Revue Romane, Bind 26 (1991) 2

Analyse syntaxique et sémantique de la conjonction si dans les propositions factuelles

par Avec des si, on mettrait Paris dans une bouteille.

Lilian Stage

1. Introduction

S'il est une conjonction qui ne cesse d'intriguer à la fois les linguistes français et étrangers, c'est bien la conjonction si1. Il semblerait que le mot ait plusieurs sens: hypothétique, concessif, adversatif, causatif, etc. Certains dictionnaires et certaines études énumèrent jusqu'à neuf sens différents. Cornulier va même jusqu'à parler de «fatras sémantique»2. En fait, la question fondamentale est de savoir si la conjonction si a plusieurs sens en soi ou si c'est le contexte qui lui donne son sens.

Nous pensons, pour notre part, que si a un seul sens, à savoir son sens de condition et que c'est le contexte qui lui donne sa signification. C'est là d'ailleurs un phénomène que l'on peut observer au niveau d'autres conjonctions, les conjonctions temporelles par exemple. Ainsi, au sens premier de tandis que vient se greffer une signification oppositive dans un contexte déterminé, alors que la conjonction quand se voit parfois doublée d'une signification

Quand on ne fait pas partie du «gratin» des grandes écoles et des spécialistes que tout le monde se dispute, quand on n'a à présenter qu'un diplôme plutôt modeste, voire pas de diplôme du tout, il doit bien tout de même y avoir quelque chose à faire. (Le Monde de l'Education, décembre 1985)

Si partage donc cette propriété avec d'autres conjonctions. Elle s'en distingueuniquement
par le nombre important de significations qu'elle est en
mesure de véhiculer. L'objectif principal de cet article est d'élucider, à l'aide

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de critères syntaxiques et sémantiques, les différentes significations du si dans le but d'amener le traducteur à cerner de plus près le sens du message qu'il devra reproduire dans la langue cible. Nous espérons ainsi démêler «ce fatras sémantique» dont parle Cornulier. La conjonction équivalente danoise (hvis) n'acceptant pas autant de significations que la conjonction française, il est indispensable au traducteur de savoir reconnaître la signification qu'il faut attribuer à un énoncé donné. Nous avons, à cet effet, jugé opportun de réserver la dernière partie du présent article à une vue d'ensemble commentéedes problèmes que rencontre le traducteur lorsqu'il doit rendre le sens du si en danois.

La présente étude se base sur un corpus d'énoncés relevés dans des quotidiens, des hebdomadaires et d'autres textes de non-fiction. D'autre part, pour montrer que les significations de ces énoncés ne sont pas toujours faciles à saisir, nous avons intégré à notre corpus un certain nombre d'énoncés tirés du livre d'Elisabeth Badinter, L'amour en plus et de sa traduction en danois, Kœrlighed i tilgift.

La conjonction si introduit tantôt une subordonnée circonstancielle, tantôt une subordonnée interrogative ou complétive. Seules les subordonnées circonstancielles ont été retenues dans le cadre de notre travail et parmi elles, seuls les emplois souvent qualifiés de non-hypothétiques feront l'objet de notre analyse. Ainsi, les propositions qui nous intéressent au premier chef sont celles où si introduirait non pas un fait incertain, mais un fait réel, incontestable. Les propositions hypothétiques font partie de ce que nous appellerons groupe A et celles appelées traditionnellement non-hypothétiques font partie du groupe B.

Le Petit Robert définit les deux groupes de la façon suivante:

Si hypothétique. Introduit soit une condition (à laquelle correspond une
conséquence dans la principale) soit une simple supposition ou éventualité.
5/ non-hypothétique, sert à marquer la validité simultanée de deux faits.

On pourrait d'ailleurs se demander - soit dit en passant - s'il ne serait pas préférable de voir les choses sous un autre angle. Si le mot hypothèse est pris dans son acception première, scientifique, les deux groupes (hypothétiques et non-hypothétiques) relèvent alors de la même notion d'hypothèse définie en tant que donnée initiale du raisonnement, à cette différence près que le mot hypothèse appliqué au groupe A est pris dans son acception courante de conjecture concernant l'explication ou la possibilité d'un événement (PR), alors qu'appliqué aux emplois du groupe B, il se verrait attribuer le sens mathématique de proposition admise comme donnée initiale d'un problème (PR). Les emplois des deux groupes pourraient ainsi être considérés comme des emplois hypothétiques. Mais quoi qu'il en soit, nous avons jugé préférablede

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blederemplacer l'appellation traditionnelle «non-hypothétique» par celle
de factuel parce que ce terme nous renseigne bien mieux sur la nature de ces
propositions.

2. Délimitation du champ d'investigation

Notre analyse se base dans un premier temps sur la délimitation du champ d'étude de la conjonction si. A cet effet, nous avons soumis tous les énoncés à un certain nombre d'opérations et de transformations à l'aide de critères sémantiques ou syntaxiques dans le but de montrer en quoi ces énoncés ne peuvent être considérés comme de simples hypothétiques portant sur un fait incertain. Comme il s'agit de bien délimiter les emplois factuels par rapport aux emplois hypothétiques, ces derniers constitueront le point de départ de chaque opération.

2.1. Insertion ou non-insertion de alors.

Connecteur dynamique, alors marque une relation de cause à conséquence entre deux événements. Alors introduit une conséquence qui découle logiquement de l'antécédent. Dans les énoncés du groupe A, qui expriment justement une hypothèse portant sur la relation de cause à conséquence, on trouve souvent cet adverbe, du moins dans la langue parlée: «en langue parlée, on intercale souvent alors derrière la proposition conditionnelle.»3 Si l'adverbe n'y est pas, il est toujours possible de l'insérer:

Si tu le dis encore une fois, (alors) je te donnerai une gifle.

L'insertion ou la non-insertion de alors permettrait donc de déterminer si dans un énoncé donné nous avons affaire à une implication logique ou non. L'observation de nombreux exemples nous amène à penser que dans les propositions du groupe B, qui se rapportent à des faits réels ou à des situations réalisées, il n'est jamais possible d'insérer cet adverbe. Il s'ensuit que la relation de cause à conséquence est absente de ces énoncés.

La première réaction, si elle n'est pas forcément la bonne, est souvent la plus
révélatrice. (François de Closet, Toujours plus, p. 126)

* La première réaction, si elle n'est pas forcément la bonne, alors elle est
souvent la plus révélatrice.

On ne trouve pas ici d'implication (si p, q). La deuxième proposition (q) ne
se laisse pas déduire de la première, autrement dit p n'est pas une condition
de q. Il en est de même des exemples suivants:

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Cependant si je n'utilise pas l'opposition persuader / convaincre pour étudier
l'argument?tion, je la reprendrai ici. (Portine, L'argumentation écrite, p. 139)

* Cependant si je n'utilise pas l'opposition persuader / convaincre pour étudier
l'argumentation, alors je la reprendrai ici.

Si, au départ, garçon et fille partagent une égale agressivité, ils ne pourront
bientôt plus l'exprimer de la même manière. (Badinter, L'amour en plus, p.
307)

* Si, au départ, garçon et fille partagent une égale agressivité, alors ils ne
pourront bientôt plus l'exprimer de la même manière.

2.2. Substitution de si par au cas où.

La conjonction au cas où introduit toujours une hypothèse qui se rapporte à un fait incertain, non encore réalisé. Une opération de substitution du si par au cas où suffira à départager les énoncés du groupe A et ceux du groupe B. Sandfeld dit que au cas où présente la condition comme une supposition, donc comme quelque chose d'incertain4. Les propositions introduites par cette conjonction sont souvent au conditionnel, mais comme le présent n'est pas exclu, nous garderons ce temps dans les exemples employés dans les substitutions.

Si l'immigré adulte sait au moins d'où il vient, le jeune immigré se sent
perdu, car il évolue dans une sorte d'état d'incertitude culturelle. (Nouvelles
Politiques, p. 137)

* Au cas où l'immigré adulte sait au moins d'où il vient, le jeune immigré se
sent perdu, car il évolue dans une sorte d'état d'incertitude culturelle.

La substitution de si par au cas où rend la phrase grammaticalement incorrecte. On ne voit pas comment l'idée introduite dans la subordonnée pourrait être une condition de la réalisation de la situation exprimée dans la principale. Dans ce genre de phrases, la relation de cause à conséquence s'efface totalement au profit d'une relation d'opposition.

Si personne ne connaît le nom de MM. Carrefour et Euromarché, chacun
situe très bien Edouard et Michel Ledere. (L'Express 20-1-1984)

* Au cas où personne ne connaît le nom de MM. Carrefour et Euromarché,
chacun situe très bien Edouard et Michel Ledere.

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Ici aussi, il semble évident que l'antécédent «personne ne connaît» ne peut
pas être une condition de la conséquence «chacun situe très bien» et, de ce
fait, toute substitution à l'aide de au cas où est exclue.

2.3. L'insertion d'adverbes de phrase (adverbes modaux, adv. d'énonciation).

L'insertion d'un adverbe de phrase exprimant ou plutôt explicitant le sens concessif ou adversatif d'un énoncé sera d'une grande utilité pour distinguer les propositions hypothétiques des propositions factuelles, vu que les hypothétiques n'autorisent absolument pas l'insertion de tels adverbes. Faisons cependant remarquer que ce ne sont pas tousles énoncés du groupe B qui acceptent l'insertion de ces adverbes. Grand nombre d'entre eux expriment d'autres sens que la concession ou l'adversativité.

Dans les exemples suivants, il est possible d'insérer l'adverbe cependant
pour souligner le sens concessif de la phrase.

N'oublions pas que si l'île a voté Mitterrand pour manifester son refus de
Giscard, elle n'a (cependant) donné que 10% de ses voix au PS lors des
législatives. (Le Matin 15-8-1981)

Si j'ai prévu - et annoncé à l'avance - le départ des communistes du gouvernement,
je n'ai (cependant) jamais fait dépendre mon attitude de la leur.
(Nouvel Observateur 7-9-1984)

Dans d'autres énoncés, l'insertion de l'adverbe en revanche qui exprime
l'adversativité s'impose:

Si certains d'entre eux n'éprouvent guère de difficultés à trouver un nouvel
emploi, d'autres (en revanche) ne peuvent espérer se réinsérer dans une
activité professionnelle. (Nouvelles Politiques, p. 123)

Ce mécanisme, s'il fonctionne dans des conditions à peu près normales pour
des logements neufs, n'est (en revanche)pas respecté pour ceux qui deviennent
vacants. (Nouvelles politiques, p. 95)

2.4. L'emploi des temps.

Serait-il possible de distinguer les deux groupes de propositions d'après leur emploi des temps? La lecture de certaines grammaires pourrait nous amener à croire en une telle possibilité. Fransk Grammatik (John Pedersen et al., 1980) parle de subordonnées conditionnelles extraordinaires (correspondant à nos subordonnées factuelles) au § 166.1.4. D'après les auteurs de cette grammaire, les conditionnelles extraordinaires se caractériseraient par leur emploi du passé simple, du futur et du conditionnel. Ils ne précisent pas si, dans ce type de conditionnelles, on trouve aussi d'autres temps verbaux.

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Dans sa grammaire française, K. Togeby fait la distinction entre vraies et fausses conditionnelles. «Lorsque si est suivi du présent, de l'imparfait ou du plus-que-parfait, on a, la plupart du temps, affaire à de vraies conditionnelles.Quand si est suivi du passé simple, du futur ou du conditionnel, il s'agit presque toujours de fausses conditionnelles, c'est-à-dire de propositionsqui n'expriment pas une hypothèse, mais d'autres rapports avec la principale» (Togeby, Grammaire française, § 870). Il est exact de dire que les subordonnées où si est suivi du passé simple, du futur ou du conditionnel appartiennent presque toujours au groupe B (les emplois factuels du si), s'agissant de la langue écrite. Dans la langue parlée, par contre, il n'est pas rare d'entendre un futur ou un conditionnel après un si au sens hypothétique (groupe A).

