Revue Romane, Bind 27 (1992) 2

La cataphore frustrée ou le paradoxe des «chemisettes de Vénus»*

par

Reidar Veland

Introduction.

Une tradition grammaticale solidement établie postule pour le syntagme nominal (SN)1 de structure CELUI + RELATIVE (CELUI R) deux modes de fonctionnement lexical radicalement opposés (cf. par exemple Le bon usage, § 672-673) : a) le pronom est considéré comme le représentant d'une expression lexicale présente dans le contexte linguistique et dérive de celle-ci son genre mais pas nécessairement son nombre (sur ce dernier point cf. Pinchón, 1972, p. 54-55) comme le montre l'exemple suivant (où, comme dans tous ceux qui seront cités dans cet article, je souligne dans son entier le SN introduit par CELUI):

(1) Lisez attentivement cette scène et celles qui suivent, (in Le bon usage, § 666,
p.1055)

b) le pronom est censé ne pas opérer de représentation, son fonctionnement étant celui d'un «nominal» : le SN pronominal se conçoit alors comme impliquant le sens général «être humain». La plupart des grammaires envisagent une seule possibilité de spécification de ce sens intrinsèque, à savoir celle que traduit l'opposition entre formes du masculin, qui constituent la majorité des occurrences, et formes du féminin, ce genre étant seulement usité «quand le contexte montre qu'il s'agit uniquement de femmes» (ibid., § 672, p. 1065 ; voir aussi Pierrard, 1988, p. 149)} Voici un exemple de chacune de ces deux options fondamentales :

(2) Béni soit celui qui a préservé du désespoir un cœur d'enfant*, (in Le bon usage,
§ 672, p. 1066)

(3) Elle était de celles qui savent repousser les larmes amollissantes, (ibid.)

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Si l'on examine un certain nombre d'exemples de ce type, on s'apercevra pourtant que tel ou tel contexte particulier peut entraîner une spécification du sens général que laisse prévoir la forme du pronom employé en tant que «nominal»3; ce fait, qui est généralement ignoré (cf. pourtant Pierrard, 1988, p. 226-228), a de l'importance pour notre propos dans la mesure où il atteste que le contenu lexical du CELUI R «autonome» n'est pas, dès le départ, totalement insensible au contexte.

Du point de vue référentiel, perspective que la tradition grammaticale adopte beaucoup moins souvent, le syntagme pronominal en question, qui apparaît comme une description définie sans noyau préétabli (cf. l'équivalence structurelle qui a été posée en note 3 et qui correspond à ce que fait observer Togeby, 1982, p. 366 : «Celui qui et celui de équivalent au substantif accompagné de l'article») désigne typiquement, en emploi d'anaphore lexicale, un réfèrent qui n'est pas identique à celui du SN «plein» site de la source de CELUI. La coréférence peut cependant être contrainte par la configuration syntaxique où apparaissent les deux SN mis en relation par l'anaphore, cf. l'exemple suivant, qui répond à la caractérisation qu'on donne en général de la phrase équative (cf. par exemple Boone, 1987, p. 99):

(4) Ces clés, ce sont celles que les femmes ont données à Kolia, marques de
confiance, clés de toutes les chambres dans lesquelles il les a aimées. (Perrein,
Buveur, p. 312)

En l'absence de toute relation anaphorique, ce qui oblige donc à considérer le syntagme pronominal comme une expression (lexicalement) autonome, le réfèrent du SN en CELUI n'est pas, en principe, donné par une autre expression référentielle du texte comme il peut l'être en cas d'anaphore lexicale. Autrement dit, la syntaxe ne joue pas un rôle crucial pour le calcul de la référence de CELUI R «nominal». Si coréférence il y a, celle-ci résulte uniquement d'un processus inférentiel (qu'on désigne souvent sous la dénomination d'anaphore présuppositionnelle), cf. cet exemple :

(5) Sa maîtresse sanglota et émit cette constatation déchirante: «Je suis trop vieille pour toi!» Le nègre ne nia pas. Il dit seulement d'un ton très raisonnable, un peu paternel : «Tu dis des bêtises ! dors...» Il se pencha au-dessus d'elle et éteignit la lumière. Il se coucha sur le dos et croisa les mains sur sa poitrine pour s'endormir ainsi, tandis que la pièce était emplie de la respiration un peu rauque de celle qui venait de pleurer. (Sabatier,/l/am, p. 116)

Pierrard (1989, p. 196) évoque rapidement la question des facteurs susceptibles de favoriser l'interprétation coréférentielle de CELUI R sans anaphore lexicale (dans son étude de 1988, p. 226-228, l'auteur fournit des indications plus détaillées sur cet aspect du fonctionnement de CELUI r).

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Tout laisse à penser que l'hypothèse d'un fonctionnement binaire - anaphorique ou aphorique - rend compte de l'opposition essentielle qui caractérise le déploiement des expressions de formule CELUI R ; de plus, il paraît raisonnable de circonscrire cette opposition au niveau de l'interprétation lexicale du SN et de considérer que l'emploi référentiel qui en est fait se laisse appréhender en fonction d'une opposition coréférence I non-coréférence qui n'est pas contrainte par la première. Mon propos, dans cet article, est simplement d'examiner, à partir de faits un peu moins banals que ceux qui ont servi d'entrée en matière, quels aménagements des concepts qui soustendent la théorie traditionnelle il faut prévoir pour que celle-ci puisse prendre en charge de façon adéquate un ensemble de données empiriques plus exigeantes que celles auxquelles elle est habituellement confrontée.

I

Parmi les nombreuses questions de détail que l'actuel regain d'intérêt pour la notion d'anaphore a éclairées d'un jour nouveau (voir, parmi beaucoup d'autres travaux, Corblin 1985, Cornish 1986, Kleiber 1986, 1988, 1990a, Reboul, 1988/1989, Reichler-Béguelin 1988), c'est la discussion de la façon dont il faut concevoir le contrôle d'un anaphorique sans antécédent «prêt à consommer» qui intéresse le plus directement le type de SN en question. Il me semble que l'étude de Tasmowski-De Ryck et Verluyten (1982) apporte la preuve tant de la fréquence de ce genre de situation que de la nature linguistique du mécanisme de contrôle qu'il faut postuler pour expliquer ce qui se passe (voir aussi Ariel, 1990, p. 63-64, Cornish, 1986, p. 170, 174-175, et Kleiber, 1990a). En effet, l'hypothèse de la pertinence d'un antécédent linguistique implicite («absentée antécédent»), dont le choix est dicté par la saillance, ou pertinence, de tel ou tel objet dans une situation de communication déterminée (cf. Reboul, 1988/1989, pour une présentation de cette approche avec, p. 207 et p. 220, un exemple intéressant d'implication lexicale situationnelle), peut rendre compte de la façon dont s'opère la saturation lexicale de CELUI R dans certains de ses emplois. L'exemple suivant provient de Tasmowski-De Ryck et Verluyten (1982) et suppose une situation où «John orders a kilogram of apples (les pommes, féminine plural) in a grocery store [en disant, geste à l'appui] : je voudrais un kilo de celles-ci, s'il vous plaît». Dans la conversation qui s'ensuit, l'emploi de l'énoncé suivant est effectivement parfaitement plausible :

(6) Celles qui coûtent le plus cher ne sont pas toujours les meilleures, (in làsmowski-De
Ryck et Verluyten, 1982, p. 343)

Etant donné que les énoncés oraux authentiques ont très peu servi de
documentation aux descriptions grammaticales traditionnelles (une exceptionnotable
à cette règle étant Damourette et Pichón, 1911-40, qui n'apporte

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pourtant rien sur ce point précis), l'absence de références, dans la littérature scientifique, à cet emploi particulier de CELUI R n'a rien d'étonnant : en effet, pour qui observe la linéarité du texte littéraire, un SN comme celui de 6, a toutes les chances d'apparaître comme un spécimen susceptible d'alimenter le fichier des emplois anaphoriques «classiques» de CELUI.4

II

Même si le terme de cataphore apparaît dans la description globale des pronoms démonstratifs que propose, dans sa nouvelle version remaniée, Le bon usage (§ 665, p. 1054), aucun des exemples qui sont cités dans le paragraphe en question ou ailleurs dans le livre ne fait apparaître, sauf inattention de ma part, une expression de structure CELUI R à interpréter comme effectuant une cataphore lexicale. Cela n'a rien d'étonnant : la configuration est certainement rare, et l'absence d'une théorie susceptible de rendre compte des dépendances pronominales mettant en jeu l'aval textuel a de toute façon empêché la prise en compte du phénomène jusqu'à une date relativement récente (Kesik, 1989, à qui revient le mérite d'avoir mis la problématique à l'ordre du jour, fait dater du début des années soixante-dix la première manifestation du terme de cataphore dans une publication française, cf. Maillard, 1974). La perplexité des rares auteurs qui naguère relevaient des exemples où il fallait attribuer à CELUI un fonctionnement cataphorique se comprend alors aisément : Le Bidois (1967, p. 99) parle de «phrase, où l'ordre paraît brouillé» pour caractériser l'énoncé suivant, qui se trouve être le seul exemple que cite Sandfeld (1928, p. 232) d'un type de construction dont il est dit pour tout commentaire que le nom représenté y suit le pronom, cf. :

(7) On ne saura jamais le dernier mot de cette affaire, à moins que de celles de
la justice humaine, elle ne passe aux mains de la justice divine.

Après avoir fait remarquer que les démonstratifs variables sont «plutôt exceptionnels en cataphore au sens strict» (1989, p. 121), Kesik cite (1989, p. 122) un exemple analogue (ayant, donc, la structure CELUI + complément en de, ou CELUI D dans la suite de cet article), exemple qui, apparemment, a été forgé pour les besoins de l'exposé mais dont l'acceptabilité ne pose aucun problème, cf. :

(8) A la différence de celle de Jean, la voiture de Pierre est en bon état.

