Revue Romane, Bind 24 (1989) 2

Le français change de visage?

par

Ivan Fónagy

1. Introduction

Un professeur de français revenant à Paris de Prague ou de Kyoto, après une absence de vingt ans, serait probablement déconcerté devant certains néologismesphonétiques. Il consulterait le Robert pour s'assurer qu'il n'y a pas un e à la fin de alors, de jour ou de bus. Il s'étonnerait de voir que la personne appelée Michèl-e était en fait un garçon. Quand un député de l'Assemblée prononce d'abord esclu puis exclue, il croirait à un lapsus. Il s'apercevra cependantque les présentateurs de la télévision proposent des programmes en esclusivité, que le secrétaire d'un grand parti politique esclut une certaine éventualité (23. 9.1977), et que le futur chef d'Etat esprime sa satisfaction (9. 11. 1980), il trouvera le lapsus trop systématique. Il restera perplexe, ne sachantsi le journaliste à la radio venait de dire «Ils veulent cet argent», ou «Ils volent cet argent», s'il parlait de Yor ou de Yheure. Il se rendrait compte que la présentatrice de Radio Classique n'annonçait pas un malheur, mais une symphonie de Gustav Manier, prononcé [malœ:K]. Il finira par comprendre que le jeune homme offrait un 'petit vin' à sa voisine et non pas 'un petit vent\ et que dans un programme culturel il n'avait pas affaire à un sculpteur inconnu,nommé Rodant, mais que le conférencier parlait bel et bien d'Auguste Rodin. C'est en écoutant pour la dixième fois la petite phrase mystérieuse dans un film publicitaire [tnva 5 a] qu'il finit par comprendre qu'on vantait les qualités d'une huile qui contenait «trois en un». Plus décomplexé après ces expériences, il rendra sans hésiter au mot étrange cognu dans «Comment tu l'as [kojiy]?» (dit par Guy Marchand dans 'Une belle fille comme toi' de Truffaut, 1972) sa forme originale: connu. Au bout de deux-trois jours, il auraitla conviction intime que le français d'aujourd'hui, le français des jeunes, diffère sensiblement du français d'hier, tel qu'on le lui avait enseigné dans le cadre d'un stage. Curieux ou inquiet, il irait poser des questions sur ces nouveautésà

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veautésàses collègues et amis français qui l'assureraient que rien n'a changé,
et qu'il a probablement mal entendu, ou entendu des étrangers.

Il serait pourtant possible que nos collègues aient entendu juste, et, qu'au contraire, le fait de vivre continuellement dans le même milieu verbal, empêche de s'apercevoir des changements graduels auxquels on participe soimême. Il faut compter également avec un penchant conservateur propre aux membres d'une communauté linguistique en face des changements qui risquent d'altérer leur univers verbal.

Quels pourraient être les phénomènes phonétiques qui se situent en dehors
des cours de français, langue seconde?

2. Voyelles nasales

Le déclin de la nasale un /œ/, le 'désarrondissement' des lèvres, donc la transformation de la voyelle en Ici, n'est pas un fait nouveau. Henri Bauche y voit un trait constant du français populaire: «un (nasal) se prononce toujours in en LP» ([1920] 1946, p. 41).

Le père Desgranges signale en 1821 le barbarisme phonétique qeqzain 'quelques-uns' (1821, p. 180). Selon les enquêtes d'André Martinet menées dans un camp de prisonniers en 1941, 42% des 400 officiers originaires de la région parisienne, déclaraient prononcer brun comme brin ([1945] 1971, p. 148-150). 71% des garçons de 14 ans sur lesquels portait l'enquête de Pierre Léon (1973) confondaient un et in. Henriette Walter (1976, p. 319-338) a rencontré des écarts significatifs selon les mots contenant la nasale arrondie /œ/. Ainsi, la voyelle se maintient relativement bien dans humble, et dans les mots d'emprunt comme jungle.

Dans ses enquêtes menées en région parisienne, Henriette Walter a pu constater des comportements phonologiques très divers chez ses informateurs et informatrices. Certain(e)s distinguent régulièrement et sans difficulté /œ/ et Ici (1977, pp. 72, 80, 82), chez d'autres le [œ] n'apparaît que dans moins de 20% des mots contenant un /œ/ historique (pp. 75, 77); la distinction est pratiquement inexistante chez d'autres (pp. 89,94,99). Les sujets qui font la distinction dans un tiers des mots ou plus du vocabulaire ont l'âge moyen de 51, 12 ans de plus que ceux qui ne le respectent que dans moins d'un tiers des mots.

Il existe deux autres rencontres plus récentes entre nasales: (a) le in Ici se
déplace souvent vers an /a/, surtout dans la parole de jeunes Parisiens; (b)
d'autres, rarement les mêmes, font chevaucher on loi et an loi.

Henriette Walter signale que l'un de ses informateurs (de la région parisienne)
prononce le /a/ «avec un arrondissement qui peut compromettre la
distinction de l'opposition loi vs. loi» (1977, p. 62).

Pierre Léon fait allusion en 1979 (p. 541-549) à «la tendance actuelle de
certain parler chic... à confondre les deux nasales, en et on, au profit du seul

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Ibi». De même, Anne-Marie Houdebine (1974) signale «quelques confusions de type loi ~ loi», tout en insistant sur la stabilité relative de cette opposition.Jean-Pierre Zerling (1984) n'a pu constater, à partir de ses analyses cinéradiographiques,aucune différence entre les deux voyelles ni pour la positionde la langue, ni pour celle du larynx. C'est la 'surlabialisation' de loi qui le différencie de lai. Doit-on y voir un premier pas vers la neutralisation? CatherineBrichler-Labaeye (1970, p. 97 s.) distingue encore les deux articulationslinguales.

Le risque d'une confusion de Ici et lai n'a pas été signalé ni par Henriette Walter, ni par Pierre Léon. Il s'agit, très probablement, de tendances récentes qui n'ont pas été envisagées ni par André Martinet (1945) - qui, au contraire, constate le caractère stable de la distinction de on et an, et an et en -, ni par Ruth Reichstein (1960) ou Guiti Deyhime (1967).

Ces tendances articulatoires se reflètent, pourtant, clairement sur les spectrogrammes . Dans la parole de ceux ou de celles qui distinguent nettement les trois nasales (selon le témoignage des tests de perception, dont il sera question par la suite), les barres qui représentent les trois premiers formants présentent une configuration différente pour IcJ et pour lai. La distance entre les deux barres qui marquent la position du premier et du deuxième formants, FI et F2 est nettement plus grande pour in que pour an. Selon les analyses de Françoise Robert (1977), la distance moyenne F2-F1 est de 1072 Hz pour le le] et de 662 Hz pour le lai.

Les données relevées pour les nasales le/ et là/ perçues comme telles dans les tests de perception (voir tableau 1) sont comparables à celles indiquées par Françoise Robert. Le deuxième formant se situe autour de 1900 Hz dans le Ici et autour de 1300 Hz dans lai. La distance entre le premier et le deuxième formant varie autour de 1100 Hz pour Ici et autour de 650 Hz pour lai. La fréquence du deuxième formant de Ici descend, toutefois, vers 1300 Hz, et la distance F2-F1 diminue sensiblement (autour de 400 Hz) dans les Ici confondus avec lai par la plupart des auditeurs.

De même, la structure acoustique (formantique) de an et de on diffère visiblement dans la prononciation standard. La valeur moyenne du FI et lai est de 660 Hz pour la voix féminine et de 600 Hz pour la voix masculine selon les mesures de Françoise Robert, celle de F2 est de 1305 Hz voire de 1290 Hz. La distance F2-F1 est de 645 voire 690 Hz pour lai. Dans la nasale loi les formants FI et F2 se rapprochent à la suite d'une forte baisse du deuxième formant, la distance F2-F1 est de 438 voire 395 Hz. Dans la parole des jeunes locuteurs et locutrices les spectres acoustiques des deux voyelles sont souvent moins distincts, l'image spectrale de la/ peut se rapprocher de celle de loi, et inversement celle de loi peut se rapprocher de celle de la/ (Fónagy et Boulakia, en préparation).

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Le chevauchement des deux voyelles, fil et loi, ou lai et loi, mettent rarement en danger la transmission correcte des messages. La substitution de an à aing dans le nom de Monsieur Giscard d'Estaing (prononcé par une jeune journaliste, 9. 12. 1987) risque de passer inaperçue. Les auditeurs de Radio Classique identifieront sans peine le nom du compositeur, même si le présentateur prononce Chopan pour Chopin (à plusieurs occasions). La déformation partielle des chiffres vingt-sept [vât set] (TF 1, actualité 16. 9. 1987) ou trente-cinq [trât sàk] (dans le reportage d'une jeune femme, Antenne 2, 14. 8. 1987). Il est vrai que quatre-vingt peut avoir pour paire minimale (les) quatre vents, les deux prononcés [katK va], mais il serait difficile d'imaginer un contexte qui n'éliminerait pas automatiquement l'un des deux. Ceci vaut pour la neutralisation d'autres mots: celle de rien souvent prononcé comme riant (ainsi par Christophe Lambert, dans 'Mardi cinéma' Antenne 2, 9. 4. 1985, ou Valéry Mairesse, dans 'Un homme comblé', TF 1,9. 3.1985: mine de rien, [min da rjd]); ou celle de vent et vin, de juin et de jouant prononcés [^wâ], mais dans des contextes nécessairement différents.

