Revue Romane, Bind 27 (1992) 2

Toujours les imbriquées en que ... qui: Retour à la piste scandinave*

par

Claude D. Le Flem

1. L'énigme que ... qui

D'accord: sujet rebattu - «éculé» selon le dernier auteur en lice (Léard 1990)
-, mais qu'il faut pourtant remettre sur le métier, tant:

(1) Ehypothèse que Léard croit qui a été négligée.

d'une suite complétive + relative, originale à la manière d'une fuite en avant,
paraît peu vraisemblable.

Rappelons l'essentiel: la fascination que la construction (1) a exercée sur
des générations de linguistes ne tient pas tant à sa complexité, qui est aussi le
fait de sa sœur objective:

(2) Ehypothèse que Léard croit qu'on a négligée.

qu'au sentiment d'une anomalie: comme si les subordonnants avaient permuté. De là les controverses, de là aussi le statut inégal des deux tours dans la compétence des sujets: des locuteurs utilisant régulièrement le type (2) éviteront systématiquement le type (1), et certains de ceux qui ne produisent pas spontanément d'imbriquées interpréteront immédiatement le type (2), mais d'aucune façon le type (1) (Milner 1982:173). En un mot, la structure (1) est paradoxale, sans que l'on sache d'ailleurs s'il faut y voir la marque d'un niveau de langue recherché ou populaire. Peu de secours enfin à attendre de la diachronie: que . . . qui est bien installé dès les origines, en concurrence avec que ... que et qui... que, mais déjà dominant. Les principales données de l'énigme sont ainsi réunies.

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2. Les analyses: syntaxe et morphologie

Les diverses prises de position échelonnées sur plus d'un siècle touchent d'une part la nature de chacune des sous-phrases, et d'autre part la nature des conjonctifs que et qui, celle-ci n'étant pas nécessairement liée à celle-là: ce qui donne une combinatoire de 2222 x22 = 16 possibilités théoriques, auxquelles viennent s'ajouter quelques intermédiaires (sous-phrases en rapport d'inclusion ou de dépendance, conjonctifs mixtes). Il est bien entendu hors de question d'évoquer et de discuter ici dans le détail l'argumentation qui sous-tend les options - six ou sept - retenues. Je me bornerai donc à mettre en évidence le disparate d'analyses inconciliables et à en souligner les faiblesses les plus flagrantes.

2.1 La nature des sous-phrases.

2.1.1 Relative que + relative qui.

C'est très majoritairement le parti des grammairiens traditionnels, qui suivent en cela le sens commun: Darmesteter (1917), von Wartburg et Zumthor (1958), Togeby (1966), Wagner et Pinchón (1973), Grevisse (1980,1986).1 La justification n'est jamais très élaborée et plusieurs questions sont éludées: on ne s'inquiète pas de ce que les deux relatives - non juxtaposées, non accumulées - ont un antécédent commun, alors que la séquence SN Rei restrictive Rei. restrictive est interdite; on les déclare en relation de dépendance, mais sans la préciser davantage (von Wartburg et Zumthor, Wagner et Pinchón). Tout au plus perce un malaise devant les connecteurs, plus précisément quant à la fonction de que et à la forme de qui qui semblent avoir «changé de place» (Grevisse 1980: § 2615). Certains sont plus sensibles à ces objections, qu'ils contournent, soit en postulant l'intercalation d'une relative parenthétique (incise) avec un que relatif neutre sans antécédent (Tobler 1905: 148-166), en attribuant à la seconde relative une fonction attributive ou predicative, ce qui ne règle pas celle de que (Sandfeld 1965: 203-204, Eriksson 1980: 315-316).3

En psychomécanique, Moignet (1981: 185-186) voit lui aussi dans la «syntaxe assez désuète» du tour (1) le résultat d'une double relativisation par nominalisation interne (NI), opération qui transforme une phrase en nom de discours par extraction d'un composant nominal et translation du résidu par un pronom relatif.4 L'engendrement diffère selon que le verbe de la première sous-phrase est un verbe de perception ou du type croire, dire:

(3) a. je vois - Pierre vient
b. je vois Pierre qui vient (Nli)
c. Pierre que je vois qui vient (NI2)

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(4) a. je crois Pierre - Pierre vient
b. Pierre que je crois - Pierre qui vient (2 NI)
c. Pierre que je crois qui vient

Les deux dérivations sont suspectes: la relative de (3b) est formée exactement comme une determinative, et ne peut par conséquent pas plus conduire à (3c) qu'à je le vois qui vient (cf. Le Flem 1989: 31); le rapport de croire avec Pierre dans (4a, b) n'est pas le même que dans (4c), et le passage de (4b) à (4c) - par rattachement de la seconde NI à que - est aussi contestable qu'en (3).

