Revue Romane, Bind 24 (1989) 2

Marius Sala (coordonator), Mihaela Bîrladeanu, M. Iliescu, Liliana Macarie, loana Nichita, Mariana Ploae-Hanganu, Maria Theban, loana Vintila-Radulescu: Vocabularul reprezentativ al limbilor romanice. Bucuresti, 1988. 629 p.

Povl Skårup

Les auteurs de cet ouvrage se sont proposé d'établir et de comparer les vocabulaires représentatifs (VR) de neuf langues romanes dans leur état actuel. Pour eux, le VR d'une langue est constitué par les 2300-2600 mots les plus importants. Pour déterminer l'importance d'un mot, ils ont choisi trois critères: l'usage (défini, à la suite d'A. Juilland, comme le produit de la fréquence et de la dispersion), la richesse sémantique (le nombre de sens dans un dictionnaire moyen) et la puissance de dérivation (le nombre de dérivés dans ce même dictionnaire). Ils ont fixé à 2000 le nombre de mots inclus selon le critère de l'usage; les deux autres critères ont confirmé quelques-uns de ces mots et ont permis d'en ajouter entre 175 et 600 autres. Cependant, ils n'ont pu appliquer le critère de l'usage, avec ses deux facteurs, qu'aux quatre langues pour lesquelles il existe un dictionnaire de fréquence fait par Juilland et al.: le roumain, l'italien, le français et l'espagnol. Pour le catalan et le portugais, ils n'ont pas pu appliquer le critère partiel de la dispersion (il n'y reste du critère de l'usage que la fréquence), et pour le sarde, le rhéto-roman et l'occitan, ni la dispersion ni la fréquence (il n'y reste plus rien du critère de l'usage).

La première partie du livre consiste en neuf chapitres, dont chacun est consacré au VR d'une des neuf langues. Ce VR est donné dans une liste alphabétique, où chaque mot est accompagné d'une indication de la partie du discours à laquelle il appartient, de son origine, et du ou des critères qui l'ont fait figurer dans le VR. Cette liste est suivie d'autres listes: les mots désignés par les trois critères (une liste), par deux critères (trois listes) ou par un seul (trois listes). Ces listes sont suivies d'une série de calculs de pourcentages: l'importance relative des listes précédentes et leur rapport avec les parties du discours et avec les classes étymologiques, enfin la distribution du VR total sur les parties du discours et sur les classes étymologiques.

La deuxième partie compare les pourcentages calculés dans les neuf chapitres
précédents. La troisième partie étudie les mots hérités du latin, en comparant à
cet égard les neuf VR entre eux et avec le vocabulaire de base du latin classique.

Les auteurs sont pleinement conscients de tout ce que leur procédé comporte d'arbitraire: le choix des critères, la détermination de leur poids et leur application.Celle-ci dépend des statistiques et des dictionnaires utilisés. A leur tour, les statistiques ne dépendent pas seulement des textes dont on a compté les mots, mais encore de leur choix entre homonymie et polysémie et entre mots différents et formes d'un même mot. L'application du critère de la richesse sémantique dépenddu dictionnaire utilisé, de sa richesse et de son choix entre homonymes, deux

Side 314

ou plusieurs sens d'un même mot et nuances d'un seul sens. A tout cet arbitraire, les statistiques ajoutent une part d'aléatoire. Observons enfin que le critère de l'usagen'a pu être appliqué pleinement qu'à quatre des neuf langues. Ainsi, les VR établis, les pourcentages calculés (tous avec deux décimales, même là où les chiffresabsolus sont très petits) et les conclusions basées sur ceux-ci ne dépendent pas seulement des langues étudiées, mais encore des décisions prises par les auteursdu livre et par les auteurs des dictionnaires utilisés et même de l'existence de dictionnaires à utiliser, et enfin du hasard. Il est difficile d'y isoler la part des langues étudiées. Dans ces conditions, on sera bien avisé de ne considérer les résultatsobtenus que comme autant de suggestions pour d'autres recherches, ce qui n'est d'ailleurs pas rien.

Beaucoup de linguistes n'ont-ils pas une attitude double à l'égard des tentatives d'établir le VR d'une langue? D'une part, tous les mots d'une langue n'ont évidemment pas la même importance. D'autre part, il s'est avéré impossible d'établir un VR sans une large part d'arbitraire et d'aléatoire. Cela ne fait rien si le VR ne doit servir qu'à des buts pratiques, comme c'est le cas, indiqué par son titre même, de Vocabularul minimal al limbii romàne pentru studenti stràini, par Maria Iliescu et al. (Bucure§ti, 1981, cf. Maria Iliescu, Grundwortschatz Rumanisch, Frankfurt a.M. - Bern - Las Vegas, 1979). Mais c'est plus grave si l'on veut en tirer des conclusions qui portent sur la langue étudiée.

Université d'Aarhus