Les mots où le passage 111 -> [5] semble être particulièrement fréquent (selon mon fichier), tels que demain [dama], bien [bjaj, main [ma], le suffix - ain dans parisien, italien, quotidien, les mots n'ont pas de paire minimale, ou une paire appartenant à une catégorie de mot différente: matin vs. matant ou rien vs. riant. Même une triple intrusion ne semble pas gêner sérieusement la compréhension: - Demain matin au bureau, cherchez bien! prononcé [dama mata o byro, JeKJe bjâ] (Sexy Folies, Antenne 2,19.11.1986).

Il est, toutefois, possible d'imaginer ou de créer des textes où l'écart entre
les deux voyelles nasales soit indispensable pour la distinction des deux énoncés
isolés. C'est le cas des phrases telles que:

C'est intérieur et C'est antérieur
C'était aux Indes et C'était aux Andes
Quel beau teint! et Quel beau temps!
C'est Tintin et C'est tentant
Tu fais le plein ? et Tu fais le plan ?

Ou pour l'autre paire minimale:

Non. Maintenons et Non. Maintenant
Quel beau blond! et Quel beau blanc!
C'est tonton et C'est tentant
II ronge tout et // range tout

Dans des situations réelles le macro-contexte écarterait généralement l'un des deux énoncés. Dans la situation artificielle des tests de perception, les qualités acoustiques d'un seul segment vocalique devraient déterminer l'interprétationdes énoncés semblables. Une liste composée de 78 phrases

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contenant les 'nasales ambiguës' a été lue par cinq étudiantes et deux étudiantsd'origine parisienne. Les différences individuelles (entre 'idiolectes') étaient très marquées. Dans la parole de Mademoiselle A.E. les in se rapprochaientsouvent de an. Par contre, les autres lectrices, ainsi que Monsieur J.B. distinguaient clairement dans la plupart des phrases les deux nasales an, in avec la netteté requise par la norme du français standard.

Par conséquent, les informateurs parisiens à qui nous avons présenté les énonciations enregistrées, en leur demandant de noter par écrit les phrases qu'ils venaient d'entendre (test à choix libre) ou de choisir entre deux phrases proposées (C'est pas pour maman vs. C'est pas pour ma main) ont interprété correctement dans la plupart des cas les phrases distinguées par l'opposition in/an prononcée par ces trois sujets. Il y a eu quelques confusions au cours des tests à choix binaire sur vent perçu 7 fois sur 28 comme 'vin' (dans: «Très bon ce petit vent»); revend perçu 6 fois sur 31 comme revint', amant pris 5 fois sur 32 comme 'la main' dans la parole de Mademoiselle M.C. (dans: «Elle lui a pris l'amant»). Il y a eu plus de confusions à partir de la lecture de Mademoiselle A.E.

L'opposition /e/ vs. /a/:

Parmi les énoncés prononcés par Mademoiselle A.E., teinte est perçu 'tente' 6 fois sur 11 au cours des tests à choix libre, et 9 fois sur 19 dans les tests à choix binaire; ma main est pris pour 'maman' 11 fois sur 12 dans le cadre des tests à choix libre et 7 fois sur 28 par les participants du test binaire; éteins et éteindre glissent vers 'étends' et 'étendre'. Au total le IH a été perçu comme loi dans 51 cas sur 103 dans les tests à choix libre, 54 fois sur 325 cas dans les tests binaires. L'erreur inverse était plus rare. Le lai a été perçu comme Ici dans 7 cas sur 59 au cours des tests à choix libre et jamais dans les tests à choix binaire. Cette erreur était plus fréquente à partir de la lecture d'une phrase par Mademoiselle C.B. L'amant était pris pour 'la main' par la plupart des sujets. (Une erreur de lecture n'est pas à exclure, malgré le fait que la lectrice n'ait pas jugé nécessaire de réenregistrer l'énoncé après avoir écouté l'enregistrement.)

L'opposition /o/ vs. /a/:

Les loi de Monsieur J.B. sont souvent pris pour des lai: ainsi, dans ronge (18 fois sur 27), maintenons (20 fois sur 33). Les fréquences formantielles de loi dans ces mots étaient atypiques, plus proches de celles de loi. Le premier formant était trop élevé (autour de 700 Hz), le deuxième trop bas (autour de 1100 Hz). Par conséquent la voyelle a été perçue comme lai par la moitié ou la plupart des auditeurs (Fónagy et Boulakia en préparation).

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Tableau 1.

II faut tenir compte du fait que les énoncés opposés n'étaient pas toujours équiprobables. Le rôle joué par la probabilité d'occurrence paraît évidente dans le cas de l'énoncé 'Boris Vian aussi' qui, prononcé par Mademoiselle C.8., a été interprété dans 31 cas sur 31 comme 'Boris vient aussi' dans le cadredes tests à choix libre. Toutefois, la même confusion s'est produite quand les auditeurs avaient les deux phrases ('Boris vient aussi' et 'Boris Vian aussi')sous les yeux. Il semble donc que la confusion a été facilitée par une neutralisationpartielle de l'opposition des deux voyelles. Par contre, on doit probablement attribuer le passage des 'Andes' vers les 'Indes' dans les tests à choix libre aux prévisions des auditeurs. De même, la prévision aurait pu favoriserl'interprétation de 'Non, maintenant' vs. 'Non, maintenons' et de 'II va

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l'attendre' vs. 'Il va l'atteindre' dans les tests à choix libre. On retrouve néanmoinsles
confusions dans les tests à choix binaire, quoique le nombre des
passages lej -*¦ loi y soit moins élevé.

Néanmoins, il ne faut pas oublier que la probabilité des énoncés ne change pas d'un locuteur à l'autre. Or, les informateurs ont fait peu de confusions sur les nasales postérieures on I an à partir de la lecture de Mlle A.E., et confondaient rarement les nasales antérieures à partir de la lecture de Monsieur J.B. Ils réussissaient presque toujours à identifier les nasales de Mademoiselle M.-C.

Il faut noter que la confusion de an et on était rare chez Mademoiselle E.A., et que celle de in I an se limitait à deux énoncés chez Monsieur J.B. (confusion de étends I éteins. Si ces cas s'avéraient typiques, on pourrait penser à une certaine prudence involontaire: comme si les locuteurs savaient jusqu'où aller trop loin: sacrifier une opposition, tout en en maintenant d'autres.

La réussite presque parfaite de Mr. J.B. dans la sauvegarde de l'opposition in I an contraste avec la haute fréquence des confusions entre an et on. L'énoncé // est trop long s'est transformé en 'II est trop lent' selon les tests, // ronge tout était perçu comme 'II range tout'; Quel beau blond! comme 'Quel beau blanc!'. Les analyses spectrographiques ont mis en évidence les bases tout à fait objectives des confusions dans les énonciations de M. J.B. et la rareté d'un chevauchement de an I on chez les autres sujets.

On a eu, heureusement, quelques surprises en analysant les résultats des tests de perception. La tendance générale du déplacement de in vers an n'a pas empêché un locuteur et deux locutrices de s'opposer à ce courant, et de substituer dans certains cas lëj à la/: [pare] pour /para/, la main pour amant; ou de prononcer occasionnellement [boris vie] pour Boris Vian. Ces 'lapsus' sont attestés par les spectrogrammes, et se reflètent dans les tests de perception. On pourrait y voir éventuellement des confusions au niveau du lexique dans le cas de parents, mais non dans celui d'amant, comme [amë] ne figure pas dans le lexique.

Ces confusions semblent plutôt indiquer que l'opposition /êV vs. lai d'une part, et loi vs. fol d'autre part, sont en train de s'effacer dans la conscience de certains locuteurs. Le relâchement de la vigilance dans le contrôle de l'articulation, donc la neutralisation, est facilitée par le fait qu'il est difficile de trouver des situations admettant à la fois C'est pas pour ma main et C'est pas pour maman, ou Boris vient aussi? et Boris Vian aussi? Dans la plupart des cas, la situation élimine automatiquement l'un des deux énoncés théoriquement possibles, sans que le locuteur ou son partenaire puissent penser à l'ambiguïté potentielle de la phrase.

Veijo Vihanta (1978) a présenté des enregistrements de locuteurs français
à des auditeurs finnois. Il a pu conclure entre autres que le [al français était
souvent (dans 21.4% des cas) perçu comme loi. Le système phonologique et

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les habitudes articulatoires de la langue maternelle ont certainement joué un
rôle important. Il ne faudrait pas écarter la possibilité d'une tendance à la
confusion de loi et de fol propre aux locuteurs francophones.

Il faut souligner que la confusion n'est jamais totale. Le Iti s'approche de lai dans certains cas, dans tel mot plus souvent que dans tels autres, dans la parole de certains locuteurs plus souvent que dans celle d'autres locuteurs. Nous sommes en face d'une tendance et non pas d'un fait accompli.

Les fautes d'orthographe d'enfants de 6-7 ans reflètent souvent leur 'conception phonologique' . A défaut d'études systématiques, je ne peux citer qu'à titre anecdotique l'orthographe peu orthodoxe, mais probablement conforme à la prononciation de leurs auteurs: dessan pour 'dessin', voisen pour 'voisin', demen pour 'demain', assassan pour 'assassin', comman pour 'commun', landi pour 'lundi' (Mademoiselle S.M., 6 ans).

