Revue Romane, Bind 24 (1989) 2Le déterminant possessif et les compléments adnominaux en de*par Inge Bartning 1. Introduction
II est bien connu que le syntagme nominal: (1) sa photo peut présenter la même triple ambiguïté que: (2) la photo de Martine à savoir: (2') la photo que M. possède (Possessif) On sait aussi qu'il y a d'autres possibilités d'interprétation, à savoir des interprétations (2") la photo dont M. parle toujours Dans ce qui suit, nous avons l'intention de faire une étude systématique du parallélisme entre le déterminant possessif et les compléments de nom en de ( == désormais CAD) en prenant comme point de départ les différents types de relations entre le déterminant possessif ( = le Dét Poss) et son nom tête ou entre le NI et le CAD. Les questions que nous aimerions poser sont les suivantes: - quand un CAD donne-t-il lieu à un Dét Poss? Quelles sont les - quand un Dét Poss a-t-il un CAD correspondant?
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- le Dét Poss a-t-il un 'cas' préféré? Avant d'entamer cet examen, nous présenterons quelques généralités sur le fonctionnement du déterminant possessif et nous proposerons une hypothèse concernant trois stratégies d'interprétation qui semblent être en jeu dans les deux types de constructions . GénéralitésLe possessif est un déterminant, puisqu'il paraît en position initiale du syntagme nominal; il forme avec son nom tête un SN syntaxiquement complet (cf. Godard 1986). Par sa forme il est en relation systématique avec les pronoms personnels . Du point de vue sémantique, le syntagme possessif est une description définie augmentée d'un restricteur adjoint personnel (cf. Kleiber 1984). La référence véhiculée par le déterminant possessif peut être anaphorique, (1) Les éclairs du néon éclatent autour du visage de la jeune fille. Ils vont trouer (2) Ehistoire de ma vie n'existe pas (Duras, l'Amant, 1985, p. 14) (3) Plus encore que sa jeunesse et que son aisance, ce qui me parut, l'autre soir, Le syntagme nominal dont le Dét Poss fait partie peut être spécifique ou (4) Dans quelques minutes il signera son livre. (5) L'adolescent, en général, partage peu ses problèmes, estime-t-on à l'Association 2. HypothèsesDans Bartning 1987 et à paraître, nous avons esquissé une hypothèse concernant trois stratégies d'interprétation des SN contenant des CAD en de. Il est tentant d'étendre ici l'application de ces stratégies hypothétiques au domaine du Dét Poss. 1. Ainsi nous postulons une première stratégie interprétative qui se (6) 'NI est associé à N2' ou 'le Dét Poss ou un «possesseur» est associé à Nl' (cf. Curme 1931, Worrell Shumaker 1975)
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C'est, par exemple, ce que propose Lyons 1977 pour les SN X's N: «X's Y Exemple: (7) A supposer que les Palestiniens évacuent Beyrout, reconnaît-on à l'Elysée, le L'interprétation du SN dans (7) est donc 'le problème qui est associé au Pour les SN contenant un déterminant possessif il y a surtout un cas qui (8) C'est leur bonheur qui engraisse les porcs (Togeby 1982) où l'on n'a pas encore identifié le(s) réfèrent (s) du Dét Poss au moment d'interpréter le premier SN, on sait seulement que 'le bonheur est associé à quelques individus'. L'interprétation complète du syntagme n'est faite que lorsque le SN coréférentiel les porcs apparaît. 2. Après cette première stratégie il y aurait deux possibilités: ou bien on essaie d'appliquer une des interprétations prototypiques suivantes dues aux relations sémantiques (ou 'argumentatives') entre le NI et le N2 (voir la Figure 1 ci-dessous) ou entre le Dét Poss et son nom tête, au sémantisme du N2 et du NI ainsi qu'aux connaissances extralinguistiques des référents des deux noms. Ces interprétations sont exprimées par un connecteur ou relateur verbal du type AVOIR, FAIRE, ETRE, etc. (Dans les nominalisations ce connecteur verbal est explicite) : A. Les SN dont le N2 ou le Dét Poss sont interprétés comme 'sujet': Martine a une maison / la maison de Martine / sa maison Sartre a fait un livre / le livre de Sartre / son livre la maladie est grave / la gravité de la maladie / sa gravité