L'auteur assortit cet exemple d'une remarque visant à établir une restriction sur le choix de la forme à donner au modifieur obligatoire de CELUI lorsque le pronom est intégré à une configuration de cataphore : selon lui, il faudrait alors que le «complément restricteur» accompagnant le pronom soit rigoureusement«symétrique de celui de son subséquent» (1989, p. 122). Un exempiecomme

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piecommele suivant, authentique, montre cependant qu'il y a intérêt à
assouplir cette contrainte, cf. :

(9) A la différence de celle de 1986, l'agitation actuelle ne se nourrit pas du rejet
d'une réforme, mais d'une multitude de malaises locaux amplifiés par une
crispation générale sur l'enjeu de l'éducation. (Le Monde, 20. 10. 88, p. 1)

Pour illustrer le fonctionnement cataphorique de CELUI R dans cette même
configuration syntaxique, je suis obligé de faire un pas de plus et de poser
que ce dernier exemple se laisse sans problème transformer en :

(9') A la différence de celle qui s'est produite en 1986, l'agitation actuelle ne se
nourrit pas du rejet d'une réforme.

En effet, parmi les plus de 8000 syntagmes bipartites en CELUI dépourvus de modifieur déictique que j'ai relevés dans un corpus de cent volumes de textes littéraires de l'époque contemporaine (voir la bibliographie), seul le soustype formel CELUI D a fourni un petit nombre d'exemples, 13, qui se laissent interpréter comme des cas de cataphore lexicale.

Une autre caractéristique des exemples qui ont été cités jusqu'ici mérite d'être relevée, d'autant qu'elle est partagée par l'ensemble des exemples littéraires analogues dont je dispose : la relation cataphorique qui y est exhibée ne relève pas, à strictement parler, de la cataphore (caractérisée, dans la version forte de la théorie de Kesik, 1989, par l'absence de permutabilité des termes impliqués) mais d'une relation qu'on peut appeler, avec Kesik (1989, p. 13 et passim), «anaphore inverse» et dont la mise en jeu s'effectue sous le signe de ce qui habituellement répond à l'appellation de contrainte de Langacker (telle que celle-ci est formulée par exemple dans Fauconnier, 1974, p. 19) : «Un pronom ne peut à la fois précéder et commander son antécédent». C'est ainsi que 8, par exemple, n'est sans doute que la version marquée d'une phrase dont le schéma privilégié assigne à celui le rôle d'un anaphorique ordinaire, cf. :

(8') A la différence de la voiture de Jean, celle de Pierre est en bon état.

Il faudra tenir compte de cette observation lors de la discussion des exemples
présentés dans la section suivante.

III

La question du fonctionnement cataphorique du pronom CELUI ne se résumepas à l'apparente difficulté qu'éprouve CELUI R, à la différence du type CELUI D, à s'imposer dans la configuration d'une cataphore-anaphore inverse(problématique qui amènerait aussi à s'intéresser aux raisons qui font que, inversement, le fonctionnement cataphorique du type CELUI D paraît confiné à ce seul cadre formel). En effet, le vrai problème est de déterminer dans quelle mesure le fonctionnement lexical et référentiel d'une famille

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particulière de réalisations de CELUI R est conforme aux prédictions qui découlent de l'hypothèse d'un fonctionnement cataphorique, laquelle, de prime abord, peut sembler non seulement prometteuse mais la seule concevable: il s'agit de certains emplois de CELUI R comme premier argument d'une phrase à verbe attributif5 ayant dans sa suite un second SN sans lacune lexicale. Le passage textuel qui suit renferme un exemple de ce type :

(10) Quimper est située dans un gracieux vallon, au confluent (en breton : kemper) du Steir et de l'Odet. Celle qui fut capitale de la Cornouaille est peutêtre la ville où l'on retrouve le mieux l'atmosphère traditionnelle de la province. (Guide Michelin, Bretagne, p. 151)

Cette phrase semble en effet répondre favorablement à l'épreuve qui consiste à «dépronominaliser» la forme celle sur la base d'une relation cataphorique avec le nom ville qui figure dans le SN attribut. Par conséquent, la phrase centrale de 10 pourrait n'être qu'une des variantes possibles d'un énoncé qui en comporte deux autres, cf.:

(10') a. La ville qui fut capitale de la Cornouaille est peut-être la ville où l'on
retrouve (...)

(10') b. La ville qui fut capitale de la Cornouaille est peut-être celle où l'on
retrouve (...)

Soit maintenant l'exemple suivant, début d'un chapitre de roman :

(11) En revenant au manoir, les trois hommes s'arrêtèrent devant celui que tout le monde à la ronde appelait le Grand Arbre. Ce n'avait d'abord été qu'un germe, un tout petit détail du passé de Marcel. Enfant, il y avait de cela quarante ans, il avait planté l'arbre. Un frêne. Earbre de vie des Vikings, le fabuleux Yggdrasill. (...) Au solstice d'été Marcel sacrifiait un cochon au pied de l'arbre. Le sang pissait. La bête glapissait. La famille de Martel se voilait la face devant de pareilles insanités. (Grainville, Viking, p. 28)

S'il s'agit ici véritablement d'un cas de cataphore lexicale, la première phrase de l'extrait équivaut à En revenant au manoir, les trois hommes s'arrêtèrent devant l'arbre que tout le monde à la ronde appelait le Grand Arbre. L'effet de bizarrerie qui se dégage de cette paraphrase est celui qui caractérise la plupart des phrases soumises à une telle opération de «dépronominalisation» (cf. aussi 10'a), et ne devrait pas affecter la lecture cataphorique de CELUI R de l'exemple 11. Ce qui incite, pourtant, à la méfiance à l'égard d'une telle hypothèse, surtout en ce qui concerne ce dernier exemple, où l'expression pronominale sert à introduire un réfèrent «flambant neuf» (situation qui restreint sérieusement les possibilités d'emploi cataphorique des pronoms, cf. Ariel, 1990, p. 157-160), c'est d'abord l'extrême rareté de la configuration syntactico-sémantique qu'elle instaure : sur les plus de 10 000 exemples de SN en CELUI que renferme au total mon corpus de textes littéraires, il n'y en

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a que deux où l'hypothèse d'un fonctionnement cataphorique est à prendre en considération pour un syntagme pronominal faisant fonction (soit directement,soit par l'entremise d'un relatif ) de sujet d'un verbe attributif ; en plus de 11, il s'agit de l'exemple suivant :

(12) - Vichy, ça bouge, dit Gastounnet. Quels magasins, quelles boîtes ! Du luxe partout ! Mieux que Paris. Oui, je vous le dis, mieux que Paris. Plus petit, mais mieux que Paris. Et ... (il cligna de l'œil) de la toilette! ...» Ilépicière s'empressa de saisir une bouteille et précipitamment: «Celle-ci est ma tournée !» (Sabatier,/î/az/t, p. 38)

Or, accepter sans rechigner qu'il s'agit, dans les exemples 11 et 12, d'un usage cataphorique particulier de CELUI qui ne se distinguerait du type présenté en 7, 8, 9 que par sa fréquence encore plus faible, c'est pourtant aller un peu vite en besogne, comme nous le rappellent aussi les faits distributionnels : il ne fait aucun doute, en effet, que c'est une autre construction pronominale qui est majoritairement sollicitée pour répondre aux exigences d'expression que posent les situations discursives du type des exemples en question, cf. :

(13) Et je me souviens de ce qu'on appelle dans la famille «le grand plongeon»!
C'était à la piscine de Deauville et elle avait douze ans. (Boissard, Esprit, p.
136)

(14) En bas, une allée marquait la frontière de ce qui avait été jadis le domaine
du peintre hollandais Nardus : un grand parc qui s'étendait jusqu'à la plage.
(Modiano, Livret, p. 161)

II s'avère vite, en effet, que ces phrases sont, toutes choses égales par ailleurs,
difficilement transformables en :

(13') ?Et je me souviens de celui qu'on appelle dans la famille «le grand plongeon».

(14') ?En bas, une allée marquait la frontière de celui qui avait été jadis le domaine
du peintre hollandais Nardus.

On voit aisément ce qui occasionne ce blocage : ni dans 13 ni dans 14, il n'est question d'opérer la sélection d'un réfèrent particulier en vertu d'une propriétéqui le singulariserait parmi d'autres référents possibles appartenant au même domaine dénotatif, domaines qui, dans ces exemples, sont respectivementcelui des plongeons et celui des domaines... Dans 13 et 14 il s'agit, au contraire, de désigner un réfèrent en vertu d'un contraste de type externe, avec des référents potentiels appartenant à des domaines divers (pour ces notions, voir surtout Corblin, 1987, p. 219-225). Cette façon de voir les choses a des conséquences pour notre analyse de 11 : une lecture cataphorique de cet exemple donne à entendre qu'il est possible, dès le stade du SN pronominal,de donner le réfèrent visé comme s'inscrivant dans la classe des arbres pertinents à l'univers de discours en question, bref, de stipuler qu'il s'agit

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d'un arbre parmi d'autres arbres. Il me semble, pourtant, que telle n'est pas la présupposition véhiculée par le chapitre de roman dont 11 constitue le début. A mon avis, le contexte suggère plutôt que l'arbre en question est remarquable en tant qu'entité remarquable. Aussi c'est la nature et les conséquencesde ce caractère remarquable qu'il va falloir examiner de plus près. Toutefois, notons d'abord que la possibilité de déterminer le sens qu'aurait un éventuel fonctionnement cataphorique du pronom dans 11 facilite la saisiedu réfèrent pertinent de cet exemple à l'aide d'une construction pronominaleen ce, ceci en vertu du principe qui fait qu'un objet (ici) ou une chose (13 et 14) peuvent toujours se nommer sur le mode neutre (cf. Maillard, 1974). Rien n'empêche donc l'alignement de 11 sur le modèle de ces derniers exemples comme le montre cette paraphrase :

(11') En revenant au manoir, les trois hommes s'arrêtèrent devant ce que tout le
monde à la ronde appelait le Grand Arbre.