Les deux derniers exemples posent la question de savoir si les Ici dérivés de /ce/ sont exposés au déplacement vers la/ au même titre que les 'anciens' /ê/? Je dois laisser cette question ouverte, bien que mon fichier suggère une réponse positive: il semble que les 'nouveaux venus' n'ont aucun privilège: ils vont vers la/ comme les 'anciens'.

Une autre question que je ne saurais résoudre: la neutralisation des voyelles nasales dépend-elle de leur position dans l'énoncé? Dans mon fichier d'exemples, les passages Ici -*¦ [S], là/ -*¦ [a] sont plus rarement attestés dans les syllabes non accentuées. L'hypothèse de l'incidence de l'accent devrait être contrôlée à l'aide d'analyses statistiques et par des tests de perception

L'expérience quotidienne indique que les phénomènes de neutralisation sont beaucoup plus fréquents dans la parole des jeunes Parisiens et Parisiennes que dans les groupes d'âge de 50-60 ou 60-70 ans. Là encore, je ne dispose pas d'un nombre suffisant de données contrôlées permettant de confirmer cette impression.

Certains locuteurs et certaines locutrices tendent à nasaliser les voyelles orales, surtout en syllabes accentuées finales: je l'ai dit comme ça /kom sa/ (jeune fille à sa collègue, août 1986), On pourrait voir dans la transformation Ici en ¡a/ et lai en loi le prolongement de la même tendance: une nasalisation des voyelles nasales. La pression accrue à la suite de la vélarisation et la labialisation simultanées des voyelles chasse probablement plus d'air sonore par la cavité nasale que dans le cas de voyelles plus ouvertes et plus antérieures.

3. Mouillure des consonnes

Si on faisait observer à un Français ne parlant que sa langue maternelle qu'il
prononce dans des mots comme tirer, voiture ou quatuor, une consonne qui
est bien loin du t standard, une sorte de t'mouillé' [f] ou une occlusive palataie[c],

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taie[c],il ne comprendrait pas de quoi on parle. Le français connaît à côté de nun Ipl palatal; il possédait jusqu'au I9eme siècle un / 'mouillé' IÑ, mais il faut remonter jusqu'au gallo-roman pour retrouver l'occlusive alvéo-palatale Ici dans /forca/ du latin forila, aujourd'hui force; ou dans /ceval/ du latin caballum,aujourd'hui cheval. Ces consonnes palatales se sont transformées en affriquées au cours des 4ème_5ème siècles (Elise Richter 1934, pp. 116 s., 114 s.): /fortss/, /tjaval/ en ancien français. On connaît les prononciations successivesde ces mots à l'aide des emprunts que d'autres langues, avant tout les langues germaniques, ont fait au latin, au gallo-roman ou à l'ancien français.

A titre illustratif, voici une anecdote de phonétique historique qui concerne la chronologie de la palatalisation dans les langues romanes. Une petite ville suisse porte le nom á'Erlach. A l'époque où cette bourgade faisait partie de l'Empire Romain, elle portait le nom de Caereliacum. Nous savons que les Alemans ont occupé le canton de Berne en 455. Ceci permet d'apporter quelques précisions à la chronologie de la palatalisation de k dans ce dialecte roman. La ville s'appelait d'abord Zu Erlach, à partir de Zerlach, interprété, à tort, comme abréviation populaire de 'Zu Erlach'. On pouvait donc en conclure que la consonne initiale ne se prononçait plus à ce moment-là k, comme en latin classique, et qu'elle était plus proche du ts que du k alémanique.

Les emprunts des mots français tels que i/rer, mof/ve, qua/uor, différent faits par une langue possédant à la fois les occlusives t,d,k,g,n, une série d'occlusives palatales ('mouillées') Ici, l\l, /jV, ainsi que les affriquées correspondantes /ts/, /tfj, làzl, láZyl pourraient nous renseigner sur la position des consonnes françaises t + i, k + i, n + i au cours de leur évolution (t -»• f -*¦ ç -» ts, etc.). C'est le cas de la langue hongroise, mais il y a heureusement peu de chance pour qu'un contact linguistique durable entre le français et le hongrois s'établisse à la suite d'une conquête militaire. Il faut donc créer artificiellement un contact expérimental de courte durée.

Nous avons présenté à deux groupes d'informateurs hongrois (18 lycéens de 16-17 ans, 41 étudiants de la première année), n'ayant aucune connaissance du français, des énoncés enregistrés (à l'lnstitut de Linguistique et de Phonétique de l'Université de Paris), contenant les occlusives t, d, k, g, n suivies des voyelles antérieures /i/, /y/, /e/: Un tigre timide - Tirez le tiroir - En direct - Des faits divers - C'est motivé - Elle le quitte - C'est Guy, etc. Les informateurs hongrois ont été invités à noter les phrases selon les règles de l'orthographe hongroise (qui transcrit régulièrement Iti, Idi, /k/, /g/, /n/ par t, d, k, g, n;lcl par ty, l\ I par ¿y, /ji/ par ny; l'affriquée /ts/ par c, /tj/ par es, làzl par dz, Id^l par dzs)?

Le tableau 2 reflète la distribution des lettres proposées.

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Tableau 2.


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Tableau 2.

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Le tableau suggère certaines conclusions provisoires:

1. Les réactions des informateurs hongrois reflètent fidèlement les différents degrés de mouillure qui caractérisent les styles individuels. Ainsi, le mot dix prononcé par Madame A.B. a été transcrit dans 17 cas sur 18 pargy. Le même son prononcé (dans la même phrase) par Madame F.R. a été perçu 10 fois sur 18 comme d. Les sujets étaient partagés pour le t de tigre, prononcé par Madame F.R. (9t, 9 ty). Dans la lecture de Madame A.B. le même son dans le même énoncé n'a été jamais perçu comme t. Par contre, Guy paraît être plus palatalisé dans la prononciation de Madame F.R. que dans celle de Madame A.B. Dans l'ensemble, la palatalisation de t, d devant /, e est plus avancée que dans la parole de Madame F.R. La transcription ty, gy est proposée dans 880 cas sur 1156 (76,12%) à partir des énoncés de Madame A.8., 322 fois sur 632 (50,95%), pour les /t/, /d/ de Madame F.R.

2. Abstraction faite des divergences individuelles, la palatalisation est plus
nette pour t que pour d surtout devant /y/ (83,93% vs. 33,33%).

3. La palatalisation est plus fréquente devant i (458 cas sur 563: 81,35%) et
y (106 cas sur 148: 71,62%) que devant e (37 cas sur 183: 20,22%).

4. La palatalisation s'étend dans certains cas sur la nasale n suivie de /. On
n'a testé, toutefois, qu'un seul mot, homonymie.

5. La consonne palatalisée commence à se rapprocher de l'affriquée [ts]
ou [tj]. Les informateurs ont proposé c 19 fois sur 47 c ou es, c'est-à-dire [ts]
ou [tj] pour le t de problématique.

6. La tendance à la mouillure semble être plus nette pour certains mots (p.ex. tirer, timide, dix, direct, voiture) que pour tel autre (tisser, Titan, dilettante, dynamo, tuberculose). La palatalisation de t devant l\\l + Voyelle est très avancée dans quatuor, où il est systématiquement prononcé [c] (ainsi dans les émissions de France Musique). La consonne est transcrite dans ce mot par ty [c] (kotyor,katyù'r, donc perçue comme Ici. Par contre, la palatalisation se fait moins dans d'autres mots, comme tuile, tuer.

La perception, ici comme ailleurs, relève d'une analyse précise, bien que préconsciente, des faits acoustiques et articulatoires (Fónagy 1980, p. 89-120). analyses acoustiques, radiographiques et palatographiques semblent confirmer les réactions des informateurs hongrois. Les caractères acoustiques des occlusives françaises, assimilées aux consonnes Ici ty, l\ I gy, /jV ny du hongrois, sont en effet plus proches des occlusives palatales hongroises que de t, d, k, g; qu'il s'agisse (a) du point d'articulation, (b) de la superficie de contact entre langue et palais; (c) du bruit d'explosion fortement prolongé; (d) du 'profil' du spectre acoustique du bruit d'explosion; ou (e) du mouvement des formants vocaliques en fonction de l'occlusive précédente ou suivante (Fónagy et Boulakia en prép.).

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Les films radiologiques de Pela Simon (1967) reflètent déjà une nette tendance à la palatalisation devant /'. De même, le film cinéradiographique que nous avons enregistré en 1976 avec l'une de nos locutrices (Madame A.8.) montre dans le cas de t -f /', au lieu d'un contact entre l'apex (le bout de la langue) et les alvéoles qui caractérise le t et le d standards, un large contact entre le dos de la langue et le palais qui correspond à l'articulation des palatales hongroises. D'autre part, un mouvement inverse, une antériorisation du point d'articulation pour k + /, rapproche «dangereusement», dans ce contexte phonétique, les occlusives t et k. Ce qui explique l'erreur récurrente des informateurs hongrois qui perçoivent ti et ki indifféremment comme ty Ici.