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le visage vieillit / le vieillissement du visage / son vieillissement B. Les SN dont le N2 ou le Dét Poss sont des 'objets': (X) décrit le théorème / la description du théorème / sa description Le portrait représente Mona Lisa / le portrait de Mona Lisa / son portrait C. Les SN dont le N2 ou le Dét Poss ont une interprétation locative: les monuments se trouvent à Paris / les monuments de Paris / ses monuments Comme nous allons le voir il y a pourtant beaucoup de restrictions sur l'emploi (9) l'ignorance de la langue russe /*?son ignorance (Guillaume 1919) (10) le soldats français du Tchad /*ses soldats (Godard 1986) 3. Ou bien, quand les interprétations prototypiques ne suffisent pas pour décoder le SNI de SN2, l'interprétation se fera selon le contexte qui viendra compléter la place vide d'un verbe ou d'un opérateur (cf. G. Gross 1986) ou un verbe approprié (cf. Fradin 1986, p. 129) selon le schéma:
(11) le chien de Sophie / son chien Dans un contexte où l'interprétation AVOIR, FAIRE, etc. n'a pas de sens, on essaiera SOIGNER, PARLER DE, etc. selon les contextes. Le lien entre le NI et le N2 est purement contextuel, n'est lexicalement inscrit ni dans le sémantisme du NI ni dans celui de N2 (cf. la lecture actantielle de Fradin 1984 a,b). Une telle stratégie sera nécessaire pour les Dét Poss appelés 'non récupérables'
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(12) son restaurant = le restaurant qu'il aime bien, qu'il nous a recommandé (13) Ton Platini a encore fait un mauvais match = Platini dont tu parles toujours, (14) Kévolution s'est réalisée antérieurement, notamment de mon temps (Fabius Parmi les cas contextuels il nous semble y avoir surtout deux types, dont (15) le cheval de Jean / son cheval = le cheval que Jean est en train de monter
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3. Le rapport entre le déterminant possessif et les compléments en de selon les différents types interprétatifsLes types interprétatifs pour les CAD en de ont été présentés et discutés dans une étude antérieure, cf. Bartning 1987. Ici nous allons les prendre comme point de départ pour voir dans quelle mesure cette typologie interprétative est pertinente aussi pour les Dét Poss: Y a-t-il parallélisme entre les deux constructions? Y a-t-il des cas où une seule construction peut se réaliser? On peut tout de suite signaler des cas de non-parallélisme tels que: (16) mon chapeau /*le chapeau de moi (17) Martine est à son aise /Taise de Martine Dans ce qui suit nous allons examiner les types interprétatifs subjectifs 3.1 Les types relationnels subjectifsPour les N-CAD subjectifs (groupes 4-7 de la Figure 1 ci-dessus) nous avons
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Gr. 4: le rasoir ronronne / le ronronnement du rasoir Gr. 5: a) l'enfant a un visage / le visage de l'enfant b) l'appartement a une porte / la porte de l'appartement Gr. 6: Sartre a fait les (des) livres / les livres de Sartre Gr.7 a) la terre est un globe / le globe de la terre b) l'opéra est un phénomène / le phénomène de l'opéra c) le quartier est calme / le calme du quartier Comme il ressort de ce tableau, les types subjectifs sont ceux dont le N2 équivaut à un sujet dans la phrase parallèle et qui, de ce fait, s'interprètent comme des sujets dans le syntagme N-CAD. Les caractéristiques des noms tête et des N2 de ces types sont les suivantes: a. les NI du gr. 4 sont des nominalisations déverbales, processives ou stables. b. les NI et les N2 des N-CAD possessifs (gr. 5) sont des noms concrets ou c. les NI du groupe 6 sont des noms d'objet et les N2 pour la plupart un d. les N-CAD appelés 'attributifs' ont des NI qui sont des noms classifieurs
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Tous ces CAD donnent facilement lieu à un Dét Poss sauf les cas de 7a + (18)a. La boîte de vitesse avait engourdi mes pieds de son ronronnement bouillant. (19)a. Ton fils est nul en maths! (gr. 5) b. /.../ celui qui omet de signaler le vol de sa voiture, de son chéquier, de ses papiers d'identité s'exposerait à beaucoup de problèmes (EXPR 15 Oct. 1986) (gr. 5) (20)a. Pialat a tourné son premier film, 'l'Enfance nue', à 42 ans. (NO 1190, p. (21)a. Le garçon avait atteint le fond àtson impatience (JHu 126) (gr. 7c) Commençons l'analyse des types subjectifs en examinant la distinction entre
