivante de l'interprétation de la deuxième proposition - ancrage du prédicat - l'interlocuteur est amené à décider de la localisation du prédicat donnait tranquillement à l'ombre. Le problème : à quelle entité discursive assigner dormait tranquillement à l'ombre?

Le segment identifié comme 'entité' dans le processus de segmentation, chienne de Jules, est introduit par l'article défini (la), morphème qui comporte cinq instructions interprétatives (cf. 11. 2.). Quatre d'entre elles sont considérées ici.20

Instruction anaphorique =>

Hypothèse interprétative: Dans le co-texte gauche il se trouve un élément qui
concorde avec l'expression nominale à laquelle la est joint, et qui permet
d'ancrer son prédicat.

Résultat de l'évaluation de l'hypothèse anaphorique: Deux possibilités: 1)
Positif. Antécédent possible: Concha (E2), ou 2) Négatif. Aucun antécédent
possible.

Les deux résultats ne sont possibles qu'en théorie. En pratique il y aura toujours un seul résultat. Dans un parcours interprétatif réel, le résultat de l'évaluation dépendra du savoir de l'interlocuteur. Un résultat positif de l'évaluation de l'hypothèse déclenchée par l'instruction anaphorique n'est possible que si l'interlocuteur sait que les deux descriptions linguistiques Concha et la chienne de Jules réfèrent normalement au même objet.21 En d'autres termes : chienne de Jules est considéré comme une seule unité sémantique. Si, par contre, l'interlocuteur ne possède pas le savoir que Concha et la chienne de Jules réfèrent normalement au même objet, l'article défini fera l'objet d'une interprétation cataphorique ou encyclopédique (voir plus loin), et l'évaluation de l'hypothèse anaphorique aboutira à un résultat négatif.

Instruction cataphorique =>

Hypothèse interprétative: Dans le co-texte droit, il se trouve un élément qui
permet de singulariser l'expression à laquelle la est joint, et qui permet
d'ancrer son prédicat.

Résultat de l'évaluation de l'hypothèse cataphorique: Positif. Elément singularisant
possible: de Jules.

Dans ce scénario interprétatif chienne de Jules est consideré comme deux unités sémantiques entre lesquelles il existe une relation, si bien que Jules sert d'attribut singularisant à chienne (= tête du SN) (cf. note 20). Autrementdit : l'instruction cataphorique de l'article défini déclenche une hypothèse,selon laquelle suivra une description d'une entité jusque-là inconnue

Side 189

dans le modèle discursif. En conséquence, une nouvelle entité discursive doit
être établie.

Instruction encyclopédique =>

Hypothèse interprétative: Dans le savoir du sujet interprétant (domaine général,
cf. p. 166) il se trouve un concept ou un ensemble de concepts permettant
de singulariser l'expression nominale à laquelle la est joint.

Résultat de l'évaluation de l'hypothèse encyclopédique: Deux possibilités: 1)
Positif. Un concept singularisant existe, ou 2) Négatif. Un concept singularisant
n'existe pas.

Si l'hypothèse déclenchée par l'instruction encyclopédique reçoit une évaluation positive, c'est que l'interlocuteur sait (domaine général) que Jules a une chienne, mais ignore qu'elle s'appelle Concha.22 Le fait d'ignorer le nom de la chienne amène l'interlocuteur à établir une nouvelle entité dans son modèle discursif. Puisque l'interprétation de la chienne de Jules ne dépend pas de Concha, il ne s'agit donc pas d'une interprétation anaphorique.23 Si, par contre, l'évaluation de l'hypothèse est négative, c'est que l'interlocuteur ne connaît pas Jules ou ignore qu'il a une chienne. La conséquence d'une évaluation négative de l'hypothèse encyclopédique et d'une évaluation positive de l'hypothèse cataphorique est la même : établissement d'une nouvelle entité discursive dans le modèle discursif du sujet interprétant.

Instruction possessive =>

Hypothèse interprétative: L'entité visée par l'expression nominale à laquelle la
est joint «appartient» à un des actants de la proposition.