L'exemple 10 se prête peut-être un peu moins bien à ce genre de substitution,
mais la phrase suivante semble tout de même pouvoir être acceptée, cf.6

(10") (?)Ce qui fut (la) capitale de la Cornouaille est peut-être la ville où l'on
retrouve le mieux l'atmosphère traditionnelle de la province.

Ce qui distingue ce dernier exemple du précédent, c'est la mention qui est faite, dans le contexte gauche du pronom, d'un nom propre, Quimper, qui appartient à une classe d'entités dont le dénominateur commun, particulièrement bien typé, à savoir l'élément lexical ville, affleure ici à travers le choix de la forme féminine du participe, située. Il serait néanmoins prématuré de penser qu'il s'agit, en 10, d'une situation d'anaphore implicite du type de celle constatée en 6 (alors que pour 12 cette hypothèse est à prendre au sérieux7 ) et dont le domaine d'implication serait non pas la situation, mais le discours ; la seconde phrase de l'énoncé suivant est en effet nettement inacceptable

(15) a. Quimper est située au confluent du Steir et de l'Odet. *Celle qui fut (la)
capitale de la Cornouaille compte parmi les plus typiques de la Bretagne

comme le confirme aussi le choix de la construction en ce dans l'exemple
analogue qui suit, cf. :

(15) b. Depuis les hautes collines qui entourent la ville [i. e. de Lyon], et notamment celle de Fourvière, on découvre un panorama de ce qui fut, dans l'Antiquité, la capitale des Gaules. (Atlas. Air France magazine, janvier 1992, p. 137)

Aucun obstacle sérieux ne semble donc s'opposer à l'hypothèse d'un fonctionnementcataphorique
de CELUI dans le cas de l'exemple 10. Vu la rareté
de cette configuration syntactico-sémantique particulière, je me réserve toutefoisde

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tefoisderevenir sur cette lecture à la lumière de la réinterprétation qui va
être proposée du statut de CELUI dans 11. Celle-ci s'inspirera d'un double
constat, qui est amené par l'observation de l'exemple suivant :

(16) Madagascar : une économie en phase d'ajustement. Plus d'un siècle après la domination française, quarante ans après la Constitution assurant l'indépendance, celle qu'on appelait la Grande Ile attire bien peu l'attention des Français, plus intéressés par l'Afrique continentale. Elle mérite cependant l'examen, tant pour elle-même que par les leçons qui se dégagent de son aventure. (Le Monde, 10. 04. 90, p. 28)

Dans cet exemple, on a vite fait d'indiquer le jeu des substitutions viables pouvant être pratiquées sur le SN en CELUI : il n'y en a aucune. On pourrait difficilement dire, en effet : *ce qu'on appelait la Grande Ile attire bien peu l'attention des Français. Il semble tout aussi peu indiqué de proposer la paraphrase suivante : * l'île qu'on appelait la Grande Ile. La raison en est que 16 se lit comme un contraste référentiel explicite qui n'oppose pas deux entités pouvant être classifiées comme des îles (contraste interne) mais qui met en jeu une entité qui se trouve être une île et une entité à classifier différemment, ce qui nous vaut bien un contraste externe. On peut sans doute, même, dire que si la première substitution proposée ne donne rien de bon, c'est précisément parce que l'effet de sens que vise le syntagme pronominal de cet exemple n'est pas celui qu'explicite la seconde.8 Les manipulations proposées devraient suffire à faire apparaître la lecture cataphorique de 16 comme une illusion optique ; elles tendraient à prouver aussi, inversement, que dans le cas des exemples 10 et 11, pour lesquels il n'y a de contraste possible que de type interne et qui réagissent plutôt bien au double test pratiqué sur 16, c'est après tout l'hypothèse d'un fonctionnement cataphorique qui doit être retenue. Autrement dit, le malaise où me laisse une telle interprétation doit être le fait, en ce qui concerne 11, du contexte plus large dans lequel apparaît la phrase qui contient le syntagme pronominal.

La situation qui fournit la clé à l'interprétation de l'un et de l'autre de ces
exemples est, à mon sens, celle qui apparaît nettement dans la phrase suivante:

(17)Etait-elle près de lui, en pensée, ou ailleurs, en songe, celle qui demeurait sa
princesse de toujours? (Déon, Amour, p. 76)

Pas question, ici, de saturer la partie lexicale du syntagme pronominal en y
insérant le nom princesse qui figure pourtant dans le SN attribut ; une paraphrase
comme la suivante est en effet absurde :

(17')*Htait-elle près de lui la princesse qui demeurait sa princesse de toujours?

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Ceci revient à dire que mon interprétation des SN en CELUI qui s'observent dans les exemples 11 et 16 s'appuie sur le sens que le pronom CELUI véhicule de façon intrinsèque. Quel est exactement ce sens ? Nous avons déjà vu que Pierrard (1989) opère avec un trait ANIME qui sert de fondement au type 111 de sa typologie syntactico-sémantique, déjà citée, des emplois de CELUI. En réalité, c'est du trait HUMAIN qu'il s'agit pour Pierrard aussi bien dans (1989) que dans (1988). Cet auteur ne se distingue donc pas, sur ce point, de la tradition grammaticale pour laquelle l'emploi aphorique de CELUI, baptisé emploi nominal, est associé à une référence personnelle. La question est de savoir si ce sens latent de CELUI est susceptible d'être étendu au point de servir à la dénomination de référents qui ne sont pas des êtres humains, mais, en l'occurrence, un pays ou une île (16), un arbre (11) et peut-être aussi une ville (10). Un auteur comme Martin (1971) semble exclure d'avance une telle possibilité : pour lui, le fonctionnement de tout «nominal», y compris, donc, celui de l'emploi de CELUI R en cours d'analyse, est régi par «une loi si rigoureuse qu'elle ne souffre pas la moindre exception : tout nominal français,en langue et dans toutes les réalisations de discours, appartient obligatoirementsoit à la catégorie de l'an. 2, soit à la catégorie de l'inan. 2 (inan.neutre)»(1971, p. 260). Telle qu'elle est édictée ici, cette «loi» présuppose la dichotomie préalablement établie entre «l'an. 1 qui inclut les animaux et l'an. 2 qui les exclut» (1971, p. 265). Or l'exemple suivant va à l'encontre de cette prétendue loi puisque le SN en CELUI y sert à désigner, comme cela se laisse inférer du contexte, des chevaux de trait, cf. :

(18) Maintenant, tout le monde aux écuries. Pour l'instant, vous allez me ramasser
le crottin. Vous allez comprendre qu'avant de toucher un canon, faut
savoir s'occuper de ceux qui les traînent, s'en occuper et les monter! Quand
vous aurez le cul aussi tanné qu'un vieux tambour, alors, peut-être, on vous
permettra de regarder un 75!
Depuis, ce n'étaient que corvées de quartier, revues de chambres et de
détail, séances de présentation et maniement du mousqueton, auxquelles
s'ajoutaient le nettoyage des écuries, le pansage des chevaux et l'astiquage
des harnais. (Michelet, Grives, p. 154)

II semble en effet plus juste de considérer, avec J. Pohl, qu'«il yaun «trou», une «case vide» entre l'inanimé et l'humain» (1970, p. 104),9 et de penser que l'exemple que nous venons de voir atteste la possibilité de combler ce trou par une stratégie de personnification qui, pour Martin (cf. 1971, p. 262-265), est censée ne concerner que certaines classes de pronoms «représentants». L'exemple suivant est fondamentalement identique au précédent, cf. :

(19) Une forte gueule, souvent fraternelle, de l'aigreur anticléricale. Jamais
content de celle à qui il avait tout sacrifié, l'Eglise, pestant contre l'indifférence
hautaine de l'épiscopat (...). {Le Monde, 25. 11. 88, p. 19)

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Comme dans les exemples pour lesquels l'hypothèse d'un fonctionnement cataphorique de CELUI ne peut être catégoriquement exclue, le syntagme pronominal présente ici les marques formelles de son interprétant référentiel (l'inférence d'une relation coréférentielle étant dans ce cas précis facilitée par la contiguïté syntaxique). Malgré cela, la lecture cataphorique du pronom se heurte ici à un obstacle structurel incontournable : le SN l'Eglise est une expression à référence (vraiment) unique (cf. Lyons, 1977, p. 181) qui (pour cette raison) se situe au sommet de la hiérarchie de sa classe dénotationnelle (ce qui ne serait pas le cas d'un SN comme l'Eglise catholique, par exemple). Mutatis mutandis, la situation est ici, et dans l'exemple du type structurel qui nous occupe en particulier (17), celle que constate Touratier (1980, p. 49) pour le SN sujet de 1' énoncé suivant, cf. *la tempérance est celle qui nous avertit (...) : l'absence de toute expansion susceptible de réduire l'extension de telles expressions les rend inaptes à servir de source lexicale à un pronom figurant dans un SN auquel sa structure formelle la plus réduite confère une extension non-maximale. 10

Reste l'hypothèse d'une recatégorisation pouvant doter un terme comme celui d'église du trait ANIME en fonction de critères contextuels particuliers, ce qui implique seulement, vu la redéfinition du domaine maximum de recouvrement de CELUI aphorique que 18 nous invite à opérer, qu'il faut pouvoir concevoir l'Eglise «comme un être vivant doué d'une certaine «personnalité» sans être pour autant personnifié», selon la formule qu'emploie Pohl (1970, p. 103) pour décrire, il est vrai, la promotion de l'animation animale au rang supérieur. C'est d'ailleurs un processus analogue qui est à la base d'une métaphore comme «La France, fille aînée de l'Eglise» dont l'intérêt est de montrer qu'un pays, en l'occurrence la France, peut être doté d'animation. Cette observation ouvre la voie, sans doute, à l'application du même raisonnement pour le SN celle qu 'on appelait la Grande Ile de l'exemple 16, dont la composition pourrait faire écho au trait ANIME associé par extension au nom de Madagascar. Avec celui que tout le monde à la ronde appelait le Grand Arbre de l'exemple 11, nous retrouvons la sphère des phénomènes religieux à laquelle appartient 19, même si, cette fois, il ne s'agit pas de désigner une institution, mais un dieu païen.