Mais il n'est pas correct d'affirmer, comme le fait Togeby, que quand si est suivi du présent, de l'imparfait ou du plus-que-parfait, on a, la plupart du temps, affaire à de vraies conditionnelles (Groupe A). La grande majorité des énoncés qui constituent notre corpus renferment justement des énoncés avec si + un des temps mentionnés, alors que les exemples avec le passé simple, le futur ou le conditionnel sont plutôt rares. Une répartition des subordonnées en deux groupes basée sur un critère temporel s'avère donc insuffisante. Une fois établie la première classification, le problème est de savoir quelle signification attribuer à un énoncé factuel et plus précisément de savoir si nous sommes en présence d'un si itératif, habituel, concessif, adversatif, oppositif ou contrastif.

3. Analyse des propositions factuelles

Avant d'entreprendre l'analyse des différentes catégories du si factuel, nous allons, dans un premier temps, déterminer les traits qui caractérisent les propositions factuelles sous l'éclairage des paramètres suivants: type de relation qui s'établit entre les propositions, position de la subordonnée et emploi du temps.

3.1. Traits généraux des propositions factuelles.

3.1.1. Type de relation dans les factuelles.

Dans les énoncés factuels, on observe que l'implication propre au groupe A (si p (alors) q) se voit implicitement niée. D'après la théorie de Ducrot à laquelle nous ferons appel dans la première étape de notre analyse, si permet au locuteur de réaliser successivement deux actes illocutoires: 1. demander à l'auditeur d'imaginer «p», 2. une fois le dialogue introduit dans cette situationimaginaire, y affirmer «q». Le locuteur demande à son interlocuteur d'accepter «p» comme cadre du discours5. A notre avis, le locuteur peut, àce

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moment-là, exprimer soit une relation d'implication (cause à effet ou cause à conséquence) soit une autre sorte de relation: une négation implicite de l'implication que l'interlocuteur s'attendrait à voir exprimée. La plupart des emplois factuels auraient donc en commun ce dernier trait. Mais pourquoi appeler cela une négation implicite? Tout simplement parce que le locuteur nie la relation d'implication attendue par l'interlocuteur, en la remplaçant par tout autre chose. Ainsi, dans les énoncés du groupe A, la relation causeconséquenceque le destinataire présuppose en entendant si se voit confirméepar le message du destinateur. Dans ceux du groupe B, la relation cause-conséquence présupposée par le destinataire se voit non-réalisée et l'orientation du discours change alors de cap.

Les emplois factuels sont souvent qualifiés de marginaux. Selon Ducrot, ce serait parce qu'ils «se comprennent mal dans le cas où si exprimerait une relation entre propositions» (relation de cause à conséquence)6. C'est pour cela qu'il choisit de parler de deux actes illocutoires à propos du si. On pourrait aussi se demander si le choix d'un tel qualificatif n'est pas dû au fait que les phrases hypothétiques sont communément admises comme les plus courantes, représentant ainsi l'emploi fondamental en quelque sorte. Le récepteur qui entend si «p» imagine simultanément la conséquence ou l'effet de «p». N'est-il pas révélateur que le premier emploi auquel pense un Français en entendant la conjonction si, c'est l'emploi hypothétique. Demandons à un Français de construire une phrase avec si. Il construira neuf fois sur dix une phrase hypothétique du type:

Si je gagnais au loto sportif, j'irais m'installer aux Baléares.

3.1.2. La position de la subordonnée en si.

Dans la plupart des énoncés appartenant aux propositions factuelles, la subordonnée introduite par si se place en tête de phrase. L'antéposition de la subordonnée souligne la fonction thématisante du si. Il est extrêmement rare que la subordonnée soit placée en fin de phrase, ce qui explique que notre corpus n'en contient qu'un exemple:

Les profs qui ne sont que profs sont des Français moyens dans toute leur
horreur... Le propos ne manque pas de franchise, s'il est dépourvu de rondeur
diplomatique. (Hamon et Rotman, Tant qu'il y aura des profs, p. 263)

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3.1.3. L'emploi du temps dans les énoncés factuels.

Dans les énoncés factuels, l'emploi des temps n'est soumis à aucune restriction. Toutes les combinaisons sont possibles, ce qui implique que l'on trouve aussi parfois des combinaisons qui s'emploient surtout dans les énoncés hypothétiques:

Aide-toi, EEurope t'aidera. J'utilise souvent cette formule pour souligner que, si la dimension européenne est indispensable au sursaut, rien ne se fera si chacun ne met pas sa propre maison en ordre. (Nouvelles littéraires, février 1984)

Cependant si je n'utilise pas l'opposition persuader / convaincre pour étudier
l'argumentation, je la reprendrai ici, parce qu'elle permet d'assurer une partition
rentable pédagogiquement. (Portine, écrite, p. 139)

II est, à cet égard, intéressant de noter que les trois temps (le passé simple, le futur et le conditionnel) auxquels on réserve normalement une place de choix quand on parle de ces énoncés dans les grammaires sont quasiment absents du français journalistique. Dans la prose fictive, par contre, l'on trouve en français moderne des exemples de si suivi du passé simple, plus rarement du futur et du conditionnel:

Car s'il ne rencontra ni gnomes, ni princesse endormie, ni roi millénaire
trônant dans le tronc creux d'un chêne, il fut bientôt conduit devant l'ogre de
Romintern. (Tournier, Roi des Aulnes, p. 207)

Ce qui est surtout frappant dans ces énoncés, c'est qu'on utilise le plus
souvent un temps identique dans les deux propositions (4/5 des énoncés de
mon corpus):


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Si certains d'entre eux n'éprouvent guère de difficultés à trouver un nouvel
emploi, d'autres ne peuvent espérer se réinsérer dans une activité professionnelle.
(Nouvelle Politique, p. 123)

Mais si le temps du savoir alphabétique est révolu, l'ère de l'écrit s'accroît.
(Le français dans le monde, avril 1985, p. 19)

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On avait découvert le café torréfié, les engrais chimiques, les doryphores, et
si l'on vivait chichement, on vivait cependant, du moins sans la hantise du
froid et de la faim. (Christian Signol, Menthes sauvages, p. 14)

Si le textile, fabrication et traitement des fibres, a fait quelques efforts de
modernisation, l'habillement sauf exceptions n'a presque pas évolué depuis
le XIXe siècle. (François de Closet, Toujours plus, p. 233)

Après le si itératif, un temps identique est la règle générale:

Si je parle de lui, ma voix tremble. (Cabanis, Bonheur, p. 59, in Togeby §
865.4)

Dans les autres types de subordonnées factuelles, il s'agit seulement d'une
tendance, mais d'une tendance très marquée. Dans ces subordonnées, d'autres
combinaisons de temps sont aussi fréquentes:

S'il reconnaissait bien les lieux, il fut d'abord incapable de se souvenir de ce
qu'il était venu y faire. (Chateaureynaud, Mathieu Chain, p. 169)

Cependant, si le sort de la femme s'améliora sous l'influence de l'Eglise, cela
ne touchait que les classes supérieures. (Badinter, Eamour en plus, p. 19)

Capitalisme et libéralisme recouvrent donc deux réalités différentes, bien que généralement confondus sous la seule appellation «capitalisme». Il importe cependant de bien les distinguer.Car si, effectivement, elles ne faisaient qu'un à l'origine de la révolution industrielle, elles tendent de plus en plus à se dédoubler et la confusion entre ces deux concepts interdit toute compréhension du monde actuel. (François de Closet, Toujours plus, p. 183)

Selon Coyaud, la seule différence notable entre les deux groupes en ce qui concerne l'emploi du temps serait «que les combinaisons avec conditionnel n'apparaissent pas en général avec un si concessif»7. Le conditionnel n'est pourtant pas exclu des emplois concessif s. On le trouve avec un présent dans la subordonnée:

Si je souhaite une certaine émulation entre les établissements scolaires, je ne voudrais pas toutefois qu'une concurrence anarchique en vienne à creuser de telles différences qu'on aurait bientôt affaire - et cela dès le collège - à différents types d'écoles consacrant et renforçant les ségrégations sociales existantes. (Nouvel Observateur 7-9-1984)

S'il existe, au départ, un décalage entre nos deux C.S.P., il pourrait aisément
se corriger par le biais de la formation professionnelle destinée aux adultes.
(François de Closet, Toujours plus, p 2*>l)

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3.2. Analyse des catégories du si factuel.

Avant l'analyse des différents emplois factuels de si, attardons-nous un instant sur le choix terminologique que nous avons effectué. Nous nous servirons des termes suivants: si itératif, si causatif, si concessif, si adversatif, si additif et si emphatique. Rappelons qu'il ne faut pas en conclure que c'est la conjonction en elle-même qui confère tel ou tel sens à un énoncé. C'est l'ensemble, c'est-à-dire toute la phrase qui, par sa structure syntaxique et sémantique, (qui reste justement à déterminer) donne son sens à l'énoncé. Ainsi, c'est la principale qui amène la cause, la concession, l'adversativité, etc. Si j'ai choisi de parler d'un si causatif tout comme on parle d'un si concessif ou d'un si adversatif, c'est que je trouve ce terme plus éloquent, plus explicatif que le terme d'inversif utilisé par Coyaud8, qui n'explique d'ailleurs pas pourquoi il a choisi ce terme. Il le met entre guillemets tout en déclarant qu'il ne s'agit que d'une «variété» de l'implication. Cependant, si on parle d'un si inversif il est légitime de se demander sur quoi porte l'inversion. Une chose est sûre en tout cas: ce n'est pas l'ordre des propositions qui se trouve inversé. Ainsi, dans les deux phrases suivantes:

S'il le dit c'est parce qu'il le pense vraiment.
Il le dit parce qu'il le pense vraiment.

- l'omission de la conjonction si dans la deuxième phrase n'affecte en rien l'ordre des propositions. En réalité, ce qui est inversé, c'est l'ordre causeconséquence propre aux constructions hypothétiques. Dans les énoncés appartenant à la catégorie du si causatif, nous trouvons l'ordre inverse: faitcause où le fait correspond à la conséquence des phrases hypothétiques. Cet ordre est - bien sûr - tout à fait normal dans les structures qui servent à expliquer un fait. Les emplois du si itératif et du si causatif ayant certaines propriétés qui les rapprochent des emplois du groupe A, une délimitation nette des deux groupes s'est révélée impossible. C'est pour cette raison que, dans le schéma ci-dessous, nous avons situé ces deux emplois dans le champ d'intersection des deux groupes.

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3.2.1. Si itératif.

Il ne fait aucun doute que le si itératif marque, comme les emplois du groupe A, une implication. Si nous avons choisi d'en parler ici sous le groupe B, c'est que cet emploi se trouve à cheval sur les deux groupes. Il se différencie des autres emplois du groupe A par sa distribution temporelle. Dans ces énoncés, on trouve effectivement toujours un temps identique dans les deux propositions: le présent + le présent ou l'imparfait + l'imparfait. D'autre part, le fait que si se laisse remplacer, le plus souvent, par la conjonction chaque fois que prouve que nous sommes ici en présence de cas réels où une cause p a amené une conséquence q.

Si la mère allaitait, elle devait se cacher du monde pour le faire et cela brisait
pour un long moment sa vie sociale et celle de son époux. (Badinter, Eamour
en plus, p. 85)

Dans son article sur si, Coyaud émet l'hypothèse que cet emploi de si serait uniquement possible avec des verbes perfectifs: « Elle (la valeur «habituel») n'est attestée que pour les verbes «ponctuels» (renvoyant à une action déterminée). Des verbes non ponctuels (comme être, aimer) ne l'admettent pas (?).»9 Le point d'interrogation de Coyaud laisse entendre qu'il s'agit là d'une hypothèse de sa part. L'exemple suivant semble prouver que, contrairement à ce que pense Coyaud, un verbe imperfectif n'est pas exclu dans ce type de construction:

Si une femme ne se sentait pas une vocation altruiste, on appelait à l'aide la
morale qui commandait qu'elle se sacrifiât. (Badinter, Eamour en plus, p.
264)

II faut cependant admettre que les verbes perfectifs sont de loin les plus
fréquents après le si itératif.

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3.2.2. Si causatif.