2.1.2 Relative que + complétive qui.

Les grammairiens précédents doivent normalement dissocier la construction en que... qui de celle en que ... que, où il semble acquis qu'une complétive succède à une relative.5 Encore leur séparation, totale dans Grevisse (1986) et Tobler (1905), est-elle déjà moins franche dans Grevisse (1980) en raison de l'impression d'inversion des conjonctifs, et chez Sandfeld (1965: 203) qui estime qu'une complétive première a été changée en relative.

A l'inverse, les tenants de l'option relative + complétive fondent leur position sur le parallélisme des imbriquées subjective et objective. Outre quelques grammairiens traditionnels - Damourette et Pichón (1969), avec échange de place entre que et qui, Gougenheim (1966), Le Bidois (1971), Hârma (1979) -, elle est le choix unanime de la grammaire generative - Moreau (1971), Huot (1974), Hàrmà (1979), Milner (1982), Godard (1988)6 - qui ajoute au débat une dimension métathéorique en prétendant soumettre (1) et (2) - et, mutatis mutandis, le couple symétrique d'interrogatives indirectes:

(5) a. Oui as-tu dit qui allait appeler?
b. Qui as-tu dit que tu allais appeler?

à un traitement dérivationnel identique à partir des formes sous-jacentes
suivantes:

(6)


DIVL2765

a.


DIVL2769

b.


DIVL2773

DIVL2775

Si l'on omet provisoirement le fait - gênant - que la suite de surface issue de
(6a) est inacceptable, il en résulte un gain appréciable de généralité explicative,et
donc une simplification de la grammaire qui démontre la supériorité

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de l'analogisme sur l'anomalisme. Huot (1974: 59) fixe clairement la ligne de
conduite à suivre:

On ne peut (. . .) renoncer à trouver une généralité valable pour toutes les constructions étudiées que s'il s'avère vraiment impossible de dériver la construction particulière [ (1)] d'une forme sous-jacente unique pour toutes ces constructions.

Ce groupe compte encore la tentative marginale de Gaudet (1987), fondamentalement d'inspiration guillaumienne, tnais très influencée par Hàrmà. Elle conjecture une dérivation mettant en jeu une nominalisation externe (NE), puis une nominalisation interne acrobatique, sinon illicite, qui de surcroît ne livre pas le bon nominalisateur:

(7) a. je sais - X vient
b. je sais que X vient (NE)
c. X que je sais que vient (NI?)

L'élément nominal extrait par la NI étant sujet, la suite finale doit être X qui
... que: Gaudet aboutit à la même inversion des conjonctifs que la grammaire
generative.

La deuxième solution soulève, dans le cadre traditionnel, deux interrogations majeures touchant les conjonctifs: que ou bien est complément du verbe de la relative, qui se trouve dès lors avoir, avec la complétive, deux objets (Le Bidois); ou bien, il n'est pas objet et on ne voit pas quelle fonction lui assigner, la relative n'étant dès lors pas «tout à fait «normale»» (Hàrmà 1979: 35; Gougenheim); quant à qui introducteur de complétive, tantôt relatif (Gougenheim), tantôt indéterminé (Le Bidois) ou intermédiaire entre relatif et conjonction (Damourette et Pichón, Hàrmà), aucune explication n'est fournie. Dans le cadre génératif, cet aspect est moins préoccupant dans la mesure où la réalité syntaxique se situe au niveau profond où - par pétition de principe - le qui de surface est un complémentiseur et l'élément qu déplacé cycliquement dans le COMP supérieur occupe la position sujet. Par contre, la conciliation de la structure de surface générée par le composant syntaxique {qui . . . que) et de la phrase observable {que . . . qui) exige l'intervention de procédures d'ajustement manifestement ad hoc (cf. 2. 2, infra). Outre cette complication, la généralisation est limitée, puisqu'elle ne peut englober des constructions subjectives, tant relatives qu'interrogatives, dont le verbe enchâssé supérieur refuse la complétive (Moreau 1971: note 16; Huot 1974: 62):

(8) a. Lise que j'ai rencontrée qui sortait du musée, a'. *J'ai rencontré que Lise sortait du musée. b. François que j'écoutais qui pianotait au salon, b'. Técoutais que François pianotait au salon.

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(9) a. Qui connais-tu qui a participé au concours?
a'*. Tu connais que qui a participé au concours?
b. Qui as-tu aperçu qui se défilait en douce?
b'.*Tu as aperçu que qui se défilait en douce?

La question est alors de savoir s'il faut s'entêter à maintenir le parallélisme structural, problématique et de toute façon partiel, des imbriquées subjectives et des objectives, ou plutôt viser une autre généralisation en recherchant un mode de dérivation uniforme pour toutes les imbriquées subjectives, ou pour les relatives seulement (cf. Léard 1990: note l).7

2.1.3 Complétive que + relative qui

Léard (1990) prend résolument le contre-pied de l'analyse précédente. Récusant l'analogie des relatives - et des interrogatives - imbriquées subjectives avec les objectives, il identifie la source du problème dans la résistance absolue qu'oppose à la relativisation le sujet d'une complétive de verbes modaux ou performatifs (croire, dire), le verbe perdant son sujet (pp. 44, 49-51).8 Pour sortir de l'impasse, il propose trois réanalyses (p. 53):

- des fonctions -le sujet, remplacé par un pronom personnel, devient
complément de propos de dire/croire et se relativise en dont :

(10) Ehypothèse dont Léard croit qu'elle a été négligée.