Résultat de l'évaluation de l'hypothèse possessive: Négatif. Aucun des actants
de la proposition ne peut «posséder» le réfèrent de l'expression nominale
à laquelle est joint la.

Conclusion

Pour finir, retournons au point de départ de ce travail : l'intuition que les énoncés (1) et (2) sont plus univoquement anaphoriques que l'énoncé (3). Sur la base des éléments théoriques présentés et des analyses effectuées, nous sommes en mesure de proposer deux explications à l'intuition présentée dans l'introduction.

La première explication est intimement liée à l'hypothèse, proposée à la page 13 et défendue par la suite, selon laquelle les morphèmes n'ont pas le même degré d'univocité instructionnelle. En d'autres termes : certains morphèmesdéclencheraient un plus grand nombre d'hypothèses interprétatives que d'autres. Une conséquence naturelle de cette hypothèse consisterait à attribuer l'univocité relative de (1) et (2) et l'ambiguïté relative de (3) à une

Side 190

différence d'univocité instructionnelle des morphèmes dans ces énoncés qui comportent l'instruction anaphorique. En effet, cela semble être le cas. L'analyseeffectuée montre que l'univocité instructionnelle des trois morphèmes qui, dans les trois énoncés, instruisent l'interlocuteur de revenir en arrière (pronom, démonstratif et article défini) n'est pas la même. Tandis que le pronom et le démonstratif ne comportent que trois instructions chacun, l'articledéfini en comporte cinq.

Si cette première explication se fonde donc sur la notion d'univocité instructionnelle,
concept qui a été défini dans des termes purement quantitatifs,
la deuxième explication possible est d'ordre qualitatif.

Pour les énoncés (1) et (2) il n'y a toujours pas d'équivoque : seule une hypothèse parmi les deux hypothèses déclenchées par le pronom et par le démonstratif reçoit une évaluation positive.24 Il s'agit de l'hypothèse déclenchée par l'instruction anaphorique. Or, il en va autrement pour l'énoncé (3). Parmi les hypothèses interprétatives déclenchées par l'article défini, la possibilité théorique existe que trois d'entre elles reçoivent une évaluation positive. Il s'agit des hypothèses déclenchées par les instructions anaphorique, cataphorique, et encyclopédique de l'article défini. Puisque (3) est présenté ici en dehors de situation communicative, et notamment puisque nous ignorons le savoir du sujet interprétant réel, son interprétation paraît très ouverte. Il apparaît donc que l'interprétation de (3) dépend davantage du sujet interprétant que l'interprétation de (1) ou (2). La raison en est que l'évaluation des hypothèses déclenchées par l'article défini dépend largement du savoir du sujet interprétant. L'évaluation des hypothèses déclenchées par le pronom et le démonstratif, par contre, ne semble dépendre que de l'entour textuel (instructions anaphorique et cataphorique) et situationnel (instruction

En optant pour cette deuxième explication on est amené à voir l'ambiguïté relative de (3) comme une conséquence de la décontcxtualisation de l'énonce, si bien que pour un sujet interprétant réel doté d'un certain savoir, l'énoncé n'aurait rien d'équivoque. Or, vu le rôle décisif joué par le savoir du sujet interprétant, et à l'opposé de (1) et (2), une interprétation anaphorique de (3) n'est pas garantie.

Au stade actuel de mes recherches, il ne m'est pas possible de trancher
entre les deux explications. Seules des analyses portant sur d'autres morphèmes
pourront indiquer laquelle des deux explications est la plus féconde.

Bo Laursen

Ecole des Hautes Etudes Commerciales d'Ârhus

Side 191


Notes

1. Je ne nommerai pas cette modification le «sens» du texte. Je considère le «sens» d'un texte comme un ensemble d'instructions (qui se manifeste à différents niveaux textuels: lexical, syntaxique, thématique, propositionnel, etc. Voir la section I. 3.). Le «sens» agit sur l'état cognitif de l'interlocuteur et résulte dans une modification de l'état cognitif initial de l'interlocuteur. J'insiste donc sur la différence entre «sens» (qui est lié au texte) et état cognitif modifié (qui est lié au sujet interprétant).

