Revue Romane, Bind 26 (1991) 1

Yakov Malkiel: Die sechs Synthesen im Werke Wilhelm Meyer-Lübkes. Veröffentlichungen der Kommission fur Linguistik und Kommunikationsforschung, nr. 23, Sitzungsberichte, 537. Bd., Verlag der Osterreichischen Akademie der Wissenschaften, Wien, 1989. 65 p.

Gunver Skytte

Dans ce petit ouvrage brillant, un des grands linguistes et romanistes de notre temps présente un portrait d'un célèbre prédécesseur, Wilhelm Meyer-Lübke (1861-1936). C'est un portrait retracé avec beaucoup de sympathie et de respect pour un des maîtres de la romanistique et, en même temps, basé sur une analyse perspicace.

Dans son examen, YM part de la constatation des divergences d'opinions sur
l'activité pédagogique et scientifique du maître, divergences qui pourtant ne regardent
pas directement l'œuvre:

Dass Meyer-Lübke eine der markantesten Erscheinungen auf dem Gebiet der romanischen Sprachwissenschaft historisch-vergleichender Pragung war, ist meines Wissens eigentlich von niemand je ernsthaft bestritten worden. (p. 3)

Cette constatation, YM l'avait probablement déjà faite pendant ses années d'études
à Berlin (1933-38), où il était en contact direct avec le milieu en question.

Pour arriver à donner une interprétation de ces divergences, YM analyse les diverses étapes de la production scientifique de WML, en se concentrant en particulier sur six ouvrages qu'il dénomme «die sechs Synthesen»: 1) Die lateinische Sprache in der romanischen Landern, in G. GrOber, Grundriss der romanischen Philologie, Strassburg, 1888-93, p. 351-82; 2) Grammatik der romanischen Sprachen, Leipzig, 1890, 1894, 1899, Registerband 1904; 3) Einfiihrung in das Studium der romanischen Sprachwissenschaft, Heidelberg, 1901; 3e3e éd. 1920; 4) Die Ziele der romanischen Sprachwissenschaft, Rektoratsrede, Wien, 16. Oktober 1906; 5) Die romanischen Sprachen, in P. Hinneberg (Hrsg.), Kultur der Gegenwart; ihre Entwickelung und ihre Ziele, Bd. XI, Teubner, 1909, p. 447-470; 6) Romanisches etymologisches Wôrterbuch (REW), Heidelberg, 1911-20; 2e éd. 1924; 3e éd. 1930-35. Ces six ouvrages témoignent de la capacité exceptionnelle des vastes synthèses:

Zusammenfassend kann man behaupten, dass in der Person Meyer-Lübkes der Romanistik ein vorbildlicher Vertreter des stàndig gefàhrdeten Fâches erwuchs, der mit einer besonderen und seltenen Begabung fur Synthèse wie kaum jemand anders begnadet war. In diesem Zusammenhang scheint

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«Synthèse» das einzig richtige Wort zu sein: ohne Rücksicht auf den Umfang des jeweiligen Unternehmens - gleichgiiltig, ob es sien um eine feierliche Ansprache, um einen Beitrag zu einer Enzyklopâdie oder um ein mehrbàndiges Werk handelte - Meyer-Lübke zeigte liberali die gleiche Neigung zu einer kraftvollen Zusammenfassung, durch Hervorhebung des prinzipiell Wichtigen und Unterordnung des Détails, (p. 63-64)

Lexamen des chefs-d'œuvre de WML suit, dans l'ordre chronologique, les diverses périodes de sa carrière scientifique. La scène de la première phase se passe à Vienne, où WML atteint l'apogée de sa production (apogée de WML et de la romanistique en général) entre 1900 et 1910, avec les deux travaux Einfuhrung in das Studium der romanischen Sprachwissenschaft et Die Ziele der romanischen Sprachwissenschaft.