- du statut catégoriel -la complétive passe àla forme infinitive:

(11) Ehypothèse que Léard dit avoir été négligée.

- dans le cas qui nous occupe, des éléments qu par «une inversion de
la catégorie {rel + conj -* conj + rel)», la complétive en que constituant
une incise sans rapport syntaxique avec la relative.

Cette solution qui se dit «réaliste et vérifiable» et attentive aux «évidences morphologiques» (pp. 43, 47, 62) efface bien en apparence quelques problèmes syntaxiques: un que conjonction rend caduque la question de la fonction d'un que relatif, et qui retrouve un antécédent propre. Sur le fond, cependant, elle est soutenue par une argumentation fragile (pp. 62-65): aucune fonction n'est disponible pour que dans (1), alors que l'intuition immédiate y sent un relatif objet (Milner 1982: 170); la possibilité de suppression, de déplacement ou de remplacement de la complétive:

(12) Cet homme qui est venu, que tu dis/selon toi.

qui attesterait l'indépendance de la relative vis-à-vis de direi croire est elle aussi contraire à l'intuition, néglige une différence de sens importante (suppression)ou la récupère contextuellement (déplacement), et elle est réfutée décisivement par la rection modale: lui que je veux qui vienne -* *lui qui

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vienne, que tu veux. Le raisonnement frise même parfois l'inconséquence: une relative évidente par la forme (qui, lequel, dont, etc.) ou par la fonction (que dans (2)) du relatif avant dire/croire interdisant une relative après dire/croire, si qui apparaît dans (1), alors que est nécessairement conjonction. Mais puisque l'analogie entre (1) et (2) est contestée et que la nécessité d'une réanalyse est admise, tout est possible, y compris une suite de deux relatives, qui n'est d'ailleurs choquante que si, comme Léard, on envisage des relatives déterminatives. De même, c'est uniquement parce que l'éventualité d'une relative finale predicative n'a pas été prise en compte que fait figure d'obstaclela non-disponibilité d'un antécédent pour qui si que est lui-même relatif et mobilise le SN initial.9 La démonstration n'est pas non plus exempte de circularité: qui, formellement relatif sujet, sert à fixer le statut de que, qui à son tour conforte celui de qui, notamment en libérant l'antécédent à son profit.

Enfin, des objections concernent plus particulièrement l'incise. L'absence de pause et de mélodie ne la rend pas évidente, mais sa place surtout est étonnante, puisqu'on l'attendrait plutôt - dans la langue actuelle au moins - après le conjonctif de l'enchâssée inférieure (Tobler 1905: 162), comme en (13b):

(13) a. Khypothèse à laquelle, (à ce) que tu dis, tu souscris,
b. *Ehypothèse qui que Léard croit a été négligée.

Inversement, d'authentiques incises sont peu naturelles, ou franchement difficiles
dans la position de (1):

(14) a. ? Ehypothèse, (à ce) que tu dis, qui lui plaît le plus.
b. ? *Ehypothèse, (à ce) que tu dis, à laquelle il travaille.
c. ? *Ehypothèse, (à ce) que tu crois, dont il s'est détourné.

Au total, l'impression d'incongruité suscitée par une complétive dans le
contexte SN Rei n'est aucunement dissipée.10

2.2 La nature des conjonctif s.

Pas de discordance entre la nature des conjonctifs et celle des sous-phrases si ces dernières sont cataloguées comme relatives: la première peut-être une incise (Tobler), la seconde une complétive originelle (Sandfeld), mais que et qui sont des pronoms relatifs à part entière. Coïncidence également chez Léard: conjonction/ complétive et relatif/relative. En revanche, dans la séquence relative + complétive, qui détonne et met en demeure de fournir une explication solide en lieu et place des escamotages psychologiques de Le Bidois (1971,1: 322):

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[L'esprit] ne s'inquiète pas de savoir si le second est tout à fait dans son rôle
propre et sous sa forme exacte.

et de Brunot (1906, II: 430):

Le langage vivant se dérobe aux exigences d'une logique trop minutieuse.

de la confusion phonétique qui/qu'ils (Gougenheim) ou de la commode mixité morphologique relatif/conjonction, floue chez Damourette et Pichón (1969, IV: 208) - le strument qui a le double rôle d'introducteur de complétive et de conséquent (représentant) -11, très élaborée chez Gaudet (1987: 91-93), mais combien spéculative. Des propositions plus ou moins sophistiquées, émanant toutes de la grammaire generative, s'attachent ainsi à régulariser non seulement ce qui intrigant, mais aussi le que relatif représentant un sujet déplacé. On peut grosso modo les classer en trois groupes:

- Moreau (1971) suggère simplement une règle mécanique Conversion de QU, morphème abstrait correspondant dans la structure de base tant à la conjonction qu'au relatif et qui se change en qui au contact du verbe, en que dans les autres cas; les formes qui/que de la conjonction ou du relatif sont donc des variantes combinatoires;

- D'autres envisagent deux règles spécifiques: Hàrmà (1979), une contrainte de sortie qui -» que lorsque le sujet déplacé est précédé d'un antécédent, et une contrainte de surface transformant que en qui pour éviter l'agrammaticalité d'une phrase sans sujet; Huot (1974), une règle de réécriture obligatoire de qu- en que dans le contexte NP NP, et une règle de réajustement de la structure de surface faisant passer la trace PRO du sujet dans COMP, ce qui permet un épel phonologique syntaxiquement motivé en qui, «relatif pronominal»; solution à peu près identique chez Milner (1982) où le [COMP t/] est épelé qui parce que la trace t/ contrôle une trace en position sujet, tandis que l'élément qu du COMP supérieur ne contrôle plus cette dernière,12 ne représente donc plus la fonction sujet et, sans fonction assignable, se réalise comme que;

- selon Kayne (1975), tout élément [+ qu] transporté dans COMP y subit un effacement systématique; les conjonctifs de (1) sont alors tous les deux des complémentiseurs, qui résultant d'une règle morphosyntaxique (cf. Moreau); qui et que conjonctions sont donc des variantes combinatoires. Godard (1988), qui dit adopter dans son ensemble l'analyse de Kayne, retient plutôt pour qui une règle inspirée de celle de Milner, où la notion de catégorie vide remplace celle de trace.

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Quelle que soit leur ingéniosité, ces mécanismes font figure de palliatifs. A travers leurs différences considérables, leur objectif commun est avant tout de sauvegarder l'hypothèse de la relativisation du sujet d'une complétive. Cette fin justifie tous les moyens: du formalisme simpliste de Moreau, jugé par Huot (1974: notes 2 et 3) contraire à l'intuition et au fonctionnement des composants phonologique et sémantique, mais auquel elle substitue de son propre aveu des règles ad hoc - comme Hârmà, Milner et Godard -, au radicalisme de Kayne, également peu conforme à l'intuition et qui doit recourir pour qui à la règle distributionnelle de Moreau. Ici non plus, l'hybridité de qui n'est pas évitée: complémenteur et «marqueur de place» (Hàrmâ 1979: 90), «amalgame» d'un complémentiseur que et de la marque de nominatif portée par une trace ou un SN vide (Milner 1982: 172; Godard 1988: 99). Ainsi entamé, le divorce entre la nature des phrases et celle des conjonctifs est consommé chez Huot où un relatif introduit la complétive, chez Kayne et Godard où un complémentiseur introduit la relative.

2.3 Bilan.

Aucune des trois voies explorées ne livre la clef des imbriquées subjectives et l'évolution de la réflexion, qui favorise des hypothèses complexes et/ou heurtant le sens commun, ne laisse pas présager un dénouement. La dernière éventualité - complétive + complétive - semblant peu prometteuse, il me paraît opportun d'opérer un repli vers l'option classique de la double relative, et d'imaginer une solution qui, d'une part, prenne acte de la sémiologie de surface - qui n'est pas conjonction - et de l'intuition qui analyse que comme relatif objet, et, d'autre part, qui découple les subjectives et les objectives. S'il est vrai qu'une imbriquée subjective peut trouver sa source discursive dans une complétive explicite ou implicite:

(15) a. Tu prétends que ce type a raison, et ce type que tu prétends qui a raison
(...)
b. Selon toi, il sait la vérité, et ce type que tu dis qui sait la vérité (...)

seule l'objective peut en dériver syntaxiquement (cf. 2. 1. 3, supra). Je souscris donc à l'idée de Léard d'une réanalyse des rapports, mais qui ne va pas dans le sens d'une complétive incise. Au départ, un réaménagement de structure a au moins le mérite d'observer une contrainte ignorée par les traitements génératifs, transformationnels ou non.

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3. La réanalyse en que ...qui

3.1 L'impasse...

Il ne suffit pas, comme le fait Léard, de justifier l'impossibilité de relativiser
le sujet d'une complétive par le fait que l'extraction laisse un verbe fléchi sans
sujet dans (16b):

(16) a. Je croyais que cet argument convaincrait mon voisin.
b. *Cet argument que je croyais que - convaincrait mon voisin.
c. *Cet argument que je croyais qu'il convaincrait mon voisin.