Le lieu et la surface de contact langue/palais pour t, d devant / diffèrent selon
les locutrices et les mots. Ces valeurs chevauchent entre celles obtenues
pour les apicales et palatales du hongrois.

Dans son étude classique sur les aspects physiologiques et acoustiques de p, t, k etb, d, g français, en position intervocalique, Eli Fischer-jorgensen a pu constater (1972) que la durée de 'l'intervalle ouvert' (la distance entre l'explosion de l'occlusive et le début de la voyelle) était considérablement plus longue pour /, k devant voyelles fermées, surtout devant /', que devant a, e, et que l'intervalle ouvert est rempli de bruits de friction (1972, p. 163-167). Elle attribue «les affrications fortes de ki, ti, et de di à des tendances du français» (o.c. p. 168).

Le rapport moyen entre la durée de l'occlusion (pris pour 10) et celle du bruit de friction est pour t hongrois de 10 à 1,45 (en position médiane); de 10 à 2,23 pour le d; 10: 1,53 pour k. - Le rapport change sensiblement pour les palatales: 10: 9,11 pour Ici ty, 10: 7,53 pour l\lgy. Le rapport s'inverse dans le cas des affriquées: de 10 à 11,89 pour /ts/ et AJ/. Les occlusives françaises occupent une place intermédiaire entre les occlusives et les palatales hongroises, plus proches, toutefois, de ces dernières, avec un rapport 10: 4,42 pour t, un rapport 10: 4,14 pour d, 10: 5,66 pour k.

Quant au spectre du bruit de friction, le profil spectral du t hongrois est caractérisé par des maxima se situant entre 2 et 3 kHz. Le sommet se rapproche de 3 kHz dans le voisinage de / et de 2 kHz dans celui de ou. La partie supérieure du spectre est relativement intense par rapport aux occlusives labiales, mais nettement plus faible que celle des occlusives palatales Ici, l\ I qui se rapproche du profil spectral des affriquées /ts/, AJ7 (Fónagy et Szende 1970).

Comme on pouvait s'y attendre le profil spectral des t, d français perçus comme ty, gy Ici, l\ I ressemble aux profils des palatales hongroises et s'approchedans certains cas de celui des affriquées. Le champ de variation est, toutefois, très large, et permet des réalisations différentes allant de t, k faiblementpalatalisés en passant par les palatales vers les affriquées. Le profil

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spectral des palatales hongroises est caractérisé par un sommet à trois pics vers 3 kHz, et par des points forts au-dessus de 6 kHz. Le premier sommet d'intensité se situe vers 1750 Hz dans les spectres des palatales, et autour de 1500 Hz dans ceux des apicales. Un autre trait constant des palatales par rapport aux occlusives apicales est l'absence du deuxième sommet autour de 2 kHz qui coïncide avec une baisse d'intensité, une vallée, dans le spectre des palatales.

L'image spectrale des apicales françaises devant /i/, /y/ diffère considérablement de celle des apicales du hongrois. Leur profil ressemble nettement plus à celui des palatales, avec la différence que la partie supérieure du spectre, de 4 à 8 kHz, est encore plus saillante, ce qui rapproche leur profil de celui des affriquées As/, /tj/. Les profils spectraux reflètent aussi la diversité des réalisations individuelles des occlusives alvéolaires. Ces caractéristiques n'apparaissent que dans les mots où la consonne alvéolaire a été perçue comme une palatale (ou une affriquée) par la plupart des auditeurs.

Les tendances actuelles rappellent les changements qui ont eu lieu en gallo-roman,
la palatalisation de t, k devant /, e, suivie tôt de la transformation
des palatales en affriquées (Elise Richter 1934, pp. 116 s., 153 s.).

Un phénomène semblable, une nouvelle palatalisation est en cours dans
les langues slaves (Pauliny 1962).

4. Le e muet se fait entendre

Le e, appelé tour à tour muet, sourd, féminin, caduc, instable, intermittent, relique dont l'orthographe et la poésie métrique gardaient le souvenir, réapparaît en force, en dehors des cadres qui lui ont été assignés par la règle classique des trois consonnes (Grammont 1984), selon laquelle le [a] instable doit intervenir pour éviter la rencontre de trois consonnes.

Or, on l'entend de plus en plus souvent dans des mots tels que cheval, chemin,
cheveu, cheminée, appeler. («Pour tout renseignement appelez Election
Européenne», annonce-t-on sur la chaîne TFI, 7.6.1979).

Selon l'enquête d'Henriette Walter 16 lecteurs sur 17 prononcent le e dans porcelet, 14 sur 17 dans porte-bagage, 16 sur 17 dans rince-doigts, 15 sur 17 dans cela, 17 sur 17 dans ce, et dans demi-heure (1976, p. 310-317). Pierre Léon a pu constater en 1966 des divergences dans des contextes phonétiques analogues, selon les mots en question: pratiquement tous les informateurs prononçaient le e dans porte-plume; par contre, le e a été supprimé dans 90% des cas dans porte-monnaie. Les films publicitaires font réapparaître les e-muets dans pages jaunes qui se prononce sans exception: [paja ;so:n]. Nous reviendrons plus tard sur cette curieuse contradiction.

Dans son analyse fine et précise, Léon constate en 1971 que le e-caduc
n'apparaît pas en position finale, sauf dans le style oratoire, caractérisé par la
«détente consonantique de mots», comme veulent, débâcle, tumulte. La raretédu

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tédue final fut mise en évidence en 1983 par l'étude phono-statistique de
Vincent Lucci.

Denise François (1974) a pu constater que, dans la région parisienne, l'apparition de [a] est liée soit à un effet de fatigue (tome 1, p. 197) soit à l'emphase didactique (o.c. p. 198). J'ai de nombreuses fiches pour illustrer cette deuxième éventualité. Ainsi, Pierre Tchernia dit au cours d'un jeu télévisé (ayant pour objet de deviner l'identité d'un film): «Cet objet, une montre, appartenait à...?» (Antenne 2, 25.6. 1985). Une jeune femme tâche de persuader son mari: «Mais je t'assure!» ('La bombe perdue', dans la série des 'Cinq dernières minutes' Antenne 2, 25. 8.1980).

Dans la plupart des cas le [a] sort toutefois de ce cadre. Au cours des dernières années le e d'appui surgit dans la parole des jeunes, parlant sans emphase, dans les conversations vives ou banales, bien loin d'une »conception littéraire de la langue« à laquelle son apparition était associée selon Pierre Léon dans les années 1966-1971 (cf. 1971, p. 78). Bonsoir-z, je vous présente mon pèr-e, dit la jeune Dominique (Julie Jézequel) dans un téléfilm ('La belle Anglaise' de Jacques Bénard, Antenne 2, 14. 10. 1988). Dans le film 'Pour cent briques t'as plus rien' l'héroïne produit dans l'espace de quelques secondes quatre e d'appui: C'est Michel-e - Tout est automatiqu-e. Alor(s)e,

Joëlle, jeune fille de 21 ans, employée d'une agence de voyage, au téléphone:

Vers quelle heure? - C'est bizarre - II y a un changement quand même
Fumeur ou non fumeure? - A dix-neuf heures trente? - Ou dix-huit-e?

(Joëlle transforme également les in en an.)

Une orthophoniste de 23 ans fait sonner dans la présentation orale d'un cas, les e à peu près dans chaque troisième énoncé: le corpus d'Ann-z - d'autres actes de langag-c - regarde la machin-e, -pour sa sœur-ç, - comme un derviche

Dans une pièce de Sacha Guitry, »Désiré«, la jeune bonne prononce souvent des e d'appui. La cuisinière, plus âgée qu'elle, rarement (trois fois). Par contre leurs employeurs ne font pas sonner les e-fïnals vrais ou imaginaires. De même, dans la pièce »Le don d'Adèle« de Barillet et Grédy, la jeune télépathe (jouée par Anémone) se distingue de ses patrons, un couple d'âge moyen, par une haute fréquence des e d'appui.

Laisse-moi faire - C'est pas la peine que je m'fatigue - Mais c'est pas ma
tâche - Une bonne paire de claques - Faites vos boules à la cuisine.

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Anémone semble garder cette particularité phonétique dans d'autres rôles
de jeune fille: Je te vois venir-e (dans une série policière: février 1986, y compris
dans une interview en parlant de son film qui va sortir-e, janvier 1985).

Dans le cadre de l'expérience sur les nasales, six sujets sur huit lisaient les phrases quasi-homonymes en ajoutant un e final étymologique Indes, atteindre, emporte, etc.), et même à plusieurs reprises un e non étymologique à buse, teint-e, il-e, sans parler d'autres mots.

Il n'est pas facile de proposer des règles censées déterminer l'apparition des e finals intermittents. Des règles dérivées de la loi des trois consonnes paraissent nettement insuffisantes. D'autant plus que le e peut appuyer des mots qui ne se terminent pas par un e étymologique. Il ne s'agit donc pas d'une tentative de restauration ou d'un jeu verbal 'style rétro'. On est frappé par la fréquence des e 'muets' bien sonores dans une émission aussi peu archaïsante que Sexy Folies. Voici quelques exemples tirés d'un enregistrement de dix minutes (juin 1986):

Bonjour-e, une petite enquête - Qu'est-ce que vous faites? - Pour vous en servira - Elle habite où, votre grand'mère? - Oh, ma jupe - Sur mon slip-e - Enlevez le pull-e! - Qui est l'homme le plus séduisant dans l'hôtel-e? - Quel est l'indice - Eindice?? - II s'est endormi sur mon épaule, etc.

