Revue Romane, Bind 27 (1992) 1

Artide défini, unicité et pertinence

par

Georges Kleiber

Introduction*

Faut-il maintenir ou non un trait d'unicité pour l'article défini lei Le courant cognitiviste actuel, illustré par D. Wilson (1989), W. De Mulder (1990), etc., apporte à cette question une réponse négative en montrant que dans de nombreux cas la condition d'unicité associée traditionnellement à l'article défini singulier se trouve battue en brèche et que la référence définie se laisse expliquer autrement. A partir des positions revisitées de D. Lewis (1972 et 1979) et de H. Clark (1977), D. Wilson (1989) analyse, dans le cadre de la théorie de la pertinence (D. Sperber et D. Wilson, 1986), les SN définis référentiels du type Le N en termes d'acceptabilité pragmatique du réfèrent et d'acceptabilité du contexte. Ce travail n'a pas d'autre but que de montrer qu'une telle analyse est trop excessive en ce qu'elle court-circuite l'étape sémantique de l'unicité dans l'identification référentielle.

Notre démonstration se fera en cinq étapes. Je rappellerai d'abord rapidement les tenants et aboutissants des approches en termes d'unicité. J'exposerai ensuite les contre-exemples destinés à prouver l'échec de ces approches et présenterai, dans une troisième partie, la solution pragmatique concurrente chargée de les résoudre. Je terminerai enfin en montrant successivement que cette nouvelle solution connaît elle-même des limites et que l'on peut continuer de rendre compte en termes d'unicité des contre-exemples avancés à condition de préciser les modalités justificatrices de l'unicité. Un double résultat sera ainsi atteint: d'une part, il se dégagera une analyse plus satisfaisante du fonctionnement référentiel de l'article défini, et, d'autre part, il apparaîtra que la théorie de la pertinence trouve surtout sa ... pertinence en aval et non en amont, comme le prônent ses auteurs.

Side 62

1. Artide défini et unicité

Le constat est fait par M. Galmiche (1989, p. 22): «Que l'on s'inspire des approches logiques ou que l'on reprenne les descriptions traditionnelles (ou que l'on se tourne tout simplement du côté du bon sens), on retrouve un facteur commun; un syntagme défini indique qu'il y a un - et un seul objet -, qui correspond à la description utilisée». Logiciens-philosophes et linguistes s'accordent en effet généralement à reconnaître que l'article défini d'une description de type Le N ou Le N + Modificateur indique qu'il y a un seul réfèrent qui soit représenté ou désigné par N ou ¿V + Modificateur. L'unicité ne porte donc pas sur le réfèrent en tant qu'entité individuelle, option qui laisserait la description N ou N + Modificateur en dehors du coup, mais s'applique au réfèrent en tant qu'on peut lui attribuer le prédicat N ou N + Modificateur.

Les avis divergent sur deux points. D'une part, sur le statut de l'indication
d'unicité: est-elle présupposée ou impliquée? Est-ce que:

(1) Le roi de France est chauve.

présuppose ou implique (pose ou asserte):

(2) II y a un et un seul roi de France.1

D'autre part, sur la source de l'unicité. En disant (3)

(3) Le garçon court.

il est clair que le locuteur n'entend pas signifier par là qu'il n'y a qu'un seul
garçon dans le monde. L'unicité du réfèrent comme étant le seul objet du
type garçon doit donc être établie, justifiée. Comment le faire?

Différentes solutions ont été proposées que M. Galmiche (1989) a réparties en approches formelles, soit logiques (J. Stuart Mili; B. Russell), ou linguistiques et en approches pragmatiques (J. A. Hawkins, 1978; M. Galmiche, 1979 et 1989; etc.). Les approches formelles linguistiques essaient de déterminer l'unicité soit à l'aide d'une transformation, - chez B. Robbins (1968) le s'obtient à partir de deux phrases comportant un -, soit à l'aide d'un adjoint restricteur présent ou récupérable, - Z. Vendler (1967 et 1968) pose comme principe que l'article défini est toujours le signe d'un adjoint restricteur explicite ou implicite. Il a été amplement montré (M. Galmiche, 1979 et 1989; F. Corblin, 1987) que ces tentatives conduisent très vite à l'échec et qu'il ne reste que la voie pragmatique pour trouver une justification pertinente à l'unicité assignée à l'article défini. Cette voie pragmatique débouche logiquement sur la prise en compte du contexte ou univers de discours et donne lieu tout aussi logiquement à l'affirmation que c'est le contexte qui fournit les raisons de cette unicité.

Side 63

Comment cela se passe-t-il? La réponse la plus immédiate consiste à dire que le contexte ne fournit qu'un réfèrent du type de N, ou, en d'autres termes, qu'il n'existe dans le contexte (immédiat?) ou univers de discours qu'un individu répondant à la description utilisée. Cette réponse, généralement considérée comme la version standard de la théorie de l'unicité, pose ainsi comme condition à l'emploi de le garçon dans (3) l'existence dans le contexte ou univers de discours d'un et d'un seul individu qui soit garçon.

En fait, les propositions formulées par les défenseurs de l'unicité sont plus précises. A la simple notion de contexte se substituent des notions comme celles d'ensemble partagé (J. A. Hawkins, 1978) ou d'ensemble relationnel (M. Galmiche, 1979 et 1989), de circonstances d'évaluation (G. Kleiber, 1986 a et b, 1990 a), de domaine d'interprétation (F. Corblin, 1987). Elles découlent directement de la double contrainte liée au sens de Le N: à savoir le renvoi à une entité individuelle et le fait que le prédicat N s'applique à cet individu. Cette double exigence n'est satisfaite qu'en faisant de N l'élément décisif dans la différenciation (F. Corblin, 1987, M. Galmiche, 1989; L. Danon-Boileau, 1990; G. Kleiber, 1981 et 1983). Du coup, l'unicité n'est pas nécessairement acquise par l'existence dans le contexte d'un et d'un seul individu du type ¿V, mais peut l'être par tout élément qui permet à N d'opérer l'isolement nécessaire. Les avis divergent sur la nature de cet ou de ces éléments: ensemble, circonstances d'évaluation, domaine d'interprétation, etc. ?, mais ce n'est pas à ce niveau le problème essentiel.

L'important est de voir que ces notions proviennent toutes de la volonté d'expliquer l'unicité en relation avec N. Ainsi M. Galmiche (1989, p. 22) postule que l'emploi de le N nécessite un ensemble au sein duquel il n'y a qu'un N, parce que l'unicité «ne peut trouver son altérité qu'au sein d'un ensemble». C'est une démarche identique qui conduit au domaine d'interprétation de F. Corblin (1987), p. 108): «le exige que la référence virtuelle préfixée ait capacité à séparer un x des autres, et le N n'est interprétable que dans les conditions où cela est possible». Nos circonstances d'évaluation sont également le résultat d'un tel raisonnement: il ne s'agit de rien d'autre que des conditions qui justifient l'unicité de l'individu comme N. Le débat sur la nature et la validité de ces différentes notions reste bien entendu ouvert, mais ce n'est pas le moment de le poursuivre.

Ce qu'il faut noter, c'est que ces analyses, en termes ensemblistes ou non, ne forment pas une simple variante notationnelle de la «version standard». Elles permettent, en effet, comme nous le verrons ci-dessous, de traiter en termes d'unicité des exemples que la version en termes de contexte ne peut maîtriser. Le lien entre le contexte et ces différents intermédiaires justificateursde l'unicité est pourtant clair: c'est le contexte, large ou immédiat, peu importe, qui fournit les ensembles, les circonstances ou le domaine établissantl'unicité du réfèrent comme étant le seul du type N. Il s'ensuit que dans

Side 64

beaucoup de cas il y a effectivement coïncidence entre les deux types de versions. Cela arrive lorsque le réfèrent visé se trouve être le seul individu de type N qui est présent dans le contexte immédiat d'énonciation, soit dans le site linguistique, soit dans le site extra-linguistique. Les analyses d'exemples textuels comme (4):

(4) Un avion s'est écrasé hier à New-York. Eavion venait de Miami.

ou non textuels comme (5):

(5) Passe-moi le vase! (L. Danon-Boileau, 1990)

peuvent alors faire croire2 que l'unicité du défini s'explique directement par l'existence dans le contexte linguistique ou extra-linguistique d'un seul individu qui soit N. Le commentaire de (5) proposé par L. Danon-Boileau est à cet égard révélateur: «de tous les objets du hic et nunc, je demande qu'on me donne le seul objet qui correspond au type 'vase'».

2. Contre-exemples à l'unicité

II n'est pas étonnant par conséquent si la thèse de l'unicité se trouve attaquée surtout sous sa forme standard: «II n'est pas vrai, déclare D. Lewis (1979, p. 178), qu'une description définie the F dénote x si et seulement si x est le seul F existant. Pas plus qu'il n'est vrai que the F dénote* si et seulement six est le seul F dans un domaine de discours contextuellement déterminé». La meilleure façon de le montrer consiste évidemment à présenter des contre-exemples où plusieurs individus sont du type N de la description définie. Tous les contre-exemples n'ont cependant pas la même pertinence. Certains ne touchent que la version standard, alors que d'autres représentent un sérieux obstacle pour toutes les approches qui utilisent l'unicité.

Les exemples (6) et (7) de D. Wilson (1989):

(6) I.a pièce avait trois portes dont l'une était ouverte. J'ai fermé la porte.