Son absence aurait pu en effet être suppléée par un pronom personnel, comme il le suggère pour la réanalyse en dont (10), et la raison de Pinacceptabilité de (16c) ne saute pas aux yeux.13 Syntaxiquement, le blocage pourrait tenir à un principe de non-redondance fonctionnelle proscrivant une double occurrence de la fonction objet dans la première sous-phrase, à la condition que que soit bien objet de croire, ce qui jusqu'ici a été accepté sur une base intuitive seulement.14 D'autre part, l'interdiction de (16c) n'est qu'une des manifestations d'une restriction plus générale qui affecte toute position fonctionnelle:

(17) a. *Mon voisin queje croyais que cet argument le convaincrait.
b. *Mon voisin à qui je croyais que cet argument lui répugnerait.
c. *Cette maison où je croyais qu'il s'y installerait.

l'examen de:

(18) a. Eendroit/ où/ il m'avoua -/ qu'il y/ avait caché le butin -/.
b. Kendroit/ où/ il m'avoua -/ qu'il y; avait caché le butin -;.
c. *Eendroit/ où/ il m'avoua qu'il y/ avait caché le butin -/.

montrant que le pronom anaphorique de la complétive peut référer à un élément relativisé de sa matrice - (18a), (10) - ou à un élément plus en amont dans le contexte - (18b) -, mais non représenter la position relativisée de la complétive elle-même - (18c). En fin de compte, Pinacceptabilité de (16c) tient à la contrainte générale de non-représentation pronominale d'une position relativisée quelle qu'elle soit.15

3.2 ... et la réanalyse.

L'impasse étant à présent mieux cernée, l'analyse du succédané syntaxique qui permet de la contourner doit affronter un lourd cahier des charges: il lui faut contrer les objections de la séquence de deux relatives non juxtaposées ou accumulées et de l'absence d'antécédent pour qui, tenir compte de la limitation stricte au tandem que. . . qui et du sentiment que les sous-phrases forment un tout, rcglci enfin la fonction de que. Une seule candidature me

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semble apte à relever le défi, celle d'une structure attributive, ce qui revient à
insérer la relative imbriquée (19d) dans le paradigme suivant:

(19) a. Lui que je croyais doué pour les langues.
b. Lui que je croyais posséder les qualités requises.
c. Lui que j'imagine mal portant une cravate.
d. Lui que je croyais qui avait du talent.16

Dans ces phrases, le segment en gras - adjectif, infinitif, participe présent, phrase - exerce la fonction d'attribut de l'objet, décrite dans Dolbec et Le Flem (1980: 316-319) comme une fonction d'apport adjectival à l'une des deux personnes supports incorporées dans la morphologie du verbe - la personne intra-verbaJe objet (PO) -, conjointement actualisée par un apport nominal représenté ici par le pronom que. En figure simplifiée:


DIVL2949

L'hypothèse n'est pas originale: elle a été avancée par Sandfeld, puis reprise par Eriksson (cf. 2. 1. 1, supra) qui imagine un scénario complexe et peu plausible, car fondé sur une conception sémantico-logique de la syntaxe.17 Plusieurs tenants de la thèse relative + complétive la rejettent sur la base de l'argument connu de généralité explicative. Ainsi, pour Huot (1974: 42, 59-60), l'extension aux verbes déclaratifs, par l'intermédiaire d'une forme analogique *je le sais qui vient, de la transposition de (20b) en relative dans (20c):

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(20) a. Je vois qu'il vient.
b. Je le vois qui vient.
c. Ehomme que je vois qui vient.

ferait de la subjective que . . . qui une exception parmi les imbriquées. Pratiquement, cela signifie qu'après (8), elle écarte de la généralisation les constructions contenant un verbe de perception; (20c) ne pourrait en effet selon elle dériver de (20a), les deux n'étant pas sémantiquement équivalentes ,18 alors que (20b) et (20c) le sont. Dès lors, que dans (20c) ne représentant pas le sujet de la complétive, (20c) n'est pas une imbriquée. L'attitude de Hàrmà (1979) est plus confuse: refusant de voir dans les relatives attributives «le point de départ et la clé de l'énigme des imbriquées» (p. 84), il doute d'une part que les verbes de perception donnent lieu à de véritables imbriquées, mais soutient d'autre part que la source de (20c) est double: soit (20a), par relativisation du sujet de la complétive (!), soit (20b) par relativisation de l'objet de la matrice. C'est dans ce cas seulement - la fausse imbriquée? - qu'on aurait affaire à une relative attributive. Mais comment décider, en face d'une production discursive, quel cheminement a été suivi?