2. Des concepts comme frames, script, scénario, etc. servent à décrire le domaine général de nos structures cognitives.

3. Les notions 'entité' et 'prédicat' se situent à un niveau cognitif et peuvent être considérées comme les pendants cognitifs aux notions 'thème' et 'propos', notions destinées à décrire des phénomènes textuels. Il est évident que, vu le lien intime qui existe entre le fonctionnement cognitif de l'homme et le fonctionnement des langues, il y a un rapport de correspondance entre les catégories cognitives de 'entité' et de 'prédicat' d'un côté, et les structures textuelles de l'autre. Pour le moment, cependant, je ne me prononce pas sur les différentes formes que peuvent revêtir ces deux catégories sur le plan textuel.

4. Le concept 'comportement' utilisé par Pottier correspond grosso modo à mon emploi du concept 'prédicat'.

5. Eénoncé (4) pourrait très bien être une réponse à la question suivante: «Qui arrive toujours en retard?», contexte qui lui enlèverait toute bizarrerie.

6. Ces degrès différents de surprise s'expliquent par le fait que bon nombre d'unités lexicales sont sémantiquement colorées par leur emploi dans certains types d'environnements pragmatiques. En d'autres termes, beaucoup d'unités lexicales font preuve de liens privilégiés à certains domaines d'expérience (terme emprunté à Pottier 1987). Dans une autre perspective théorique, mais visant les mêmes phénomènes, Fillmore parle de l'appartenance des unités lexicales à des cadres cognitifs (frames). Ce sont justement ces liens des unités lexicales aux domaines d'expérience/cadres cognitifs qui, à un degré variable, dotent les textes de cohésion lexicale.

7. Selon une hypothèse très répandue en psychologie cognitive, nous interprétons tout phénomène par rapport à des modèles cognitifs stéréotypés. Le concept de 'scénario', qui désigne une structure cognitive décrivant une suite stéréotypée d'événements, est proposé en vue d'expliquer nos attentes.

8. Vu que le travail cognitif d'interprétation du sujet interprétant (évaluation d'hypothèses) dépend du degré d'univocité des segments textuels précédents, il semblerait que plus un segment textuel soit ambigu, plus son interprétation et l'interprétation des segments qui ¡ui succèdent, demandent d'effort cognitif.

9. Souvent l'expression nominale se compose et d'un nom et d'une épithète. Dans ces cas l'épithète peut avoir (aux moins) deux fonctions. Souvent elle sert a limiter les antécédents possibles et a donc pour fonction d'aider l'interlocuteur dans sa recherche du «bon» antécédent. Le sémantisme de l'épithète s'ajoute au sémantisme du nom, assurant par là la formation d'une seule entité sémantique (l'anaphorique) guidant la recherche de l'antécédent. Dans d'autres cas, cependant, l'épithète sert à véhiculer l'attitude du locuteur vis-à-vis du réfèrent du segment nominal en question (bête, laid, etc.).

Side 192


9. Souvent l'expression nominale se compose et d'un nom et d'une épithète. Dans ces cas l'épithète peut avoir (aux moins) deux fonctions. Souvent elle sert a limiter les antécédents possibles et a donc pour fonction d'aider l'interlocuteur dans sa recherche du «bon» antécédent. Le sémantisme de l'épithète s'ajoute au sémantisme du nom, assurant par là la formation d'une seule entité sémantique (l'anaphorique) guidant la recherche de l'antécédent. Dans d'autres cas, cependant, l'épithète sert à véhiculer l'attitude du locuteur vis-à-vis du réfèrent du segment nominal en question (bête, laid, etc.).

10. Des emplois du pronom il, tels que ¿7 est agréable de se reposer, il s'agit de, il paraît que, etc. sont également cataphoriques, puisque l'interprétation de il dépend du co-texte droit. Cependant, étant donné que la référence de il dans ces emplois est d'une autre nature que dans les trois exemples cités plus haut, ces emplois constituent une sous-classe des emplois cataphoriques.

11. On classe les anaphores démonstratives de différentes façons. Notons au passage deux grandes catégories d'anaphores démonstratives : les anaphores lexicales (fidèles et infidèles) et les conceptualisations, distinction qui se fonde sur la nature de l'antécédent de l'anaphorique.