La conjonction si s'emploie pour introduire un fait en le thématisant, suivi
d'une principale exprimant la cause ou le but de ce fait10. Si entre dans ce cas
dans la structure suivante:

Si ...c'est que ...c'est parce que ...c'est à cause de ...c'est dû à ce que ...c'est le fait de

Si ...la cause en est que

Cette structure renferme un fait passé ou présent. La conjonction si introduit le fait que l'on cherche à expliquer. On est en droit de se demander pourquoi le locuteur utilise cette structure au lieu d'employer une structure plus simple pour exprimer la relation causale. Quelle différence y aurait-il, par exemple, entre les phrases suivantes:

Et s'il aimait tant dormir dans les cimetières, c'était en vérité que le calme de
ces endroits semblait apaiser son angoisse et se communiquer à lui jusque
dans son sommeil. (Chateaureynaud, Mathieu Chain, p. 247)

et

En vérité, il aimait tant dormir dans les cimetières parce que le calme de ces
endroits semblait apaiser son angoisse.

On remarquera que la «place» de la proposition introduite par si reste la même dans la deuxième construction, qui comprend une proposition principale + une subordonnée introduite par parce que. La différence vient de ce que le fait amené par si a déjà été évoqué dans le roman à la page précédente («II affectionnait les cimetières, toujours propres et silencieux, et où l'on dort, me dit-il, comme un ange»). En reprenant ce fait dans une subordonnée introduite par si> le locuteur réduit sa valeur communicative en le thématisant, soulignant de cette manière qu'il ne s'agit pas d'une information nouvelle. C'est là une des fonctions essentielles de si. Comparez aussi:

En effet, Prost De Royer pense que «la plupart des mères n'entendent pas la voix de la nature». Autrement dit, tout cela n'est pas de leur faute, car elles sont devenues sourdes... Mais on aurait pu rétorquer au lieutenant de police que si les femmes n'entendent plus la voix de la nature, c'est que celle-ci manque de vigueur. (E. Badinter, Camour en plus, p. 185)

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à

Les femmes n'entendent plus la voix de la nature parce qu'elle manque de
vigueur.

Les deux exemples suivants viennent également confirmer cette idée:

Car après tout pourquoi parle-t-on? Les philosophes l'ont assez répété: parce que les hommes vivent ensemble et échouent à communiquer. Lacan l'a montré à sa façon: parce que les hommes ont un corps, et que les corps ne peuvent se conjoindre. S'il y a de la parole, c'est qu'il y a de la socialité et que la socialité, c'est la guerre. S'il y a des langues et de la langue, c'est qu'il y a du manque et que le manque c'est le malheur. (Bernard-Henri Levy, Barbarie à visage humain, p. 48)

Sous réserve d'une surprise de dernière minute, le verdict populaire a donc rejeté la majorité sortante au bénéfice de l'opposition. Si les résultats sont serrés, c'est avant tout le fait du scrutin proportionnel. Dans cette mesure, la stratégie de la gauche a donné un résultat: le P.S. sauve les meubles... En revanche la majorité R.P.R.-U.D.F. se voit réduite à une victoire étroite. (France Soir 18-3-1986)

Ainsi, la conjonction si fonctionne comme une sorte de connecteur puisqu'elle
contribue à assurer la cohérence du texte. Cette structure se retrouve
aussi dans les mêmes conditions d'emploi avec les expressions de but.

Si ...c'est pour
...c'est dans le but de
...c'est dans la bonne intention que

En quinze jours, il mit donc tout Nieseln dans sa poche... S'il se pliait à
plaire, ce n'était même pas réellement pour plaire. (Chateaureynaud, Mathieu
Chain, p. 30)

Or, la maternité, telle qu'on la conçoit au XIXe siècle depuis Rousseau, est entendue comme un sacerdoce, une expérience heureuse qui implique nécessairement douleurs et souffrances. Un réel sacrifice de soi-même. Si on insiste sur cet aspect de la maternité, avec une certaine complaisance, c'est toujours pour montrer l'adéquation parfaite entre la nature de la femme et la fonction de mère. (E. Badinter, Eamour en plus, p. 245)

Certains linguistes dont les auteurs de Fransk Grammatik considèrent que nous nous trouvons là en présence d'une construction clivée11. Selon eux, les phrases clivées sont des constructions emphatiques qui permettent au locuteurde mettre l'accent sur un élément qui est déplacé à gauche pour constituerle

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tuerlefoyer de la construction. A l'aide du clivage, on met en relief un
élément parmi d'autres. Fransk Grammatik cite comme exemple:

On ne peut pas dire que c'est parce que monsieur boit que madame n'est
pas heureuse. (Vailland, Homme, p. 169)

Le dernier exemple du § 25 est un exemple de phrase clivée introduite par si:

Si je vis comme cela, c'est parce queje veux bien. (Rochefort, Stances, p. 13)

et ils citent aussi la phrase non-clivée:

Je vis comme cela parce que je veux bien.

Les auteurs se contentent de dire que l'exemple cité appartient à une autre sorte de phrases clivées que celles traitées en début de paragraphe. Ils n'expliquent pas en quoi cet exemple diffère des autres types de clivage. D'après leur définition, le clivage impliquerait qu'un élément change de place. Si on examine les exemples cités par Fransk Grammatik, on constate pourtant qu'ils ne correspondent pas tous à la définition donnée. L'élément concerné n'est déplacé que dans certaines conditions bien précises, parmi lesquelles la fonction syntaxique joue un rôle primordial. En fait, ce qui définit le clivage, c'est l'emploi d'un présentatif (c'est) introduisant le foyer ou l'élément que l'on veut souligner.

Dans la structure que nous traitons ici, on retrouve le présentatif c'est. A
partir de ces phrases on peut aussi construire des phrases «non-clivées».

Si autant de bacheliers continuent des études supérieures, c'est parce que le passage par l'université représente un acquis pour les enfants des classes moyennes et parce qu'il paraît toujours rémunérateur. (Le Monde de l'Education, janvier 1980)

S'il y a eu une affaire Boulin, c'est parce qu'un juge d'instruction, en l'occurrence,
n'a pas été tributaire de la police pour mener l'essentiel de son information.
(Le Matin 6-8-1981)

Une transformation de ces phrases en phrases «non-clivées» donnerait:

Tant de bacheliers continuent des études supérieures parce que le passage
par l'université représente un acquis pour les enfants des classes moyennes
et parce qu'il paraît toujours rémunérateur.

Il y a eu une affaire Boulin parce qu'un juge d'instruction, en l'occurrence,
n'a pas été tributaire de la police pour mener l'essentiel de son information.

Side 177

Le présentatif c'est et la possibilité de reconstruire la phrase non-clivée à partir de la phrase de départ sembleraient indiquer qu'il s'agit bien de phrases clivées. Avec les mêmes énoncés on peut créer encore un autre type de clivage:

C'est parce que le passage par les universités représente un acquis pour les
enfants des classes moyennes que tant de bacheliers continuent...

C'est parce qu'un juge d'instruction, en l'occurrence, n'a pas été tributaire...
qu'il y a eu une affaire...

Dans les deux types de constructions clivées: s'il y a... c'est parce que et c'est parce que ... que, l'élément présupposé est le même, à savoir «tant de bacheliers continuent des études supérieures» dans le premier exemple et «il y a eu une affaire Boulin» dans le deuxième. Ce qui les différencie, c'est qu'à l'aide de la construction c'est parce que... que, on met en relief l'élément qui suit le présentatif, la relative apportant une information qui est «subordonnée» à celle qui se trouve au foyer du clivage. Par contre, dans la structure si... c'est que il y a autre chose qui entre en jeu, à savoir la cohérence textuelle. Si relie la phrase qu'il introduit au contexte précédent, en reprenant une idée déjà exprimée, et assure de cette manière la cohérence du texte en soulignant que l'élément qui vient juste après si est un élément connu, donc de moindre importance du point de vue proprement communicatif.

Le si causatif n'entre pas toujours dans une structure clivée. Parfois la
cause est introduite d'une autre façon, par exemple à l'aide d'un substantif: la
cause... :

Car, si les femmes sont effectivement inférieures aux hommes de ce siècle, la cause ne s'en trouve pas dans leur nature, mais dans l'éducation qu'on leur donne ou plutôt dans celle qu'on leur refuse. (Badinter, Eamour en plus, p. 163)

Dans les énoncés qui relèvent de cette catégorie, les temps employés sont multiples. On remarquera cependant que le futur et le conditionnel en sont (quasi) absents. Comme pour les autres catégories du si factuel, on trouve souvent un temps identique dans les deux propositions, surtout le présent, l'imparfait et le passé composé. Bien que rares, d'autres combinaisons sont toutefois possibles.

REMARQUE: Nous n'avons trouvé aucun exemple écrit de si causatif se
rapportant à une situation irréalisable ou réalisable (groupe A). Nous pensons
néanmoins qu'il est possible de trouver des exemples de cette sorte:

Si je te le disais, ce serait uniquement pour obtenir ton accord.

Side 178

3.2.3. Si concessif- si adversatif- si additif.

A première vue, certains emplois de la conjonction si se ressemblent tellement qu'il semble difficile et peut-être même vain de vouloir les distinguer. Nous essaierons quand même de maintenir cette distinction, en la fondant sur des critères sémantiques et pragmatiques.

5/ concessif: + insertion de cependant
- opposition lexicale
+ conclusion réfutée

Si adversatif: + insertion de en revanche
+ opposition lexicale
- conclusion réfutée

Si additif: + insertion de également
- opposition lexicale
- conclusion réfutée

3.2.4. Si concessif.

Dans les manuels de grammaires d'usage courant, l'emploi de la concession se voit le plus souvent réduit aux subordonnées concessives introduites par bien que, quoique, etc. et la Grammaire Française de Togeby n'y fait pas exception. Togeby traite le si concessif au chapitre des propositions conditionnelles, ce qui explique qu'il ne parle pas des différences ou des ressemblances entre bien que et si. Dans le Bon Usage de Grevisse (1986 p. 1668), il est précisé que les propositions en si sont écartées du chapitre sur la concession: «Nous écartons aussi les propositions causales, temporelles, conditionnelles qui, occasionnellement, à cause du contexte sémantique énoncent une contradiction que l'on pouvait traduire par une proposition concessive.» Pour Grevisse, il n'y aurait donc pas vraiment de différence entre une proposition introduite par bien que et une autre introduite par si.

Pour notre part, nous reprendrons les idées de Sandfeld sur bien que et si. Rappelons que selon Sandfeld, les deux conjonctions s'emploient dans des contextes différents: « Un cas très fréquent est celui où deux faits sont présentés comme coexistant indépendamment l'un de l'autre, de sorte que ce qui est dit dans la proposition introduite par si est relevé comme n'excluant pas ce qui est dit dans l'autre proposition.

A certaines heures Dominique eût préféré combattre les ennemis, à d'autres,
non! Car s'il était bon Français, il tenait aussi à la vie.

Side 179

... Dans tous les cas semblables, les propositions introduites par si ont une valeur concessive... Elles se distinguent des propositions concessives proprement dites en ce que celles-ci marquent qu'un fait qui devrait empêcher la réalisation de ce qui est dit dans la principale n'a pas eu cet effet.»12

Nous distinguerons, quant à nous, deux sortes de concessions13:

1. une concession logique qui exprime la cause inopérante (introduite
par bien que, quoique).

2. une concession argumentative qui permet de réfuter la conclusion
attendue en en prenant le contre-pied (introduite par si).

Bien que {quoique, etc.) sert à introduire la cause inopérante en posant une relation de cause à conséquence entre deux faits. Le si concessif, par contre, n'établit pas de relation de cause à conséquence. Si permet au lecteur de rejeter la conclusion qu'on pourrait être tenté de tirer. A l'aide du si à valeur argumentative, le locuteur rejette la relation d'exclusion, c'est-à-dire qu'il réfute implicitement une conclusion logiquement attendue, en affirmant la conclusion inverse. Si reprend un fait qui a déjà été mentionné dans le contexte précédent, en le thématisant, et dans la principale, le locuteur réfute la conclusion attendue. Autrement dit, le locuteur présente deux faits comme «coexistant indépendamment l'un de l'autre», et non pas s'excluant l'un l'autre, comme on pourrait le croire.