(7) J'ai quitté la maison en fermant la porte.

font partie du premier groupe. Ils prouvent, tous deux, de façon différente, l'échec de la version standard, l'exemple (6), parce qu'il présente un univers de discours avec plusieurs objets qui satisfont au type TV du SN La porte, et l'exemple (7), parce qu'il n'en comporte, par contre, aucun qui soit explicitement introduit. Une référence définie ne devrait donc pas être possible, s'il lui fallait l'unicité du réfèrent comme porte dans le contexte. Or, elle a lieu dans (6), où la porte désigne la porte ouverte, comme dans (7), où elle renvoie à la porte d'entrée de la maison.

On notera tout de suite que (7), dès que l'on tient compte du fait qu'une
maison comporte normalement plusieurs portes, se laisse, en fait, également
analyser comme (6), en termes de pluralité de candidats possibles, et représentedonc

Side 65

sentedoncle même type de contre-exemple à la thèse de l'unicité «contextuelle»:la
présence de plusieurs objets d'un type N dans le contexte, explicite
ou implicite, n'interdit pas l'emploi de Le N.

On voit tout de suite aussi en quoi ces deux exemples, s'ils touchent la version standard, ne peuvent infirmer les versions plus précises de l'unicité. Comme elles ne lient pas l'unicité à la présence dans le contexte d'un seul candidat approprié, celles-ci peuvent expliquer l'emploi du défini dans (6) et (7) en recourant à d'autres éléments justificateurs de l'unicité, qui, ici, ne semblent pas trop difficiles à trouver. Dans (6), il s'agit de la mention qu'une seule porte est ouverte, dans (7), de l'indication de quitter la maison qui, étant donné nos connaissances de ce scénario, nous guide vers une seule porte pertinente, la porte d'entrée. Quelle que soit la forme que l'on donne à ces facteurs, qu'on y voie un ensemble associatif hétérogène, comme le fait M. Galmiche pour un énoncé similaire tel que Ouvre la porte! (1989, p. 28), ou des circonstances d'évaluation (G. Kleiber, 1990 a), ils confirment la thèse de l'unicité et font de (6) et (7) des contre-exemples non pertinents.

Il y a cependant des exemples moins «dociles». Trois cas peuvent être
distingués. Il y a tout d'abord des énoncés comme (8)-

(8) Le cochon grogne, mais le cochon aux oreilles tombantes ne grogne pas (D.
Lewis, 1979)

(9) Le chien s'est disputé avec un autre chien (J. D. McCawley, cité par D.
Lewis)

qui, parce qu'ils mettent aux prises explicitement deux individus du même type que le N de la description le N, paraissent difficilement pouvoir être expliqués en termes d'unicité. Comment peut-on en effet continuer de soutenir que le N signifie un et un seul N si l'énoncé comporte la mention d'un autre AT? Une difficulté moins voyante, mais tout aussi sérieuse, est constituée par les anaphores fidèles du type de (10):

(10) Un homme est venu voir Peter Sellers. L'homme portait un chapeau (D.
Wilson, 1989)

dans la mesure où, si l'on accepte de voir en Peter Sellers un homme, le contexte antérieur, qui, dans un tel site, constitue l'élément normalement invoqué pour justifier l'unicité, comporte deux candidats-homme pour la reprise définie. En troisième lieu, certains cas d'anaphore associative mettent à mal la thèse de l'unicité en présentant, soit deux «parties uniques» comme référents possibles, soit des «parties» associées qui ne sont pas uniques dans le «tout». La séquence (11) illustre le premier cas, (12) le second:

(11) J'ai passé de la salle de bal dans la cuisine. Le plafond était très haut (D.
Wilson, 1989)

Side 66

(12) Je ne peux pas prendre la voiture. La porte doit être réparée (D. Wilson,
1989)

Dans (11), quoiqu'effectivement chaque pièce n'ait qu'un plafond, il se trouve néanmoins deux plafonds disponibles pour être le réfèrent de l'anaphore associative le plafond, celui de la salle de bal et celui de la cuisine, ce qui rapproche (11) du cas de (10). La séquence (12) est différente en ce que l'unicité de la partie par rapport au tout (une pièce n'a généralement qu'un plafond) ne se retrouve même plus, puisqu'on sait qu'une voiture a normalement plus d'une porte. Comment encore expliquer dans ces conditions l'emploi de l'article défini en termes d'unicité?

3. Une explication en termes de saillance et de pertinence

3.1. Saillance (D. Lewis, 1979) et pontage (H. Clark, 1977).

Une solution «intermédiaire» est possible, qui fait écho, sans toutefois s'y identifier, à la classique thèse de la familiarité (P. Christopherson, 1939) ou de la notoriété de Damourette et Pichón. Elle consiste à déterminer la référence définie singulière au moyen de facteurs pragmatiques cognitifs de recouvrement du réfèrent. Le réfèrent de Le N, dans une telle optique, sera le N le plus saillant (D. Lewis, 1979) ou celui qui nécessite le bridging ou chemin de recouvrement le plus court possible (H. Clark, 1977). Comme on le voit, N ne joue plus le rôle discriminant qu'on lui prête dans les approches classiques en termes d'unicité, l'unicité postulée étant triviale: il est normal que le réfèrent N à retrouver soit le plus saillant ou le plus facile à récupérer.

L'hypothèse défendue par D. Lewis (1979, p. 178) est que «the F dénote x si et seulement si x est le F le plus saillant dans le domaine de discours par rapport à une échelle de saillance contextuellement déterminée». On peut ainsi expliquer directement (8) et (9). Même s'il y a plusieurs chiens et plusieurs cochons, Particlc défini peut être utilisé, car il renvoie au réfèrent le plus saillant qui satisfait à la description. Ainsi (9) signifie que le chien le plus saillant s'est disputé avec un chien moins saillant. La saillance, - appelée contextualprominence en 1972 -, est un facteur cognitif: «Un objet peut être remarquable, précise D. Lewis (1972, p. 214), parce qu'il est proche, ou désigné du doigt, ou mentionné, mais aucune de ces choses n'est une conditionnécessaire de proéminence contextuelle. Nous avons donc besoin d'une coordonnée d'objets saillants, une nouvelle coordonnée contextuelle, indépendantedes autres. Elle sera déterminée dans une occasion d'énonciation donnéed'une phrase par des facteurs mentaux, tels que les attentes des locuteurs concernant les objets qu'ils souhaitent amener à l'attention des auditeurs». Elle s'obtient ainsi de différentes manières, soit par le contexte linguistique (mention antérieure, introduction d'un nouveau réfèrent, etc.), soit par des

Side 67

facteurs de la situation extra-linguistique. Le point essentiel est que le locuteurestime
que le réfèrent est, dans la situation d'énonciation, l'individu du
type de la description utilisée le plus saillant pour l'interlocuteur.

Si le résultat est inacceptable, parce que l'interprétation obtenue est soit manifestement fausse, soit triviale ou encore impossible à vérifier, alors un nouvel assignement référentiel doit s'opérer au moyen d'une règle d'acceptabilité pragmatique (rule of accommodation for comparative salience). Saillance référentielle et acceptabilité pragmatique forment ainsi les deux composantes du modèle référentiel de la description définie chez D. Lewis.

Une telle structure se retrouve, comme le souligne D. Wilson, dans le modèle inférentiel de H. Clark (1977), où c'est la notion de, pont le plus court qui correspond à celle de réfèrent le plus saillant. Ainsi pour expliquer pourquoi un interlocuteur relie par pontage inférentiel le plafond d'une séquence telle que (13):

(13) J'ai jeté un coup d'oeil dans la pièce. Le plafond était trop haut.

au plafond de la pièce juste mentionnée et non à celui d'une autre pièce, H. Clark postule que le pontage pertinent est celui qui est le plus court, c'est-àdire celui qui nécessite le moins d'inférences. Il faut toutefois, - et là nous avons le pendant de l'acceptabilité pragmatique de Lewis -, que les inférences émises soient plausibles, c'est-à-dire cohérentes avec les connaissances de l'interlocuteur sur le locuteur, la situation et le monde.

Aucune de ces deux approches n'arrive toutefois à maîtriser tous les
contre-exemples présentés ci-dessus. Celle de Lewis se heurte à (10):

(10) Un homme est venu voir Peter Sellers. Ehomme portait un chapeau.

puisque, comme le note D. Wilson, Peter Sellers peut être considéré comme étant Yhomme le plus saillant, étant donné qu'il a été mentionné en dernier. Elle ne saurait non plus rendre compte d'énoncés comportant deux descriptions définies identiques, dans la mesure où elle conclut qu'il s'agit à chaque fois du N le plus saillant. Pour illustrer cette critique, D. Wilson propose un énoncé tel que (14):

(14) Le bateau vert a heurté le bateau vert.

prononcé dans la situation où, pour tester la qualité de modèles réduits de bateaux sur un bassin de laboratoire, on envoie d'un côté un bateau vert et de l'autre une ligne de bateaux de couleurs différentes, dont un est également vert, avec comme objectif de voir lequel de ces bateaux sera heurté par le premier bateau vert. D. Wilson dénonce une autre difficulté encore. Le modèle de Lewis prévoit la possibilité d'une séquence déviante telle que (15):

(15) Jean est allé se promener dans Central park. Le voleur lui a pris tout son

Side 68

L'existence d'un voleur pouvant être inférée de l'énoncé antécédent, elle est
suffisamment saillante pour autoriser le défini.

La même difficulté attend la théorie du pontage de Clark, puisqu'il suffit d'inférer que Jean a été attaqué par un voleur dans Central Park pour que l'on dispose d'un bridge satisfaisant. Elle rencontre, d'un autre côté, l'obstacle inverse que constituent les séquences où plusieurs pontages de même longueur sont disponibles tels que (11):

(11) J'ai passé de la salle de bal dans la cuisine. Le plafond était très haut.