12. Montherlant, Célibataires, p. 147. Exemple emprunté à M. Grevisse: Le bon usage. Duculot, Paris-Gembloux, 1988. p. 969.

13. remploi cataphorique du démonstratif est rare.

14. Les deux grandes catégories qui servent à classer les anaphores démonstratives (anaphores lexicales et conceptualisations. Voir note 11) son également valables pour la classification des anaphores définies. Notons cependant un phénomène anaphorique spécifique aux anaphores définies : l'anaphore associative. Il s'agit d'un type d'anaphore lexicale qui se distingue des autres anaphores lexicales par l'absence de co-référence entre anaphorique et antécédent. Ex. Il s'approcha d'une maison. La porte était ouverte.

15. Exemple emprunté à Hawkins (1978, p. 131) et traduit en français.

16. La fonction cataphorique de l'article défini peut revêtir différentes formes. Considérez les SN suivants (empruntés à Hawkins 1978 et traduits en français): La femme avec qui il est sorti hier soir Le fond de la mer Le fait qu 'ily a tant de vie sur la terre Les trois SN sont du même type parce qu'ayant la même composition générale : déterminant (article défini), tête nominale (femme, fond, fait), et attribut qui sert à singulariser référentiellement le SN (avec qui il est sorti hier soir, de la mer, qu 'il y a tant de vie sur la terre). La différence réside dans la forme de l'attribut. La fonction de l'attribut est la même dans les trois SN : singularisation du réfèrent du SN.

17. De la même façon deux Danois quineine se connaissent pas peuvent parler de la reine, de /'armée, etc. ainsi que deux habitants de la terre peuvent parler du soleil, de la ¡une, etc. (Cf. Hawkins 1978, p. 115).

18. Il va sans dire qu'une analyse comparative plus détaillée du pronom et du démonstratif dévoilerait des différences quant au fonctionnement des deux morphèmes.

19. Il va sans dire que la simulation d'une phase d'interprétation des énoncés ( 1) à (3) ne saurait être que très simplificatrice, car elle est soumise à au moins deux contraintes : les énoncés sont considérés en faisant abstraction de tout environnement discursif large et de tout environnement situationnel. La complexité du processus interprétatif augmente considérablement en dehors de cette situation expérimentale.

Side 193


20. On remarquera que la simulation de l'interprétation de l'énoncé (3) est plus complexe que celles des interprétations des énoncés (1) et (2). Cette complexité est liée à la présence dans (3) de Y article défini, morphème qui déclenche des opérations interprétatives relativement complexes. On peut donner au moins deux raisons de la complexité interprétative de l'article défini : 1) contrairement à ce qui est le cas pour les deux autres morphèmes étudiés (pronom et démonstratif), les processus interprétatifs déclenchés par l'article défini font souvent appel au savoir de l'interlocuteur (domaine général), et 2) comme nous l'avons vu, le potentiel instructionnel de l'article défini est plus important que celui des deux autres morphèmes étudiés.

21. On remarquera que la notion de concordance utilisée dans la description de l'hypothèse anaphorique est une notion sémantique. Or, tandis que la concordance du pronom anaphorique avec son antécédent est restreinte et se limite au genre et au nombre, la concordance de la tête d'une description définie anaphorique avec son antécédent est nettement plus riche, parce qu'elle s'établit au niveau du contenu lexical. Le caractère de la concordance d'une description démonstrative anaphorique avec son antécédent a été moins étudié, mais semble se situer quelque part entre la concordance restreinte du pronom et la concordance riche de l'article défini.

22. Si l'interlocuteur avait su et que Jules a une chienne et que celle-ci s'appelle Concha, on aurait eu affaire à une interprétation non pas encyclopédique, mais anaphorique de l'article défini, car dans ce cas l'interlocuteur aurait établi un lien interprétatif entre Concha et la chienne de Jules.