- Insertion de cependant.

La possibilité ou la non-possibilité d'insérer l'adverbe cependant montrera clairement si, dans un énoncé donné, nous sommes en présence d'un si concessif ou non. Si nous avons choisi d'utiliser l'insertion de cet adverbe concessif comme critère distinctif par rapport aux autres énoncés en si, c'est pour la simple raison qu'un certain nombre d'énoncés renferment déjà cet adverbe ou son équivalent pourtant14.

Mais avant d'en arriver là et pour mieux mettre en évidence la particularitédes concessives, nous nous attarderons quelque peu sur les notions de «conclusion attendue» et de «conclusion inverse» que nous avons mentionnéesplus haut. Pour définir ce que nous entendons par conclusion attendue, nous aurons recours à la notion de topos que nous empruntons à Ducrot15. Selon lui, un topos est un lieu commun argumentatif qui se caractérise par son universalité et par sa généralité. Une troisième propriété serait égalementconstitutive des topoï, à savoir leur nature graduelle. Les topoï mettent en relation deux échelles: plus on travaille, plus on réussit. Leur nature graduelle est sans doute moins évidente quand il s'agit des relations concessives.Pour adapter ce concept à notre champ d'étude, nous avons jugé utile de réduire la définition du topos à sa plus simple expression: une croyance

Side 180

partagée par toute une communauté linguistique ou posée comme telle par le
locuteur. Le topos se compose de deux éléments: une affirmation et sa
conclusion logique.

Si les chrétiens ont pu amener à eux une part importante de la population africaine, s'ils ont joué un rôle essentiel dans l'éducation comme la santé, s'ils ont formé la plupart de ceux qui gouvernent l'Afrique d'aujourd'hui, l'existence des églises chrétiennes reste fragile. (Le Matin 2-5-1980)

Topos: église qui joue un rôle essentiel = église forte.

Le destinataire pourrait être tenté de conclure d'après ce qui précède et selon sa conception de la société que l'église est forte. Or, il s'avère que cette conclusion est fausse. Les faits ne concordent pas avec son idée du monde. Le fait que l'église joue un rôle essentiel, etc. n'exclut pas le fait qu'elle soit fragile. Le topos: église jouant un rôle important = église forte se voit donc réfuté par le locuteur qui substitue à la conclusion logiquement attendue une conclusion inverse (église fragile).

Le même phénomène se manifeste dans les exemples suivants:

Et si au XIIIe siècle dans le Sud de la France, le père peut encore tuer son enfant sans grand dommage pour lui, la puissance paternelle est cependant modérée par la mère et les institutions qui s'immiscent de plus en plus dans le gouvernement de la famille. (Badinter, Eamour en plus, p. 19)

Topos: le fait qu'un père puisse tuer son enfant sans grand dommage pour lui
= puissance paternelle illimitée. Le topos se voit modifié au niveau de la
conclusion attendue (puissance paternelle limitée).

Si cette enquête paraît souvent hâtive, elle a cependant le mérite de souligner l'une des causes majeures d'un indéniable essor: le succès de la réforme agraire, décidée autoritairement par un régime qui avait été vaincu par les armées paysannes de Mao Zedong. (Le Monde diplomatique, juin 1987)

Topos: enquête hâtive = enquête sans mérites (modifié en enquête qui a un
certain mérite).

Si nous dénonçons et le goulag et le faux socialisme de l'Est, nous refusons avec détermination de laisser les multinationales régler les problèmes de la faim et du sous-développement avec la bénédiction des forces conservatrices dites libérales. (Nouvel Observateur, 3 février 1984)

Topos: attitude critique vis-à-vis des pays de l'Est = attitude non-critique
vis-à-vis des pays occidentaux (modifié en attitude critique envers les multinationales

Side 181

Si ces caractères ne sont plus guère mis en doute par les linguistes, on est
cependant loin d'en avoir tiré toutes les conséquences. (M. Pergnier, Les
fondements sociologiques de la traduction, p. 101)

Topos: ne plus mettre en doute quelque chose = en avoir tiré toutes les
conséquences (modifié en «il reste beaucoup à apprendre»).

Dans tous ces énoncés, il est possible d'insérer l'adverbe cependant (ou pourtant),
ce qui tend à prouver qu'il s'agit bien d'un si concessif.

- Concession logique - concession argumentative.

Nous rappellerons que nous distinguons deux sortes de concessions: une concession logique (bien que) et une concession argumentative (si concessif) et que, de ce fait, nous posons qu'il y a une différence entre les deux conjonctions. Coyaud exprime une opinion tout à fait divergente et considère même que bien que est la substitution canonique de si. Sandfeld, par contre, distingue deux sortes de concessions, en partant de l'exemple suivant:

A certaines heures, Dominique eût préféré combattre les ennemis, à d'autres,
non! Car, s'il était bon Français, il tenait aussi à la vie.

Bien qu'il fût bon Français, il tenait à la vie...

La même proposition introduite par bien que indiquerait selon Sandfeld «que les Français ne tiennent guère à la vie». On pourrait aussi affirmer que le fait qu'il (Dominique) tienne à la vie aurait dû normalement empêcher qu'il fût bon Français (cf. la contrepartie positive: Parce qu'il tenait à la vie, il n'était pas bon Français.) Avec si, le locuteur insiste sur la coexistence de deux faits, c'est-à-dire sur la non-exclusion d'un fait par un autre fait. Il est significatif que Sandfeld ait été obligé d'omettre l'adverbe aussi en substituant bien que à si. Dans l'exemple authentique, l'adverbe souligne la non-exclusion du second fait par le premier. Dans l'exemple où bien que a été substitué à si, il est impossible de garder l'adverbe aussi, puisqu'il est question d'une relation de cause à conséquence niée.

- Substitution de si par bien que ou de bien que par si.

Il serait intéressant de vérifier sur quelques exemples si les deux conjonctions peuvent se substituer l'une à l'autre ou pas. Nous pensons qu'une substitution de si par bien que n'est possible que dans les cas où on peut établir - avec un résultat acceptable d'un point de vue pragmatique - une relation positive de cause à conséquence (à l'aide de parce que).

Side 182

Mais si les sculptures dadaïstes enchantent ses amis, elles ne suffisent pas à le
nourrir. (Nouvelles littéraires, février 1984)

a. Mais bien que les sculptures dadaïstes enchantent ses amis, elles ne suffisent
pas à le nourrir.

b. Parce que les sculptures dadaïstes enchantent ses amis, elles suffisent à le
nourrir.

Pour expliquer l'exil massif des enfants de la ville chez les nourrices, on a le plus souvent invoqué la situation économique des parents naturels. Si cette explication est nécessaire, elle ne paraît pas suffisante. (Badinter, Eamour en plus, p. 65)

a. Bien que cette explication soit nécessaire, elle ne paraît pas suffisante.

b. Parce que cette explication est nécessaire, elle paraît suffisante.

Dans ces énoncés, une substitution de si par bien que ne semble pas heureuse.
Une telle substitution impliquerait que la contrepartie positive (b) soit
également valable, ce qui semble aberrant d'un point de vue pragmatique.
Dans la plupart des cas, il nous semble qu'une substitution de si par bien que
est inacceptable. Parfois, on est pourtant obligé de reconnaître la possibilité
d'une telle substitution, comme dans l'exemple cité par Sandfeld:

Si je suis ta femme, je ne suis pas ton esclave.

Bien que je sois ta femme, je ne suis pas ton esclave.

Serait-il possible de substituer bien que par si dans les énoncés suivants, par
exemple?

Bien que le chauffage central fonctionne normalement, nous avons eu froid,
car la température était très basse. (DDF)

a. Si le chauffage central fonctionne normalement, nous avons eu froid, car
la température était très basse.

Bien que sa voiture fût en rodage, il ne la ménageait guère. (DDF)

a. Si sa voiture était en rodage, il ne la ménageait guère.

Il sort bien qu'il pleuve.

a. Il sort s'il pleut.

Side 183

Une substitution de bien que par si dans les exemples cités ci-dessus semble donner ou bien des phrases étranges et inacceptables ou bien des phrases dont la signification a changé par rapport à la phrase de départ. Dans l'exemple suivant, par contre, une substitution paraît acceptable.

Le Zaïre, bien qu'il ait pris part aux discussions informelles de Brazzaville,
n'a pas cru devoir prendre position, précise la déclaration. (Le Matin 17-8-83)

a. Si le Zaïre a pris part aux discussions informelles de Brazzaville,il n'a
cependant pas cru devoir prendre position.

Il ressort des exemples cités qu'une substitution de si par bien que n'est
pas toujours acceptable d'un point de vue pragmatique.

La distinction entre deux sortes de concession se trouve par conséquent justifiée. Parfois possible hors contexte, la substitution d'une conjonction à l'autre aura cependant du mal à se réaliser dans un contexte élargi, vu qu'une des fonctions de la conjonction si est d'établir un lien avec le contexte précédent. Ainsi, si une substitution semble parfois possible dans des phrases isolées, elle peut rarement s'effectuer là où le contexte dans son entier est pris en considération. Tout bien considéré, il faut voir l'emploi de l'une ou de l'autre conjonction comme le résultat d'un choix effectué par le locuteur. Ce dernier ale choix entre deux procédés: un procédé démonstratif16 où il peut employer bien que et un procédé argumentatif où il fera usage de la conjonction si. Le choix de sa conjonction est donc dicté par la finalité de son message. S'il veut établir une relation de cause à conséquence, tout en la niant bien sûr, alors son choix se portera sur bien que. Par contre, s'il veut affirmer une relation de non-exclusion, tout en en assurant la cohérence textuelle, il choisira d'employer si. De cette manière, le locuteur peut affirmer deux faits qui ne s'excluent pas mutuellement, contrairement à ce que l'on pourrait croire, et dont le premier a déjà été mentionné dans le contexte précédent. Le procédé argumentatif est du reste souvent explicité dans le discours à l'aide d'expressions telles que «cela ne signifie nullement que»:

Si les réfugiés vietnamiens ne font plus la une de l'actualité, cette chute
d'intérêt ne signifie nullement - loin s'en faut - que leurs difficultés aient été
résolues. (Le Matin, août 1979)

Mais le plus souvent le locuteur n'explicite pas sa conception de la relation entre les deux propositions. Il se limite à affirmer - dans la principale - une autre conclusion que celle que son interlocuteur serait tenté de tirer: soit la conclusion inverse soit la négation de la conclusion attendue. Le si est utilisé comme avertisseur par le locuteur qui veut ainsi empêcher le destinataire de tirer une fausse conclusion.

Side 184

Comme on a pu le voir, «cela ne signifie nullement que» présente la conclusion que l'on pourrait être tenté de tirer, mais qu'il ne faut justement pas tirer. Dans les exemples suivants, on constatera que l'insertion de cette expression sert à expliciter les rapports entre la subordonnée et la principale.

Arrivé au terme de son mandat, Aimé Paquet a quitté sa fonction de Médiateur. Désormais ce sera à Robert Fabre de défendre ses concitoyens contre les abus de l'administration. Si l'homme change, la volonté et la détermination du Médiateur demeurent. (Notre temps, date inconnue)

a. Si l'homme change, cela ne signifie nullement que la volonté et la détermination
du Médiateur changent aussi.

Mais si les armes atomiques restent l'instrument fondamental de la dissuasion
française, le président n'exclut pas pour autant le recours éventuel à la
bombe à neutrons ou aux armes chimiques. (Le Matin 10-2-86)
Mais si les armes atomiques restent l'instrument fondamental de la dissuasion
française, cela ne signifie pas pour autant que le président exclue le
recours éventuel à la bombe à neutrons ou aux armes chimiques.

De même, il est possible d'omettre cette expression dans les énoncés où elle
se trouve déjà:

Si les réfugiés vietnamiens ne font plus la une de l'actualité, leurs difficultés
n'ont pas été résolues pour autant.