La généralisation ici opérée regroupe au contraire toutes les constructions
que . . . qui en leur attribuant une structure unique, à laquelle les verbes
accèdent naturellement ou non selon leur type sémantique:

a) les verbes de perception ne requièrent pas de réanalyse: en effet, alors que plusieurs ne prennent pas de complétive (écouter, observer, regarder), tous acceptent une relative attribut de l'objet à partir de laquelle une structure en que . . . qui peut être obtenue par relativisation de l'objet. Je crois légitime de continuer à l'appeler «imbriquée», même si elle ne répond pas aux restrictions fortes de Huot et Hàrmà.19 Des verbes isolés tels rencontrer, surprendre, trouver, proches sémantiquement des verbes perceptifs, ont la même distribution:

(21) a. *J'ai surpris que sa sœur lisait Sade.
b. J'ai surpris sa sœur qui lisait Sade.
c. Sa sœur que j'ai surprise qui lisait Sade.

b) pour les verbes essentiellement déclaratifs (affirmer, dire, prétendre, etc.), intellectifs (considérer, croire, savoir, trouver, etc.), de souhait et de volonté (espérer, souhaiter, vouloir, etc.) qui peuvent figurer dans les constructions (21a, c), mais non dans (21b),20 je propose une réanalyse des traits de sous-catégorisation semblable à celle envisagée par Léard (1990: 60) pour l'infinitif complément (attributif) des mêmes verbes:

(22) a. *Je le dis/sais être allé voir ce film.
b. Celui que je dis/sais être allé voir ce film.

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et qui autorise un objet que combiné avec une relative attributive. Cette restructuration - peut-être favorisée par le glissement aisé du verbe de perception le plus représentatif, voir, à un sens intellectif, le voir de constatation - est confortée par le fait que ces verbes sous-catégorisent également des attributs de l'objet adjectivaux (on le dit fou, on le croit coupable), alors que l'absence de cette propriété correspond à une acceptabilité très douteuse de l'imbriquée (comprendre, conclure, jurer, refuser, etc.):

(23) a. ? *Je le jure innocent.
b. ? *Lui que je jure qui est innocent.

La levée dans les tours attributifs de la restriction sélectionnelle touchant
l'objet animé va dans le même sens:

(24) savoir qqch/*qqun vs savoir qqun coupable/lui que je sais qui est coupable

de même que l'altération sémantique subie par croire - «se fier à» -» «penser»
- dans (19a, b, d).

Les relatives imbriquées formées à partir des verbes du groupe a) - (20c), (21c) - et du groupe b) - (1) - ont donc une structure syntaxique identique. Elle n'est pas mise en question par les restrictions touchant les premières, relatives au temps (simultanéité), à l'emploi de la négation ou des verbes modaux:

(25) a. Lui que je *vois/sais qui est venu.
b. Lui que je *vois/sais quineine vient pas.
c. Lui que je *vois/sais qui peut venir.

et qui sont imputables au sens lexical de ces verbes qui «exigent comme
contenu des états ou des processus directement perceptibles» (Schwarze
1974: 22-24; cf. Huot 1974:61).

Pour satisfaire à l'adéquation d'observation, il faut aussi que la réanalyse
avancée puisse rendre compte d'impossibilités d'extraction du sujet, comme
celles signalées par Kayne (1975: note 19) et pour lui inexplicables:

(26) a. Il est évident que la fille t'admire.
b. *La fille qu'il est évident qui/que t'admire.

(27) a. Je tiens à ce que la fille l'épouse.
b. *La fille que je tiens à ce qui/que l'épouse.

(28) a. Je suis sûr que la fille arrivera la première.
b. ? ? La fille queje suis sûr qui arrivera la première.

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Sa non-application à (26a) et (27a) est attendue: la tournure unipersonnelle refuse tout objet direct, animé ou inanimé, avec ou sans attribut adjectival, et tenir à est transitif indirect. Toutefois, (28a), similaire à (26a) - *je le suis sûr (Ad)) -, n'est que douteuse, peut-être par analogie avec la fille queje crois. Et alors que (29a) ne diffère de (27a) que par la faculté de construire directement la complétive, (29b) n'est pas non plus absolument exclue:21

(29) a. Vous consentez (à ce) que notre différend se règle à l'amiable,
b. ? ? Notre différend que vous consentez qui se règle à l'amiable.

Ces faits-limites, parce que d'acceptabilité discutable, ne compromettent pas l'hypothèse. Ils indiquent plutôt que la pression exercée par le besoin de relativiser le sujet d'une complétive est parfois tel que les conditions d'application se relâchent singulièrement.

La réanalyse en relative attributive n'est donc pas dénuée de vraisemblance et, ici comme chez Léard, c'est le coût de production plus élevé qu'elle entraîne qui rendrait compte des réticences de la compétence active et passive. Dernier détail, il n'est pas inutile de préciser que si des complétives se succèdent en cascade:

(30) a. Vous dites qu'elle a découvert queje sais que ce type est son amant,
b. Ce type que vous dites qu'elle a découvert que je sais qui est son amant.

elle porte toujours sur le verbe le plus bas: que dans (30b) n'est pas complément
de dire, qui aurait alors deux objets, mais de savoir, comme que est
objet de trouver dans (31a), et de découvrir dans (31b):

(31) a. Ce type que vous dites qu'elle pense que je trouve séduisant,
b. Ce secret que je veux pouvoir encore espérer découvrir.