23. Cependant, on ne peut exclure que l'énoncé (3) soit interprété comme une périphrase en anaphore. Il s'agit là d'un «procédé journalistique d'incitation à la lecture, mais bien souvent aussi, c'est une manière rapide de rafraîchir la mémoire du lecteur et de glisser «par la bande» des éléments d'information encyclopédique» (Reichler-Béguelin/Denervaud/Jespersen 1988, 74). En supposant que la chienne de Jules est une périphrase de Jules, l'interlocuteur peut en effet être amené à établir un lien interprétatif entre les deux segments, sans savoir qu'il s'agit de la même entité.

24. Les deux morphèmes déclenchent trois hypothèses, mais une d'entre elles (l'hypothèse déïctique) n'a pas été considérée.

Side 194

Résumé

Le thème de cet article est le processus d'interprétation textuelle. Le parcours interprétatif est vu comme un processus cognitif guidé par les éléments textuels, en ce sens que ceux-ci servent d'instructions (ou de contraintes) à la conceptualisation de l'interlocuteur, favorisant par là certaines opérations interprétatives, tout en en excluant d'autres. Un modèle est proposé qui comprend tant les structures que les processus cognitifs censés jouer un rôle dans ¡'interprétation textuelle, et une définition de la notion d'instruction interprétative est proposée. Ce modèle général sert de cadre théorique à une description détaillée de l'interprétation de certains segments dits anaphoriques. Plus précisément, une explication est proposée au fait que parmi les segments pouvant faire l'objet d'une interprétation anaphorique, certains sont ressentis comme étant plus nettement anaphoriques que d'autres.

Références

Combettes, B. (1986): Introduction et reprise des éléments d'un texte. Pratiques, 49,
p. 69-84.

Corblin, F. (1983): Défini et démonstratif dans la reprise immédiate. Le français
moderne, 2, p. 118-134.

Corblin, F. (1987): Indéfini, défini et démonstratif. Droz, Genève.

Corblin, F. (1990): Typologie des reprises linguistiques : l'anaphore nominale, in: M.
Charolles, S. Fischer et J. Jayez: Le discours. Représentations et interprétations.
Presses Universitaires de Nancy, Nancy, p. 227-242.

Hawkins, J. A. (1978): Definiteness and Indefiniteness. Croom Helm, London.

Kieras, D. E. (1985): Thematic Processes in the Compréhension of Technical Prose,
in: B. K. Britton et J. B. Black: Under standing Expository Text. LEA.

Kleiber, G. ( 1986a): Pour une explication du paradoxe de la reprise immédiate. Langue
française, 72, p. 54-79.

Kleiber, G. (1986b): Adjectif démonstratif et article défini en anaphore fidèle, in: J.
David et G. Kleiber (éd.): Déterminants : syntaxe et sémantique. Klincksieck, Paris,
p. 169-185.

Kleiber, G. (1988): Reprise immédiate et théorie des contrastes. Studia Romanica
Posnaniensia, 13, p. 67-83.

Kleiber, G. (1990): Sur l'anaphore démonstrative, in: M. Charolles, S. Fischer et J.
Jayez: Le discours. Représentations et interprétations. Presses Universitaires de
Nancy, Nancy, p. 243-263.

Laursen, B. (1992): Désambiguïsation lexicale : Le rôle du co-texte transphrastique.
Etude du lexème bouton. Cahiers de lexicologie, 60, p. 85-113.

Marandin, J. M. (1986): CE est un autre. L'interprétation anaphorique du syntagme
démonstratif. Langages, 81, p. 75-89.

Marslen-Wilson, W, E. Levy et L.K. Tyler (1982): Producing Interpretable Discourse:
The Establishment and Maintenance of Référence, in: R.J. Jarvella et W. Klein
(éd): Speech, Place, and Action. John Wiley and Sons, p. 339-378.

Nolke, H. (1990): Pertinence et modalisateurs d'énonciation. CLF, 11, p. 105-127.

Reichler-Béguelin, M.-J., M. Denervaud et J. Jespersen (1988): Ecrire en français.
Cohésion textuelle et apprentissage de l'expression écrite. Delachaux et Niestlé, Neuchâtel-Paris..

Sperber, D. et DC. Wilson (1986): Relevance. Communication and cognition. Blackwell,

Weinrich, H. (1985): Textgrammatik derfranzôsischen Sprache. Klett, Stuttgart.