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Pour les contextes de ces SN, acceptables et non acceptables, voir Appendice. 3.1.1 Le Déterminant possessif comme sujet ou agent (gr. 4 et 6)La distinction entre le type 4 et le type 6 a déjà été proposée par Milner 1982. Il considère le premier comme un cas Génitif et le second comme un groupe prépositionnel à cause de leur comportement différent selon les trois critères, à savoir l'emploi attributif du N2, le déterminant indéfini et l'emploi du pronom fort au lieu du N2: (22)a. *la venue est de Marie (type 4) (23)a. *la rencontre de lui (type 4) (24; a. *la rencontre de lui (type 4)
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On peut constater que c'est dans le type 4 et plus précisément dans l'interprétation processive des nominalisations qu'il y a le plus de contraintes (cf. (22)-(23)). L'interprétation stable des mêmes groupes accepte par contre les constructions en question: (25) la description est de Marie (26) une description de Marie (27) la description d'elle Selon Milner 1982 et Godard 1986, la différence de comportement dans les exemples a) et b) de (22)-(24) est due au fait que le groupe agentif est un groupe prépositionnel et le génitif subjectif un groupe nominal. Pour ensuite expliquer le rapport entre les CAD et le Dét Poss, Godard maintient la distinction entre les CAD qui sont des GP et ceux qui sont des GN. Cette hypothèse pose cependant des problèmes: Selon Godard, les CAD qui donnent lieu au Dét Poss sont justement ceux qui sont syntaxiquement des GN. Or, les CAD, dans (22b)-(24b), du type agentif sont des GP dans son analyse et donnent, malgré ce fait, lieu au Dét Poss: (28)a. les jardins de le Nôtre - ses jardins (gr. 6) Godard propose la solution suivante: «II faudrait alors admettre que certains Il y a encore des problèmes et Godard elle-même les signale: il y a deux - a) les CAD attributifs (notre type 7a) tels que (29)a. la ville de Paris /*sa ville - et b) les CAD objets dans les nominalisations dans l'interprétation processive (notre type 1) (voir pourtant la section 3.2: la possibilité de ces CAD d'être pronominalisés par un Dét Poss varie beaucoup, cf. (30b et e)): (30)a. la démonstration de ce théorème dure depuis ce matin (Godard)
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Ces faits montrent qu'il faut conclure que la solution qui consiste à dire De plus, selon Godard, les CAD Agent d'une nominalisation (cf. l'arrivée de Paul a été discrète, notre gr. 4), les CAD possessifs et les CAD Thème avec un N de Propriété {la stupidité de Paul me navre, notre gr. 7c) qui sont tous des GN / + Gén/, sont toujours générés en position de sujet. D'autres CAD peuvent être générés dans deux positions, celles de sujet ou d'objet, et parmi ceux-ci nous retrouvons, entre autres, notre type Agent {le livre de Sartre, gr. 6). Un troisième type de CAD inclut ceux qui sont toujours générés en position d'objet. Il s'agit des GN objets du type la. Regardons maintenant les groupes 4 et 6 à la lumière des faits et des règles données par Godard. La différence entre ces deux types serait donc que les CAD du gr. 4 seraient toujours générés en position de sujet en tant que GN tandis que les CAD du gr. 6 peuvent être ou bien des GN ou bien des GP et se trouver dans les deux positions. Ces deux types de CAD donnent facilement lieu à des Dét Poss comme nous l'avons vu. Les traits aspectuels processif/stable des Nominalisations des NI du gr. 4 n'influencent pas la possibilité d'avoir un déterminant possessif: il est accepté dans les deux types d'interprétation: (31) la démonstration de Bourdieu a duré toute la matinée. (32) Sa démonstration a duré toute la matinée. (33) La démonstration de Bourdieu se trouve à la fin du livre. (34) Sa démonstration se trouve à la fin du livre. En effet, le Dét Poss équivaut à un sujet aussi dans les nominalisations des (35) Depuis son arrivée elle n'avait pas regardé Antoine (FSa 135) (36) II a prédit le temps de sa venue (Petit Robert) II est d'autant plus étonnant de voir chez Godard qu'elle n'accepte pas des (37) ??la démonstration de notre professeur dure depuis ce matin (Godard 1986, mais accepte: (38) l'arrivée de Paul a été discrète (39) la démonstration de ce théorème par notre professeur dure depuis ce matin. Elle explique ainsi Pinacceptabilité de (37) par rapport à (38) et (39):