Il en ressort que l'insertion de l'expression «cela ne signifie nullement que» pourrait guider le lecteur dans son interprétation d'une phrase donnée. Notons que d'autres constructions soulignent également le sens non-exclusif des ces énoncés:

S'il ne fait aucun doute que... il apparaît aussi que...
S'il est vrai que... il est exact que
S'il n'est pas douteux que... il est cependant évident que

3.2.5. Si adversatif.

Si dans les propositions concessives, il est question, comme nous l'avons montré, d'une conclusion réfutée, on ne trouve pas, par contre, de relation de cette sorte dans les propositions adversatives. Dans ce dernier cas, il s'agit pour le locuteur d'affirmer deux faits qui s'opposent et dont l'opposition se retrouve au niveau du lexique. Coyaud vérifie le caractère adversatif du si en le remplaçant par l'expression «d'une part..., d'autre part»17. Pour notre part, l'insertion de l'adverbe en revanche nous servira de critère pour distinguer les propositions adversatives des autres propositions introduites par si. Si nous avons choisi cet adverbe, c'est parce qu'il se trouve déjà dans un certain

Side 185

nombre d'énoncés à sens adversatif. Dans les propositions adversatives, l'oppositions'exprime tantôt par des antonymes (réussir - rater) tantôt par une négation. Dans ce dernier cas, le prédicat de la deuxième proposition contient une «négation» du prédicat de la première (par exemple appartenanceculturelle certaine // appartenance culturelle incertaine, ou bien avoir la capacité de diversifier la monnaie // il n'en va pas de même pour...) voir exemples ci-dessous. Dans la plupart des cas, nous avons affaire à une relationd'opposition paradigmatique18 entre deux parties d'un même ensemble. Il serait,- en l'occurrence, plus exact de parler d'une opposition positivement ou négativement valorisée, la conjonction si introduisant normalement l'idée positive et la principale renfermant l'idée négative.

Leur antiféminisme est choquant. La femme n'est que la «côte de
l'homme», et si la pilule est tolérée, l'avortement est toujours condamné!
(Nouvel Observateur 23 février 1981)


DIVL3108

Si l'immigré adulte sait au moins d'où il vient, le jeune immigré se sent
perdu, car il évolue dans une sorte d'état d'incertitude culturelle. (Nouvelle
Politique, p. 137)


DIVL3110

Si les grands emprunteurs ont la capacité de diversifier la monnaie, les formules utilisées, les sources d'emprunt, les dates d'échéance, il n'en va pas de même pour les emprunteurs de dimension plus modeste qui ne peuvent intervenir régulièrement sur les marchés. (Problèmes économiques, juin 1980)


DIVL3112
Side 186

Si les ouvriers ont à peu près sorti leur épingle du jeu avec une augmentation
du pouvoir d'achat de 3,5% sur trois ans, les agents de maîtrise et les cadres
moyens ont été le plus touchés. (Le Matin 5-4-83)


DIVL3114

Si un quart des lectrices de F-magazine trouvent très plaisant de s'occuper
des enfants, 39 % modèrent leur satisfaction. (Badinter, Lamour en plus, p.
361)

Si les avocats célèbres gagnent grassement leur vie à la tête d'imposants
cabinets, les avocaillons courent après la moindre affaire pour des honoraires
de misère. (François de Closet, Toujours plus, p. 278)

Plus aucun magazine n'ignore la campagne électorale. Mais si certains s'engagent
d'autres veulent rester neutres. (Le Matin 16-3-81)

Au 3e3e trimestre 1986, l'évolution de la balance des paiements est caractérisée par la poursuite de l'amélioration du solde des transactions courantes: si en données brutes l'excédent se réduit légèrement (...), en données corrigées des variations saisonnières l'amélioration est très sensible...(...) (Notes bleues janvier 1987)

Au premier abord, la lecture des nombreux exemples de si adversatif pourrait nous faire croire que le premier sujet (S1) est toujours différent du deuxième (S2) et que l'opposition serait toujours double de cette manière. Mais ce n'est pas toujours le cas. Même quand S1 est identique à S2S2 il peut y avoir opposition double entre les deux parties d'un même ensemble. Dans l'exemple qui suit, malgré l'unicité du sujet, s'exprime une opposition double.

Si j'ai réussi ma carrière, j'ai complètement raté ma vie de femme. (Paris
Match 15 mai 1987)


DIVL3116

Si les conceptions naïves, qui voient dans les langues de simples «nomenclatures» ou calques du réel, et qui croient par conséquent que l'organisation de la langue reflète l'organisation du réel, sont encore largement répandues dans le grand public, elles ne trouvent plus guère aujourd'hui de défenseur

Side 187

parmi les linguistes. (M. Pergnier, Fondements sociologiques de la traduc
tion, p. 102)


DIVL3118

Si la situation est somme toute tolerable à Moscou «vitrine du socialisme» et dans les grandes villes de I'URSS, elle est beaucoup plus difficile en province où les tickets de rationnement ont été réintroduits pour le beurre et pour la viande, notamment en Russie centrale, en Géorgie et en Azerbaïdjan. (Le Matin 5-4-83)


DIVL3120

Dans tous les énoncés adversatifs, il est théoriquement possible d'intervertir l'ordre des contenus propositionnels, ce qui ressort très clairement des deux exemples suivants que nous avons transformés dans le but de montrer la possibilité théorique de l'interversion:

Si elle est beaucoup plus difficile en province où les tickets de rationnement ont été réintroduits pour le beurre et pour la viande, notamment en Russie centrale, en Géorgie et en Azerbaïdjan, la situation est somme toute tolerable à Moscou «vitrine du socialisme» et dans les grandes villes d'URSS.

Si les agents de maîtrise et les cadres moyens ont été le plus touchés, les
ouvriers ont à peu près sorti leur épingle du jeu avec une augmentation du
pouvoir d'achat de 3,5% sur trois ans.

Les énoncés des exemples transformés sont toujours acceptables d'un point de vue sémantique et syntaxique, mais il est évident qu'ils ont subi un léger changement de sens, le contenu exprimé dans la subordonnée étant présenté comme ayant moins d'importance d'un point de vue communicatif (cf. la fonction thématisante dus/).

Side 188

Ainsi l'interversion des propositions est théoriquement possible, comme l'affirment Gettrup et Nolke dans la définition qu'ils donnent de la relation adversative19: «On voit maintenant se dessiner les contours de deux types de relations oppositives. La première est paradigmatique, symétrique et matérielle: nous l'appelons adversative. La deuxième est syntagmatique, asymétrique et logique: c'est la relation concessive.» Et un peu plus haut: «Par contre, (3) (Paul est parti, alors que Pierre est resté) - «p alors que q» - est symétrique, puisque p ne précède pas q (et q ne précède pas p). Le renversement de p et de q ne touchera guère le sens et l'énoncé qui en résultera sera tout à fait normal, quel que soit le contexte.» Il est vrai que, hors contexte, l'interversion semble possible. Que l'on dise: Paul est parti alors que Pierre est resté ou Pierre est resté alors que Paul est parti ne semble pas faire une grande différence. Mais du point de vue de la cohérence textuelle, l'interversion des propositions est - à notre avis - impossible, vu que l'élément qui est introduit après si reprend une idée qui a déjà été exprimée dans le contexte précédent:

Elle m'a envoyé le scénario de Colin Welland et d'Euzhan Palcy. J'aimais le personnage de Ben Toit, un Afrikaner, professeur d'histoire dans un collège de Johannesburg, qui est scandalisé par la mort du fils de son jardinier noir- Bien sûr, le film se passe en Afrique du Sud, mais ce n'est pas qu'un film sur l'apartheid. C'est l'histoire d'un homme déchiré. Si la plupart des scènes ont été filmées en extérieurs à Hararo, au Zimbabwe, d'autres ont eu lieu à Londres. C'est là à plateau fermé que Marión Brando a rejoint Sutherland. (Le Parisien 8-11-1989)

La première proposition où l'on parle des scènes qui ont été filmées au Zimbabwe est en étroite liaison avec le thème de l'Afrique. La dernière phrase de l'énoncé rend une interversion des propositions tout à fait impossible, puisqu'elle renvoie à un nouveau contexte, celui des relations entre Marlon Brando et Donald Sutherland et de leur rencontre à Londres.

Eaccouchement se déroule dans 80% des cas à domicilc.Les autres ont lieu dans un véhicule de transport. Ces naissances sont prématurées dans 20% des cas... Eaccouchement semble très rapide dans la majorité des cas, surprenant la femme et son entourage... Si les conséquences pour la mère des accouchements restent relativement limitées (déchirures périnéales beaucoup plus fréquentes), les enfants, eux, font les frais du manque de médicalisation. Dans la région de Grenoble étudiée, 87% des nouveau-nés sont dans un état satisfaisant à l'arrivée des secours, mais trois décès sont à déplorer, ce qui fait une mortalité à la naissance de 2,56%, soit cinq fois plus que la moyenne nationale. (France Soir 23-5-89)

Side 189

Cet exemple montre de nouveau l'impossibilité d'intervertir les deux propositions. Dans le contexte qui précède la proposition introduite par si, il est question de la mère et dans le contexte qui suit l'intérêt se porte sur l'état des enfants «issus» des accouchements prématurés. Ainsi, d'un point de vue pragmatique, la symétrie en tant qu'élément de la définition de la relation adversative, ne se justifie pas. A notre avis, la relation adversative peut se ramener à une relation matérielle et paradigmatique, c'est-à-dire que l'opposition s'exprime au niveau du lexique par des mots qui appartiennent au même paradigme au sens large. D'autre part, dans la relation adversative, il n'est pas question de réfuter une conclusion attendue, ce que l'exemple suivant illustre parfaitement:

Ces terroristes-là tiennent leurs abominables promesses. Si les gouvernements
changent, ils poursuivent, quant à eux, toujours et encore le même
objectif diabolique: répandre la terreur. (Le Point 24-3-1986)

Certains énoncés semblent au premier abord difficiles à classer, bien que
leur caractère adversatif ne fasse pas de doute:

Si les citoyens font, par leurs votes, le choix de société, l'Etat doit le traduire
en institutions, en moyens financiers, en règles. (Le Monde de l'Education,
janvier 1980)

Si les analphabètes purs et durs sont rares en France, ce n'est pas le cas des
illettrés, ces hommes et femmes qui ont du mal à lire et à écrire. (Nouvel
Observateur 20-1-84)

Dans ces trois derniers exemples, il est également possible d'insérer l'adverbe adversatif en revanche. Là aussi, il s'agit d'une relation entre deux parties d'un même ensemble, bien qu'il y ait des doutes sur la détermination de l'ensemble auquel se rattachent les deux parties.

Dans le premier exemple, le nom de l'ensemble et des parties pourrait
être:

l'ordre de la société / ceux qui assurent le maintien de l'ordre (gouvernements)
// ceux qui essaient de perturber l'ordre (terroristes).

Dans le deuxième, le nom de l'ensemble et des parties serait:

l'organisation de la société: citoyens // Etat.

Dans le troisième, l'ensemble: les gens qui ne savent pas lire comprend les
parties suivantes:

les analphabètes // les illettrés.

Side 190

Pour un petit nombre d'énoncés, l'idée d'opposition exprimée dans une construction introduite par si prend l'aspect d'une gradation ou d'une relation d'intensité. On peut alors parler d'une opposition entre différents degrés d'intensité. Cette opposition est une opposition faible alors que les autres types d'opposition pourraient être caractérisés comme des oppositions fortes. Dans les exemples de cette sorte, il est également possible d'insérer l'adverbe en revanche.

Si monsieur Marais est devenu froid, Sophie, elle, est devenue hautaine et
moqueuse. (Brigitte Lozerech, I Intérimaire, p. 89)

Si l'une était fraîche, l'autre était remarquablement belle. (In Sandfeld, Les
Propositions subordonnées §220)

Si les sports d'hiver en temps normal sont coûteux, rien n'est plus cher que
les sports d'hiver sans neige. (Daninos, Vacances, p. 217, in Togeby § 865)

Or, s'il est difficile d'interdire complètement la première, il semble impossible
d'empêcher la seconde par le protectionnisme. (François de Closet, Toujours
plus, p. 192)

3.2.6. Si concessif-adversatif.

La distinction entre un énoncé concessif et un énoncé adversatif n'est pas
toujours facile à percevoir. Parfois, il semble même qu'un énoncé puisse être
les deux à la fois. Que dire, par exemple, des énoncés cités ci-dessous?