Il y a en effet dans (11) identité de «longueur» pour le pont qui relie le plafond au plafond de la cuisine et celui qui relie le plafond au plafond de la salle de bal (D. Wilson, 1989). C'est pourtant plutôt celui de la cuisine qui est le réfèrent pertinent3. Dans (12):

(12) Je ne peux pas prendre la voiture. La porte doit être réparée.

c'est l'exigence d'un pont unique qui est battue en broche, une voiture ayant,
comme on sait, normalement plusieurs portes.

3.2. Références et théorie de la pertinence.

D. Wilson (1989) s'attache à montrer que la théorie de la pertinence (D. Sperber et D. Wilson, 1986) permet de rendre compte de toutes les difficultés que rencontrent encore les approches cognitives de Lewis et Clark, et cela grâce à l'utilisation du principe de pertinence comme pivot du principe d'acceptabilité pragmatique.

Le principe de pertinence postule qu'à toute information communiquée explicitement s'associe une présomption de pertinence optimale définie comme la conjonction de deux facteurs, les effets cognitifs et les efforts de calcul pour les obtenir. Un énoncé répond à la condition de pertinence optimale, si donc:

(i) il apporte suffisamment d'effets cognitifs;

(ii) il ne nécessite pas d'efforts démesurés pour les calculer.

Une seule interprétation, normalement, satisfait à cette condition et c'est l'interprétation présumée vouloir être communiquée par le locuteur. L'interlocuteur dispose ainsi d'un moyen pour choisir entre les différentes interprétations possibles d'un énoncé. La bonne interprétation, c'est celle qu'il juge être l'interprétation qu'un locuteur s'attend à trouver pertinente de façon optimale pour lui. Ce critère de cohérence avec le principe de pertinence constitue le principe d'acceptabilité pragmatique.

Il opère dans le processus référentiel des SN définis en Le V sur les
interprétations de ces SN, c'est-à-dire sur les candidats référentiels potentiels.Et
là D. Wilson reprend en termes d'accessibilité référentielle la notion

Side 69

de saillance, un réfèrent saillant donnant toujours lieu à une représentation mentale facilement accessible. Sera en conséquence soumis au principe d'acceptabilitépragmatique le réfèrent le plus accessible qui soit un N. S'il y satisfait, c'est-à-dire si le résultat est cohérent avec le principe de pertinence, alors ce réfèrent sera retenu. S'il ne l'est pas, d'autres seront testés jusqu'à ce que l'interprétation obtenue s'accorde au principe de pertinence. Le modèle de D. Wilson comprend ainsi les mêmes deux composantes que celui de Lewis. A un premier niveau, celui du réfèrent à retrouver, il met en jeu une condition d'accessibilité référentielle, très proche de celle de saillance, qui sélectionne le ou les candidats potentiels. A un second niveau, intervient le filtre du principe d'applicabilité pragmatique, le correspondant de la rule of accommodation for comparative salience, qui explique que la première interprétationaccessible satisfaisant à la pertinence optimale sera choisie. Il s'ensuitque le réfèrent de Le N peut être défini comme étant le N le plus accessible donnant lieu à la première interprétation acceptable. L'accessibilitémaximale du réfèrent ne suffit ainsi pas, il faut encore qu'elle conduise à une pertinence optimale, ce qui fait que l'unicité résulte de la conjonction de deux facteurs cognitifs: l'accessibilité référentielle et la pertinence de l'interprétation,c'est-à-dire l'accessibilité contextuelle.

La différence avec Lewis et Clark réside dans l'ajout de la restriction relative à l'acceptabilité. La conception en termes de pertinence du principe d'applicabilité permet en effet de prévoir des situations dont ne peuvent rendre compte les modèles de Lewis et Clark: ainsi, la possibilité d'avoir une référence en le N, alors que plusieurs individus ayant la même accessibilité sont disponibles ou encore la situation où le bon réfèrent se trouve être moins accessible qu'un autre qui ne donne pas lieu à une interprétation conforme au principe de pertinence.

Appliqué à (6):

(6) La pièce avait trois portes dont l'une était ouverte. J'ai fermé la porte.

un tel modèle trace le processus référentiel suivant: le réfèrent le plus accessible dans un tel cas est celle des trois portes que comporte la pièce dont vient de parler le locuteur qui est ouverte. Il donne lieu à une interprétation acceptable et est donc retenu comme étant le réfèrent visé par le locuteur. D. Wilson souligne que même dans l'hypothèse, contre-intuitive ici, où les trois portes auraient présenté le même degré d'accessibilité, c'est néanmoins la porte ouverte qui aurait été choisie, dans la mesure où il est plus pertinent de penser que c'est une porte ouverte que l'on ferme qu'une porte déjà fermée4.

L'utilité du principe de pertinence se montre à propos d'un exemple tel
que (16):

(16) La pièce avait trois portes, dont toutes, sauf une, étaient fermées. J'ai fermé
la porte.

Side 70

parce qu'il permet d'en expliquer ce que D. Wilson nomme la stylistic infelicity. Pourquoi paraît-il moins bien formé, alors qu'il ne présente également qu'une seule porte ouverte, donc une porte plus accessible que les deux autres? D. Wilson y voit la conséquence du principe d'applicabilité. Une telle interprétation n'aboutit pas à une pertinence optimale, puisque, si (16) donne lieu aux mêmes effets cognitifs que (6), il oblige à un calcul supplémentaire jugé non nécessaire, celui d'inférer qu'une seule porte est ouverte. Il s'y ajoute que (16), à la différence de (6), attire l'attention sur les portes fermées et en fait donc les premiers candidats au test de cohérence avec le principe de pertinence, ce qui augmente encore l'effort de l'interlocuteur.

La question essentielle consiste toutefois à voir comment la théorie de la
pertinence arrive à traiter les contre-exemples non maîtrisés par les modèles
cognitifs précédents. Soit d'abord le cas de (11):

(11) J'ai passé de la salle de bal dans la cuisine. Le plafond était très haut.

qui présente deux référents de saillance ou de longueur de pont identiques.
L'ordre d'apparition, comme le montre (17), n'est pas décisif pour conclure
à une saillance plus grande de la mention la plus récente:

(17) J'ai passé dans la cuisine en venant de la salle de bal. Le plafond était très
haut.

Ce qui entraîne, en conséquence, la référence «plafond de la cuisine», c'est le principe d'applicabilité, c'est-à-dire la découverte d'une interprétation cohérente avec le principe de pertinence. A l'accessibilité des référents s'ajoute ici crucialement l'accessibilité des contextes. Il est relativement facile, comme le note D. Wilson, d'accéder à un contexte où la deuxième partie de (11) et (17) est vue comme le compte rendu de perception de ce que le locuteur a vu en rentrant dans la cuisine et plus difficile d'en imaginer un qui justifierait la référence au plafond de la salle de bal. Il suffit cependant que les données soient différentes et qu'au lieu de (11) ou (17) l'on ait la séquence

(18) J'ai passé de la salle de bal dans la cuisine. Le plafond était trop haut.

pour que ce soit l'autre interprétation qui l'emporte. Dans le cas de (18), en
effet, le contexte le plus accessible est celui qui fait de la deuxième partie la
cause du passage du locuteur d'une pièce dans l'autre.

L'énigme des deux te bateau vert de (14):

(14) Le bateau vert a heurté le bateau vert.

se laisse expliquer de façon analogue, dans la mesure où les circonstances d'énonciation de (14) font qu'il n'est pas trop difficile d'imaginer que le premier SN renvoie au bateau isolé et le second au bateau de la ligne des bateaux opposés.

Side 71

Les autres contre-exemples ressortissent à une analyse différente. Pour
rendre compte de (12):

(12) Je ne peux pas prendre la voiture. La porte doit être réparée.

D. Wilson fait valoir qu'une telle situation, dans le cadre de la théorie de la pertinence, ne nécessite pas un assignement de référence unique, c'est-à-dire une spécification de la porte dont il s'agit, parce que, quelle que soit cette porte, les conséquences en sont les mêmes: il n'y a donc aucune raison particulière de préciser plus avant laquelle est concernée. Dans le cas de (15):

(15) Jean est allé se promener dans Central Parle. Le voleur lui a pris tout son
argent.

la déviance tient, selon D. Wilson, au fait que l'information Jean a été attaqué par un voleur lors de sa promenade dans Central park, qui doit être inférée pour qu'une référence le voleur - le voleur qui a attaqué Jean dans Central Park puisse s'établir, est suffisamment pertinente en elle-même pour être explicitement postulée. La théorie de la pertinence exige, rappelle D. Wilson, non pas que les propositions implicites ne soient pas pertinentes, mais qu'elles ne soient pas assez pertinentes pour être signalées à l'attention de l'interlocuteur.

La présence de deux individus du même type N pour une unique description définie Le N, dont le véritable réfèrent peut même être jugé moins saillant que l'autre, entraîne un glissement des objets vers les concepts. L'analyse de (10).

(10) Un homme est venu voir Peter Sellers. Ehomme portait un chapeau.

reste cependant fort allusive. Suivant une proposition de Lewis, qui évoque la possibilité pour un objet d'être plus saillant dans une de ses façons d'être et moins saillant dans une autre, D. Wilson suggère que l'homme qui est venu voir Peter Sellers est plus accessible dans sa représentation d'homme que Peter Sellers.