Selon mon fichier contenant plus de cinq cents cas de e d'appui, la voyelle
intermittente semble avoir une préférence pour certaines consonnes. Le e
'muet' réapparaît le plus souvent après /-, r-, /-.

- -t: Je me dégoût-e (Anémone dans le film 'Le quart d'heure américain', 1982) - Dans le placard à droit-e (une jeune fille dans le téléfilm 'Maigret et l'homme tout seul', 1982) - Je le reconnais à sa cigarett-e (jeune étudiante, 1983) -Aussi Charlott-e (une jeune fille à sa copine, 1985) - Cinq sacs toutes les minut-es (jeune homme dans un téléfilm policier, 1986) - Faire du foot-e (garçon de douze ans, avril 1986).

- -re: Le ministre est démissionnair-e (jeune bonne, téléfilm 1987) -On mapasapas donné de cuillèr-e (petite fille dans le film 'Dimanche à la campagne', 1984) - C'est facile à dir-e (bijoutier, d'âge moyen, téléfilm policier, mars 1983)

Le e non étymologique, parasitaire est particulièrement fréquent après -r. Ainsi les verbes en -ir tendent à passer dans la catégorie des verbes du type - ire: même sans bouillir-e (film publicitaire mars 1987), venir-e, dormir-e, sortir-e,subir-e, mourir-e, réfléchir-e, etc., avant tout dans la parole de jeunes filles, sur l'écran comme dans la vie. Il est assez fréquent après le r muet de l'infinitif -er. Je ne peux pas le carresse(r)-e (Sexy folies, juin 1986). Le e se fait entendre aussi à la fin de nombreux adverbes et substantifs: sœur-e, soir-e,

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alor(s)- ailleur(s)-e. On le note également dans les enregistrements de locuteursmoins
jeunes: s'instruir-e, décors, compteur-e (un retraité sexagénaire
de la SNCF, enregistré en 1970).

- -le étymologique: - Depuis qu'elle parl-e, (jeune phonéticienne, octobre 1987) - Sur mon épaul-ç, (jeune fille, interview télévisée, juin 1986). - II n'y a pas de mobil-e. (jeune inspecteur, téléfilm, janvier 1986). -Dans une cal-t..J'aurais l'air débil-c (Sophie Marceau dans »La boum«, 1980).

- -le non étymologique: - C'est pas aussi mal-z (L'actrice Caroline Cellier, dans un jeu télévisé, février 1987) - Le nouvel Ariel-e (film publicitaire, mai 1987) -L'homme le plus séduisant de l'hôtel-e (Sexy folies, novembre 1986).

Le précédé d'autres consonnes (s, J, f, p, k, g, n): plus-e, sexe, indice,
bus-e, blanche, couche, Angliche; fîls-e; chef-e; jupe, slip-e; Marc-e, mec-e,
plastic-e, shopping-e; traîne, cuisine, bonne, Anne, machine.

On est plus surpris par la fréquence des e à la suite d'une voyelle qui pourrait très bien se passer d'appui: - Tu n'as rien compri(s)-e (Adjani, dans le film 'L'année prochaine, si tout va bien' 1981). - Tu es fou-e. - Je joue plu(s)e (un garçon de 12 ans, avril 1987). - C'est lui-e (le jeune acteur, Henri Guybet dans 'La surprise' 1984). Vincent Lucci a enregistré un fai dans la forme masculine dejoli-e (1983, p. 109).

Même si ces tendances étaient confirmées par l'analyse statistique d'un corpus plus important, la prévision à partir du contexte immédiat (consonne ou voyelle précédentes) resterait tout aussi instable que la voyelle e ellemême. Le macro-contexte, par contre, peut être déterminé sans difficulté sous une forme restrictive: le e n'apparaît que devant pause, à la fin des énoncés ou, plus rarement, à la fin de propositions non finales (- Fumeur ou non fumeur-el). Le e-d'appui n'aurait pas pu apparaître après le premier terme de l'alternative, à moins de transformer la question disjonctive en deux questions totales.

Les e étymologiques ou parasitaires apparaissent souvent au cours des énumérations, et plus généralement, dans la spécification du nombre ou d'un chiffre: - Ils étaient cinq-e (jeune coiffeuse dans une série policière, octobre 1986). -Avec le numéro cinq-e (jeune présentatrice de la télévision, novembre 1986). - Dix-sept-e, dix-huit-e, trent-e, quarant-e (jeune employé de la perception, novembre 1985).

Les e d'appui sont particulièrement fréquents dans des énoncés à modalité
marquée: énoncés interrogatifs, impératifs, exclamatifs.

(a) Le e appuie de préférence les dernières syllabes de questions exclamatives:
- Mais qu'est-ce qui s' pass-el\ (une jeune femme s'impatiente dans le
Métro, janvier 1985). - Mais qu'est-ce qui vous arriv-eV. (une jeune femme de

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mœurs légères dans la pièce 'Le vison voyageur', 10 septembre 1984). Mais qu'est-ce que c'est que ce cirqu-eV. (jeune actrice dans le rôle d'une prostituée,feuilleton télévisé, mars 1986). - Qu'est-ce que c'est qu' cette histoir-t,V. (jeune maman à son fils, octobre 1987) - Merd-e\ Excuse-moi! (jeune fille, août 1987).

(b) On retrouve le e d'appui dans d'autres types de question, ainsi dans les questions totales, introduites ou non par 'est-ce que'. - Est<e que tu as un Tampax-el (jeune fille dans un film publicitaire, juin 1986). -Tu as vu Corinn-zi (jeune fille à sa copine, mars 1985). -A ce soir-el (jeune femme au bout du fil, film publicitaire, mai 1985). - Hier soir-tf (jeune caissière, février 1986). - Revend-ïl-€) (Mlle E.A. lisant son texte au cours du test référé cidessus).

Dans des questions partielles: - Comment tu t'appell-es? Quel est ton âgëi (Adjani, dans 'L'année prochaine, si tout va bien', 1981). - Pour combien de jour(s)-& (feuilleton policier, mars 1986). - Comment veux-tu que je te reconnaiss-tl Quand est-ce qu'on les invit-e? (jeune fille dans le film 'L'été 36', février

(c) Enoncés impératifs: - Calme-toi, écout-el (jeune femme dans le film 'Le quart d'heure américain', 1982). - Racont-e, accouch-e\ (le mari à sa femme dans le film 'La revanche', 1981) - Allez, on pouss-d. (jeune garçon qui n'arrive pas à faire démarrer sa moto, à sa copine, janvier 1985). - Qu'il vienne tout de suit-e (l'inspecteur dans un film télévisé, février 1985). - Venez viï-e! (jeune femme, dans le film 'Dimanche à la campagne' 1984).

(d) Appel, vocatif: - Philipp-d. (un garçon à son copain pour lui passer la balle,mai 1985). -Eh, Jacqu-es! (la servante dans la version télévisée de Jacques Fataliste' de Diderot, 1984). - Titus-d. (jeune femme à son chien, mars 1985). - Monsieur Jeff-e\ (dans un feuilleton policier la jeune animatrice appelle un locataire, janvier 1986). - Agnès-d (un garçon courant après sa sœur, mars 1986).

(e) Réponse à l'appel: - /'û/riv-e! j'arriv-c\ (la jeune épouse dans le film 'Domicile conjugal' 1970). - Chéri-e, me voilà, j'arriv-t\ (Adjani, dans L'année si tout va bien', 1981). - Chérie, attends, on arriv-e (film publicitaire, mars 1987). - Minut-e] (jeune homme, avant d'ouvrir la porte, mars 1988).

(f) Salutations, rencontre, séparation: - Bonjour-^ (une standardiste, dix
fois sur dix, février 1987). - Bon, ben, j'te laiss-e. (jeune fille dans 'L'année
prochaine, si tout va bien', 1981).

(g) Insistance: - Tu me connais àpein-t (jeune homme dans le film 'Je vais craquer' 1980). - Bien sûr-e (Carole Laure dans l'émission 'Mardi cinéma', juin 1985). - Je voudrais que tu me di(s)-es [dia] (le jeune Henri à son ami Maxime, 'L'année prochaine, si tout va bien', 1981). - Ecoute, maman, il faut que tugueul-es (une fille de 16 ans à sa mère, film policier 1986).

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(h) Emotions intenses: - // est fou ce typ-e (Macha Méril, dans le rôle de Colette, téléfilm décembre 1985). - Je craqu-e (jeune fille à sa copine, en éclatant de rire, mars 1987). - Encor-e\ (la maîtresse de la victime voyant le commissaire s'approcher, feuilleton policier, février 1985). -Merd-e\ (Nicole Garcia dans le film 'Qu'est-ce qui fait courir David', 1981). Le e est lié à l'exclamation 'Merde!' prononcé avec allongement de la première voyelle: [me:Rd3]. -Eh connar(d)-z.\ (la jeune femme au chauffeur qui a failli l'écraser, dans le film 'Le quart d'heure américain', 1982).

(i) L'apparition répétée du e d'appui au cours du discours peut marquer une attitude ironique ou désinvolte. Voici pour exemple une tirade jalonnée d'e d'appui par Isabelle Adjani dans le film 'La gifle' (de Claude Pinoteau 1974).