A cause de désaccords que YM tient pour insignifiants, WML se résout à quitter Vienne en 1915 pour occuper la chaire de Diez à Bonn. Cette décision, selon YM, lui fut fatale («Wâre er doch in Wien geblieben!» p. 61). En effet, YM attache beaucoup d'importance au milieu ethnico-culturel pour la romanistique:

Die mitteleuropâische Romanistik gedeiht eben nachweislich am besten am
solchen Stâtten, wo es ein starkes ethnisch-kulturelles romanisches Substrat
in nâchster Nâhe gibt;... (p. 9)

Que cela fût dû au déménagement ou non, les années à Bonn ne furent pas heureuses pour WML. Sa production diminuait, et un des rares ouvrages de cette période Dos Katalanische. Seine Stellung zum Spanischen und Provenzalischen, Heidelberg, 1925, fut mal reçu par la critique.

En outre, la période qui suit la Grande Guerre est caractérisée, en matière de linguistique, par l'apparition du structuralisme, «mode» à laquelle s'associent aussi quelques-uns de ses élèves, mais qui était plutôt étrangère à WML, dont la formation était néo-grammairienne.

Dans ses réflexions sur l'activité scientifique de WML, YM y relève comme un trait faible une certaine indifférence pour les détails. Parmi les langues romanes, le français était son fort. Au contraire, il révèle «eine gewisse Gleichgiiltigkeit zum spanisch-portugiesischen Bereich» (p. 18), et de même pour les informations bibliographiques:

Leider entgingen ihm schon im Jahre 1888 zahlreiche Ungenauigkeiten und
sogar Fehler, eine merkwürdige Gleichgiiltigkeit, die mit den Jahren zunahm
und der Verlâsslichkeit seiner Schriften Abbruch tat. (p. 18-19)

Pour confirmer l'observation de YM, on pourrait rappeler celle d'un romaniste contemporain de WML, Kr. Sandfeld, qui, dans sa thèse de doctorat (Rumœnske Studier. Infinitiv og Udtrykkene derfor i Rumœnsk og Balkansprogene, Kobenhavn, 1900, p.4 et passim), fit une critique bien fondée sur l'ouvrage de WML Zur Geschichte des Infinitivs im Rumànischen, in Toblerabhandlungen, p. 79-112.

YM prête beaucoup d'attention aux cas où on dispose de différentes éditions de la
même œuvre, en examinant les changements (ou les changements «manquants»)
qu'on peut y constater. Pour l'historiographie de la linguistique en général, je trouve

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très fructueux le critère selon lequel on ne doit pas se contenter d'examiner la dernièreédition
d'un ouvrage scientifique:

Aus alledem erhellt, dass der Spezialist sien nient den Luxus erlauben darf, nur die spâtere Fassung - trotz ihrer Trefflichkeit in allgemeinen - heranzuziehen (...), sogar gelegentlichen Schlimmbesserungen künnen hier und da für den wirklichen Kenner hochinteressant sein. (p. 21)

WML écrivait pour un public d'érudits (à la différence de par ex. E. Bourciez, qui était facile à lire, aussi pour les étudiants): il s'exprimait sans rhétorique ni élégance, dans un style très monotone. Dans plusieurs cas, les traductions de ses œuvres dans une langue étrangère, sont plus agréables à lire, grâce à l'intervention du traducteur. Et ainsi, nous arrivons au nœud de la conclusion de YM: c'est la qualité divergente du public qui est décisive de la divergence d'opinions sur WML:

Meyer-Liibke machte kein Hehl daraus, dass er für seine Kollegen schrieb sowie für einige wenige hochqualifizierte Studierende, die hier und da eine Elitegruppe bildeten (...). Kandidaten für ein hûheres Lehramt, denen nur der nackte Sprachunterricht ais zukünftiges Lebensziel vorschwebte, interessierten Meyer-Lübke weniger. Man darf sogar einen Schritt weitergehen und die Behauptung aufstellen, dass die sogennante Revolte gegen die Altromanistik, insbesondere deren sprachgeschichtliche Komponente, die man gelegentlich (in den zwanziger und dreissiger Jahren) mit einer Befreiung von einem Wissen Meyer-Lübkescher Prâgung assoziiert hat, in erster Linie von den künftigen Sprachpâdagogen und Schulmânnern ausging. (p. 64)

C'est le jugement d'une personne qui a connu de près le milieu et le public sur
lesquelles elle se prononce. Mais c'est aussi une conclusion qui offre beaucoup d'éléments
et de nouvelles prospectives à discuter.

Avec ce beau portrait de WML, YM apporte à l'histoire de la romanistique et des
romanistes une contribution très précieuse et très fascinante.

Université de Copenhague