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vautàun V transitif; le complément qui est parallèle à l'objet d'un V transitif Il faut conclure alors que Godard n'accepterait pas non plus une phrase (37') Sa démonstration dure depuis ce matin. Selon nos informateurs et selon nos résultats, (37-37') sont tout à fait acceptables et les interprétations sujet et agent sont celles qui se présentent le plus fréquemment dans les séquences Dét Poss + Nominalisation ou Dét Poss + Nom d'objet. Je me demande si le refus de ces phrases par Godard n'est pa dû au fait qu'elle donne une règle trop forte, qu'elle veut commune pour les verbes et les noms: le problème est, cependant, que les nominalisations ne se comportent pas toujours comme les verbes: «(...) si le N et le V constituent, à un certain niveau de l'analyse, une même unité lexicale, ils ont les mêmes propriétés de sous-catégorisation; le GN objet étant obligatoire avec démontrer, il l'est également dans le GN (cf. (39))» (Godard 1986, p. 110). Concluons que pour le gr. 4 et ses deux interprétations ainsi que pour le gr. 6, nous n'avons pas trouvé de restrictions sur le Dét Poss, sauf pour, si l'on l'accepte, l'interprétation possessive proposée par Milner 1982 des cas comme *ma venue. Nous avons, pourtant, du mal à voir comment un tel nom peut avoir une interprétation possessive du tout. 3.1.2 Le Dét Poss dans son interprétation possessiveLes interprétations possessives du Dét Poss et des CAD possessifs sont les cas canoniques de nos constructions étudiées. C'est cette interprétation, on le sait bien, qui a donné le nom au déterminant, même si celui-ci peut exprimer toute une panoplie d'autres interprétations avec son N (voir la Figure 2). Nous prenons le rapport de possession dans un sens plus large que celui de la possession juridique. C'est la relation canonique de possession dont on peut trouver les variantes suivantes: 'N2 possède Nl', 'x est apparenté à Y', 'x a y comme partie constitutive', etc. (Cf. Bartning 1987, Milner 1982). Le CAD et le Dét Poss de la relation possessive équivalent tous les deux à un sujet et le prédicat 'couvert' qui lie les deux arguments est AVOIR. Dans ce type interprétatif nous retrouvons des SN à N2 animé (gr. sa) et des N2 non animés (gr. sb). Les deux groupes 5 peuvent avoir une interprétation inaliénable (lesyeux de Martine, le tronc de l'arbre) et une autre qui est aliénable (la voiture de Martine, les bibelots du salon). Parmi ces derniers nous comptons aussi un type possessif dispositionnel comme dans le garage de la voiture, la cage du lapin (cf. Platzack et Platzack 1983).
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Comme nous l'avons vu, on a rapproché (Milner 1982, Godard 1986) les CAD possessifs des génitifs subjectifs et objectifs parce que ces trois types de CAD ont réagi de la même manière aux critères suivants: 1) l'emploi attributif du N2, 2) l'emploi du déterminant indéfini et 3) la pronominalisation de N2 en de + pronom6. Ces trois emplois ont été refusés par les trois types concernés par opposition aux interprétations Agent (gr. 6) et objet avec un NI iconique (gr. 3). On les a donc considérés comme des SN au cas génitif par opposition aux gr. 6 et 3, par exemple, qui seraient des groupes prépositionnels Or, ces trois critères n'isolent pas les trois types en question à l'intérieur (40) *une gravité d'un regard (gr. 7c) (41) *un phénomène d'un opéra (gr. 7b) II y en a d'autres qui les acceptent: (42) II (Le Général de Gaulle) se heurte à un refus brutal de Gomulka. Il y a même des hésitations concernant le critère du déterminant indéfini. (43)a. ?un fils du voisin (Milner 1982) Le fait que le type possessif n'accepte pas l'emploi attributif s'est reflété (44)a. *la maison est de Pierre Ainsi Langacker (1968) a proposé la préposition à dans le même type de (45) la maison qui est à moi et Kayne 1977 (cf. note 5): (46) la maison à toi et on voit que la préposition à ne se prête qu'à l'interprétation possessive (cf. Milner 1982, p. 91). G. Gross 1986 propose une analyse des CAD possessifs «comme la résultante d'une relative comprenant un des emplois du verbe avoir»: (47) Ma voiture = la voiture que j'ai