S'il a abandonné ses quatre paquets de cigarettes par jour, il en grille pourtant
encore une de temps en temps et passe ainsi outre à la recommandation
de ses médecins. (France Soir 23-5-89)

Topos: abandonner ses quatre paquets de cigarettes = ne plus fumer.
Opposition: abandonner ses cigarettes // en griller une de temps en temps.

Ecouter les bébés.
Si le nourrisson ne parle pas, il sait se faire comprendre. Psychologues et
psychiatres s'en préoccupent. (Le Monde 5-11-1982)

Topos: ne pas parler = ne pas se faire comprendre.
Opposition: Ne pas parler // savoir se faire comprendre.

lin réalité la contradiction n'a jamais été plus grande. Car si on abandonne
l'instinct au profit de l'amour, on conserve à celui-ci les caractéristiques de
celui-là. (Badinter, Lamour en plus, p. 10)

Side 191

Topos: abandonner l'instinct = ne rien conserver de l'instinct.
Opposition: abandonner // conserver.

Si les trois centrales sont d'accord sur le mot d'ordre de cette journée, elles
ne sont pas parvenues à un consensus sur les modalités. (Le Matin 6-5-80)

Topos: être d'accord sur le mot d'ordre = parvenir à un consensus sur les
modalités.

Opposition: être d'accord // ne pas être parvenu à un consensus.

Il s'ensuit de la démonstration qui précède que tous ces exemples constituent
des énoncés concessifs-adversatifs.

L'insertion de cependant et de en revanche semble également possible, ce qui tend à prouver que dans ces exemples une conclusion réfutée et une opposition lexicale ou paradigmatique se trouvent réalisées simultanément. D'ordre pragmatique, la relation concessive se situe à un niveau supérieur par rapport à la relation adversative, ce qui explique qu'elle soit en mesure d'englober cette dernière.

Plus haut, nous avons affirmé que dans les relations concessives la nature graduelle des topoï était moins évidente. Dans certains énoncés concessifs, on remarque cependant aussi une nuance restrictive, donc une idée graduelle.

S'il a abandonné ses quatre paquets de cigarettes par jour, il en grille pourtant
encore une de temps en temps et passe ainsi outre à la recommandation
de ses médecins.

Dans cet exemple, la proposition introduite par si exprime une totalité (S'il a abandonné ses quatre paquets de cigarettes...) , la principale, par contre, énonce une restriction à cette totalité, donc une partie de la totalité (il en grille une...).

3.2.7. Si additif.

Dans certains énoncés, il n'est question, à première vue, ni d'une relation concessive ni d'une relation adversative. Sandfeld examine dans un même paragraphe20 deux cas différents: «On se sert aussi de si pour marquer la validité simultanée de deux faits: Si la cité est le cœur de Paris, le Quartier Latin en est l'âme.» Et plus bas, il constate que «Dans d'autres il s'agit de deux faits contrastant l'un avec l'autre: Si le visage semblait légèrement fané, le cou n'avait pas une ride».

Side 192

A notre avis, les exemples cités par Sandfeld sont à ranger dans la catégorie du si adversatif, puisqu'ils en présentent toutes les caractéristiques (opposition lexicale, + insertion de en revanche, ensemble / parties, - conclusion réfutée).

Ducrot reprend le premier exemple de Sandfeld, qu'il interprète comme un si contrastif: «Cet emploi (...) se sépare du précédent par le fait que les deux propositions mises en parallèle ne s'opposent ni par leur contenu, ni par leurs conséquences (...), elles s'opposent par leur forme.»21 Le commentaire de Ducrot manque quelque peu de précision. Dans tous les énoncés en si, les deux propositions s'opposent par leur forme! Nous sommes néanmoins d'accord avec Ducrot pour penser que dans l'exemple cité se manifeste une espèce de contraste, ce que tendrait à prouver l'insertion de en revanche:

Si la cité est le cœur de Paris, le Quartier Latin en est (en revanche) l'âme.

Il est également possible de dégager l'idée d'une opposition paradigmatique
entre les parties d'un ensemble:


DIVL3188

Cet exemple appartiendrait donc plutôt au si adversatif, bien qu'il ne soit pas
question d'une opposition forte comme dans les cas les plus usuels du si
adversatif, mais plutôt d'une opposition implicite entre corps et âme.

Par contre, nous avons relevé un certain nombre d'exemples renfermant un connecteur additif (également ou aussi), auxquels l'idée de Sandfeld citée plus haut, «la validité simultanée de deux faits», trouverait son application. Dans ces exemples, le locuteur met en parallèle deux informations orientées dans la même direction. L'orientation est soulignée par le connecteur additif et par les expressions «synonymes».

Si l'on prospère dans la démocratique épargne populaire, on vit également
très bien dans la haute aristocratie bancaire: la Banque de France. (François
de Closet, Toujours plus, p. 41)

Si les plus de 65 ans représentent 15% de la population américaine, ils
constituent aussi 15% du nombre de suicidés. (Evénement du jeudi 15-4-1987)

Side 193

La communication, si elle suppose la dignité, exige également l'équilibre
entre ceux qui communiquent. (Nouvelle politique de l'immigration, p. 154)

Si les chercheurs ne sont pas au bout de leurs peines pour identifier différents
virus, ils piétinent également dans leurs quête du vaccin. (EExpress
19-6-1987)

Si Krasucki a beaucoup téléphoné dans la phase de négociation chez Talbot et a finalement donné son accord, Edmond Maire a été également - dit-on à Matignon - tenu au courant téléphoniquement. (Nouvel Observateur 13-1-1984)

Sur ces entrefaites, le roi chrétien fit sa partie dans une danse et je le vis d'un peu moins loin: si la fortune l'avait fait naître un grand roi, la nature lui en avait aussi donné l'apparence. (Françoise Chandernagor, Eallée du roi, p. 213)

3.2.8. Si emphatique.

Parfois le locuteur emploie la conjonction si pour mettre l'accent sur un syntagme nominal ou sur un pronom. Ce trait rapproche la construction en si des phrases clivées dont la fonction est aussi de souligner une partie de la phrase. Quelle différence peut-on faire alors entre une construction clivée introduite par c'est... qui/que et la construction introduite par sil

En employant si, le locuteur pose l'existence d'un «idéal absolu» en signifiant que cet «idéal» se trouve réalisé dans la «réalité concrète». On remarquera la présence d'expressions telles que // y a... et // est... qui sont les équivalents linguistiques du quantificateur existentiel.

A l'aide de la construction clivée, le locuteur signale la personne ou l'objet dont il est question. Il effectue un choix parmi un nombre d'éléments relativement restreints. La construction c'est... qui/que permet une sélection du type: c'est celui-là et non pas tel autre alors que la construction S'il y a ou S'il est permet au locuteur de sélectionner dans l'absolu. L'adverbe bien souligne et confirme la réalisation de l'absolu.

S'il y a un groupe américain qui ne songe absolument pas à ralentir ses
activités en France, c'est bien le groupe Gréco. (EExpress 25-9-1981)

S'il est une formation politique pour laquelle le bilan est positif, c'est bien le
PCF. (Le Matin 21-5-1980)

S'il fut une question de physique / métaphysique qui a longtemps agité les
esprits, c'est bien cette pensée par Lavoisier: «Rien ne se crée, rien ne se
perd, tout se transforme.» (Le français dans le monde, avril-juin 1986)

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Certes, s'il est un domaine où la vox populi n'est pas forcément la vox Dei,
où le sens commun est capable des plus gigantesques erreurs de diagnostic,
c'est bien la démographie. (Nouvel Observateur 14-1-1983)

S'il y a quelqu'un qui vit dans la terreur de ressembler à ses parents, c'est
moi. (R. Merle, Derrière la vitre, p. 94)

Non, mais tu as complètement perdu la boule avec ta mère!... Si quelqu'un
n'est pas près de venir, c'est bien elle. (Yann Queffélec, Noces barbares,
p. 242)

Ces propositions en si se distinguent des autres propositions factuelles en ce que l'élément factuel n'est pas amené par la subordonnée, mais par la principale. Si nous avons tenu à les traiter ici avec les autres propositions en si, c'est parce qu'elles leur ressemblent par bien des côtés et parce qu'elles ont la même fonction thématisante, ce qui ressort clairement du contexte élargi des deux derniers énoncés:

Maman a levé ses petits bras au ciel et s'est mise à caqueter comme une folle, Mon Dieu! Quelle horreur! Une mini-jupe noire! Pourquoi noire? Tu as l'air d'être en deuil! J'aurais dû lui dire, oui Maman, je suis en deuil, je porte le deuil, comme Hamlet, du père intelligent que j'aurais dû avoir au lieu de ce vieux ramolli vautré sur un fauteuil avec son ventre, sa pipe, son crâne chauve et EAutojournal.

S'il y a quelqu'un qui vit dans la terreur de ressembler à ses parents, c'est
moi.

J'irai pas, dit-il-. Elle se figea. «Tu n'iras pas?»... - Ma mère elle va venir me
chercher. - Non mais tu as complètement perdu la boule avec ta mère!... Si
quelqu'un n'est pas près de venir, c'est bien elle.

4. Analyse contrastive

La question qui se pose à présent est de savoir si la variété d'emplois du si français se retrouve en danois dans son équivalent formel hvis. Il s'avère d'emblée que les modalités d'emploi ne sont pas tout à fait comparables dans les deux langues. Au si français correspondent différentes conjonctions en danois et une construction avec inversion22. L'inversion est par ailleurs également possible dans les constructions hypothétiques qui se rapportent à des situations non réalisées:

Har man nogensinde provet at lave pandekager efter en opskrift, kan man
ogsâ folge aile vejledninger i denne bog og opnâ et godt résultat, hedder det
optimistisk. (Politiken 22-2-83)

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Aperçu des emplois factuels et de leurs équivalents danois.


DIVL3234

REMARQUE: Quand le si itératif et le si causatif se rapportent à des situations
non-réalisées, on utilise en danois la conjonction hvis.

4.1. Si itératif.

Quand l'itération se rapporte à des situations réalisées, on emploie en danois
la conjonction nâr.

Nâr politikere er enige i princippet, er de som regel uenige i alt andet.
(Aktuelt 13-4-1981)

Nâr der arbejdes med en raekke faste banker, bor lântageren ogsâ tage i
betragtning, at banker opererer med »lending limits« pâ den enkelte lântager.
(okonomisk Perspektiv, maj 1980)

4.2. Si causatif.

Comme il ressort du schéma, on emploie hvis en parlant de situations non réalisées et nâr en parlant de situations réalisées. Dans Moderne dansk 111 p. 389, Âge Hansen décrit la différence fondamentale entre hvis et nâr de la façon suivante: «Alors que la conjonction hvis signale un cas fictif qui peut très bien ne pas avoir de relation avec le temps et la réalité, la conjonction nâr {quand) indique que le fait traité est lié au temps, à des situations bien déterminées et qu'il s'applique, par conséquent, à des situations réalisées.»

Hvis landets seere og ofrenes efterlevende sad tilbage med en fornemmelse af at der er et eller andet râddent, noget som skal skjules af alger og tang, skyldes det i forste raekke de ansvarlige og eller de uansvarlige i Farvandsdirektoratet som synes at vasre et godt stykke lasngere ude end de kan bunde. (Politiken 20-5-83)

Hvis han (Khomeiny) nu har givet nye ordrer, kan det haenge sammen med
bâde den indre magtkamp omkring ham selv og hans efterfolgere og med
Irans forhold til omverdenen. (Politiken 28-2-84)

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Le verbe modal kan souligne le trait incertain de la subordonnée. Avraiment
donné ces nouveaux ordres? S'il les a effectivement donnés, l'exp
cation pourrait être que...