Si les exemples analysés jusqu'ici, 11 et 16, semblent tous deux assez favorablesà l'hypothèse d'une base sémantique élargie pour CELUI R aphorique, leur fonctionnement référentiel n'en est pas pour autant identique : le statut de l'expression pronominale de 16 n'est pas sans rappeler le rôle que joue le pronom personnel dans le cadre d'une dislocation droite du type qu'on observedans un énoncé comme // est venu, Paul ? (in Kesik, 1989, p. 48). Au premier abord, il peut sembler naturel de décrire une telle structure phrastiquecomme le site d'une relation cataphorique (de coréférence). Ce qui est pourtant le propre de ce type d'énoncé, c'est qu'il ne sert pas en général de

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cadre à l'identification du réfèrent en question : le pronom reste foncièrementanaphorique et le SN détaché «n'est qu'un moyen d'identification supplémentaire,permettant de rendre plus saillant l'objet visé par le pronom» (1989, p. 49). C'est cette même relation référentielle qui prévaut dans mes autres exemples du type en question, à commencer par le suivant, où le réfèrent visé n'est pas l'Eglise en tant que telle comme dans 19, mais un édifice religieux, à savoir la cathédrale de Rodez, thème prépondérant du texte en question (fonction qui, dans le texte dont a été tiré 16, est impartie d'entrée de jeu au réfèrent désigné par le nom de Madagascar). Dans le même temps, la structure du SN qui fait fonction d'attribut au niveau de la relative attachée à CELUI est telle qu'elle bloque toute tentative de lecture cataphorique du pronom, cf. :

(20) Rodez met sa «géante rouge» en vedette. (...)
Telle est la trame du spectacle qui, cet été, verra Rodez rejouer son passé,
en revivant quinze années d'une histoire mise en scène par Claude Moreau
et Paul Astruc. A travers onze tableaux retraçant, à l'ombre de la cathédrale,
la vie quotidienne au treizième siècle (marché, procession, grande peste,
fête), l'incendie, le serment d'Antoine Colinet, la reconstruction, la visite du
roi, etc. Sur un scénario rédigé en 1986 par le maire de Rodez lui-même. Un
maire esthète et cultivé, littéralement passionné par ce chef-d'œuvre.
«Une véritable montagne», observe, admiratif, Marc Censi. «Mais tellement
présente, ajoute-t-il, qu'on l'avait un peu oubliée». Il est vrai aussi
qu'ici comme ailleurs «la pratique religieuse s'est quelque peu distendue».
D'où cette volonté de réveiller la ferveur de la population à l'égard de celle
qui reste l'âme et la gloire de la capitale des Ruthènes. (Le Monde, 02. 07. 88,
p. 15)

Brièvement résumée, la situation qu'on discute présente les caractéristiquessuivantes : dans certains de ses emplois, qu'il faut bien qualifier de marginaux, le SN de type CELUI R, dont la structure est celle d'une relation identificatoire, est menacé d'asphyxie lexicale : son fonctionnement anaphoriqueordinaire (y compris l'absorption d'un élément lexical implicite à la situation, cf. section I) ne fournit rien, et la forme du SN attribut placé sous la dépendance du pronom est telle qu'elle interdit l'hypothèse d'une ventilation lexicale de CELUI par voie de cataphore. Si dans de telles conditions la possibilité d'une lecture aphorique du SN en CELUI représente un ballon d'oxygène indispensable, cette solution pose des problèmes aussi dans la mesure où il faut pouvoir accorder le sens spécifique du matériau lexical inséré dans le SN attribut avec l'exigence d'un trait ANIME pouvant être étendu à l'expression CELUI R dans son ensemble. Or il a pu être montré, grâce à des exemples concrets, que le fonctionnement autonome de CELUI R dépend moins étroitement de la présence du trait HUMAIN que ce qu'on a supposé en général. Il paraît toutefois raisonnable de penser qu'une frange

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privilégiée seulement d'entités en principe inanimées sont susceptibles d'émettrece signal «animation possible» pouvant atteindre, sur ce qu'il faut bien appeler une «fréquence de détresse», une occurrence de CELUI R incapablede recevoir aucun message sur la longueur d'onde servant d'ordinaire à la communication de son information lexicale. n

J'ai montré, à propos de l'exemple 5, que l'emploi classique de celui R aphorique est compatible avec un fonctionnement coréférentiel malgré l'absence de tout lien formel avec le SN qui en livre la référence. C'est cette situation qui prévaut pour tous les exemples d'un CELUI R «recatégorisé» qui ont été cités dans ce travail : dans 10 (Quimper), 16 (Madagascar) et 20 (la cathédrale de Rodez) le SN en CELUI est saturé, en termes de référence, par le contexte gauche, alors que dans 11 (le Grand Arbre), 18 (les chevaux) et 19 (l'Eglise) le groupe pronominal tire son interprétation référentielle du contexte droit. Il s'agit là d'une contrainte qui doit peser de façon absolue sur l'emploi du type de CELUI R en question. L'exemple suivant constitue un argument supplémentaire en faveur de cette hypothèse et apporte la preuve qu'une conception cognitive du mode de fonctionnement de l'anaphore (cf. Kleiber, 1988) présente les mêmes avantages sur l'anaphore «segmentale» dans le domaine de la présupposition identificatoire que dans celui de la reprise, cf. :

(21) L'Express: Pourquoi défendez-vous l'économie britannique? Pedro Schwartz-Giron : Parce que j'aime gagner ! Celle qu'on appelait «la grande malade d'Europe» s'est rétablie et donne, aujourd'hui, des leçons de vitalité, d'enthousiasme et de dynamisme. (L'Express, éd. internationale, 18. 12. 87, p. 49)

On constate d'abord l'impossibilité de tout renvoi lexical par celle à la grande malade d'Europe, cf. *la (grande) malade qu'on appelait la grande malade d'Europe. Par contre, dans ce cas précis, l'hypothèse d'un fonctionnement lexical anaphorique du pronom semble à première vue prometteuse, étant donné que le seul SN du contexte pouvant servir à fixer le réfèrent de CELUI R, et qui se trouve à faible distance de l'expression pronominale, renferme une source potentielle, le mot économie. D'où cette substitution dont il faut évaluer les conséquences : l'économie qu'on appelait la grande malade d'Europe. Notons d'abord que si l'hypothèse d'une saturation anaphorique de la forme celle était correcte, la nature de l'attribut de la proposition relative devrait logiquement être sans incidence sur l'acceptabilité du syntagme pronominal. Tel n'est cependant pas le cas, comme cela ressort de cette paraphrase de 21, et qui apparaît comme un énoncé hautement suspect, cf. :12:12

(21') ?- Pourquoi défendez-vous l'économie britannique? -Parce que j'aime gagner! ("elle qu'on appelait l'exemple même de la faillite des thèses néo-libérales s'est rétablie et donne, aujourd'hui, des leçons de vitalité.

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II faut conclure, donc, que la forme de l'attribut en question est pertinente. De quelle façon? Par le fait que l'expression la grande malade d'Europe évoque, quel que soit son contexte, l'idée d'une personne souffrante (en son temps, cela aurait pu être la reine Victoria, par exemple). C'est sous l'influence d'une telle expression contigue dont l'implication sémantique est claire, que le pronom démonstratif mobilise son sens latent animé. Or, la grande malade d'Europe n'est pas une expression qui donne directement accès à son réfèrent. La détermination de ce dernier passe par l'intermédiaire du seul SN pratiquement disponible, le SN l'économie britannique, dont, cependant, l'élément lexical paraît difficilement redéfinissable en termes d'une expression dotée d'animation. Mais il est possible d'extraire à peu de frais de l'épithète qui accompagne ce nom un désignateur rigide qui satisfait à cette exigence, le nom d'un pays, la Grande-Bretagne. Il ne reste, dès lors, qu'à motiver, pour un syntagme pronominal démonstratif, le type de mise en relation référentielle «en biais» (c'est-à-dire par «élément intermédiaire d'identification», cf. Kleiber, 1990b, p. 218) que suppose ce genre d'explication. L'exemple suivant atteste cette possibilité : la forme pronominale celui-là représente, par anaphore cognitive, le nom propre dont dérive l'adjectif qui constitue, en superficie, la cible de son renvoi, cf. :

(22) - Tout est passionnant là-dedans. Et je ne mets plus en cause l'existence de la
Nouvelle-Phrygie. La piste d'Augusta est évidemment la bonne piste. Mais
pourquoi - c'est une question purement personnelle - pourquoi cette espèce
d'obsession nervalienne? Qu'est-ce qu'il vient faire ici, celui-là ?
- Aux leçons de Dellascala, où nous nous sommes connus, nous avions, elle
et moi, une passion pour Nerval. (Bonheur, Soleil, p. 182)

IV

Reste un exemple à examiner, celui-ci:

(23) Autre résistance, peu surprenante, au changement :le Congolais boude les préservatifs, car il n'aime pas, vous dit-on rudement, «la viande sous cellophane». Surtout si l'emballage coûte cher : 4 francs l'unité. Les pharmaciens de Brazzaville notent pourtant un accroissement sensible des ventes de celles qu'un peuple voisin a baptisées les «chemisettes de Vénus». Pour en encourager l'usage, les médecins congolais préconisent, avec bon sens, d'en diminuer spectaculairement le prix. {Le Monde, 22. 02. 89, p. 18)