4. Conclusion

L'aventure des imbriquées subjectives donne à réfléchir. Il est en effet troublant, alors que la piste attributive a été tôt ouverte, de voir s'en détourner la presque totalité de la recherche subséquente. Les circonstances atténuantes ne manquent pas - fonction problématique de que, attraction des imbriquées objectives -, mais elles étaient contrebalancées par de sérieux indices - sémiologie des conjonctifs, existence parallèle de constructions attributives adjectivales et verbales, identité formelle avec les imbriquées à verbe de perception. La grammaire generative a joué en la matière un rôle crucial en faisant prévaloir l'exigence de généralité explicative sur la réalité linguistique observable: le dessein a priori louable de régler d'un coup le sort des imbriquées subjectives et objectives, relatives et interrogatives, n'a pas cédé devant la complication des ajustements requis par la relativisation du sujet d'une complétive.

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Au terme du parcours, la réaction de Léard montre qu'une analyse cantonnée au niveau de surface et respectueuse des évidences morphologiques ne suffit pas à immuniser contre tout mécompte. La solution queje préconise allie à son pragmatisme le souci, qui rejoint les préoccupations des générativistes, de motiver syntaxiquement des imbriquées à première vue anormales en les rattachant à des imbriquées naturelles, et en intégrant l'ensemble dans le paradigme des constructions attributives. Cette synthèse du réalisme et de la théorie permettra peut-être de clore le débat.

Claude D. LE FLEM

Université Laval



Notes

* Cet article est la version légèrement remaniée de ma communication au 6e6e Colloque international de psychomécanique du langage, tenu à Pont-à-Mousson (France) du 3 au 5 juin 1991. Il doit beaucoup au travail de recherche de Mme Louise Hamel-Vu, qui prépare sous ma direction un mémoire de 2e2e cycle sur le même sujet.

1. Dans Grevisse (1980: § 2614), la relative qui suit simplement la relative que; dans Grevisse (1986: § 1062), la relative que est imbriquée dans la relative qui.

2. Dans les relatives accumulées (le vin qui coûtait si cher que tu voulais acheter), le groupe antécédent + relative 1 forme un tout syntaxiquement et sémantiquement autonome, ce qui n'est pas le cas dans (1); cf. Eriksson (1980: notes 7 et 9).

3. Harma (1979: 45, 166) mentionne aussi Sneyders de Vogel (1927) et Skârup (1975). Eriksson (1980: 316), qui s'étonne du peu de réceptivité des romanistes en général au concept de «relative indépendante attribut» de Sandfeld (1965: 139-159), cite deux devanciers de celui-ci, Polentz (1903) et Nyrop (1930). Prebensen (1982: 101-104) fait toutefois observer que pour les grammairiens allemands - Polentz, mais aussi Tobler (1884, 1896), Meyer-Liibke (1899) -, la fonction predicative est seulement une notion sémantique; Sandfeld a tenté, avec un succès mitigé, de lui donner une valeur exclusivement syntaxique. Outre des allusions ponctuelles chez des grammairiens transformationnalistes (Prebensen 1982: 106-107), il faut signaler les études de de Geest (1973), Schwarze (1974) - relative «complétive» -, Rothenberg (1979), Cadiot (1976) et Benzakour (1984) - relative «déictique».

4. J'ai montré dans Le Flem (1989) que la NI achoppait à des faits de relativisation simples. On peut donc raisonnablement douter qu'elle puisse venir à bout des imbriquées.

5. Deux exceptions notables: Plattner (1880), cité par Harma (1979: 26), et Darmesteter (1917: 78) jugent que les deux enchâssées sont des relatives, le premier - à contre-courant! - par analogie avec que... qui.

6. Pour Moreau (1971: 79) et Damourette et Pichón (1969, IV: 208), la relative globale en que inclut la complétive en qui. Harma (1979) adopte successivement le point de vue traditionnel et celui de la grammaire generative. Godard (1988) renonce à la transformation Mouvement de qu au profit de la notion de chaîne d'éléments reliés anaphoriquement.

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6. Pour Moreau (1971: 79) et Damourette et Pichón (1969, IV: 208), la relative globale en que inclut la complétive en qui. Harma (1979) adopte successivement le point de vue traditionnel et celui de la grammaire generative. Godard (1988) renonce à la transformation Mouvement de qu au profit de la notion de chaîne d'éléments reliés anaphoriquement.

7. Deux faits incitent en effet à disjoindre les relatives et les interrogatives. D'une part, (9a) n'a pas de correspondante relative (*Lise queje connais qui a participé au concours); d'autre part, à la différence des relatives, les interrogatives objectives se subdivisent comme les subjectives - (sa) vs (9) - selon que la complétive est ou non possible - (sb) vs (i): (i) a. Qui vois/connais-tu que je pourrais engager? b. *Tu vois/connais queje pourrais engager qui? Deux structures sous-jacentes doivent être prévues: SN SV qui [qui SV/que SN SV -] pour (9a), (9b) et (ia) (cf. tu vois/connais qui que je pourrais engager?) et SN SV [que P] pour (sa), (sb) (cf. tu as dit que qui allait appeler?) et (ii): (ii) A qui as-tu appris qu'il allait parler? On peut alors rendre compte de l'ambiguïté de qu'as-tu lu qu'il a écrit? (que¿i: as-tu lu -¿ que ¿ il a écrit -L-).