Tu sais, aujourd'hui-e, la société n'est plu(s)-e... Les gens aiment et se désaiment... Ah j'sais c'que tu vas m'dire, j'ai dix-huit ans, je n'ai pas d' métier, Marc non plu(s)-e, on sait pas où on va-<?, j'ai l'examen la s'maine prochaine, c'est patati patalère, c'pas ça?

Martine Carole qui personnifiait Nana dans le film tiré du roman de Zola,
multipliait les e d'appui quand, ivre, elle cessait de surveiller sa parole, et se
tournait avec mépris contre son mécène.

Ue d'appui déborde, toutefois, largement les cadres de ces catégories. Ses apparitions récurrentes en fin d'énoncé font partie du profil vocal de beaucoup de jeunes. J'ai noté 19 e d'appui dans la parole d'une jeune phonéticienne au cours d'une conversation téléphonique banale de quatre minutes, où la fréquence de la voyelle parasitaire ne correspondait pas à une attitude désabusée.

5. Le e muet et les clichés mélodiques

En prêtant l'oreille au mouvement mélodique qui sous-tend l'éclat de colère d'lsabelle Adjani dans 'La gifle', on croit entendre une litanie composée d'un motif mélodique récurrent qu'on peut suivre, à défaut d'illustration vocale, à l'aide de la courbe mélodique. Les montées et redescentes qui précèdent chaque pause sont associées à des e d'appui.

Dans les paroles d'lsabelle, la récurrence de la voyelle d'appui, ainsi que la reprise monotone de la même formule mélodique (celle de l'énumération) sont censées accentuer l'automatisme des remontrances parentales. Le e d'appui est, toutefois, surtout lié à une autre formule mélodique - probablement apparentée à celle qui reflète dans l'exemple cité une attitude ironique, désabusée - qui marque la fin de renonciation, donc selon les termes de la rhétorique, à une clausule. Cette clausule consiste généralement en une montée de près d'une quarte dans la voyelle accentuée, suivie d'une chute d'une quinte élargie dans Ye d'appui.

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Qu'est-ce qu'un cliché mélodique? Le français parisien connaît une vingtaine de schémas mélodiques chantonnés qui accompagnent la parole et prêtent une certaine fraîcheur, un certain éclat à la conversation quotidienne. Ces formules mélodiques se distinguent d'autres formes d'intonation par un degré de mélodicité élevée et par des intervalles réguliers et constants qui les rapprochent du chant. Ainsi, la mélodie de la moquerie enfantine de Na-nanère est parmi les premiers clichés qu'apprend l'enfant: une montée de 8 demi-tons est suivie d'une chute de quatre demi-tons. En prêtant un mouvement de glissando à la deuxième et troisième syllabes, on obtient la mélodie de la question ironique, incrédule. Un autre cliché mélodique consiste dans une descente par quarts de ton. Il accompagne l'approche tendre, mais peut marquer, entre autres, les questions elliptiques introduites par Et: Et Vannée prochaines

Le cliché mélodique associé à notre e d'appui appartient à la famille des 'clausules mélodiques', c'est-à-dire à celle des clichés censés marquer la fin d'une période par une montée d'une tierce, suivie d'une chute d'une quinte. Malgré sa nouveauté en français parisien, il appartient donc à une famille respectable pour son ancienneté. Les fins de phrase chantonnées font partie des accessoires du rhéteur romain. Le terme même de clausule figure dans le vocabulaire de la rhétorique classique. La clausule liée à la présence d'un [a] final joue donc le même rôle que d'autres clausules propres au français parisien.

Notre cliché a, toutefois, une particularité qui ne peut laisser indifférent le linguiste. Elle pourrait être à la source d'un changement mélodique d'une importance certaine. Elle permet de distinguer la question métalinguistique (question de contrôle, ou question écho) de la question binaire (totale). La question binaire, de re, se termine par une montée mélodique: / ; la question de dicto peut se distinguer par une montée suivie d'une chute dans [a] étymologique ou non étymologique. Ainsi, dans un film publicitaire la question La nouvelle Ariel avec montée et chute finale [la nuvel arje / 1-a] figure comme question de dicto. Toutefois, cette évolution récente pourrait avoir un effet contraire, elle risque de neutraliser l'opposition mélodique entre assertion et interrogation d'une part, entre les diverses catégories interrogatives, d'autre part, en leur imposant la même formule: montée finale, suivie d'une chute audible dans la syllabe parasitaire. L'énonciation: A huit [a /qi ta] pourrait correspondre soit à une assertion emphatique, soit à une question totale, soit encore à une question écho (répétive): 'Vous avez bien dit à huit heures?'

Le cliché mélodique terminal lié à l'apparition d'un [a] final est indépendantde la modalité de la phrase: il évolue de la même façon dans les questionstotales, dans les questions partielles, ainsi que dans les énoncés exclamatifsou assertifs. En d'autres termes: le e 'muet' associé à la clausule montante-descendanteefface les oppositions mélodiques modales, comme elle

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évolue de la même façon dans les énoncés assertifs, exclamatifs et interrogatifs.

6. D'autres changements: un bref parcours

Antériorisation vocalique: /o/ ouvert -> /œ/ ouvert

»C'est jeuli le Mareuc« était le titre d'un article d'André Martinet (1969). Il se réfère au passage de /o/ vers [œ], signalé dans certains mots en tant que phénomène populaire dès le début du dix-neuvième, sporadiquement dès le dix-septième siècle . Devant r final les o tendent à se transformer en [œ].

Les analyses acoustiques, ainsi que les tests de perception, faits entre 1970 et 1975, indiquent que ces deux voyelles peuvent, en effet, chevaucher et se confondre dans certains mots et dans certains 'idiolectes'. Les mots veulent et volent, heure et or, prononcés par Monsieur G.P., employé retraité de la SNCF (alors âgé de 66 ans), ont été souvent confondus par notre groupe d'auditeurs (10 étudiants en linguistique, né(e)s et/ou élevé(e)s à Paris). 9 étudiants sur 10 ont perçu l'énoncé Ils veulent de l'argent comme 'Ils volent de l'argent'. Ils ne volent pas (avec un o non accentué) a été interprété par 5 auditeurs sur 9 comme 'Ils ne veulent pas'. Les mots or et heure ont été confondus en toutes positions. Monsieur G.P substituait régulièrement [œ] à hl dans les dix premières phrases de la liste. Dès qu'il s'est aperçu du piège, il s'est tenu au français standard.

La neutralisation de l'opposition /o/ et /œ/ peut créer, bien que rarement, de vraies confusions, dans des situations naturelles, hors du laboratoire. Au cours d'un jeu appelé 'Schmilblic' à l'époque (1969-1970), une dame d'un certain âge a posé la question:

- Est-ce que c'est en rapport avec l'heure?
- Non, ce n'est pas en or, répond le présentateur.
- Non, je pensais à Vheure, dit la dame, en indiquant sa montre-bracelet.

Henriette Walter (1977) note le déplacement de loi vers /œ/ en syllabes ouvertes non accentuées chez plusieurs informateurs, dans apocalyptique, projeter, bocage, etc. prononcés avec une voyelle intermédiaire, qu'elle note par d. Sa fréquence varie selon les sujets entre 184 occurrences sur 452 mots testés (p. 61) et l'absence de la variante. Il s'agit d'un changement 'en cours' depuis le seizième siècle. Les grammairiens le signalent surtout dans commencer, transcrit quemencer.

plusieurs Parisiens doiuent prendre garde à vne mauuaise prononciation de
ce verbe [= commencer], que j'ay remarquée mesme en des personnes
celebres à la chaire et au barreau...ils prononcent commencer tout de mesme

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que sil'on escriuoit quemencer. (L'esclarcissement de la langue françoyse
[1530] 1852, p. 446)

Palsgrave et Oudin notent domaine prononcé demaine; le Dictionnaire des
Rimes de Richelet (1680) fait figurer gremmeler, par déformation de grommeler
(voir Thurot 1881, tome 1, p. 268 s.).

La tendance à la délabialisation de /œ/ devant r pourrait être à l'origine de la labialisation de /e/, par hyperurbanisme (?), dans les noms étrangers. Les présentatrices de France Musique et de Radio Classique prononcent généralement les noms de Bruno Walter ou de Mahler comme si c'était écrit valteur, malheur. Cette labialisation illicite est liée à l'allongement de la voyelle. Elle ne se fait pas, si elle est suivie de r + consonne, comme dans Malherbe.

Chute de /k/ et /g/ dans le contexte -s/z -> C

On esplique, on escuse, on fait esprès, d'un bout à l'autre dans le petit chefd'œuvre de Queneau, Zazie dans le Métro. Zazie, bien entendu, mais aussi les autres personnages, y compris le héros Gabriel, 'danseuse espagnole' travesti, qui dissimule soigneusement sa culture générale et ses connaissances. Une seule personne, le beau-frère de Gabriel, chauffeur de taxi, maigre, névrosé, s'efforce par moments d'empêcher le k et le g de se volatiliser (»il le fait exeuprès«, p. 14). C'est ce qui permet à Queneau de laisser entendre la voix des personnages à travers le récit, sans mettre des guillemets. La chute de k (espliquer pour expliquer) sert d'indice de discours rapporté, de marque d'une citation dissimulée du type 'indirect libre' (Bally 1912, 'erlebte Rede' selon Lerch 1914).