La référence du SN à pronom démonstratif variable ne fait aucun doute : il y a coréférence entre les préservatifs et celles qu'un peuple voisin a baptisées les «chemisettes de Vénus». Quant à la forme du pronom démonstratif, seul l'accorden genre et en nombre avec/es «chemisettes de Vénus» peut l'expliquer. Mais décréter que le fonctionnement de celles est ici celui d'une cataphore lexicale équivaut, comme je l'ai précisé pour la cataphore lexicale en général, à une acceptation de la paraphrase qui résulte de la dépronominalisation en

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avant du pronom, substitution qui donne ici encore un résultat peu probant, cf. *les chemisettes qu'un peuple voisin a baptisées les «chemisettes de Vénus». Visiblement, ce n'est pas là le sens recherché en 23.u Reste l'hypothèse de l'animation que, pourtant, rien ne semble fonder dans le cas présent. Aussi cet exemple représente-t-il incontestablement une rupture par rapport à tous ceux qui ont été analysés jusqu'ici, pour lesquels l'hypothèse d'une recatégorisationlexicale avait fourni, vaille que vaille, une explication. La résistance qu'oppose 23 à une telle tentative d'analyse vient du fait que rien dans la définition de la classe d'objets à laquelle appartient le SN appelé à jouer le rôle d'interprétant «anaphorique», les préservatifs, - mais avec lequel le SN en CELUI n'exhibe pas d'accord formel - ne semble pouvoir motiver la promotiond'un représentant de cette classe au rang des entités susceptibles d'une saisie personnifiée. Et le SN plein que la syntaxe du syntagme pronominaldonne comme l'équivalent de celui-ci, les «chemisettes de Vénus», ne semble pas non plus pouvoir tenir ce rôle d'instigateur de recatégorisation, contrairement à ce qui a été observé dans tous les exemples examinés précédemment: une telle hypothèse est même contrecarrée par la structure du SN attribut en question, dans la mesure où celui-ci comporte un animé dans son complément possessif, situation qui oriente nettement l'interprétation de l'ensemble vers l'inanimé {celles R étant conçu comme l'objet possédé par le réfèrent de ce modifieur). Cependant, dans 23, le verbe de la relative est baptiser, qui, lui au moins, possède une forte connotation d'animation. Si on s'obstine à analyser cet exemple de la même façon que tous les autres, le choix de ce verbe constitue le seul indice possible de la mise en œuvre du processus d'animation dont j'ai fait le principe d'explication des emplois de CELUI R qui ont été examinés dans la section 111. Or, dans 23, la frustration de la cataphore, qui subit la sollicitation du système de marquage formel, est quand même à son comble puisque l'expression nominale qui suit le pronom ne permet ni la saturation, par anticipation, de la lacune lexicale de celle ni, surtout, le déclenchement rétroactif du processus de recatégorisation pouvantranger cette forme sous la bannière de l'animation.

Pour conclure.

Tout comme l'anaphore situationnelle a dû être appelée à la rescousse de la traditionnelle anaphore textuelle pour expliquer certains emplois du SN de type CELUI R (cf. section I), j'ai tenté, dans les sections II et 111 de cet article, d'analyser le fonctionnement lexical de certaines autres occurrences, sans doute d'un type marginal, de cette même forme de description définie, à l'aide de la notion de cataphore, laquelle a été poussée dans ses derniers retranchements. Si certains des exemples analysés se sont en apparence plies à un tel traitement, d'autres s'y sont, à des degrés divers, opposés. Les plus récalcitrants m'ont forcé à chercher une solution de rechange. Ayant constatéque

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téquedes progrès étaient possibles sur un autre front, celui des emplois d'un CELUI R «nominal» en principe affranchi de toute dépendance contextuelle, j'ai essayé de jouer à fond, dans ce travail, la carte suggérée par des données indépendantes, à savoir celle d'une plus grande disponibilité du concept d'animation, à des fins syntagmatiques, que ce qui est ordinairement supposé.Il s'est malheureusement avéré que pour l'un des exemples analysés (23), ni l'hypothèse d'un fonctionnement cataphorique classique, ni celle de la recatégorisation personnifiante par anticipation, n'a fourni d'explication plausible, d'où la proposition d'y voir à l'œuvre une relation contextuelle extrême désignée sous le nom de cataphore frustrée.

Reidar Veland

Université de Bergen



Notes.

* Je tiens à remercier Georges Kleiber qui a bien voulu se pencher sur une version antérieure de ce travail ; ses conseils et suggestions m'ont été fort précieux. Il va de soi que je reste seul responsable d'éventuelles erreurs.

1. L'emploi du symbole SN dans ce travail est commandé par la commodité d'exposition : c'est un «terme pour le repérage extrinsèque» selon la formule de Corblin, 1990, p. 74 , ce qui veut dire qu'il s'agit d'un hyperonyme dont le trait définitoire est la communauté d'«environnements et fonctions» observable pour un ensemble de constructions formelles dont la sous-catégorisation se fera en fonction de leur «composition lexicale». C'est ainsi que pour Corblin, celui fait partie des introducteurs de groupes d'un type particulier appelé DSN (= «déterminant sans nom», construction qui dépend le plus souvent d'un syntagme à Nom explicite pour son interprétation lexicale), lesquels sont évidemment aussi des SN (ou GN selon la terminologie de Corblin). II faut noter, toutefois, que le syntagme en celui, dans son emploi aphorique, semble ne pas répondre à l'un des critères qui fondent la catégorie des DSN posée par Corblin, 1990, p. 64, p. 71, à savoir la dislocation droite en de N. A ne considérer que cette seule épreuve, celui r aphorique constituerait donc plutôt un exemple de la troisième catégorie de SN mentionnée par Corblin, laquelle comprend notamment noms propres et pronoms (référentiels) inanalysables du type il.

2. Les statistiques de Pierrard (1989, p. 198) montrent une répartition des formes du nominal du type celui r qui permet de fixer le contingent des formes marquées à 9 p. cent, ou peu s'en faut (61 occurrences sur 694 exemples porteurs du trait anime). Lauteur ne précise pas comment il est arrivé à isoler la catégorie en question, mais de toute façon le recours à l'intuition semble donner, en cette matière, des résultats assez fiables. Là où le doute est permis, c'est quand il s'agit de trancher entre les types I et II avec lesquels l'auteur opère, voir 1989, p. 188, à savoir expressions (lexicalement) anaphoriques et expressions absolues : il y a incontestablement des emplois de celui r «animé» dont la position lexicale est saturée par anaphore. C'est ainsi que l'exemple 7. a que cite Pierrard, 1989, p. 191, pourrait être moins «absolu» que l'auteur ne semble penser, cf. (...) il y avait surtout des femmes, de celles qui ont de beaux restes (...). Cependant, comme le nom femme fait partie des termes animés généraux, les deux analyses donnent en l'occurrence le même résultat. Il n'en est pas de même pour l'exemple suivant, dont la configuration syntaxique est à peu près identique à celle de l'exemple emprunté à Pierrard, 1989, cf. : Je crois que, pour moi, l'alcool est lié à cet ami de papa, un ami d'enfance, l'un de ceux qu'on ne se refait jamais dit-on (...) ( Boissard, Bernadette, p. 114). On peut en effet difficilement poser que ami d'enfance) partie des termes généraux susceptibles d'apparaître sous le nœud N de celui r par voie de réactivation d'un signifié latent.

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2. Les statistiques de Pierrard (1989, p. 198) montrent une répartition des formes du nominal du type celui r qui permet de fixer le contingent des formes marquées à 9 p. cent, ou peu s'en faut (61 occurrences sur 694 exemples porteurs du trait anime). Lauteur ne précise pas comment il est arrivé à isoler la catégorie en question, mais de toute façon le recours à l'intuition semble donner, en cette matière, des résultats assez fiables. Là où le doute est permis, c'est quand il s'agit de trancher entre les types I et II avec lesquels l'auteur opère, voir 1989, p. 188, à savoir expressions (lexicalement) anaphoriques et expressions absolues : il y a incontestablement des emplois de celui r «animé» dont la position lexicale est saturée par anaphore. C'est ainsi que l'exemple 7. a que cite Pierrard, 1989, p. 191, pourrait être moins «absolu» que l'auteur ne semble penser, cf. (...) il y avait surtout des femmes, de celles qui ont de beaux restes (...). Cependant, comme le nom femme fait partie des termes animés généraux, les deux analyses donnent en l'occurrence le même résultat. Il n'en est pas de même pour l'exemple suivant, dont la configuration syntaxique est à peu près identique à celle de l'exemple emprunté à Pierrard, 1989, cf. : Je crois que, pour moi, l'alcool est lié à cet ami de papa, un ami d'enfance, l'un de ceux qu'on ne se refait jamais dit-on (...) ( Boissard, Bernadette, p. 114). On peut en effet difficilement poser que ami d'enfance) partie des termes généraux susceptibles d'apparaître sous le nœud N de celui r par voie de réactivation d'un signifié latent.

3. C'est ainsi que la glose adéquate de l'expression en celul qui apparaît dans l'exemple suivant semble être «les élèves qui (...)»: Le maître de temps en temps disait : «Regardez l'oiseau qui ne peut s'envoler!» Et les autres en pareil cas avaient le droit de rire parce que c'était le maître qui faisait de l'esprit. Il jetait même un regard amical à ceux qui riaient le plus fort. (Sabaticr, Alain, p. 56) Cf. aussi Grevisse & Goosse (1989, p. 21) où l'équivalence suivante est établie : «Ceux de 14 (...) [ = les soldats de 1914]».