Nâr aile klager over skattevassenet, er det bare fordi alle skal tro, at alle
betaler hvad de skal. (Aktuelt 11-4-81)

Nâr EF-kommissionen har indfort midlertidigt stop for visse udbetalinger,
har det mindst to begrundelser. (Politiken 13-3-83)

Nâr forslagene ikke gâr saerlig langt, er forklaringen nok den enkle, at den
nye forskningsminister har siddet sa kort tid i stolen. (Jyllandsposten 2-12-1982)

4.3. Si concessif.

Le si concessif se rapporte toujours à des situations réalisées et l'emploi de hvis en danois est, dans ce cas, impossible. On se sert soit de la conjonction selv om soit de l'inversion pour exprimer la conclusion réfutée ou niée. En traitant les subordonnées non-introduites par une conjonction, c'est-à-dire les phrases où la première proposition est une proposition avec inversion du sujet (»en sporgeformet saetning«: une proposition à forme interrogative), Âge Hansen constate que ces subordonnées s'emploient avec le sens de hvis (si), de selv om (bien que ou si concessif) ou de mens (alors que ou si adversatif). Dans les deux derniers cas, précise Âge Hansen, la relation peut être explicitée à l'aide des adverbes dog (cependant, pourtant), ou til gengœld ( en revanche) dans la deuxième proposition, ibid. p. 421.

Selv om danske forskere star foran et gennembrud i AIDS-forskningen, er
der lang vej endnu til en konkret behandling er sikret. (Politiken 17-5-86)

Jeg vil hellere ansaette ti boller end ti velkvalificerede unge kvinder, fordi de unge bollers moral kan asndres, hvortmod konnet ikke kan aendres. Var denne arbejdsgiver reaktionaer, sa var hans argumenter dog hândgribelige. (Politiken 8-3-84)

Har ârene efter krigen betydet reelle forbedringer i levevilkârene pâ landet, ma man dog konstatere, at landbofamilierne i langt mindre grad end byfamilierne er udstyret med moderne hjaelpemidler i husholdningen og isaer at boligstandarden ligger langt under gennemsnittet. (Seidelin, Frankrig i dag, p. 24)

ous ces énoncés, il est possible d'insérer l'adverbe dog, l'équivalent des
es cependant et pourtant.

Side 197

4.4. Si adversatif.

Les équivalents du si adversatif sont mens, hvor ou bien l'inversion. La signification
adversative d'une phrase peut être soulignée par l'adverbe til gengceld
correspondant à l'adverbe en revanche.

Mens USA og Frankrig er rorende enige om raketter og lignende, kniber det
mildest tait med fordrageligheden pâ det kulturelle plan. (Politiken 22-3-83)

Men mangler politiet de helt klare beviser, sidder det til gengaeld inde med
en lang raekke indicier, hvor fotografier, som viser Treholt sammen med
identifieerede KGB-agenter i Wien, er de vigtigste. (Politiken 10-9-1984)

Var Maigrets privatliv inkarnationen af borgerlighed, sa var Simenons eget
temmelig tumultuost. Han forte et stormfuldt liv med skiftende koner og
veninder... (Politiken 7-9-89)

Det var dog i musik han slog sit navn fast. Var han dygtig som laerer, sa var
han som musikformidler og korleder eminent. (Gymnasieskolen 25-1-1990)

REMARQUE: Dans les énoncés où il n'y a qu'une opposition faible, par exemple quand il s'agit d'une gradation (voir le dernier exemple cité ci-dessus), on préfère employer l'inversion en danois au lieu de la conjonction mens.

4.5. Si additif.

A notre avis, on utilise en danois l'inversion quand les deux renseignements
sont orientés dans le même sens. Nous avons trouvé un exemple dans Moderne
dansk p. 422 qui ressemble beaucoup au si additif français:

Var denne udsigt vidunderlig, sa var mollevaerket det ikke mindre.

et un exemple plus moderne:

Har universiteterne det svaert, har studenterne det ikke lettere (= har studenterne
det ligeledes svaert). (Ove Nathan, Uddannelse no. 7 1982)

4.6. Si emphatique.

En danois, on utilise soit l'inversion soit la conjonction hvis dans les énoncés
emphatiques.

Er der to der star sammen i dansk politik, sa er det Krag og Haekkerup.

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Hvis der er noget dansk politik traenger til er det handlekraft og tillid. (Politiken

4.7 Tendance actuelle de la conjonction hvis.

Il semble que la conjonction hvis soit en train d'élargir son domaine d'emploi.
A l'appui de cette affirmation, je citerai un certain nombre d'emplois de
hvis «inacceptables»:

Tournier bemasrker i ovrigt, at hvis man taler om hans boger i USA er det
fordi han er en af de meget fâ franske forfattere der i det hele taget er
udkommet i USA. (Borge Visby, Politiken 22-2-1983)

Hvis kontinuitet trods ait har preeget udenrigspolitiken, har forandringerne
vasret mere synlige udadtil. (Erling Bjol, Politiken 28-4-1982)

Hvis vinlandet Frankrig har verdensrekord i drukkenskab er ârsagen ikke, at
der dyrkes vin. Ârsagen er okonomisk-politisk. (Jacques Berg, Det ny Frankrig,
p. 98)

Hvis der er lidt anstrengt folkelighed over Spang-Hanssens valg af praedikentekst,
sa ligger der en dybsindig tanke bag. (Politiken 6-11-1989)

5. Problèmes de traduction

Comme nous l'avons dit dans l'introduction, l'intérêt que nous portons aux propositions en si est dû au fait que les traducteurs (débutants et chevronnés confondus) se trompent assez souvent sur le sens d'un énoncé introduit par cette conjonction. Dans la plupart des cas, l'erreur aurait pu être évitée par une lecture attentive de ces énoncés et de leur contexte.

Nous allons à présent passer en revue quelques exemples flagrants de fautes de traduction dans le but de montrer l'importance que revêt le contexte pour l'interprétation d'un texte. Tous les exemples sont extraits du livre d'Elisabeth Badinter, L'amour en plus et de sa traduction Kœrlighed i tilgift.

5.1. Si itératif.

Au fur et à mesure que la fonction maternelle se chargeait de nouvelles responsabilités, on répétait toujours plus haut que le dévouement était partie intégrante de la «nature féminine», et que là était la source la plus sûre de son bonheur. Si une femme ne se sentait pas une vocation altruiste, on appelait à l'aide la morale qui commandait qu'elle se sacrifiât. Ce malheur

Side 199

dut être plus courant qu'on voulait bien le dire puisque, à la fin du XIXe
siècle et au début du XXe, on ne parlait plus de la maternité qu'en termes de
souffrances... (p. 264)

Hvis en kvinde ikke folte at hun havde et altruistisk kald, hentede man
moralen til hjaelp med henvisning til at den kraevede at hun opofrede sig... (p.
224)

Dans la traduction danoise de ce passage, la conjonction si a été rendue par la conjonction hvis. A notre avis, il aurait été plus correct de traduire si par nâr puisque chaque fois que, expression qui souligne - avec l'imparfait - le sens itératif et le caractère factuel de l'énoncé, peut se substituer à si. Le contexte contribue également, d'ailleurs, à renforcer le sens factuel.

5.2. Si causatif.

Cet emploi du si se trouve à l'intersection des emplois hypothétiques et des
emplois factuels. Certains énoncés prêtent donc à confusion et il est parfois
très difficile de trancher en faveur de l'un ou de l'autre.

Il (Dupanloup) critique celles qui préfèrent courir les mondanités plutôt que de veiller personnellement à l'éducation de leurs enfants. D'autre part, il suffit qu'un membre de la famille refuse de se confiner dans «l'intérieur» pour que la mère soit déclarée coupable. Si le père ne rentre pas chez lui après son travail et ses occupations, c'est que sa femme ne sait pas lui faire un foyer accueillant et des enfants sages. Si les enfants jouent dans la rue, comme c'est le cas dans les familles pauvres, c'est que la mère est incapable de les élever correctement, (p. 276)

Hvis faderen ikke kommer hjem efter sit arbejde eller sine beskaeftigelser, sa er det fordi kvinden ikke forstâr at skabe ham et hyggeligt hjem og artige born. Hvis bornene léger pâ gaden, som det er tilfaeldet i de fattige familier, sa er det fordi moderen ikke er i stand til at opdrage dem rigtigt. (p. 234)

Le ton généralisateur de ce texte pourrait nous amener à croire qu'il s'agit d'un emploi hypothétique. Par ailleurs, les expressions «celles qui préfèrent courir les mondanités» et «comme c'est le cas dans les familles pauvres» nous ferait plutôt pencher en faveur d'une interprétation factuelle du si causatif, l'aspect itératif de l'événement soulignant le côté factuel de l'énoncé. Le traducteur a choisi la conjonction hvis pour rendre le si français. Au vu de ce que nous venons de dire, l'emploi de la conjonction nâr aurait été plus à sa place.

Par conséquent, «l'empire que nous avons sur elles est une véritable tyrannie».
Elles ne l'ont laissé prendre aux hommes, ajoute Montesquieu, que
parce qu'elles ont plus de douceur que l'homme et donc plus d'humanité et

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de raison. C'est une injustice qui peut et doit changer. Car, si les femmes sont effectivement inférieures aux hommes de ce siècle, la cause ne s'en trouve pas dans leur nature, mais dans l'éducation qu'on leur donne ou plutôt celle qu'on leur refuse, (p. 163)

Thi hvis kvinderne virkelig er maendene underlegne i dette ârhundrede,
findes ârsagen ikke i deres natur, men i den opdragelse, man giver dem, eller
snarere i den som man nasgter at give dem. (p. 138)

Le traducteur a mal interprété l'énoncé français. L'adverbe effectivement exprime que ce qui est dit est conforme avec le contexte précédent.L'adverbe effectivement appuie donc l'interprétation factuelle du si. «Thi hvis virkelig» dans le texte danois confère un sens hypothétique à la proposition en si, ce qui est un contresens puisque le locuteur parle de «l'empire que nous avons sur elles». Il y a aussi d'autres indices qui auraient dû mettre le traducteur sur la bonne voie: «car» et «la cause ne s'en trouve pas»... Il ne peut donc faire de doute que l'équivalent du si est, dans cet exemple, la conjonction nâr, vu qu'il s'agit d'un fait et d'un jugement de la part de Montesquieu.

Une fois encore, c'est la mère qui joue le rôle d'intermédiaire entre l'enfant et le père, car, selon Alain, rien dans «la nature de l'homme» ne le prédispose à des rapports affectifs avec le petit. Il est un étranger pour lui parce qu'il vit dans un univers où l'enfance et les règles d'affection qui la régissent sont exclues...

Si la nature a créé l'homme étranger à l'enfance et fait du couple mèreenfant
une perfection en soi, la question se pose de savoir quelles sont
exactement les fonctions du père. (p. 283)

Selv om naturen har skabt manden, sa han er fremmed over for barnet og
gjort parforholdet mor-barn fuldkomment i sig selv opstâr sporgsmâlet om
hvad faderens funktioner egentlig er. (p. 240)

La conjonction si a été traduite par selv om. Le traducteur a donc donné un sens concessif à l'énoncé. Une telle interprétation est erronée, à notre avis. En effet, ce qui est dit dans la principale n'est pas la conclusion inverse ou la conclusion réfutée. Dans ce cas, seule une lecture causative peut donner un sens à l'énoncé, le si ne pouvant alors être traduit que par nâr ou eftersom. Même en présence d'énoncés qui entrent dans le moule causatif si... c'est que, il faut rester sur ses gardes et bien considérer le contexte afin de donner une traduction fidèle. A cet égard, il y a tout lieu d'insister sur l'importance des adverbiaux de phrase, de temps, etc. (effectivement, tout simplement, précisément, habituellement, aujourd'hui, maintenant, etc.) qui jouent un rôle prépondérant dans l'orientation de la lecture.

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5.3. Si concessif.