Bauche signale cette suppression de k comme un trait caractéristique du
langage populaire: escursion, esplosion, ezamin (1946, p. 44). Henriette Walter
la relève chez l'un de ses informateurs (1976, p. 453).

La chute de k est particulièrement fréquente dans certains mots (à en croire mon fichier): espliquer, escuser, esclusi/, esprès, esprimer, estraordinaire, estrait, espedition; c'est-à-dire, dans les cas où la consonne subséquente est une occlusive sourde, à condition que le mot soit d'usage courant. Dans ces cas les dactylos risquent d'écrire conteste pour contexte.

Les transcriptions phonétiques de Paul Passy témoignent de l'ancienneté
de cette tendance. Il met le k entre parenthèses dans les cas où ks est suivi
d'une consonne: c(k)spedisjô, c(k)sprc, c(k)splwate (1913, p. 37).

La chute de k est en train de s'étendre aux séquences ks + Voyelle. On peut entendre esseption, sussessif, assepter, y compris à la Radio et à la Télévision: »on peut pas assepter« (l'entraîneur d'un club de football, TF a, 28.3. 1988). Il arrive que le locuteur se corrige: assepte...heu...accepte (Monsieur M., député PC, 4.4.1979 sur TF 1).

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La chute de g paraît moins fréquente, sauf dans certains mots tels que:
exemple [ezzôpl] ou [ezôpl], surtout dans par exemple [ezampl]. Queneau note
une fois egzample (p. 104).

Le contexte social de la chute de k a changé au cours des dernières années. On le rencontre aujourd'hui assez couramment chez les jeunes étudiantes, ou même chez les journalistes de la Télévision qui produisent régulièrement des zazismes . Par contre, les informateurs et informatrices d'Henriette Walter (o.c. 1976), à l'exception d'un seul, prononçaient encore exclu, exclusif, excursion, exprès.

Le dévoisement des voyelles finales.

Le geste de politesse qui consiste à tenir la porte pour faciliter la sortie d'une personne derrière soi, provoque régulièrement un sifflement aigu. Ce sifflement correspond à la voyelle / de l'énoncé Merci. Les voyelles antérieures fermées /if, ¡y/ tendent à se dévoiser à la fin d'une énonciation. La tension accrue peut transformer la voyelle dévoisée en constrictive palatale sourde [ç]. Donc; Merci! [meßsiç]./'a/ vu [je vyç].

Le dévoisement s'étend aux voyelles d'aperture moyenne: e, œ qui peuvent produire devant pause le même sifflement. Une jeune participante au jeu télévisé 'La roue de la fortune', en proposant des lettres prononce: le té-ç, le eç, [ta teç, ta aç] (TF 1, 3. 6. 1988). Christine Pascal en conversation avec Pierre Tchernia, dans le cadre du programme 'Mardi cinéma', à la question »Vous préférez faire du cinéma ou du théâtre?« répond par »Faire les deuxç«. Marie Loeb, dans le rôle d'une jeune fillette de 17 ans: »J'ai tout racontéç«. »Je voulais le suivre pour empêcher-ç», «Je t'ai vu-ç» (dans 'La mort à la criée' téléfilm de Claude Loursais, A2 12. 1. 1986). L'amuissement de la voyelle finale apparaît même au cours de la lecture. Deux de nos sujets féminins (voir ci-dessus) prononçaient systématiquement: passé-ç, pensé-ç. Même le ou final n'échappe pas à l'amuissement final; il se transforme en une constrictive postdorsale, correspondant à l'allemand ac/i-Laut: tout donne [tux].

Le dévoisement final des voyelles fermées et d'aperture moyenne pourrait
permettre de marquer la fin d'une unité du discours, même en l'absence
d'autres indices.

Une chute isolée: /pl/ ->/p/

Le mot plus tend à perdre la liquide /, surtout en position finale. Cette fois encore, ce sont les enfants, les jeunes femmes qui sont à la pointe du changement.«J'sais pu.» (Isabelle Adjani 'La giffle' de Claude Pinoteau). «Je commenceraipu», dit Annie Girardot, sur le ton de l'enfant repentant ('Cours après moi' 1976). «J'y vais/>«», un jeune homme de vingt-quatre ans, mars 1988). On l'entend également dans la bouche de femmes et d'hommes mûrs.

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«Oui, oui, et heu...je trouve pu» (un 'Monsieur du quartier' cité par Danielle Laroche-Bouvy 1986, p. 422). «J' comprends pu», dit une jeune femme, maître-assistanten linguistique, (6. 4.1986). Elle prononce systématiquement pu en position finale au cours des conversations. «Ils ne comprennent pu», actriced'une cinquantaine d'années dans le rôle d'une femme de ménage ('La grande truanderie', téléfilm, Antenne 2, 23. 9. 1978). «Il n'avait pu», un commissairede police d'une quarantaine d'années dans le film 'Hôtel de police', Antenne 2, 3. 3. 1985). «Ça s'fait/?u», dit une femme d'une soixantaine d'années(octobre 1986). «Il n'y en a.pu» (médecin psychiatre de 70 ans).

La chute est moins fréquente en position non finale: «II n'y a pu une place» (présentateur de France Musique, 1.1. 1980). «On peut pu choisir» ('Une femme' cité par Danielle Laroche-Bouvy o.c. p. 426). Toutefois, la chute a des limites: la jeune maître-assistant qui ne manque jamais de supprimer le / en position finale, maintient soigneusement la liquide dans plus comparatif. On aura donc d'une part, «Ça s'fait pu» et d'autre part, «II est plus intelligent».

L'accent mobile

L'accent (stress) en français parisien est d'une grande mobilité. Les règles qui déterminent sa place dans le mot et dans l'énoncé diffèrent selon les locuteurs et le genre du discours. Une stricte oxytonie, l'accent frappant régulièrement la dernière syllabe des groupes syntaxiques est rare. L'unité du groupe est plus souvent marquée par une polarisation accentuelle: des accents qui frappent à la fois la dernière et la première syllabe. Ainsi, l'accent frappe la dernière syllabe de nouvelle dans une période nouxéUe; et la première syllabe du même mot dans une nouvelle période. C'est ce qui explique le paradoxe relevé par Pierre Léon dans son article sur l'apparition de ecaduc, cité plus haut. C'est l'accentuation double, initiale et finale, qui exige l'apparition de [a] dans Porte-plume pour faire éviter la collision de deux syllabes accentuées. Dans port(e)manteau, par contre, c'est la première syllabe de manteau qui peut figurer comme tampon. L'apparition de [a] caduc n'est donc pas nécessaire.

L'accent barytonique est plus fréquent dans certains genres du discours: conférence, informations télédiffusées, et plus rare dans la conversation quotidienne.Une telle mobilité est inconcevable dans d'autres langues à accent stable (comme l'italien, l'espagnol, le russe ou le hongrois): le point accentueldes mots dépend du poids sémantique, de l'importance du terme concerné dans renonciation en toutes langues: ce qui est exceptionnel, c'est le changement de place de l'accent dans l'intérieur du mot. On pourrait voir dans cette dynamique un début d'un changement qui ne date pas d'hier. RichardStrauss reproche à Debussy dans une lettre écrite à Romain Rolland ces «inconséquences prosodiques qui font qu'il met l'accent dans Pelléas et

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Mélisande une fois sur la première syllabe de terrain, une autre fois sur la deuxième. On trouve une fois Cheveux une autre fois sur la dernière: cheveu. Dit-on alors: Je I ne veux pas dire ou Je ne I peux pas dire?» {Cahiers Romain Rolland tome 3, p. 14). Dans sa réponse Romain Rolland précise: «Ce que vous appelez-là 'nonchalance de Déclamation' est souplesse et vérité psychologique.Nous n'avons pas une façon d'accentuer un mot une fois pour toutes... Si le mot verser termine la phrase, l'accent tombe sur la dernière syllabe.Mais 'Versez encore!' (1.c.)» .

7. Variation et changement: tâches futures

On est parti de la question qu'aurait pu poser notre professeur étranger imaginaire:
est-ce que le phonétisme du français parisien est en train de changer?

La prévision est pauvre dans le domaine social à cause de l'extrême complexité des phénomènes hétérogènes étroitement liés. L'apparition, l'évolution et l'issue d'un phénomène phonétique nouveau sont déterminés par des facteurs multiples et assez mal connus: structure du système linguistique, velléités psychologiques, conscientes et inconscientes, jeu des forces sociales.

On aurait pu croire, il y a cinquante ans, que le système accentuel du français allait subir une profonde modification, que le français, langue oxytonique par excellence, allait se transformer en langue barytonique (Gill 1936). Il n'en est rien aujourd'hui. Toutefois, l'acquisition d'une rare mobilité, susceptible de refléter des nuances sémantiques fines et précises, est en soi un changement majeur, si l'on compare le français à d'autres langues indo-européennes. La mobilité de l'accent en fonction du poids sémantique des mots et des catégories de mots pourrait prêter à l'accent une fonction distinctive dans certains contextes. Ainsi, il serait possible de distinguer l'assertion objective le plus cher cadeau, où le mot cher figure dans le sens de 'coûteux5, de l'énoncé émotif: le plus cher cadeau, où cher signifie 'apprécié'. La présence ou l'absence de l'accent permettrait d'opposer: (a) Elle a fini par acheter cette épingle et (b) Elle a fini par acheter sept épingles. Cette opposition existe, en effet, sous forme embryonnaire, selon les tests sémantiques (Fónagy 1980, p. 153).