4. J'ai montré dans un autre article (Veland, 1990, p. 130-131, sur un exemple impliquant la forme celui-ci), que le sn en celui, dans son utilisation littéraire, pose un problème d'interprétation non seulement pour ce qui est de ses propriétés déictiques, mais aussi du point de vue de sa saturation lexicale. Choisir, comme le fait Kerbrat-Orecchioni (1980, p. 44), un texte dramatique pour illustrer le potentiel déictique des démonstratifs, constitue à première vue une façon élégante de clarifier la situation puisque l'énoncé suivant: «Dites... (il montre Diego), ce matelot arrive de Santos. Si on l'interrogeait?» semble pouvoir être analysé en ces termes : «l'adjectif démonstratif est cotextuel si la pièce est lue (antécédent : Diego) et déictique si elle est vue» (ibid.). Le problème, c'est que la «dédramatisation» de ce passage ne gomme pas le caractère déictique du mode de donation du réfèrent du SN démonstratif comme ie prouve, a contrario, l'introduction dans le même site d'un SN démonstratif sans véritable capacité de fonctionnement déictique exophorique, cf. : *Dites ... (il montre Diego), ce dernier arrive de Santos. Si on l'interrogeait?

5. Dans le sens où ce terme est défini par Arrivé, Gadet, Galmiche, 1986, p. 88 : dans ce dictionnaire de linguistique, sont dits verbes attributifs ceux qui ont la capacité de se faire suivre par un attribut du sujet ou un attribut de l'objet.

6. Je signale, sans autre commentaire à ce stade, que la seule classe d'entités pour lesquelles Kleiber, 1981, p. 149, constate des problèmes d'acceptabilité lorsqu'on veut faire annoncer un réfèrent par une expression pronominale en ce, c'est la classe des êtres humains. Voir aussi note 8.

7. Un test susceptible de faire pencher la balance soit d'un côté soit de l'autre pourrait consister à remplacer l'attribut effectivement réalisé dans 12, ma tournée, par une expression sans source lexicale apte à saturer la forme celle : si la phrase résultant d'une telle opération - cf. par exemple Celle-ci est pour moi ! - s'avérait acceptable dans le contexte linguistique et situationnel auquel appartient le syntagme pronominal de 12 (ce qui semble être le cas), il serait logique de conclure au même statut pour ce dernier que pour le SN correspondant de 6, et de considérer que son fonctionnement lexical présuppose un «absentée antécédent».

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7. Un test susceptible de faire pencher la balance soit d'un côté soit de l'autre pourrait consister à remplacer l'attribut effectivement réalisé dans 12, ma tournée, par une expression sans source lexicale apte à saturer la forme celle : si la phrase résultant d'une telle opération - cf. par exemple Celle-ci est pour moi ! - s'avérait acceptable dans le contexte linguistique et situationnel auquel appartient le syntagme pronominal de 12 (ce qui semble être le cas), il serait logique de conclure au même statut pour ce dernier que pour le SN correspondant de 6, et de considérer que son fonctionnement lexical présuppose un «absentée antécédent».

8. Concrètement, j'interprète cette non-commutation comme une confirmation de l'hypothèse formulée à propos de 10", cf. note 6, en fonction de la restriction mise au jour par Kleiber sur le statut des référents auxquels peut s'appliquer une expression en ce, cf. aussi cette observation faite par Le bon usage, § 674, p. 1070, à propos du démonstratif invariable en question : «Ce pour des personnes a été très courant de l'anc. fr. au XVIIIe s.» En effet, cela veut dire, a contrario, que telle n'est pas la situation actuellement et que la phrase suivante n'est pas conforme à la grammaire contemporaine, cf. : Charlie m'a dit que ce que nous appelons les deux demoiselles Vinteuil, absolument attendues, n 'étaient pas venues (ibid., § 424, p. 702 - Proust).

9. Ce qu'un exemple comme 18 montre aussi, c'est que la résolution de ce dilemme ne se fait pas obligatoirement selon le principe qu'indique Togeby (1982, p. 415) : «La langue française est cartésienne : elle considère plutôt les animaux comme des machines».

10. Otheguy (1978), dans un travail destiné à déterminer la cause efficiente de l'opposition el, lallo en espagnol, cite ce qui va apparaître ici comme un double exemple (SN sujet avec ou sans article) et qui est en tout point identique à la solution de rechange proposée par Touratier (la tempérance est ce qui nous avertit (...), ibid.), cf. : {el) valor est lo que nos permite enfrentarnos a las dificultades de la vida (1978, p. 249, p. 250), le choix du pronom lo reflétant selon l'auteur le sens «Nondiscrete» associé au réfèrent. Or, Otheguy ajoute encore une variante de sa phrase, celle-ci: El valor es el que nos permite enfrentamos a las dificultades de la vida (??) (1978, p. 249). Les deux points d'interrogation signalent qu'il y un os. Si l'auteur semble tout de même enclin à passer outre, c'est qu'il voit dans le choix de el (renvoyant à el valor) un premier jalon sur la voie du «Discrete» («thè more we specify thè kind of courage, thè more it now becomes possible to présent it, depending on the intended message, as either a 'Discrete' or a 'Nondiscrete' entity», ibid.). Pour moi, ce processus ne donne des résultats vraiment convaincants qu'à partir de cette phrase: ese valor es el que nos permite enfrentamos a las dificultades de la vida (ibid., p. 250). Or la traduction anglaise que l'auteur fournit de sa phrase à acceptabilité incertaine est intéressante dans la mesure où elle l'oblige à s'appuyer sur un terrain sémantique précis pour expliciter le début de valeur «discrète» qu'il décèle dans celle-ci, cf. Courage is the one thing that allows us to face the difficulties of Ufe (ibid.). Sachant que el que correspond aussi au celui qui «nominal» du français, on voit qu'une autre solution serait théoriquement possible : celle qui consiste à postuler qu'il s'agit dans un contexte comme celui-là d'une recatégorisation personnifiante.

11. La question des emplois attributifs de recatégorisation de celui r nominal n'est pas sans rappeler la personnification que supposent, sur une échelle beaucoup plus vaste, certaines occurrences du pronom personnel tonique ( cf. par exemple Thun, 1986, p. 141 et sqq.), ou du pronom interrogatif-relatif qui (cf. l'article de Gougenheim, 1950) ainsi que, d'une façon plus générale, bien des faits syntaxiques. Aussi le superlatif, dans la phrase qui suit ne peut-il sans doute être appré- hendé que comme une opération sur un ensemble référentiel dont le dénominateur commun est le trait anime, cf. : on le voit, n'est pas la moins bien servie dans ce livre-référence. (Le Monde, 25. 01. 91, p. 26) Cet exemple rappelle assez, par sa structure - SN minimal/SV à attribut «pronominal» défini -, l'exemple (jugé incorrect) avec celui emprunté à Touratier, et que ce dernier commente ainsi : «On peut s'étonner que le français n'ait pas la possibilité de dire *la tempérance est celle qui nous avertit.... à côté de la tempérance est ce qui nous avertit... (...) cela vient de ce que celui, celle, ce ne correspondent pas au point de vue du sens à un nom déterminé par un article indéfini, mais uniquement à un nom déterminé par un article défini (...)», 1980, p. 49. Cette observation est correcte, mais peut-être pas très éclairante : elle appelle un complément d'analyse sémantique, qui pourrait s'appuyer sur l'appartenance de l'item tempérance à la classe des termes inanimés et inanimables. Un terme comme église, d'autre part, semble «animable», cf. 19, et l'énoncé suivant devrait pouvoir être accepté : l'Eglise est celle à qui il a tout sacrifié. Mais peut-être Tourtier est-il allé un peu vite en besogne en condamnant la tournure qu'il cite : dans un des livres de Georges Kleiber, je lis en effet ceci : Cette solution est satisfaisante à deux points de vue. Faisant du sens celui qui détermine le type de segments de réalité possibles auxquels peut s'appliquer ou non une unité lexicale, elle rend compte du rapport entre Signifié et Réel (...) (Kleiber, 1981, p. 20) Toute interprétation lexicale locale étant ici exclue, l'emploi de CELUI ne peut reposer que sur un processus de recatégorisation parmi les animés du concept général auquel renvoie le SN minimal le sens. Or, on voit mal en quoi le potentiel d'«animabilité» d'un terme comme tempérance serait moindre que celui du concept sens.

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11. La question des emplois attributifs de recatégorisation de celui r nominal n'est pas sans rappeler la personnification que supposent, sur une échelle beaucoup plus vaste, certaines occurrences du pronom personnel tonique ( cf. par exemple Thun, 1986, p. 141 et sqq.), ou du pronom interrogatif-relatif qui (cf. l'article de Gougenheim, 1950) ainsi que, d'une façon plus générale, bien des faits syntaxiques. Aussi le superlatif, dans la phrase qui suit ne peut-il sans doute être appré- hendé que comme une opération sur un ensemble référentiel dont le dénominateur commun est le trait anime, cf. : on le voit, n'est pas la moins bien servie dans ce livre-référence. (Le Monde, 25. 01. 91, p. 26) Cet exemple rappelle assez, par sa structure - SN minimal/SV à attribut «pronominal» défini -, l'exemple (jugé incorrect) avec celui emprunté à Touratier, et que ce dernier commente ainsi : «On peut s'étonner que le français n'ait pas la possibilité de dire *la tempérance est celle qui nous avertit.... à côté de la tempérance est ce qui nous avertit... (...) cela vient de ce que celui, celle, ce ne correspondent pas au point de vue du sens à un nom déterminé par un article indéfini, mais uniquement à un nom déterminé par un article défini (...)», 1980, p. 49. Cette observation est correcte, mais peut-être pas très éclairante : elle appelle un complément d'analyse sémantique, qui pourrait s'appuyer sur l'appartenance de l'item tempérance à la classe des termes inanimés et inanimables. Un terme comme église, d'autre part, semble «animable», cf. 19, et l'énoncé suivant devrait pouvoir être accepté : l'Eglise est celle à qui il a tout sacrifié. Mais peut-être Tourtier est-il allé un peu vite en besogne en condamnant la tournure qu'il cite : dans un des livres de Georges Kleiber, je lis en effet ceci : Cette solution est satisfaisante à deux points de vue. Faisant du sens celui qui détermine le type de segments de réalité possibles auxquels peut s'appliquer ou non une unité lexicale, elle rend compte du rapport entre Signifié et Réel (...) (Kleiber, 1981, p. 20) Toute interprétation lexicale locale étant ici exclue, l'emploi de CELUI ne peut reposer que sur un processus de recatégorisation parmi les animés du concept général auquel renvoie le SN minimal le sens. Or, on voit mal en quoi le potentiel d'«animabilité» d'un terme comme tempérance serait moindre que celui du concept sens.