Même si sociologie et psychanalyse nous aident à comprendre son comportement, Madame Vingtras personnifie la mauvaise mère et rejoint Mesdames Lepic et Fichini au musée littéraire des femmes indignes. Encore Madame Fichini n'est-elle que la belle-mère de Sophie, par opposition à la bonne mère de sang, Madame de Fleurieux. En cela, la comtesse de Ségur reste fidèle au schéma classique. Vallès et Jules Renard ont sauté le pas en osant faire de la cruelle marâtre et de la mère de sang un seul et même personnage. Un pur scandale pour la raison du XIXe siècle. Car si les jeunes lecteurs de la comtesse de Ségur frissonnent de peur au récit des fessées dont Sophie est ia victime, iis se réconfortent en pensant que la mère naturelle est toute bonté et compréhension. Les lecteurs de Poil de Carotte n'ont plus ce réconfort, (p.274)

For nâr grevinde Ségurs unge lassere gyser af frygt over beretningen om de
endefulde, Sophie er offer for, troster de sig ved tanken om at den rigtige
moderer lutter godhed og forstâelse. (p. 232)

La conjonction si a été rendue en danois par la conjonction nâr qui confère un sens temporel à l'énoncé. Il est vrai que si peut se traduire par nâr, mais uniquement dans une structure itérative ou dans une structure causative. Une lecture itérative ne semble pas adéquate ici et la structure sémantique de la phrase n'est en rien causative. L'insertion de cependant permet de souligner le sens concessif de l'énoncé introduit par si, sens qui découle directement du contexte précédent. La phrase introduite par nâr n'est pas incorrecte en elle-même, mais elle détruit le fil de l'argumentation, du fait que la notion du temps est totalement absente du texte français. Le sens temporel est du reste presque le seul à ne pouvoir jamais être attribué aux énoncés en si.

Même si la plupart de ces femmes nous sont presque inconnues, leurs exemples firent tâche d'huile. Dans les salons des provinces éloignées, toutes les femmes un peu aisées et ambitieuses rêvaient de les imiter. Et si elles ne pouvaient pas acquérir leur talent, elles pouvaient du moins essayer de copier leur façon de faire, (p. 361)

Og hvis de ikke kunne opnâ at erhverve sig deres talent, kunne de i hvert
fald prove pâ at efterligne deres mâde at leve pâ. (p. 89)

Le traducteur danois s'est contenté de traduire si par hvis, son équivalent
formel. Le sens concessif ne fait pourtant pas de doute. Il aurait donc mieux
valu traduire si par l'inversion en danois. Si nous optons pour l'inversion,

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c'est que le sens de l'énoncé est à la fois concessif et restrictif (cf. le sens de
«du moins»).

5.4. Si adversatif.

Si le développement de ces grands collèges représente un incontestable progrès pour l'éducation des jeunes gens, celui de l'internat est plus ambigu. Il correspond à la fois à la volonté nouvelle d'écarter l'enfant du monde des adultes, et peut-être souvent au désir de se débarrasser de sa progéniture, (p. 127)

Selv om udviklingen af disse store kollegier betyder et übestrideligt fremskridt
for uddannelsen af unge mennesker, sa er kostskolen mere tvetydig. (p.
107)

La possibilité d'insérer l'adverbe en revanche nous renseigne sur le sens à attribuer à cet énoncé. La traduction de si par selv om montre que le traducteur a donné une valeur concessive à l'énoncé. Or, la principale ne réfute pas la conclusion attendue, mais exprime seulement une opposition ( «plus ambigu») à «l'incontestable progrès» exprimé dans la subordonnée.

Car si l'état de nature décrit par Rousseau n'est qu'une hypothèse de travail,
le rapport de la femelle animale avec son petit est bien une réalité, (p. 160)

For selv om den naturtilstand, som beskrives af Rousseau, kun er en arbejdshypotese,
er forholdet mellem hundyret og dets unge en realitet. (p. 136)

Là aussi la possibilité d'insérer l'adverbe en revanche indique qu'il s'agit d'une relation adversative puisqu'il y a opposition entre «hypothèse de travail» et «réalité», et non pas d'une relation concessive, comme le laisse entendre le traducteur.

5.5. Si concessif-adversatif.

Si, au cours du XVIIIe siècle, on discuta beaucoup de la définition et des
conditions du bonheur, on s'accorda dans l'ensemble sur une théorie du
bonheur raisonnable, (p. 168)

Nâr man i det 18. ârhundrede diskuterede definitionen pâ og vilkârene for
lykken var man i det store og hele enige om en teori om den fornuftsmasssigelykke.
(p. 142)

En rendant si par nâry le traducteur donne un sens temporel à l'énoncé:
Quand, au XVIIIe siècle, on discuta... Or, les longues discussions au sujet de
la définition et des conditions du bonheur sont par essence contraires à l'idée

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d'un accord général sur une théorie du bonheur, accord que laisse pourtant supposer la traduction danoise. La simple logique nous amène à affirmer que l'énoncé a une valeur à la fois concessive et adversative (discuter = absence de conformité de pensée s'oppose à s'accorder sur quelque chose.) Il aurait donc fallu traduire si par selv om.

5.6. Si additif.

Cette immense responsabilité qui pesa sur les femelles eut une double
conséquence.

Si l'on était bien d'accord pour sanctifier la mère admirable, on l'était tout
autant pour fustiger celle qui échouait dans l'entreprise sacrée, (p. 270)

Mens man var helt enige om at forherlige den beundringsvaerdige moder, var
man ligesâ enige om at dadle hende, for hvem det hellige foretagende mislykkedes.
(p. 229)

Le traducteur n'a pas remarqué que dans cet énoncé les deux renseignements se complètent et sont orientés dans le même sens, ce qui est souligné par l'adverbe tout autant. Il n'y a donc pas opposition entre les deux renseignements et l'insertion de en revanche est tout à fait exclue. Il aurait fallu utiliser l'inversion en danois pour rester plus fidèle au texte français.

Si nous avons cité autant d'exemples et de si longs passages de traductions malheureuses ou, en tout cas, pas tout à fait réussies, c'est dans le but de montrer le rôle important joué par la conjonction si dans l'argumentation d'un texte. Mais c'est également pour avertir les traducteurs des nombreux pièges dans lesquels une lecture un peu trop hâtive peut les faire tomber. Pour terminer, si nous devions donner un bon conseil aux traducteurs, ce serait de faire usage de l'inversion en danois pour rendre le si français dans tous les cas où il y a un doute quelconque sur la valeur concessive, adversative ou additive d'un énoncé.

6. Conclusion

Dans l'introduction, nous nous étions proposé entre autres de démêler le «fatras sémantique» des propositions introduites par si. A la fin de notre étude des propositions factuelles, nous sommes bien obligée de reconnaître qu'il est, en effet, extrêmement difficile d'analyser dans le détail ces propositions.Nous espérons pourtant avoir clarifié quelque peu les mécanismes qui les régissent. Nous avons distingué 6 catégories différentes de si factuel, en nous basant essentiellement sur des critères sémantiques. On aurait pu être tenté de créer plusieurs sous-groupes du si adversatif, par exemple, mais il nous a semblé préférable de ne pas le faire pour simplifier la description.

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L'on trouve parfois des énoncés en si qui se laissent difficilement ranger dans une des 6 catégories sus-mentionnées. Nous les avons écartés de notre étude pour analyser uniquement les emplois fréquents qui posent de vrais problèmesde compréhension et qui sont, par conséquent, difficiles à rendre en danois.

Du point de vue syntaxique, on peut conclure que dans ces propositions tous les temps verbaux sont possibles et, de plus, on constate une tendance très nette à utiliser un temps identique dans les deux propositions. Du point de vue sémantique, il y a lieu d'insister sur la possibilité d'insérer des adverbes de phrase (cependant, en revanche, également) pour assurer l'interprétation et la compréhension des énoncés.

La raison du succès de la conjonction si dans ces propositions, réside dans le fait qu'elle assure la cohérence du texte en thématisant une donnée déjà mentionnée dans le contexte précédent. En danois, la conjonction hvis n'offre pas tout à fait les mêmes possibilités d'emploi que le si français. Du moins pas dans la langue soignée. En danois, c'est la construction avec l'inversion qui se rapproche le plus de la conjonction si quant au nombre de significations qu'elle peut véhiculer. La fréquence d'emploi de la conjonction hvis qui se manifeste depuis quelque temps dans la langue parlée danoise semble rejoindre l'extension des emplois de la conjonction si, la langue écrite danoise étant cependant restée à l'abri de ce phénomène. Et pourtant, même dans la langue écrite, mais alors moins soignée, on trouve parfois des emplois inhabituels de hvis. Les exemples que nous avons relevés dans les journaux danois sont assez révélateurs de cette tendance.

Lilian Stage

Ecole des Hautes Etudes Commerciales de Copenhague



Notes

1. Je tiens à remercier Hanne Korzen, Henning Nolke et Jens Rasmussen pour leurs encouragements et pour les discussions enrichissantes que j'ai eues avec eux autour de cet épineux problème.

2. Cornulier, Effets de sens, p. 63.

3. Voir Sandfeld, Les Propositions subordonnées, p. 337.

4. Voir Sandfeld, Les Propositions subordonnées, p. 353.

5. Ducrot, Dire et ne pas dire, 1972, p. 168.

6. Ducrot, 1972, p. 175.

7. Coyaud, Les Conjonctions du français, 1967, p. 101

8. Coyaud, 1967, p. 83.

9. Coyaud, p. 88.

10. On trouve parfois la conjonction quand employée dans la même structure: Quand ils assimilent les C.R.S. aux S.S., c'est qu'ils n'ont jamais vu des S.S. en action. (R. Merle, Derrière la vitre, p. 252)

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Résumé

Qu'est-ce qui permet de bien saisir le sens d'une proposition introduite par un si factuel? Le présent article se propose d'apporter une réponse à cette question en analysant les divers emplois de la conjonction si à la lumière de critères syntactico-sémantiques, notamment l'emploi des temps et la possibilité d'insérer des adverbes tels que cependant, en revanche ou également. Notre étude débouche sur une analyse comparative des emplois de la conjonction si en français et de ses équivalents en danois.



11. Voir Fransk Grammatik, 25.

12. Sandfeld, Les Propositions subordonnées, p. 364.

13. Nous nous sommes inspirée de la distinction générale entre concession logique et concession argumentative de Moeschler et de Spengler pour l'appliquer au si concessif. Voir J. Moeschler et N. de Spengler 1982, p. 7.

14. Pour le sens de l'adverbe cependant, nous renvoyons à Gettrup et Nolke 1984.

15. Voir Ducrot, Topoï et formes topiques, Bulletin d'Etudes de Linguistique Française, no 22,1988, Tokyo.

16. Voir Moeschler et Spengler 1982, p. 17.

17. Coyaud 1967, p. 84.

18. Voir Gettrup et Nolke 1984, p. 5 ss.

19. Voir Gettrup et Nolke 1984 p. 6.

20. Voir Sandfeld, Les Propositions subordonnées, § 220.

21. Voir Ducrot, 1972, p. 176

22. Une construction à forme interrogative avec un sens concessif n'est pas inconnue en français moderne, bien qu'elle soit plutôt marginale: Savan eût-il accepté de lutter contre la colonne, que la moitié du village se fût sans doute enfuie. (Malraux, in Pedersen et al., 1980,30.1.2)

23. La conjonction nàr est une conjonction temporelle correspondant à la conjonction quand.

Bibliographie.

Cornulier, B. de: Effets de sens. Paris, 1985.

Coyaud, M.: Les conjonctions du français I, Section d'automatique documentaire du
C.N.R.S, juin 1967.

Ducrot, O.: Dire et ne pas dire. - Principes de sémantique linguistique. Paris, 1972.

Ducrot, O.: Topoï et formes topiques. Bulletin de linguistique française, 22. Tokyo,
1988.

Gettrup, H. et Nolke, H.: Stratégies concessives: Une étude de six adverbes français.
Revue Romane, 19,1. Copenhague, 1984.

Grevisse, M.: Le Bon Usage., Paris, 1986.

Moeschler, J. et de Spengler, N.: La concession ou la réfutation interdite, approches
argumentative et conversationnelle. CLF 4,1982.

Pedersen, J. et al.: Fransk Grammatik. Copenhague, 1980.