Revue Romane, Bind 28 (1993) 2

Peter Rickard: The French Language in the Seventeenth Century. D.S.Brewer, Cambridge, 1992. X + 551 p.

John Pedersen

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il y a plus d'une façon d'aborder le vaste problème que constitue une présentation
sérieuse de l'état de la langue française au XVIIe siècle. Faut-il mettre l'accent sur les
aspects de l'évolution historique de la prose et sur la révolution que subit celie-ci par
rapport à la prose du XVIe siècle? Doit-on plutôt insister sur les nombreuses tentatives
pour légiférer dans le domaine que connaît la période depuis Malherbe, faites
par l'Académie et Vaugelas jusqu'aux conclusions qu'en tira Boileau?
serait-ce la politique d'unification et de centralisation entamée par Richelieu et poursuivie
par le jeune Louis XIV et ses ministres? Ou bien convient-il d'examiner, avant
tout, des relevés statistiques qui permettent d'évaluer le nombre de sujets français qui
étaient capables de s'exprimer dans la langue officielle de leur patrie?

Le problème est, en effet, bien complexe, et on est donc, ajuste titre, assez curieux de voir pour quelle voie a opté le professeur Peter Rickard dans The French language in the Seventeenth Century. Le sous-titre nous en fournit déjà un avertissement bien net: Contemporary Opinion in France. Mise à part une Introduction de quelque cinquantepages, M.Rickard laisse, en effet, la parole aux écrivains de l'époque, nous

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offrant ainsi un tableau, riche et varié, des opinions alors dominantes concernant ce
miroir de notre identité qu'a toujours été notre langue maternelle. Et c'est justement
cette dernière perspective qui rend passionnante la lecture de cette anthologie.

Les soixante extraits de textes sont groupés en sept catégories: Les origines du français; orthographe et prononciation; grammaire; lexicographie; usage; stylistique; 'défense et illustration' de la langue française. Ainsi organisée, la matière nous est présentée sans bouleverser les catégories régnant traditionnellement dans les exposés sur la question. En revanche, le lecteur a droit à une présentation soignée d'extraits d'auteurs qui s'imposent d'eux-mêmes, tels que Lancelot et Arnauld, Furetière, Vaugelas et Somaize. Mais le choix s'étend sur des noms peut-être moins attendus, et qui n'en sont pas moins bienvenus dans le contexte, par exemple Mesdemoiselles de Gournay et de Scudéry. Dans l'ensemble, on ne peut qu'accepter le bien-fondé des choix faits par l'éditeur, qui souvent nous mettent en contact avec des textes aujourd'hui

La lecture suivie des soixante extraits constitue une promenade agréable et fort instructive pour ce qui est des connaissances linguistiques de la période. Citons, à titre d'exemples, les réflexions du père Bouhours sur l'origine du français, les suggestions d'Antoine Lartigaut pour une «ortografe francêze», les excellents articles clef et écrire, tirés du dictionnaire de Richelet, aussi bien que deux passages rédigés par la plume très énergique de Mlle de Gournay. Dans tous ces cas, comme partout ailleurs, les morceaux d'anthologie s'accompagnent d'un apparat critique et d'un grand nombre de notes à la fois très utiles et fiables.

Pour bien tenir ensemble la mosaïque des textes cités, l'éditeur a eu soin de faire précéder la partie anthologique de son livre d'une Introduction. Ces pages comportent à la fois de succincts aperçus historiques pour chacune des catégories mentionnées ci-dessus et des orientations facilitant une lecture raisonnée des extraits. Ce n'est pas trop d'affirmer que cette introduction, pour la richesse des connaissances dont elle témoigne et leur juste dosage, mériterait d'être généralement connue. Chercheurs et étudiants avancés, chacun pourra y trouver de la matière pour enrichir ses connaissances à l'intérieur du champ si riche, et si bien cultivé par Peter Rickard.

Université de Copenhague