12 Un fait distributionncl intéressant peut également servir d'argument pour écarter l'hypothèse d'une anaphore lexicale à l'œuvre dans l'exemple en question : pour qu'un SN en celui puisse s'interpréter comme coréférentiel au SN qui en livre aussi l'interprétation lexicale, il faut que l'un et l'autre fassent partie d'une seule et même phrase, ce qui n'est pas le cas ici. Le seul cas de figure qui semble aller à rencontre de ce principe est l'instauration d'un contraste explicite ou implicite entre le SN en celui et une expression subséquente, cf. cet exemple construit (je ne dispose pas d'exemple authentique pour illustrer cette situation) : - Les voitures modernes sont très sûres. - C'est vrai. Celles qu'on produit aujourd'hui offrent une bonne protection des passagers (alors que celles d'il y a une vingtaine d'années étaient souvent de véritables cercueils roulants).

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13. Il est intéressant de noter que le phénomène de frustration cataphorique tei que je l'ai défini ici déborde le cadre du seul français. En effet, c'est sur la base d'exemples italiens qu'a été esquissé ce qui, à ma connaissaince, est la seule tentative de solution de l'énigme, à savoir celle de Klajn, 1986. Aussi faut-il voir rapidement en quoi consistent les propositions de ce chercheur pour en évaluer la pertinence pour les faits correspondants du français. Dans son article, qui traite des pronoms démonstratifs en général, Klajn cite entre autres ces exemples: (i) Quella che afferrai subito, di quella cerimonia, nonostante avessi appena compiuto quindici anni, fu la grande popolarità che ne avrebbe ricavato Mussolini, (in Klajn, 1986, p. 120) (ii) (...) non ignorante ma sapiente in quella che giudicava ferocia, (ibid.) Confronté à ce genre d'exemples, l'auteur commence par faire les mêmes constatations que j'ai faites dans cet article : vouloir saturer à droite les formes pronominales en suivant la trace qu'indiquent les repères de l'accord formel donne lieu à des tautologies - «la ferocia che giudicava ferocia» etc. -, et pourtant l'apparition des pronoms est conditionnée par la présence du SN appartenant à leur contexte subséquent. Pour expliquer le mode de fonctionnement de ce tour particulier, Klajn, 1986, s'appuie sur le parallélisme entre des phrases comme celles qui viennent d'être citées et le type suivant : (iii) Dobbiamo trovare un'area di diffusione con almeno un milione di abitanti (...) et senza altri giornali già saldamente installati nella zona. Perché quella di trovare nuovi lettori è un 'illusione, (ibid.) où il y a aussi tautologie, cf. *l'illusione di trovare nuovi lettori è un 'illusione. Or pour ce dernier type de construction l'auteur a beau jeu d'indiquer un possible point de départ dans le modèle suivant : (iv) Quella dell'lnter è stata una vittoria facile, (ibid., p. 118) dont la principale caractéristique est l'expansion du SN attribut qui libère le fonctionnement cataphorique du pronom en quête de saturation lexicale. Le syntagme pronominal du type qui s'observe dans ce dernier exemple correspond à la variante celui d en français. Le fonctionnement cataphorique de celle-ci est attesté par des exemples de mon corpus, mais aucun de ces exemples ne fait apparaître le syntagme pronominal en fonction de sujet, cf. section 11. Je dispose aussi, en ce qui concerne l'italien, d'exemples qui attestent la possibilité d'un véritable fonctionnement cataphorique du pronom dans le cadre d'une construction du type de (i) et (ii), cf. entre autres le suivant, où il est possible de considérer que le préfixe anti- assure la nécessaire réduction de l'extension de la dénomination, cf. : (v) D'altra parte i tre Magnani erano abituati a quelle che chiamavano le antiprediche. (Alberto Bevilacqua, Una scandalosa giovinezza, p. 189; Milano, Rizzoii, 1978) Cette précision rendra plus acceptable l'explication du phénomène en question qu'avance Klajn : «L'economia linguistica, che sulla sintassi ha un influsso ben più forte che non la logica, tende a utilizzare al massimo i modelli esistenti, sicché lo stesso costrutto resta in vigore anche dove l'espansione non c'è» (1986, p. 120). Pour ce qui concerne l'italien, une telle conclusion n'a rien de sensationnel quand on sait l'importance des phénomènes d'accord purement mécanique qui s'observent dans cette langue : la syntaxe d'Ernout et Thomas cite par exemple ( 1964, § 151, p. 131) une phrase comme questa è mia madre pour faire ressortir la similitude de construction entre l'italien et le latin (cf. aussi «haec est stultitia (...) et non *hoc est stultitia», (ibid.), alors qu'en pareil cas le français mobilise comme sujet un pronom neutre (c'est ma mère, ibid.).

13. Il est intéressant de noter que le phénomène de frustration cataphorique tei que je l'ai défini ici déborde le cadre du seul français. En effet, c'est sur la base d'exemples italiens qu'a été esquissé ce qui, à ma connaissaince, est la seule tentative de solution de l'énigme, à savoir celle de Klajn, 1986. Aussi faut-il voir rapidement en quoi consistent les propositions de ce chercheur pour en évaluer la pertinence pour les faits correspondants du français. Dans son article, qui traite des pronoms démonstratifs en général, Klajn cite entre autres ces exemples: (i) Quella che afferrai subito, di quella cerimonia, nonostante avessi appena compiuto quindici anni, fu la grande popolarità che ne avrebbe ricavato Mussolini, (in Klajn, 1986, p. 120) (ii) (...) non ignorante ma sapiente in quella che giudicava ferocia, (ibid.) Confronté à ce genre d'exemples, l'auteur commence par faire les mêmes constatations que j'ai faites dans cet article : vouloir saturer à droite les formes pronominales en suivant la trace qu'indiquent les repères de l'accord formel donne lieu à des tautologies - «la ferocia che giudicava ferocia» etc. -, et pourtant l'apparition des pronoms est conditionnée par la présence du SN appartenant à leur contexte subséquent. Pour expliquer le mode de fonctionnement de ce tour particulier, Klajn, 1986, s'appuie sur le parallélisme entre des phrases comme celles qui viennent d'être citées et le type suivant : (iii) Dobbiamo trovare un'area di diffusione con almeno un milione di abitanti (...) et senza altri giornali già saldamente installati nella zona. Perché quella di trovare nuovi lettori è un 'illusione, (ibid.) où il y a aussi tautologie, cf. *l'illusione di trovare nuovi lettori è un 'illusione. Or pour ce dernier type de construction l'auteur a beau jeu d'indiquer un possible point de départ dans le modèle suivant : (iv) Quella dell'lnter è stata una vittoria facile, (ibid., p. 118) dont la principale caractéristique est l'expansion du SN attribut qui libère le fonctionnement cataphorique du pronom en quête de saturation lexicale. Le syntagme pronominal du type qui s'observe dans ce dernier exemple correspond à la variante celui d en français. Le fonctionnement cataphorique de celle-ci est attesté par des exemples de mon corpus, mais aucun de ces exemples ne fait apparaître le syntagme pronominal en fonction de sujet, cf. section 11. Je dispose aussi, en ce qui concerne l'italien, d'exemples qui attestent la possibilité d'un véritable fonctionnement cataphorique du pronom dans le cadre d'une construction du type de (i) et (ii), cf. entre autres le suivant, où il est possible de considérer que le préfixe anti- assure la nécessaire réduction de l'extension de la dénomination, cf. : (v) D'altra parte i tre Magnani erano abituati a quelle che chiamavano le antiprediche. (Alberto Bevilacqua, Una scandalosa giovinezza, p. 189; Milano, Rizzoii, 1978) Cette précision rendra plus acceptable l'explication du phénomène en question qu'avance Klajn : «L'economia linguistica, che sulla sintassi ha un influsso ben più forte che non la logica, tende a utilizzare al massimo i modelli esistenti, sicché lo stesso costrutto resta in vigore anche dove l'espansione non c'è» (1986, p. 120). Pour ce qui concerne l'italien, une telle conclusion n'a rien de sensationnel quand on sait l'importance des phénomènes d'accord purement mécanique qui s'observent dans cette langue : la syntaxe d'Ernout et Thomas cite par exemple ( 1964, § 151, p. 131) une phrase comme questa è mia madre pour faire ressortir la similitude de construction entre l'italien et le latin (cf. aussi «haec est stultitia (...) et non *hoc est stultitia», (ibid.), alors qu'en pareil cas le français mobilise comme sujet un pronom neutre (c'est ma mère, ibid.).