4. Bilan et limites

Le bilan est apparemment satisfaisant, puisque tous les exemples récalcitrants se trouvent plus ou moins bien maîtrisés. Un tel résultat n'a pu être atteint que grâce à l'abandon de toute contrainte sémantique d'unicité et à l'introduction de deux facteurs cognitifs, l'accessibilité des référents et l'accessibilité des contextes, qui, combinés ensemble, déterminent l'assignement référentiel.

Le point essentiel est que, tout comme déjà dans la thèse de la notoriété,
l'accent se trouve mis avant tout sur la «trouvaille» du bon réfèrent, plus
précisément sur les capacités de l'interlocuteur à trouver le «bon» réfèrent.

Side 72

De là, la mise au premier plan de la notion d'accessibilité du réfèrent (ou de saillance chez Lewis), contrôlée par celle d'accessibilité de l'interprétation. Une telle préoccupation est évidemment pertinente: comme l'interlocuteur doit normalement (re)trouver le réfèrent visé par Le N, le locuteur a tout intérêt à tenir compte des connaissances présumées être possédées ou pouvoirêtre inférées par lui. Comme nous l'avons toutefois montré ailleurs (G. Kleiber, 1990 b), une telle position a pour conséquence d'ignorer le mode de donation du réfèrent. Or, un locuteur choisit une expression référentielle, non seulement en fonction de l'accessibilité référentielle, mais également en fonction de la façon dont il veut présenter le réfèrent. Les marqueurs référentielsont, à cet effet, un amont sémantique, descriptif et instructionnel, dont on ne peut faire l'économie.

C'est un tel amont sémantique qui se trouve crucialement sacrifié dans l'approche cognitive de l'article défini qu'opère la théorie de la pertinence. Pour le montrer, nous reprendrons un exemple qui nous a déjà beaucoup servi (1986 a et b; 1989), celui de (19):

(19) Un avion s'est écrasé hier à New-York,

Nous avons déjà vu avec (4):

(4) Un avion s'est écrasé hier à New-York. Eavion venait de Miami.

qu'il pouvait donner lieu à une reprise définie. La théorie de la pertinence
arrive à expliquer cet emploi, mais ce dont elle ne peut pas rendre compte,
par contre, c'est de l'impossibilité d'avoir une suite comme (20):

(20) Un avion s'est écrasé hier à New-York. Eavion relie habituellement Miami à
New-York.

L'accessibilité du réfèrent reste en effet inchangée: l'avion dont le locuteur vient de parler est incontestablement le réfèrent le plus saillant ou le plus accessible. D'autre part, le principe d'applicabilité pragmatique ne se trouve pas battu en brèche non plus. Si l'on soumet ce réfèrent au critère du principe d'applicabilité, il donne lieu à une interprétation satisfaisant à la pertinence optimale. Si la séquence (20) présente donc malgré tout, pour reprendre les termes de D. Wilson, une stylistic infelicity, c'est parce que le modèle référentiel imaginé pour Le N est sémantiquement trop peu contraint. Il apparaît par là-même beaucoup trop puissant: il peut toujours s'appliquer aux exemples attestés, puisqu'il est essentiellement tourné vers la récupération du «bon» réfèrent, mais il prédit aussi des emplois qui se révèlent en fait «malheureux», parce qu'une étape sémantique décisive dans le processus référentiel se trouve occultée.

Side 73

C'est ainsi que (6), pourtant utilisé par D. Wilson comme illustration paradigmatique de son efficacité, ne nous semble pas bien formé, la description définie semblant beaucoup moins naturelle ici qu'un démonstratif par exemple:

(6) La pièce avait trois portes, dont l'une était ouverte. J'ai fermé la porte.

(21) La pièce avait trois portes, dont l'une était ouverte. J'ai fermé cette porte.

Corollairement, l'explication avancée pour rendre compte de l'étrangeté de
(16):

(16) La pièce avait trois portes, dont toutes sauf une étaient fermées. J'ai fermé la
porte.

voit sa validité entamée, du moins pour ce qui est de sa première partie concernant le calcul inférentiel. La seconde raison avancée conserve en effet, me semble-t-il, toute sa pertinence, en ce qu'elle fait allusion directement à la façon dont le réfèrent est présenté et qu'elle peut s'appliquer ainsi également à (6).

Des exemples comme ceux de (6)-(21) se retrouvent aussi en site non textuel. On n'en citera qu'un, tiré de notre «énigme du Vintimille» (1987). Dans la situation où deux alpinistes escaladent un sommet, il est difficile d'avoir un énoncé tel que (22):

(22) J'ai déjà escaladé le sommet l'année dernière.

alors que les critères d'accessibilité référentielle et d'applicabilité pragmatique
sont pourtant respectés.

Du côté des référents «inférables», on notera deux faits différents, qui
prouvent, chacun à sa manière, que les explications formulées ne sont pas
totalement correctes. En premier lieu, la déviance de (15):

(15) Jean est allé se promener dans Central park. Le voleur lui a pris tout son
argent.

D. Wilson souligne, fort justement, que la possibilité d'inférer un réfèrent de la première phrase n'autorise toutefois pas l'emploi du défini, mais il est à souligner que pour exclure un tel emploi elle fait intervenir un critère différent.Ce n'est plus l'accessibilité du réfèrent et l'accessibilité de l'interprétationqui résulte de la mise à l'épreuve du réfèrent le plus accessible qui servent de filtre éliminatoire. C'est le critère plus général d'importance de l'information liée à l'opposition explicite I implicite qui se trouve mis en avant. On comprend cependant pourquoi. Si l'on s'en tient au modèle proposé pour l'article défini, l'emploi devrait en effet être possible. Ce nouveau critère permet de l'éviter. Quel crédit lui accorder? Tel quel, il a l'air beaucoup trop puissant et, même, est circulaire, puisqu'il n'est pas précisé de façon indépendantequels

Side 74

pendantequelssont les facteurs qui spécifient quand une information est
suffisamment pertinente pour ne plus pouvoir être omise.

En second lieu, on remarquera que l'existence face à (12) de séquences du
type de (23):

(12) Je ne peux pas prendre la voiture. La porte doit être réparée

(23) Je ne peux pas prendre la voiture. Le pneu doit être réparé

qui paraissent beaucoup moins naturelles, tout en répondant au même schéma explicatif, affaiblissent sensiblement la validité de l'analyse opérée par D. Wilson. S'il est vrai que l'assignement référentiel n'a pas besoin d'être univoque dans le cas de (12), parce qu'il n'y a aucune raison de le faire, eu égard aux effets identiques qu'entraîne une porte à réparer, quelle qu'elle soit, on ne voit pas pourquoi une telle cause ne s'appliquerait pas à la situation de (23): si un pneu est crevé, il empêche également, à moins que ce ne soit celui de la roue de secours, de prendre la voiture. Malgré cela, (23) nous semble plus difficilement approprié que (12).

Ces quelques exemples nous semblent suffisants pour prouver les limites de l'approche de l'article défini opérée par la théorie de la pertinence et la nécessité d'introduire un surcroît sémantique aux considérations cognitives formulées. Il n'est évidemment pas nécessaire que cet amont sémantique corresponde à une contrainte d'unicité. Dans notre dernière partie, nous allons toutefois essayer de montrer qu'une telle condition est, malgré tout, nécessaire. Pour ce faire, nous ne reprendrons pas la question dans son entier, et ne rappellerons notamment pas les différents types d'arguments que l'on peut invoquer en faveur d'une telle thèse (cf. O. Ducrot, 1972; J. A. Hawkins, 1978; M. Galmiche, 1979 et 1989; G. Kleiber, 1981 et 1983; F. Corblin, 1987). Nous ne traiterons pas non plus totalement le problème du statut des éléments justificateurs de l'unicité. Nous reprendrons, par contre, les contre-exemples opposes par D. Wilson à la thèse de l'unicité et essaierons de les résoudre en termes d'unicité. Chemin faisant, se mettra en place un modèle global diversifié de la référence de l'article défini.

5. Des contre-exemples qui n'en sont plus

5.1. Où se loge la pertinence?

Nous commencerons avec l'exemple (11):

(11) J'ai passé de la salle de bal dans la cuisine. Le plafond était très haut.

dont l'analyse faite par D. Wilson nous semble correcte. S'il s'agit ici plutôt du plafond de la cuisine que de celui de la salle de bal, c'est parce que la deuxième phrase de (11), apparaissant comme une description du lieu atteint à la fin de la première phrase, la pièce pertinente se trouve plutôt être la

Side 75

cuisine et non la salle de bal. Une telle explication, on le remarquera, n'infirmepas pour autant les approches non standard en termes d'unicité de l'article défini. Elle montre effectivement, comme le faisaient déjà (6) et (7), que l'unicité dans le contexte ou univers de discours est erronée, mais elle ne signifie pas pour autant l'abandon de la notion d'unicité. Celle-ci reste en effet ici décisive dans le processus référentiel. L'unicité du réfèrent comme plafond se trouve justifiée par rapport à un tout, une pièce, dont on sait stéréotypiquement qu'elle contient une seule partie qui soit plafond. La preuve que cette condition d'unicité joue ici est apportée par le caractère inapproprié de séquences telles que (24):

(24) J'ai passé de la salle de bal dans la cuisine. Le mur était rouge.

où manque précisément l'unicité de x comme mur dans une pièce pour
autoriser une telle anaphore définie. Le pluriel défini rétablit les choses, et
on notera que dans (25):

(25) J'ai passé de la salle de bal dans la cuisine. Les murs étaient rouges.

les murs fonctionne comme le plafond dans (11). Il ne renvoie pas aux murs
de la salle de bal et à ceux de la cuisine, mais uniquement à ceux de la
cuisine.