La chute de /k/ dans les groupes consonantiques /ks/ est en soi-même un phénomène marginal. La chute est toutefois compensée par l'allongement de la consonne constrictive subséquente. L'apparition des constrictives longues va-t-elle modifier le système consonantique du français qui ignore l'opposition des consonnes simples et géminées, ou se terminer, ce qui semble plus probable, par la réduction de [ss] géminé?

Nous avons vu que la réduction de /pi-/ en [p-] a permis la distinction de
plus, adverbe de temps, réduit h pu, d'une part, déplus morphème comparatif,plus,
d'autre part, du moins dans un idiolecte. La chute de -s final déplus

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et la suppression de ne dans la négation, risquent de faire coïncider (a) /' veux plus, dans le sens 'J'en veux davantage', et (b) /' veux plus, signifiant 'Je n'en veux plus du tout'. Or, dans le premier cas, le / et le -s sont maintenus, ce qui évite la fâcheuse confusion des énoncés (a) et (b). Cette tendance distinctivedépasse largement le niveau de la 'parole'.

La réapparition des e-muets à l'intérieur des mots (cheveux, cheval, chemin) peut contribuer à l'euphonie du français, sans modifier le système vocalique. Les e d'appui en position finale fournissent un nouveau moyen de segmentation du discours, puisqu'ils n'apparaissent qu'à la fin des unités du discours (concept qu'il reste à définir). Comme cet e d'appui est lié à un cliché mélodique, à une clausule, ou plutôt, comme il est à l'origine de cette clausule montante-descendante, il risque de modifier, par mélodie interposée, le système prosodique du français. Nous venons d'envisager la possibilité de la neutralisation de certaines intonations modales (voir 5).

La genèse des clichés mélodiques constitue un chapitre à part d'une grammaire dynamique du français contemporain. Nous avons tâché d'y apporter des matériaux et quelques éléments théoriques (Fónagy 1., Fónagy J. et Bérard, Eva 1983), mais le gros du travail reste à faire.

Le fait que les occlusives sourdes se palatalisent dans certains contextes phonétiques ne modifie pas le système consonantique en profondeur. Toutefois, la réaction des auditeurs hongrois qui ont associé systématiquement le ti, di et, plus rarement le ki français aux consonnes palatales, et même aux affriquées hongroises, pourrait faire réfléchir. Si le français parisien suivait l'exemple du Gallo-roman en transformant ti, di, ki d'abord en [c], [J, puis en [tsi], [tj] qui à leur tour aboutiraient à s et à z, en ce cas, le système serait gravement touché. Il n'y aurait plus de différence entre tirer et cirer, entre qui et si, ni entre dix et six.

Il y a un risque plus imminent dans le cas de l'effacement graduel des oppositions vocaliques nasales. Après la neutralisation pratiquement accomplie de l'opposition fœf vs. /c/ nous sommes en face de chevauchements de /ej vs. la/, d'une part, et de loi vs. loi d'autre part dans certains idiolectes, notamment dans le langage des jeunes. Si les neutralisations, qui se situent actuellement à un niveau idiolectal, devenaient graduellement caractéristiques pour la jeune génération, le changement pourrait aboutir à la perte de toutes oppositions à l'intérieur du système de voyelles nasales, avec le maintien d'une nasale unique opposée, en tant que telle, aux voyelles orales, où d'autres pertes sont à craindre.

Pour faire des prévisions, tant soit peu fiables, il faudrait connaître avec précision la distribution des variantes dans l'espace socio-culturel. On pourraity parvenir par deux voies: (a) par l'analyse acoustique d'un grand nombred'enregistrements représentant différents genres du discours, différents groupes socio-culturels et, surtout, différents groupes d'âge; (b) par voie indirecte,en

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directe,enprésentant des variantes synthétisées à des informateurs appartenantà
différents groupes d'âge et différents milieux.

Je crois que cette dernière voie (rarement suivie) permet d'apporter des résultats fiables à un prix réduit. Ainsi, pour se faire une idée de la distribution de la transformation de [ë] -> [s], il suffirait de déplacer les premier et deuxième formants de la voyelle /ë/ par la resynthèse d'un énoncé, en les rapprochant successivement jusqu'à les faire coïncider avec la position de FI et F2 de la voyelle loi. En présentant des paires de variantes à des groupes d'informateurs, on leur demanderait laquelle des deux voix appartient à la plus jeune locutrice. J'ose parier que l'âge estimé de la locutrice diminuerait en fonction du rapprochement entre FI et F2 de la voyelle, c'est-à-dire à mesure que le [ë], représentant le phonème /ë/, se rapprocherait de fol. A partir des mêmes enregistrements resynthétisés, on pourrait poser d'autres questions qui permettraient de localiser les variantes dans l'espace socio-culturel ou de déterminer leur affinité avec tel ou tel genre du discours.

Ce qui nous permet de décrire des changements en cours, au lieu de nous contenter de constater les résultats du changement accompli, ce ne sont pas analyseurs et synthétiseurs, mais une approche dynamique des faits synchroniques, dont la nécessité était mise en évidence dès 1929 par Roman Jakobson (cf. aussi Jakobson et Waugh 1979, p. 74 ss, p. 166 ss), et d'autres linguistes (Fónagy 1956, Labov 1972, Walter 1976, Boumendil 1977, Lucci 1983).

Quant à l'application de ce principe au français de nos jours, je me réfère aux travaux déjà cités d'Henriette Walter. J'aimerais citer un passage du Français sans fard d'André Martinet: «Une chose est certaine, le français change en chaque instant sur tous les plans, et il changera toujours, tant qu'il ne sera pas réduit au rôle d'une langue liturgique» (1969, p. 190).

Le linguiste sait également que le changement phonétique, comme les changements linguistiques en général, prennent la forme d'une lutte de variantes contradictoires, de divers écarts par rapport à la norme. Ceci revient à dire que les fluctuations, les contradictions qui caractérisent les faits de la parole à un moment donné, doivent être considérées comme une projection d'un changement en cours. Cette conception des changements, qui est diamétralement opposée à celle des linguistes néogrammairiens (Fónagy 1956), nous permet de détecter à temps le début du changement, et de mettre en évidence ses aspects dynamiques.

Ivan Fónagy

Paris

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Résumé

Certains phénomènes du phonétisme du français parisien sont envisagés sous l'angle de la synchronie dynamique: (1) les voyelles nasales, surtout les oppositions ///vs. /0/ et /ó/vs. /0/; (2) les occlusives A/, /d/, /k/, /g/ devant /i/, /y/, /e/; (3) la réapparition ou la présence 'illégale' de /(/, liée àun cliché mélodique; (4) l'opposition /+/vs. /œ/; (5) le comportement de /k/, /g/ devant s/z + consonne; (6) le dévoisement des voyelles fermées devant pause; (7) le comportement de /p/ devant M en syllabe fermée; (8) la place de l'accent (stress) dans l'énoncé. - Les mesures physiologiques et acoustiques des réalisations des phonèmes en question sont accompagnées de tests sémantiques. - A partir des résultats obtenus les variations sont réenvisagées sous l'angle de la diachronie.



Notes

1. Les mesures spectrographiques ont été faites sur le 'Voice Identification 700' du Laboratoire de Phonétique de l'Université de Paris VII (directeur: Georges Boulakia). Pour une présentation détaillée des méthodes et des résultats voir Boulakia et Fónagy en prép.

2. Il ressort d'une analyse des fautes d'orthographe d'enfants hongrois que l'omission de la marque de longue durée est beaucoup plus fréquente dans le cas des voyelles qui tendent à s'abréger que pour des longues voyelles à durée stable (Fónagy I. et P. 1971).

3. Les sujets du test étaient des lycéens hongrois de Budapest, des deux sexes. Je remercie les professeurs Etel Takács et lamas Szende de la réalisation des deux séries de tests.

4. Voir article traitant de la diversification de la prononciation dans le français contemporain (1983, p. 541-549).

5. Pour un complément d'information voir l'article sur les clichés mélodiques du français parisien (Fónagy I. et J., Bérard E. 1983, p. 153-185).

6. Desgrange note dans son Petit dictionnaire du peuple (1821): heume pour homme (p. 180) (voir Henriette Welter 1976, p. 270; voir encore Thurot 1881, tome 1. p. 268 ss).

7. Voir l'article de Pierre R. Léon consacré à l'interprétation phonétique de la graphie du livre de Queneau intitulé Zazie dans le Métro 1971, p. 159-173).

8. Pour plus de détails voir le volume 15 de la série des Studia Phonetica (Fónagy, I. et Léon, P. éds. 1980).

9. Nous sommes en train, avec Georges Boulakia, de réaliser ces projets.

10. Je reconnais bien volontiers ma dette envers le Prof. Eli Fischer-Jorgensen qui a relu d'un œil amical et critique la première version de cet article. Elle n'est nullement responsable des fautes et erreurs de cette deuxième version.

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