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Résumé

La question qui est abordée dans cet article est celle de l'interprétation lexicale du SN sans nom explicite du type «celui + relative» (celui r), identifié à une description définie. Il est montré, d'abord, que seule une conception cognitiviste peut rendre compte de manière adéquate du fonctionnement anaphorique du pronom (qui connaît entre autres la possibilité d'avoir un «absentée antécédent»). Il est également montré, grâce aux données d'un vaste corpus d'exemples authentiques, que la dépendance lexicale textuelle de celui r peut être de type cataphorique, quoique cette configuration soit rare pour le type de syntagme pronominal en question. La notion de cataphore se révèle cependant impuissante à expliquer la manière dont s'opère la saturation lexicale de certaines occurrences de celui r qui, en apparence, présentent les caractères de ce type de relation lexicale. C'est un réexamen de la base sémantique sur laquelle se déploie l'emploi «absolu» de celui r qui a permis de formuler l'hypothèse qui est avancée ici pour expliquer le fonctionnement lexical de ces exemples, dont la relative comporte un verbe attributif suivi d'un SN. Il s'avère, en effet, que le sens intrinsèque de celui r est susceptible, à la faveur de contextes particuliers, de s'appliquer non seulement aux êtres humains mais aussi à des animés non-humains et, surtout, que ce sens est compatible avec la désignation de certains inanimés, qui se trouvent par là dotés d'animation. Ce processus de recatégorisation contextuelle, auquel celui r pourrait ainsi être redevable de certains de ses emplois, semble se traduire par des contraintes de deux ordres : a) accord formel imposé, de droite à gauche, par un SN attribut qui ne fournit pourtant qu'exceptionnellement l'interprétation référentielle la plus complète de celui r, le contrôle référentiel ultime étant exercé par un SN indépendant, b) possibilité d'intégration à la classe des animés tant du SN contrôleur référentiel que du SN contrôleur formel. Or, dans un des exemples authentiques examinés, cette dernière contrainte ne semble pas respectée, ce qui a motivé l'introduction du terme de cataphore frustrée pour désigner ce type d'accord formel ininterprétable en termes sémantiques.

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// - Textes littéraires dépouillés :

Arrive Michel: Les remembrances du vieillard idiot, ¿¿'alfred hf.i.i.eouin, avec des
fragments de la biographie ¿'Adolphe ripotois et de ses œuvres inédites. Flammarion,
Paris, 1977. (Titre abrégé: Remembrances).

Boissard Janine: L'esprit de famille. Fayard, 1977, Paris. (Le Livre de Poche, 5260).
(Esprit).

-L'avenir de Bernadette. Fayard, Paris, 1978. (Le Livre de Poche, 5470). (Avenir).

- Lettre à mon père qui aurait eu cent ans. Gallimard, Paris, 1986. (Lettre).

Cardinal Marie: La souricière. Julliard, Paris, 1965. (Presses Pocket, 1698). (Souricière).

-La clé sur la porte. Grasset, Paris, 1972. (Le Livre de Poche, 4213). (Clé).

Chessex Jacques: La confession du pasteur Burg. Bourgois, Paris, 1967. (Poche Suisse,
13). (Confession).

-L'Ogre. Grasset, Paris, 1973. (Ogre).

Daninos Pierre: Made in France. Julliard, Paris, 1977. (France).

Deon Michel: Tout l'amour du monde. La Table Ronde, Paris, 1960. (Folio, 1016).
(Amour).

- Le rendez-vous de Patmos. La Table Ronde, Paris, 1971. (Folio, 969). (Rendez-vous).

Detrez Conrad: Ludo Calmann-Lévy, Paris, 1978. (Bruxelles, Espace Nord, 45).
(Ludo). [1974].

-L'herbe à brûler. Calmann-Lévy, Paris, 1978. (Herbe).

Dorin Françoise: Les lits à une place. Flammarion, Paris, 1980. (Edition du Club
France Loisirs). (Litó).

Dormann Geneviève: Mickey l'ange. Seuil, Paris, 1977. (Le Livre de Poche, 5215).
(Mickey).

Etcherelli Claire: Elise ou la vraie vie. Denoël, Paris, 1967. (Folio, 939). (Elise).

Exbrayat Charles: Aimez-vous la pizza? Librairie des Champs-Elysées, Paris, 1960.
(Club des Masques, 55). {Pizza).

- Le colonel est retourné chez lui. Librairie des Champs-Elysées, Paris, 1965. (Club
des Masques, 170). (Colonel).

- Quand Mario reviendra. Librairie des Champs-Elysées, Paris, 1972. (Club des Masques,
318). {Mario).

Genevoix Maurice: Trente mille jours. Seuil, Paris, 1980. (Edition du Club France
Loisirs). (Jours).

Gerber Alain: Le faubourg des Coups-de-Trique. Laffont, Paris, 1979. (Le Livre de
Poche, 5628). (Faubourg).

- Une sorte de bleu. Laffont, Paris, 1980. (Le Livre de Poche, 5715). (Bleu).

lonesco Eugène: Le solitaire. Mercure de France, Paris, 1973. (Folio, 827). (Solitaire).

Jardin Alexandre: Bille en tête. Gallimard, Paris, 1986. (Folio, 1919). (Bille).

Le Clezio J. M. G.: La ronde et autres faits divers. Gallimard, Paris, 1982. (Ronde).

Mertens Pierre: Terre d'asile. Grasset, Paris, 1978. (Bruxelles, Espace Nord, 43).
(Terre).

- Ombres au tableau. Fayard, Paris, 1982. (Ombres).

-La fête des anciens. Editions Jacques Antoine, Bruxelles, 1983. (Passé Présent, 38).
(Fête). [1971].

- Les éblouissements. Seuil, Paris, 1987. (Eblouissements).

Michelet Claude: Des grives aux loups. Laffont, Paris, 1979. (Presses Pocket, 2060).
(Grives).

- Les palombes ne passeront plus. Laffont, Paris, 1980. (Presses Pocket, 1997). (Palombes).

-La grande muraille. Laffont, Paris, 1981. (Presses Pocket, 1999). (Muraille).

- Rue des Boutiques Obscures. Gallimard, Paris, 1978. (Edition du Club France Loisirs).

- Quartier perdu. Gallimard, Paris, 1984. (Quartier).

Muno Jean: L'hipparion. Editions Jacques Antoine, Bruxelles, 1984. (Passé Présent,
40). (Hipparion). [1962].

- Histoires griffues. LAge d'homme, Lausanne, 1985. (Histoires).

-Le joker. Editions Labor, Bruxelles, 1988. (Espace Nord, 47). (Joker). [1972].

Navarre Yves: Evolène. Flammarion, Paris, 1972. (Le Livre de Poche, 5682). (Evolène).

-Le cœur qui cogne. Flammarion, Paris, 1974. (Le Livre de Poche, 5413). (Cœur).

- Le petit galopin de nos corps. Laffont, Paris, 1977. (Le Livre de Poche, 5195).
(Galopin).

-Le temps voulu. Flammarion, Paris, 1979. (Le Livre de Poche, 5497). (Temps).

- Le jardin d'acclimatation. Flammarion, Paris, 1980. (Le Livre de Poche, 5579).
(Jardin).

- Romances sans paroles. Flammarion, Paris, 1982. (Le Livre de Poche, 5934). (Romances).

- Niagarak. Librairie Générale Française, Paris, 1983. (Le Livre de Poche, 5742).
(Niagarak).

Perrein Michèle: Le buveur de Garonne. Flammarion, Paris, 1973. (Le Livre de
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- Entre chienne et louve. Grasset, Paris, 1978. (Chienne).

Poirot-Delpech Bertrand: L'été 36. Gallimard, Paris, 1984. (Folio, 1705). (Eté).

Prou Suzanne: Les Patapharis. Calmann-Lévy, Paris, 1966. (Le Livre de Poche, 3466).
{Patapharis).

-Miroirs d'Edmée. Calmann-Lévy, Paris, 1976. (Miroirs).

Remy Pierre-Jean: Orient-Express. Albin Michel, Paris, 1979. (Edition du Club France
Loisirs). (Express).

Rivoyre Christine de: Le petit matin. Grasset, Paris, 1968. (Le Livre de Poche, 3153).
(Matin).

-Fleur d'agonie. Grasset, Paris, 1970. (Le Livre de Poche, 3539). (Fleur).

-BelleAlliance. Grasset, Paris, 1982. (Le Livre de Poche, 5834). (Alliance).

Rolin Dominique: L'enragé. Ramsay, Paris, 1978. (Bruxelles, Kspace Nord, 26). (Enragé).

-Legâteau des morts. Denoôl, Paris, 1982. (Gâteau).

- Trente ans d'amour fou. Gallimard, Paris, 1988. (Trente ans).

Sabatier Robert: Alain et le nègre. Albin Michel, Paris, 1953. (Le Livre de Poche,
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- Le marchand de sable. Albin Michel, Paris, 1954. (Le Livre de Poche, 5704). (Marchand).

-La Mort du figuier. Albin Michel, Paris, 1962. (Le Livre de Poche, 5165). (Mort).

- Dessin sur un trottoir. Albin Michel, Paris, 1964. (Le Livre de Poche, 3859). Dessin).

- Trois sucettes à la menthe. Albin Michel, Paris, 1972. (Le Livre de Poche, 5958).
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-Les enfants de l'été. Albin Michel, Paris, 1978. (Le Livre de Poche, 5397). (Enfants).

Simenon Georges: La colère de Maigret. Presses de la Cité, Paris, 1963. (Collection
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-L'ami d'enfance de Maigret. Presses de la Cité, Paris, 1968. (Collection Maigret, 47).
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- La folle de Maigret. Presses de la Cité, Paris, 1970. (Collection Maigret, 50 NS).
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Tournier Michel: Vendredi ou les limbes du Pacifique. Gallimard, Paris, 1972. (Folio,
959). (Vendredi).

-Le ventParaclet. Gallimard, Paris, 1977. (Folio, 1138). (Paraclet).

Yourcenar Marguerite: L'Œuvre au Noir. Gallimard, Paris, 1968. (Le Livre de Poche,
3127). (Œuvre).

- Souvenirs pieux. Gallimard, Paris, 1974. (Souvenirs).