8. Gaatone (1972: 129-131) pose le même diagnostic, mais, curieusement, ne considère pas l'issue que . . . qui. Selon lui, une règle obligatoire s'applique qui introduit un dont non-substitut et sans fonction à l'intérieur des deux subordonnées; il ne provient donc pas, comme chez Léard, d'un complément de propos (cf. (10), infra).

9. de Geest (1973: 239-240) exclut l'interprétation comme relative determinative en faisant remarquer que J'entends mon mari qui rentre la voiture (cf. : Mon mari que je croyais qui avait rentré sa voiture) ne présuppose nullement que la femme en question soit polygame; ou, selon Schwarze (1974: 21), «tandis que la relative determinative concourt à former la désignation analytique d'un argument, la relative complétive [=attributive] semble être elle-même un argument».

10. Dans sa conclusion (p. 68), Léard estime en être revenu à la position de lobler; mais pour celui-ci, le que en tête de l'incise est un relatif neutre sans antécédent, pas une conjonction (cf. 2. 1. 1, supra).

11. Hésitation pour que également, introducteur de relative et sans doute conséquent

12. En raison d'une définition plus restrictive de la notion de contrôle selon laquelle «Un élément X, déplacé, ne contrôle que la trace située dans la position qu'il vient de quitter» (1982: 171).

13. Hârmâ (1979: 130), par exemple, n'explique pas pourquoi le copiage par un pronom du sujet extrait de toute proposition ne s'effectue pas ici.

14. Cf. Milner (1982: 140-146). Toutefois, le principe de Milner, qui vise l'introduction dans une structure, par transformation de mouvement, d'«un terme dont la trace assume une fonction déjà représentée dans la structure», ne s'applique ni à (16c) ni à (2) puisque que, sujet ou objet originel, ne porte plus de fonction en raison de la définition des relations de contrôle indiquée dans la note 12. Selon mon entendement du principe, il n'y a pas de redondance fonctionnelle dans (2) dans la mesure où que et la complétive dépendent de verbes différents.

15. En français standard actuel. La redondance était fréquente dans l'ancienne langue et a survécu jusqu'au 18e siècle; elle s'observe régulièrement en français populaire (Eriksson 1980: 312) et en franco-québécois.

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16. La coordination d'un adjectif et d'une relative dans cet exemple de Giono cité par Eriksson (1980: 319) soutient l'identité fonctionnelle: « (.. .) et il la serre un peu pour la sentir souple et qui se plie comme une gerbe» (cf. : elle qu 'il sent souple et qui se plie (¦¦¦)).

17. Selon Eriksson (1980: 319-323), la relative n'apparaît qu'avec une prédicativité faible, ce qui résulte de l'acceptation d'un objet nominal par le verbe de la première sous-phrase (verbes de perception). Les verbes déclaratifs et intellectifs refusant un SN objet, la relative est pleinement predicative et, conséquemment, les pronoms de forme accusative le dans *je le crois qui vient et que dans (19d) sont en fait les sujets syntaxiques de la relative (!). Toutefois, l'esprit tend à voir en que un objet et ce facteur d'ordre psychologique l'emporterait sur la syntaxe, causant le relâchement de la prédicativité nécessaire à l'acceptabilité de (19d).

18. (20c) - comme (20b) - est une construction progressive, (20a) ne l'est pas.

19. Pour Harmâ (1979: 28), l'admission d'une complétive par le verbe de la première subordonnée est une «condition nécessaire pour que la construction puisse être qualifiée d'imbriquée».

20. Sauf peut-être savoir. ? Je le sais qui réfléchit au même problème.

21. (28b) et (29b) sont attestés chez Laclos (cf. Hârma 1979: 41, 46): «Jai encore entendu, après souper, un homme que je suis sûre qui parlait de moi (. ..); «Quelle est donc cette amitié que vous consentez qui subsiste entre nous (...)?».

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Résumé

Des générations de grammairiens ont tenté de régler la question du statut des deux enchâssées dans les relatives imbriquées subjectives du français: on y a vu tour à tour une séquence de deux relatives, une relative suivie d'une complétive et même, récemment, l'ordre inverse complétive-relative. Aucune de ces trois possibilités n'étant satisfaisante et la quatrième - complétive-complétive - semblant peu prometteuse, cet article suggère de reprendre la piste ouverte par des linguistes Scandinaves d'une construction objet (que) + attribut de l'objet (qui P). Son originalité consiste à postuler une modification du cadre de sous-catégorisation des verbes déclaratifs et intellectifs pour contourner le blocage de la relativisation du sujet de la complétive par une série de contraintes: présence obligée du sujet et de la conjonction, non-redondance fonctionnelle, non-représentation d'une position relativisée.

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