Revue Romane, Bind 27 (1992) 1

Jean-Claude Aubailly & Bruno Roy: Deux moralités de la fin du Moyen-Age et du temps des Guerres de Religion: Excellence, Science, Paris et Peuple et Mars et Justice. Edition critique. Droz, Genève, 1990. 127 p.

Svend Hendrup

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Il faut savoir gré aux deux éditeurs de nous avoir rendu accessible le texte de ces deux pièces du théâtre profane des XVe et XVIe siècles, pièces ou bien inédites (Excellence) ou bien introuvables (Mars) et surtout connues, jusqu'ici, par les seules analyses de Petit de Julleville (Répertoire 1886: moralités nos 31 et 46). -La réunion en un volume, un peu inattendue, de ces deux moralités assez diverses (au point de vue date, composition et style) permet cependant de «présenter deux aspects d'un genre «mixte, point d'interférence entre plusieurs genres»» (p. 7) et d'évoquer l'évolution de ce genre de «moralité politique et polémique» (p. 7).

Ce petit volume maniable présente les deux textes de manière exemplaire, l'annotation est copieuse et les corrections proposées sont justes. On regrette, par contre, l'absence d'une bibliographie et, surtout, d'un glossaire ainsi que d'un index. - Quelques remarques de détail: Excellence p. 16 s.: pour décider de la date de cette pièce, les auteurs s'appuient sur des arguments internes un peu faibles ('ton', composition, style, versification, syntaxe et vocabulaire), au lieu de s'en tenir aux données historiques (comme ils le font dans la note aux w. 294-97). Vers 60: le ? à placer après le v. 61. V. 213: rapaisiez, à corriger en rapaisier (cf. la note au v. 89, sur la confusion de z et r). - Mars p. 8: cette pièce est bien «moins rhétorique« que la première, mais on voudra bien remarquer que le texte en est mieux conservé et, partant, plus facile à comprendre. P. 8: les sobriquets des trois «sots» auraient dû être élucidés (pour Rouge Affiné, cf. p. ex. VAffineur du Recueil Trepperel I n° V). V. 38: garder le ne du ms et comprendre 'avec lequel nous n'avons jamais pu obtenir qu'il ne fut toujours notre adversaire' (sans le ne, le vers, d'ailleurs, n'aurait que onze syllabes). V. \SQ-en routte, note: «archaisme: en déroute», mais route, dans ce sens, est bien chez Montaigne, dans La Satyre Ménippée, etc. (voir Huguet s. v.). V. 318-(un) audivit: aurait dû être expliqué (de même, v. 338-viateur). V. 436: qui = qu'il (cf. la note au v. 248). V. 443: prendre = prendra (cf. la note au v. 422). V. 583: se tour = ce tour (cf. la note au v. 437: se manteau).

La question qui se pose dès l'abord, à propos de ces deux pièces, c'est évidemment le problème du genre, problème abordé immédiatement, mais non sans une certaine hésitation, par les éditeurs: «Notre pièce serait alors une sottie déguisée» (Excellence, p. 13 - c'est nous qui soulignons) et «Cette «moralité» que nous intitulerions plus volontiers «sotties»» (Mars, p. 73). Comme on le voit, les éditeurs aimeraient bien voir dans leurs deux pièces des «sotties»; mais que dire de leurs arguments: dans Excellence,le personnage Paris est, peut-être, costumé en sot (p. 13 et v. 3,05-couvrechief, v. 343-belles oreilles); trois des personnages dans Mars sont des sots (d'après leurs sobriquets,p. 8) et la pièce présente «une structure analogue à celle de la Sottie pour le cry de la Basoche» (Picot n° XXVIII). Cette argumentation reste un peu faible devant le fait que ni l'une ni l'autre des deux pièces ne présente aucun des thèmes essentiels à la sottie: pas une seule suggestion des thèmes 'le nombre infini des sots' et 'sot/sage' (tel est sot qui cuide estre sage'), ni même du thème du 'monde renversé', qui conviendraitparfaitement aux sujets de nos pièces. Au fond, tout ce qu'on peut dire des deux

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pièces, c'est que ce sont des moralités où paraissent, peut-être, un {Excellence, de
1465-68, p. 16) ou plusieurs sots (Mars de 1564, p. 76).

Pour une discussion plus approfondie de ce problème de genre dans le théâtre profane des XVe et XVIe siècles, nous renvoyons à deux articles parus ici même: J. Koopmans (Revue Romane 24,1 p. 49-64, et surtout pp. 57 et 59) et S. Hendrup (ibid. 25,2 p. 331-40, et surtout pp. 336 s et 337 s). Cette discussion sera certainement ranimée par la présente édition û'Excellence et de Mars.

Université de Copenhague