On retiendra que, dans ce type d'anaphore associative, qui relève de la relation partie /tout, l'article défini le se trouve justifié par l'unicité de la partie dans le tout. Une marque formelle, dont nous nous servirons ci-dessous, caractérise ce cas d'association, c'est, comme l'a mis en relief B. Fradin (1984), la possibilité d'avoir le pronom en:

(26) J'ai passé de la salle de bal dans la cuisine. Le plafond en était très haut.

L'exemple (11) ne peut ainsi servir d'argument pour rejeter une condition sémantique d'unicité, mais il n'est pas inutile pour autant, en ce qu'il permet de mettre l'accent sur un aspect généralement passé sous silence dans les conceptions non standard de l'unicité, les facteurs qui déterminent la sélection de l'ensemble (domaine, circonstances d'évaluation, etc.) dans lequel l'unicité de l'article défini trouve sa justification.

Dans la situation de (11), deux «ensembles» sont en effet disponibles pour l'unicité du plafond: la salle de bal et la cuisine. La théorie de la pertinence trouve à s'appliquer à cet endroit du processus référentiel en indiquant grâce au truchement du principe de pertinence optimale quelle est la pièce pertinente dont le réfèrent est plafond. L'exemple (11), tout en confirmant la nécessité d'une étape sémantique d'unicité, donne à voir quel est le défaut principal des versions non standard de l'unicité et indique en même temps quelle solution y doit être apportée.

Side 76

W. De Mulder (1990) nous a fort justement retourné la critique enee sens que nous avions émise contre la théorie de la localisation de Hawkins, lorsque nous avons reproché à ce dernier de ne rien dire sur les «mécanismes qui déterminent la sélection de l'ensemble partagé» (1983, p. 92). Il s'agit d'un point fondamental pour les théories de l'unicité, car, si l'on ne spécifie pas les critères de sélection, l'analyse devient bien vite trop puissante, dans la mesure où, comme le montre le site textuel de (11), le SN défini le plafond devrait aussi pouvoir s'appliquer à la salle de bal. Cela est surtout manifeste du côté des emplois non textuels, où nous avons défendu l'idée que la situation d'énonciation immédiate pouvait servir de cadre justificateur à l'unicité. Or, comme l'ont judicieusement relevé A.-M. Berthonneau (1990), pour les compléments de temps, L. Tasmowski-de Ryck (1990) et M. Galmiche (1989) avec une condition d'agrégat5, il n'en va pas toujours ainsi. L. Tasmowski-de Ryck montre ainsi que, dans la situation où, sur la table, dans une coupe, il y a un fruit superbe, un visiteur enchanté par ce tableau ne pourra pas dire, malgré l'unicité de la pomme dans la situation d'énonciation immédiate:

(27) La pomme est magnifique.

On peut certes objecter, dans une vue ensembliste, qu'il faudrait des fruits d'un type différent pour rendre (27) approprié. Ce qui est exact, mais ne résout pas le problème essentiel, à savoir celui de la pertinence de cet ensemble. Pourquoi la présence d'une seule pomme dans l'ensemble des objets de la situation n'est-elle pas suffisante, alors qu'elle l'est si cet objet est pris dans l'ensemble restreint des fruits de la coupe? La question est d'autant plus judicieuse que, dans la même situation, l'énoncé à dislocation droite (28):

(28) Elle est magnifique, la pomme.

accepte le défini. Si on considère avec K. Lambrecht (1987) que la dislocation de droite se construit sur une connaissance supposée manifeste, on voit dans quelle direction il faut chercher la solution: dans la saillance ou l'accessibilité des éléments justificateurs de l'unicité, quels qu'ils soient. Reprenant nos circonstances d'évaluation, L. Tasmowski-de Ryck (1990) propose d'y ajouter une contrainte de notoriété.

C'est sur ce terrain, on le voit, que la théorie de la pertinence peut alors donner sa pleine mesure: sur la détermination de la saillance ou accessibilité du «cadre» ou des circonstances qui assurent l'unicité du réfèrent comme étant le N. Dans une telle approche, l'article défini renvoie au réfèrent qui est le seul N dans Pensemble/circonstance ou domaine d'interprétation, - cette question n'a pas été réglée, nous le rappelons -, pertinent. Au cognitif de prendre le relais ici avec la double exigence d'accessibilité du cadre et d'accessibilitéde l'interprétation en fonction de ce qui se trouve dit du réfèrent.

Side 77

C'est donc en aval et non directement en amont que la théorie de la pertinencetrouve
à s'appliquer dans le processus référentiel de l'article défini.

Deux remarques poursuivront notre suggestion. L'hypothèse suggérée ici remet à l'honneur la notion de présupposition liée à l'article défini. Si l'on adhère à l'idée d'une unicité présupposée, on s'explique, par une articulation directe, pourquoi les éléments justificateurs de cette unicité doivent être accessibles ou saillants. En second lieu, on peut se prononcer un peu mieux sur le caractère anaphorique ou non de l'article défini. En se plaçant dans le cadre d'une définition mémorielle de l'anaphore comme étant une expression renvoyant à un réfèrent déjà saillant (ou déjà introduit dans le focus d'attention ou mémoire discursive), - position défendue par K. Ehlich (1983), P. Bosch (1983), A. Berrendonner (1983), F. Cornish (1990), etc. -, on fait de la description définie Le N une expression anaphorique, non pas pour le réfèrent auquel elle renvoie, mais pour les éléments (ensemble, circonstances, etc.) justificateurs de l'unicité, dans la mesure où ceux-ci doivent être déjà saillants.

5.2 Des portes de voitures quineine sont pas uniques.

L'exemple (12):

(12) Je ne peux pas prendre la voiture. La porte doit être réparée.

semble un obstacle insurmontable, dans la mesure où l'on n'y retrouve plus l'unicité pertinente dans (11). Si une pièce n'a normalement qu'un plafond, une voiture a normalement plusieurs portes. L'article défini devrait donc être inapproprié pour une telle situation. Or, même si l'acceptabilité de (12) peut donner lieu à discussion, ce type de situation, où une partie inaliénable non unique accepte l'article le, n'est pas exclu. Il reste qu'il faut expliquer pourquoi.

Nous avons vu avec (23):

(23) Je ne peux pas prendre la voiture. Le pneu doit être réparé

que l'élément explicatif décisif n'était sans doute pas celui invoqué par D. Wilson, à savoir l'inutilité de préciser de quelle porte il s'agit, puisque les conséquences en sont les mêmes. Une telle explication, il faut le souligner, considère que le problème référentiel de (12) est similaire à celui de la relation partie-tout dans (11). S'il en allait effectivement ainsi, c'est-à-dire si le SN la porte fonctionnait comme le plafond de (11) dans une situation d'anaphore associative de type partie-tout, alors l'argumentation de D. Wilson serait correcte et la thèse de l'unicité serait battue en brèche. Mais, en fait, dans (12), la détermination de la porte ne passe pas directement par le tout qu'est la voiture. Ce n'est plus le rapport inaliénable qui est en jeu, comme le prouve l'impossibilité d'avoir pour (12) l'équivalent (29) de (26):

Side 78

(26) Je suis passé de la salle de bal dans la cuisine. Le plafond en était haut.

(29)? Je ne peux pas prendre la voiture. La porte doit en être réparée.

On notera que la déviance de (29) a précisément pour cause la violation de la contrainte d'unicité, étant donné que en impose le modèle partie inaliénable - tout comme justificateur de l'unicité de le . Dans (12), ce modèle ne tient plus: la partie se trouve «aliénée» en quelque sorte et c'est cette aliénation, nous semble-t-il, qui justifie l'unicité de «la» porte. Nous avons donc plutôt affaire ici à un scénario du type cause - conséquence avec une inférence telle queuneporte est abîmée qui explicite l'élément sur lequel se construit l'unicit é6. Il est significatif de constater qu'un énoncé tel que (30):

(30) Je ne peux pas prendre la voiture. La porte est arrachée.

passe moins bien la rampe que (29), parce que l'élément implicite justificateur de l'unicité n'est pas aussi immédiatement inférable que dans (12). Il suffit cependant que l'on sache que la voiture a eu un accident, pour qu'il soit admis plus facilement. On dispose en effet à ce moment-là du scénario «accident de voiture» qui, parce que l'on sait que bien souvent il n'y a qu'une partie de la voiture (cf. la gauche, la droite, l'avant, l'arrière, etc.) qui est touchée dans le choc, fournit alors l'élément qui justifie l'aliénation de «la» porte. Cela apparaît mieux en emploi non textuel. Devant une voiture couchée dans le fossé, on peut informer quelqu'un d'autre en disant simplement:

(31) L'aile est arrachée.

Il ne reste plus qu'une question en suspens: pourquoi un pneu crevé ne donne-t-il pas lieu ou, moins bien, du moins, à une séquence comme (23), alors que l'on dispose de l'information inférable un pneu est crevé comme justificateur de l'unicité? On peut invoquer, semble-t-il, le caractère habituel ou «normal» de ce type d'événement pour les pneus, en faisant valoir que la crevaison d'un pneu n'est, cognitivement du moins, pas suffisamment saillante pour entraîner l'aliénation nécessaire au défini dans ce cas de figure. Mais la vraie raison, sans doute, tient au fait que les pneus ne sont pas des parties inaliénables d'une voiture comme les portes ou les ailes. Nous appuierons cette suggestion, - qui demande, bien entendu, à être vérifiée -, par l'observation suivante: si l'on a sur le modèle de Paul a la jambe cassée, la tournure La voiture a la portell'aile abîmée, l'énoncé correspondant avec pneu semble peu naturel: La voiture a le pneu crevé.

