Revue Romane, Bind 27 (1992) 1Arne Schnack 29 octobre 1942 - 15 décembre 1991Michael Herslund Arne Schnack est décédé, à l'âge de 49 ans, après une maladie cruelle et implacable. Il était un personnage de première importance pour l'lnstitut d'Etudes Romanes de l'Université de Copenhague, où s'est déroulée toute sa carrière professionnelle. Parmi les charges qu'il a assumées, il sied avant tout de rappeler qu'il a été rédacteur de notre revue, Revue Romane, de 1972 à 1974, qu'il a été directeur de l'lnstitut de 1984 à 1986, et qu'il a, à plusieurs reprises, rempli les fonctions souvent difficiles de président du comité paritaire. Son œuvre scientifique a été consacrée surtout au romantisme français, plus particulièrement à la conception de l'amour et aux attitudes de l'homme romantique vis-à-vis de l'amour. Rappelons ici sa thèse de 1979 sur l'exploitation de la nature dans l'imagerie romantique, Animaux et paysages dans la description des personnages romanesques (1800-1845) (Etudes Romanes de l'Université de Copenhague, n° 19). Mais il faut peut-être surtout souligner ses travaux de vulgarisation, tels Den umulige kœrlighed ('L'amour impossible'), de 1984, qui reprend les thèmes de la thèse, et Introduktion til fransk kœrlighedspoesi ('lntroduction à la poésie d'amour française'), de 1975, texte qu'il introduit avec la boutade suivante: «Un poème d'amour n'est au fond qu'une mystification du message très simple: «Je t'aime»». Paradoxalement, sa forme d'esprit, rationalisme et scepticisme, ne devait pas, a priori, le prédestiner à ce genre d'études. Et on sent parfois, dans ses travaux, une distanciation, souvent salutaire, comme dans la phrase qu'on vient de citer. Son vrai penchant allait plutôt aux rationalistes du XVIIIe, et surtout aux positivistes du XIXe siècle. Son texte favori était sans conteste l'lntroduction à la médecine expérimentale de Claude Bernard. C'est dans la clarté de la pensée et dans la concision de l'expression des positivistes qu'il trouvait ses vraies affinités électives. Et c'est avec eux qu'il avait commencé à douter et à remettre en question les fondements même de sa science, les études littéraires. Ce qui a débouché peut-être sur son ouvrage le plus important, le petit livre dense, Tekstanalyse ogteon ('Analyse textuelle
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et théorie'), de 1981. Ses réflexions sur le texte ont aussi beaucoup profité à l'ouvrage Sprog og tekst ('Langage et texte'), de 1986, qu'il avait rédige avec trois collègues comme une introduction à la linguistique textuelle. Mais ces doutes avaient aussi engendré un certain pessimisme en ce qui concernait ses fonctions professionnelles et l'utilité du travail universitaire, pessimisme qui se transformait parfois en cynisme et amertume. S'il semblait pourtant avoir surmonté ce pessimisme pendant ses dernières années, il ne cachait pas, pendant de longues périodes, qu'il n'était pas heureux dans son travail. Pendantces périodes, les fonctions administratives constituaient une sorte de refuge pour lui. Arne Schnack avait des dons littéraires incontestables, des dons qu'on regrette qu'il n'ait pas eu l'occasion de faire épanouir plus pleinement. Il était un bon traducteur aussi; une des choses qui lui ont tenu le plus à cœur était la révision de la traduction danoise des Trois mousquetaires qu'une grande maison d'édition lui avait confiée. Mais il avait beaucoup d'autres intérêts; il était passionné par la botanique, par exemple, surtout par l'étude des champignons. Il disait souvent que sa vraie vocation était les sciences naturelles, surtout la médecine. A ses intérêts, il apportait la même attitude professionnelle et consciencieuse qu'à ses travaux scientifiques: il aimait le travail bien fait, professionnel, le bon artisanat. Dans le discours qu'il a fait lors des obsèques, son frère l'a caractérisé comme un homme sans illusions, mais pas un homme désabusé. Rien ne semble mieux le caractériser. Dans son travail, Arne Schnack a fait preuve d'une probité intellectuelle rare, pendant sa maladie et dans sa mort d'un courage exemplaire qu'il sera difficile d'égaler. C'est un privilège de l'avoir connu et d'avoir travaillé avec lui. |