C'est donc ici qu'il nous faut évoquer le problème de l'emploi de l'article
défini pour des parties de corps non uniques. Des énoncés tels que:

(32) Paul lève le bras.

(33) Paul lui serre/tend/prend la main.

Side 79

semblent en effet également informer la thèse de l'unicité, puisque la partie
de corps complément d'objet direct n'est pas unique et que, contrairement à
(34), par exemple:

(34) Paul lève la main droite.

aucune précision identificatoire supplémentaire n'est disponible. De tels
énoncés posent en fait deux problèmes.

Le premier concerne l'alternance article défini/adjectif possessif dans ce type de construction et est indifférent à la question de l'unicité ou non unicité de la partie de corps. Il s'agit d'expliquer les conditions d'emploi de (35) par rapport à (36), par exemple:

(35) Paul baisse le front.

(36) Paul plisse son front.

La réponse à ce problème (cf. K. Sandfeld, 1965; A. G. Hatcher, 1944; E. Roegiest et A. M. Spanoghe, 1990) fait apparaître que l'article défini s'emploie lorsque la partie de corps en jeu n'est pas véritablement l'objet de l'activité exercée par le verbe. Quand quelqu'un lève la tête, comme l'analyse A. G. Hatcher (1944), il ne fait pas quelque chose à sa tête, mais avec sa tête. La tournure est de ce fait plutôt intransitive que transitive, la partie de corps étant un constituant même du prédicat (voir pour plus de détails, W. Roegiest et A. M. Spanoghe, 1990).

Cette réponse indique comment résoudre le second problème, celui de l'unicité d'une partie de corps réputée non unique. L'explication suit les lignes de celle formulée ci-dessus pour (12). L'unicité dans (32)-(33) n'est pas assurée par la relation partie-tout, mais par l'activité dénotée par le prédicat. Dans (32), la distinctivité ou l'aliénation par rapport aux autres parties de corps du même type est acquise par le geste lui-même, en ce sens qu'il s'agit d'une activité stéréotypique du point de vue de la perception, qui par avance implique un seul bras. L'article défini permet précisément de marquer cette saillance cognitive du geste accompli et s'oppose par là à l'article indéfini:

(37) Paul lève un bras.

On comprend par là-même pourquoi il n'est pas nécessaire de préciser de quelle partie de corps exacte il s'agit. L'unicité n'a pas comme origine une distinctivité par rapport aux autres parties de corps identiques, mais se trouve dans le caractère jugé «familier» ou suffisamment saillant de l'activité elle-même. Il s'agit donc d'une distinctivité en quelque sorte stéréotypique. On peut en trouver la preuve dans l'impossibilité d'ajouter un modificateur non distinctif. Ainsi que l'a montré J. Julien (1983), ni (38) ni (39) ne sont possibles:

Side 80

(38) II lui a pris le bras, qui était dodu et rose.

(39) II s'est cogné la jambe énorme.

parce que la relative appositive et l'adjectif non distinctif énorme entraînent une unicité qui entre en conflit avec celle fournie par la saillance du geste et qui ne trouve pas de justification par rapport aux autres parties de corps du même type. Si l'adjoint est restricteur, la distinction est assurée, comme le prouve (40):

(40) II s'est cogné la jambe malade (J. Julien, 1983)

où, bien qu'on ne sache pas non plus s'il s'agit de la jambe droite ou gauche,
on accepte néanmoins l'article défini, parce qu'on comprend qu'une seule
jambe est malade.

Une seconde preuve peut être apportée par les contraintes que connaît un tel emploi. En effet, si notre analyse est correcte, tous les comportements (attitudes, positions, gestes, etc.) impliquant des parties de corps non uniques ne doivent pas donner lieu à une saisie par l'article défini. Ceux qui n'ont pas, pour différentes raisons cognitives, qu'il n'appartient pas à la linguistique de mettre à jour, un caractère suffisamment manifeste a priori acceptent difficilement une telle structure. Ainsi, même si effectivement on lève un orteil ou si on se pince un doigt, les correspondants de lever le doigt ou se pincer le bras manquent de naturel:

(41) II lève l'orteil.

(42) II se pince le doigt.

Il faudrait évidemment une investigation plus poussée, d'autres facteurs entrant en ligne de compte et rendant le problème des inaliénables des animés extrêmement complexe (B. Fradin, 1984, et M. D. KJiffer, 1984), mais l'essentiel, nous semble-t-il, est d'avoir montré que, semblables à (12), les exemples (32)-(33) ne constituent finalement pas des contre-exemples à la thèse de l'unicité, alors qu'ils apparaissent de prime abord comme étant les contre-arguments les plus sérieux. Ils confirment par ailleurs la solution que nous avons esquissée ci-dessus, celle de Yanaphoricité ou saillance des éléments justificateurs de l'unicité.

5.3. Pourquoi le voleur de Central Park n'est pas unique.

L'histoire de la porte de voiture qui doit être réparée nous a permis de montrer que l'unicité n'était pas le fait direct de la relation partie-tout. Il reste toutefois que la porte à réparer en question ne peut être qu'une des portes de la voiture introduite dans la première phrase. Le mécanisme est de ce fait double: saillance de l'ensemble des portes de la voiture et unicité au sein de

Side 81

cet ensemble par le facteur discriminant porte abîmée. Reprenons alors l'énoncé(15):

(15) Jean est allé se promener dans Central Park. Le voleur lui a pris tout son
argent.

Nous avons vu que D. Wilson l'expliquait à l'aide d'un autre critère que celui d'accessibilité. L'étrangeté de (15) proviendrait de l'impossibilité de passer sous silence une information aussi importante que Jean a été attaqué par un voleur. Qu'il ne s'agisse pas de la bonne explication ressort d'un exemple tel que (43):

(43) Jean est allé se promener dans Central Parle. Les voleurs lui ont pris tout son
argent.

qui, quoiqu'il suppose aussi que l'on infère que Jean a été attaqué, passe pourtant nettement mieux la rampe que (15) et ce grâce au pluriel. La raison en est bien simple: (43) repose sur l'acceptation qu'à Central park il y a des voleurs. Le défini pluriel se trouve ainsi justifié par une telle connaissance présumée partagée ou présentée comme telle. Ce qui ne peut pas être établi, par contre, c'est l'unicité véhiculée par le défini singulier de (15): c'est là que (15) se sépare de (12) Je ne peux pas prendre la voiture. La porte doit être réparée, parce que (12) ne fournit pas, comme le fait (15) pour l'ensemble des portes de la voiture, un élément qui permet, au sein de l'ensemble des voleurs de Central Park, d'isoler un référent-voleur unique. Le vol lui-même ne peut en effet servir, puisque l'ensemble référentiel dans lequel devrait s'opérer la discrimination est précisément défini par cette propriété. Si donc (15) paraît anormal, c'est bien parce que la condition d'unicité ne se trouve pas respectée. Il suffit, comme me l'a fait remarquer M. Galmiche, d'un autre élément justificateur d'unicité, telle la notoriété (il s'agit du voleur de Central Park dont les journaux ont parlé, etc.), pour que (15) puisse s'employer sans difficulté. La morale grammaticale de cette histoire de voleur est ainsi sauve: l'article défini ne se voit pas »volé» de sa condition d'unicité par (15).

5.4. Une histoire de bateaux verts ou Comment Le chien peut se disputer avec un autre chien.

Ce qui caractérise les «contre-exemples» (8), (9) et (14):

(8) Le cochon grogne, mais le cochon aux oreilles tombantes ne grogne pas.

(9) Le chien s'est disputé avec un autre chien.

(14) Le bateau vert a heurté le bateau vert.

c'est la présence de deux descriptions du même type N, dont une au moins
est définie, et qui renvoient à des référents différents. De tels exemples
semblent réellement mettre à mal toute thèse d'unicité, puisqu'ils présentent

Side 82

explicitement deux référents du même type N. L'obstacle n'est toutefois
qu'apparent.

On rappellera, tout d'abord, que les descriptions définies partagent avec les autres tenues singuliers comme noms propres, pronoms personnels, démonstratifs et possessifs, la propriété d'être autonomes par rapport au prédicat qu'on leur attribue. L'existence de leur réfèrent est établie indépendamment (L. Danon-Boileau, 1989), de telle sorte que rien n'interdit a priori d'avoir dans un même énoncé deux termes singuliers identiques pour deux référents différents, si les conditions s'y prêtent (cf. on peut commenter une photo présentant deux Louise connues en disant: ici, Louise serre la main à Louise; deux ostensions concomitantes différentes permettent de dire: Je veux cette pomme et cette pomme, etc.). La justification d'une description définie n'est par là-même pas liée au reste de l'énoncé. On voit ainsi que l'erreur commise à propos des exemples (8), (9) et (14) est de croire que l'unicité du réfèrent comme N doit se prolonger en dehors des éléments (cadre, circonstances ou ensemble) qui la justifient. Autrement dit, en avançant (8), (9) et (14) comme contre-exemples à la thèse de l'unicité, on impose à celle-ci une extension qu'elle ne revendique pas. Ce n'est qu'une autre façon d'exiger que l'unicité soit vérifiée dans tout le contexte ou dans tout l'univers de discours, sans que l'on sache exactement où commence et où s'arrête ce contexte ou cet univers. Les exemples (8), (9) et (14) ne sont ainsi pertinents que pour infirmer la version standard de la thèse de l'unicité. En effet, dès que l'on opte pour une version moins absolue et moins rigide de l'unicité, la situation présentée par (8), (9) et (14) n'est plus écartée a priori. La seule contrainte qui subsiste est que les éléments qui justifient l'emploi de la description définie excluent le réfèrent visé par l'autre expression du même type N.

On commencera d'abord par l'exemple le plus facile, à savoir (9). Il suffit d'imaginer que le cadre justificateur de l'unicité de le chien soit, par exemple, celui des locuteur/interlocuteur (il s'agit du chien de la maison) pour que l'emploi de le chien puisse se faire suivre sans difficulté de un autre chien. Le premier chien n'est unique que dans l'ensemble manifeste de la maison, alors que le second est en dehors d'un tel ensemble. Il n'y a donc plus de contradiction.

Le cas de (8) est un peu différent, ne serait-ce que parce qu'il apparaît moins naturel que (9). Sans tenir compte de cet aspect des choses, on remarqueraavec M. Galmiche qu'il peut donner lieu à une interprétation génériquequi fait disparaître toute difficulté, puisqu'il s'agit pour le premier SN de l'espèce unique des cochons et pour le second de la sous-classe, unique donc aussi, du cochon à oreilles tombantes. Une interprétation spécifique, quoiqueplus malaisée à imaginer telle quelle, n'est pas exclue. Elle nécessite la récupération de deux modèles d'unicité différents pour les deux descriptions

Side 83

définies. On pourrait concevoir pour la première description celui mis en avant pour le chien dans (9) et pour la seconde celui de la perception; tout en remarquant qu'une telle situation donnerait plutôt lieu à l'emploi du possessifpour le premier réfèrent:

(44) Notre cochon grogne, mais le cochon aux oreilles tombantes ne grogne pas.

Une situation d'anaphore associative comme celle de (45):

(45) Je suis entré dans la cuisine. Le plafond était beaucoup pius bas que le
plafond de la salle de bal.

correspond sans doute mieux à l'illustration d'une telle double référence définie non contradictoire, puisque l'on y voit clairement que chaque description définie possède son cadre justificateur d'unicité propre et qu'ainsi la présence dans une même phrase de deux expressions de même type N, dont une ou les deux sont définies, n'infirmait pas la thèse de l'unicité liée à l'article défini.

Les deux bateaux verts qui se heurtent dans (14) ne constituent du coup plus une énigme, puisque la situation décrite fournit deux modèles d'unicité différents pour le bateau vert. Le premier, c'est celui du bateau expérienceur envoyé d'un côté pour heurter les autres: il n'y a qu'un bateau et il est vert. Le second, c'est celui de l'ensemble des bateaux destinés à être heurtés par le premier, dans lequel, là aussi, il n'y a qu'un bateau vert. On observera cependant que (14), énoncé dans une telle situation, est sans doute l'occasion pour le locuteur de faire preuve d'un certain jeu métalinguistique destiné à signaler de façon plus ou moins ludique et réussie que, par exemple, le premier bateau a heurté précisément le bateau de la même couleur que la sienne. Un tel effet n'est que la conséquence du choix de la description le bateau vert pour le premier bateau. Autant la pertinence de la seconde pour le bateau heurté est évidente, puisque la couleur verte le distingue des autres bateaux de l'ensemble destiné à être heurté, autant celle de la première pour le bateau-heurteur n'est pas immédiate, car, plutôt qu'une identification par la couleur verte, l'on attendrait ici un marqueur qui renvoie au rôle que joue le bateau dans la situation d'expérience décrite. Quoi qu'il en soit, l'unicité reste de mise pour expliquer l'emploi des deux syntagmes nominaux. La preuve en est que s'il y avait eu, par négligence méthodologique, supposonsle, deux bateaux verts dans la ligne des bateaux destinés à être heurtés, l'on n'aurait pas pu dire de façon appropriée (14), même si ce n'est qu'un bateau vert qui aurait été heurté.

5.5. Une anaphore d'hommes.

L'énoncé (10):

(10) Un homme est venu voir Peter Sellers. Ehomme portait un chapeau.

Side 84

s'analyse selon les mêmes modalités. La difficulté soulevée par (10) est que l'existence de deux référents répondant à la description homme, à savoir un homme et Peter Sellers, devrait bloquer l'usage d'une anaphore de reprise en l'homme, si celle-ci s'accompagne d'une contrainte d'unicité. Malgré cela, (10) est un énoncé parfaitement bien formé. Son analyse n'entraîne plus de difficultés si on admet qu'il offre deux modèles justificateurs de l'unicité, dans lesquels un réfèrent et un seul est homme: d'une part, Peter Sellers, en ce qu'il est un homme et le seul dans l'ensemble de propriétés qui se rattachentà lui, et, d'autre part, l'homme déterminé par la circonstance être venu voir Peter Sellers. La description définie l'homme opère alors dans ce cas comme la description définie le plafond de (11):

(11) J'ai passé de la salle de bal dans la cuisine. Le plafond était très haut.

Elle renvoie au modèle le plus pertinent, en l'occurrence non à celui de Peter Sellers, mais au premier, celui qui s'appuie sur le fait d'être venu voir Peter Sellers. Il est facile de voir pourquoi Peter Sellers est écarté. L'effet cognitif apporté par une telle interprétation, ainsi que le prévoit le principe de pertinence, serait faible, - il n'y a rien de nouveau ni de saillant à apprendre que Peter Sellers est un homme -, mais exigerait un calcul interprétatif trop coûteux pour un tel résultat, puisqu'il n'est acquis que par une inférence: Peter Sellers est un homme. L'autre modèle est beaucoup plus pertinent, parce que, même si l'effet cognitif n'est en lui-même pas plus important, le calcul est moindre, puisque le réfèrent est déjà introduit comme étant un homme. Comme on le voit, un tel exemple montre clairement que le principe de pertinence ne peut intervenir que sur des modèles satisfaisant à la condition

5.6. Où une seule porte ouverte ne permet pas toujours de fermer la porte.

Les contre-exemples présentés dans la première partie de ce travail ont donc été résolus sans que nous ayons été obligé de renoncer à la thèse de l'unicité. Nous voudrions montrer à présent que les énoncés (6) et à un degré moindre (16):

(6) La pièce avait trois portes dont l'une était ouverte. J'ai fermé la porte.

(16) La pièce avait trois portes, dont toutes, sauf une, étaient fermées. J'ai fermé
la porte.

prédits par la théorie de la pertinence paraissent mal formés précisément à
cause de la condition d'unicité. Pour plus de clarté, on s'appuiera sur (46):

(46) Une porte était ouverte. J'ai fermé la porte.

Side 85

qui présente la même étrangeté que (6) et (16), l'article défini n'étant pas
non plus approprié, ou, du moins nettement moins que le pronom personnel
ou même l'adjectif démonstratif:

(47) Une porte était ouverte. Je l'ai fermée.

(48) Une porte était ouverte. J'ai fermé cette porte, puis suis allé m'asseoir.

La chose est d'autant plus surprenante que dans un site non linguistique, celui, par exemple, d'une pièce comportant une porte ouverte, c'est la distribution inverse qui est pertinente. Un locuteur dira plus volontiers (49) que (50) ou (51):

(49) Ferme la porte!

(50) Ferme-la!

(51) Ferme cette porte!

La raison en est le caractère indirect de la saisie opérée par la description définie (cf. G. Kleiber, 1986 a etb, 1987 et 1989). Dans le site «non anaphorique»,le passage par le cadre justificateur de l'unicité est justifié. Le locuteur s'appuie sur le caractère manifeste de cette situation où il n'y a a qu'une porte ouverte pour conduire au bon réfèrent. L'emploi du pronom personnel ou de l'adjectif démonstratif n'est pas possible dans les mêmes conditions, l'accessibilité au réfèrent nécessitant d'autres facteurs, soit grosso modo un réfèrent déjà manifeste dans le cas du pronom ou un réfèrent démontré dans le cas du démonstratif. On comprend à présent pourquoi le défini ne semble pas à sa place dans (46). La description définie la porte déclenche le même calcul que celle de (49). La différence est toutefois que la saisie indirecte, c'est-à-dire via la condition d'unicité, apparaît ici non seulement inutile, mais entraîne un processus plus «coûteux» que celui qu'exige le simple pronom. Le démonstratif entraîne, certes, aussi dans (46) un processus plus coûteux, mais celui-ci trouve une justification dans l'effet produit par la saisie démonstrative(soit effet de contraste ou changement thématique, etc.), alors que l'on ne voit pas quel effet pourrait justifier l'emploi du défini. Notre raisonnement, on l'aura remarqué, est exactement celui de la théorie de la pertinence et suit les grandes lignes du principe d'implicature scalaire appliquéaux expressions référentielles envisagées sous l'aspect de l'accessibilité du réfèrent (M. Ariel, 1988, G. Kleiber, 1990 c): si la porte n'est pas appropriédans (46), c'est parce qu'on attend un marqueur référentiel plus «accessible»,en l'occurrence ici un pronom. On aura cependant remarqué égalementque ce raisonnement ne peut avoir lieu que parce que nous postulons pour l'article défini une condition d'unicité. En l'absence d'une telle contrainte, on ne peut plus, en effet, expliquer pourquoi (46) paraît mal formé. Il est ainsi prouvé, une nouvelle fois, que la théorie de la pertinence trouve sa place en aval et non directement en amont. Ou, dit plus rapidement,pour

Side 86

ment,pourfermer la porte de façon pertinente, on ne peut se passer de la
condition d'unicité.

Une histoire d'accoudoir pour terminer

C'est là la conclusion principale de ce travail. Ce n'est cependant pas la seule: le fait d'avoir dû défendre la thèse de l'unicité contre l'approche cognitiviste issue de la théorie de la pertinence a permis de mettre en relief l'aspect anaphorique des éléments justificateurs de l'unicité. S'ouvre par làmême, dans la direction tracée par L. Tasmowski-de Ryck (1990), une piste de recherches nouvelle sur le caractère référentiel mixte des descriptions définies de type Le N, qu'il convient de confronter aux autres désignateurs mixtes comme celui-ci/là, etc. (G. Kleiber, 1990 d). Chemin faisant, peut-être que l'on pourra répondre aux questions, nombreuses, laissées en suspens dans ce travail.

On en ajoutera une pour terminer. Comment expliquer l'emploi de la description définie L'accoudoir dans les informations suivantes qui figurent au dos des fauteuils d'une salle fumeurs (plafond bleu!) d'une voiture SNCF Corail:

(52) Un cendrier coulissant se trouve à l'extrémité de l'accoudoir. Llaccoudoir
central peut se relever; vous disposez ainsi des commodités d'une banquette.

alors que la banquette de deux sièges présente trois accoudoirs? Je crois
avoir entrevu la réponse en fumant un cigarillo court et nerveux entre Bar-le-
Duc et Paris.

Georges Kleiber

Université de Strasbourg II



Notes

*Je remercie Marie-France et Michel Galmiche et Brigitte Wiederspiel d'avoir bien voulu lire une première version de ce texte et de m'avoir, par leurs remarques, permis d'éclairer et de rectifier un certain nombre de points. Je suis, bien entendu, entièrement responsable des imprécisions, maladresses et erreurs qui subsistent aussi bien dans la formulation que dans le raisonnement.

1. Voir, pour ce débat fameux, G. Kleiber (1981).

2. Ht faire croire seulement, comme nous le verrons ci-dessous. Funicité dans la situation immédiate n'autorise nullement l'emploi du défini.

3. On peut trouver qu'il y a en fait ambiguïté, l'exemple de I). Wilson n'étant pas tout à fait net.

4. Fn fait, comme me l'a fait remarquer M. Galmiche, fermer une porte ouverte n'a pas grand-chose à voir avec la pertinence: il s'agit d'une implication logique qui vient du lexique.

5. Définie comme la propriété nécessaire à la constitution de l'ensemble.

Side 87


6. On notera que, - phénomène qui mérite d'être expliqué -, si l'enchaînement est entièrement explicité, le défini ne semble plus approprié: - Je ne peux pas prendre la voiture, parce qu 'une porte est abîmée. La porte doit être réparée. Nous rencontrerons un phénomène analogue ci-dessous avec Une porte était ouverte. J'ai fermé la porte.

Side 89

Résumé

Les analyses cognitivistes actuelles menées dans le cadre de la théorie de la pertinence (D. Sperber et D. Wilson) remettent en cause la thèse de la condition d'unicité associée traditionnellement à l'article défini singulier. Kobjectif de cet article est de montrer que l'explication pragmatique concurrente qu'elles proposent est insuffisante à rendre compte du fonctionnement référentiel de l'article défini. La démonstration portera sur les contre-exemples à la thèse de l'unicité avancés par D. Wilson (1989) et W. De Mulder (1990). Elle montrera que l'on peut continuer de traiter ces contreexemples en termes d'unicité à condition de préciser les modalités justificatrices de l'unicité. Un double résultat est ainsi atteint: il se dégage, d'une part, une analyse plus satisfaisante du fonctionnement référentiel de l'article défini, et il apparaît, d'autre part, que la théorie de la pertinence trouve sa place en aval et non en amont comme le prônent ses auteurs.

Bibliographie

Ariel, M. (1988): Referring and Accessibility, Journal ofLinguistics, 24, p. 65-87.

Berrendonner A. (1983): Connecteurs pragmatiques et anaphore, Cahiers de linguistique
française, 5, p. 215-246.

Berthonneau, A.-M. (1990): Site anaphorique et site déictique. Etude stratigraphique
des compléments de temps, in: L'Anaphore et ses domaines, G. Kleiber et J.-E.
Tyvaert (éds.), Paris, Klincksieck.

Clark, H. (1977): Bridging, in: Thinking, P.-N. Johnson-Laird and P. C. Wasow (eds.),
Cambridge, Cambridge University Press, p. 411-420.

Corblin, F. (1987): Indéfini, défini et démonstratif, Genève, Droz.

Cornish, F. (1990): Anaphore pragmatique, référence et modèles du discours, in:
L'anaphore et ses domaines, G. Kleiber et J.-E. Tyvaert (éds.), Paris, Klincksieck.

Danon-Boileau, L. (1989): La détermination du sujet, Langages, 94, p. 39-72.

- (1990): II y a deixis et deixis: considérations cursives sur les limites du fonctionnement
déictique de le et du fonctionnement anaphorique de ce, in: L'anaphore et
ses domaines, G. Kleiber et J.-E. Tyvaert (éds.), Paris, Klincksieck.

De Mulder, W. (1990): Anaphore définie versus anaphore démonstrative: un problème
sémantique?, in: L'anaphore et ses domaines, G. Kleiber et J.-E. Tyvaert
(éds.), Paris, Klincksieck.

Ducrot, O. (1972): Dire et ne pas dire, Paris, Hermann.

Fradin, B. (1984): Anaphorisation et stéréotypes nominaux, Lingua, 64, p. 325-369.

Galmiche, M. (1979): Quelques remarques sur la notion de description définie,
LINX,I,p.I-78.

Galmiche, M. (1989): A propos de la définitude, Langages, 94, p. 7-37.

Hatcher, A. G. (1944): // tend les mains vs il tend ses mains, Studies in Philology, 41, p.
457-481.

Hawkins, J. A. (1978): Definiteness and Indeftniteness in Référence and Grammaticality
Prédiction, London, Croom Helm.

Julien, J. (1983): Sur une règle de blocage de l'article défini avec les noms de parties
de corps, Le français moderne, 51, p. 135-156.

Kleiber, G. (1981): Problèmes de référence: descriptions définies et noms propres, Paris,
Klincksieck.

- (1983): Article défini, théorie de la localisation et présupposition existentielle, Langue
française, 57, p. 87-105.

- (1986 a): Adjectif démonstratif et article défini en anaphore fidèle, in: Déterminants:
syntaxe et sémantique, J. David et G. Kleiber (éds.), Paris, Klincksieck, p. 169-185.

- (1986 b): Pour une explication du paradoxe de la reprise immédiate, Langue française,
72, p. 54-79.

- (1987): Eénigme du Vintimille ou les déterminants «à quai», Langue française, 75,
p. 107-122.

- (1989): Reprise (s). Travaux sur les processus réfèrent iels anaphoriques, Groupe Anaphore
et deixis, Publication n° 1, Université des Sciences Humaines de Strasbourg.

- (1990 a): Article défini et démonstratif: approche sémantique versus approche cognitive.
Une réponse à W. De Mulder, in: L'anaphore et ses domaines, G. Kleiber
et J.-H. Iyvaert (éds.), Paris, Klincksieck.

- (1990 b): Marqueurs référentiels et processus interprétatifs: pour une approche
«plus sémantique», Cahiers de linguistique française (Actes du 4e4e Colloque de
Pragmatique de Genève: 16-18 octobre 1989).

- (1990 c): Référence pronominale: comment analyser // ?, à paraître (Communication
présentée au Colloque International de Sémiotique: Indexicalisation et représentation:
Bâle, 22-23 novembre 1989).

- (1990 d): Celui-ci/celui-là ou comment montrer du nouveau avec du déjà connu,
communication présentée au Colloque Enonciation et parti-pris d'Anvers (5-7 février

- (1990 e): Quand il n'a pas d'antécédent, Langages, 97, p. 24-50.

Kliffer, M. D. (1984): Interpénétration of Linguistic Levéis: Frenen Inalienable Possession,
Lingua, 62, p. 187-208.

Lambrecht, K. (1987): On the Status of SVO Sentences in French Discourse, in:
Cohérence and Grounding in Discourse, S. Russell Tomlin (éd.), Amsterdam, John
Benjamins, p. 217-261.

Lewis, D. (1972): General Semantics, in: Semantics of Natural Language, G. Harman
and D. Davidson (eds.), Dordrecht, Reidel, p. 169-218.

- (1979): Scorekeeping in a Language Game, in: Semantics from Différent Points of
View, R. BËuerle et alii (eds.), Berlin, Springer Verlag, p. 172-187.

Robbins, B. (1968): The Definite Article in English Transformations, La Haye, Mouton.

Roegiest, E. et A.-M. Spanoghc (à paraître): Relation de possession inaliénable et
qualification en français et en espagnol, dans Revue de linguistique romane.

Sandfeld, K. (1965): Syntaxe du français contemporain. I. Les pronoms, Paris, Champion.

Sperber, D. et D. Wilson (1986): Relevance: Cognition and Communication. I.ondon,
Basil Blackweli.

làsmowski-de Ryck, L. (1990): Les démonstratifs français et roumains dans la phrase
et le texte, Langages, 97, p. 82-99.

Vendler, Z. (1967): Linguistics in Philosophy, Ithaca, Cornell University.
- (1968): Adjectives and Nominalizations, La Haye, Mouton.

Wilson, D. (1989): Référence and Relevance, Communication présentée au Colloque
international de sémiotique Indexicalisation et représentation (Bâle, 22-23 novembre