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Pour les cas des noms de parenté du type: (48)a. l'ami de Paul il est évadent qu'il s'agit d'un autre sens du verbe avoir. Ceci peut être illustré par le fait que la construction être à X, qui tout à l'heure était exclusive pour les vrais possessifs, est exclue pour les noms de parenté: on ne possède pas une personne (cf. Milner 1982, p. 92-93, note 1): (49)a. "cet ami est à moi Par contre la construction N (Nom de parenté) à moi sans être est possible: (50)a. un ami à moi Cette construction est aussi possible avec d'autres types de NI pour exprimer (51)a. un portrait à Pierre (Milner) En revanche on n'a pas: (52)a. *un pied à une table (Milner) L'explication de Milner 1982, p. 92 est que «parmi les emplois du Possessif à répond à un sous-ensemble: la possession aliénable ou inaliénable par un être animé, à l'exclusion des relations de connexions élargies aux Inanimés.» (Pour l'impossibilité de (52d) et *les pieds au garçon, voir Fradin 1984b, p. 345). Chez Godard 1986, les cas des Noms de parenté tels que: (53) l'ami de Paul sont rangés parmi les N relationnels à côté des Noms en -eur comme dans: (54) l'admirateur de Balzac Les N relationnels chez Godard sont analysés comme les Nominalisations
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(55) la démonstration de ce théorème Ces trois types (53)-(55) ont, selon Godard, tous un GN objet et ces GN objet sont des objets sous-catégorisés. Or, il nous paraît difficile, au point de vue sémantique, d'accepter pour tous les noms de parenté et surtout pour les noms qui désignent une hiérarchie sociale, une interprétation objet. Si on considère un nombre plus élevé d'exemples, on a du mal à voir une relation d'objet entre le NI et son complément: (56)a. la tante d'Aurélie b. le patron de Marc c. l'employé d'André d. le mari de ma voisine e. le professeur du garçon Selon nous, les noms de parenté ainsi que les noms d'une hiérarchie sociale sont liés à leur CAD par un prédicat AVOIR dans le sens faible (nonpossessif) de celui-ci. On pourrait appeler ces cas un 'génitif sociatif qui indique une relation d'appartenance parentale ou sociale. La relation d'appartenance, telle qu'elle est exemplifiée par les noms de parenté, est une relation réciproque: le fils du père = 'le père a un fils, le fils a un père' tandis que la relation de possession est une relation unilatérale: la maison du père = le père a une maison. Fradin 1984b considère ces cas d'appartenance comme non possessifs parce que «(...) c'est le caractère + humain de Ni(Nl) qui rend impossible la lecture possessive: on ne possède pas une personne, sauf bien entendu, si elle est explicitement définie par ce rôle (cf. esclave, serf (...))». 3.1.3 Les cas contextuels et les SNpossessifsSous la dénomination de 'cas non-récupérables', G. Gross 1986 et Godard (57) Ton Platini a encore fait un mauvais match (G. Gross 1986, p. 99) Une paraphrase avec être est exclue ainsi qu'une relation possessive. Il n'y a pas non plus parallélisme avec un de + N2. (Ceci n'exclut pas, nous l'avons vu, la possibilité d'un N-CAD contextuel de donner lieu à un Dét Poss, cf. le chien de Sophie - son chien). Pour l'interprétation de tels syntagmes, G. Gross a proposé de postuler une place vide pour un opérateur, c.-à-d. «un opérateur de discours ou le verbe le plus approprié à une situation donnée» (p. 100), que le contexte viendrait compléter. En nous inspirant de cette hypothèse, nous avons proposé la stratégie 3 de notre modèle hypothétique pour l'interprétation des Dét Poss et les N-CAD. Plusieurs linguistes ont montré que íes SN à interprétation possessive sont des SN statifs, paraphrasables par AVOIR, (cf. Milner 1982, Platzack &
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Platzack 1983) par opposition aux SN dynamiques paraphrasables par (58) mon livre II y a une autre distinction qui concerne la relation possessive, à savoir A) il y a rapport essentiel entre les noms quand la relation est nécessaire, (59)a. Les yeux de Françoise sont bleus. B) il y a rapport accidentel quand la relation est non nécessaire, temporaire, (60)a. La voiture de Pierre est neuve, La différence entre les cas A) et B) peut être illustrée par des relations a) J'ai lavé les bras de Catherine. Pour les cas de A) la relation est déterminée par le nom tête, c.-à-d. le NI (61) Le toit de la maison est peint en rouge. tandis que pour les cas B) le nom tête n'est pas aussi décisif pour la relation (62) le chien de Sophie Un SN essentiel est le plus souvent non ambigu parce que justement le NI exprime une partie nécessaire du N2. En revanche, un SN accidentel est facilement ambigu ou polyvalent parce que le NI n'est pas partie constitutive du N2. Les cas appelés contextuels dans notre modèle sont des SN accidentels théoriquement polyvalents pour lesquels nous avons proposé la stratégie 3 qui est une stratégie pragmatique: il faut connaître les circonstances extralinguistiques pour pouvoir déchiffrer les SN en question:
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(63)a. Voyez Mme Barzach, la sainte patronne des médecins, leur protectrice. Ce (63)b. Eévolution s'est réalisée antérieurement, notamment de mon temps (L. (63)c. Il nous a montré son restaurant, (le restaurant où il va normalement) (63)d. Pour revenir à mon dîner, on y a naturellement beaucoup parlé de l'Académie II y a parmi ces cas deux types, comme nous l'avons déjà fait remarquer, l'un avec un sens habituel (cf. 63c), l'autre avec un sens temporaire (63d). Les cas habituels, souvent avec un aspect itératif, sont ceux que les dictionnaires appellent 'cas sans idée de possession réelle' (Lexis, p. 1679). Les cas temporaires, comme ceux de (63a,b et d) sont les vrais cas contextuels . Concluons que les types relationnels possessifs sont des SN inaliénables ou aliénables (cf. gr. 5a + b) avec des relations surtout essentielles (plus rarement accidentelles) entre les deux entités nominales. Il est banal de constater qu'il y a parallélisme presque total entre un N-CAD et un Dét Poss possessif: le CAD donne lieu au Dét Poss et le Dét Poss peut être reconstitué par un CAD en de. Il n'y a donc pas de restrictions sur l'emploi du Déterminant possessif possessif. En revanche, les cas contextuels, qui mériteraient une étude approfondie, sont des SN dont la relation entre les unités référentielles véhiculées par le Dét Poss et le NI est uniquement accidentelle ou temporaire. Dans ces cas il n'est pas toujours possible de reconstituer le Dét Poss par un CAD (cf. 63d) *le dîner de moi) et le connecteur n'est plus AVOIR mais un relateur 'ouvert'. Précisons finalement qu'un N-CAD contextuel ne donne pas toujours, lui non plus, lieu à un Dét Poss comme le montrent les exemples suivants: (63)e. Les enfants-vieillards de la faim endémique, oui, mais nous, non, nous n'avions pas faim, nous étions des enfants blancs, nous avions honte, nous vendions nos meubles, mais nous n'avions pas faim, (...) (M. Duras, 1985, L'Amant, p. 13) /*?ses enfants-vieillards (relateur: 'souffrent') 3.1.4 Les N-CAD et le Dét Poss attributifLes SN exprimant la relation attributive se caractérisent tous par le fait qu'ils sont paraphrasables par une proposition à verbe ETRE.et ces paraphrases constituent une présupposition aux SN en question. Ces SN sont paraphrasés par ou bien N2 être NI ou N2 être Adjectif donnant les sous-groupes suivants: (64) Le scandale d'lrangate a ruiné sa carrière (Irangate est un scandale) (gr. 7a) (65) Le problème de l'opéra n'a pas encore été résolu (l'opéra est un problème)
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(66) On ne parlera jamais assez des vertus, des dangers, de la puissance du rire II a déjà été signalé que le type 7a ne donne pas lieu au Dét Poss. Godard (67)a. la ville de Paris /*sa ville Les SN du groupe 7b, qui contiennent comme NI des noms classifieurs, (68)a. La question des rythmes scolaires est également essentielle (Le Point 781, En revanche le type 7c admet la pronominalisation possessive: (69)a. Voilà bien la précarité de l'enfance, malgré tant de mises en garde; (IMo Voici des cas authentiques de pronominalisation: (70)a. Le garçon avait atteint le fond de son impatience. (JHu 126) La facilité des SN du groupe 7c de donner lieu à un Dét Poss peut s'expliquer (71)a. la majesté des volcans b. les volcans, leur majesté c. les volcans ont de la majesté d. les volcans sont majestueux Cette proximité parlerait en faveur d'une analyse des SN de 7c comme un
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(72)a. la gravité du regard (le regard a de la gravité / il y a de la gravité dans le regard) Ces tests parlent en faveur d'une analyse du groupe 7c comme un groupe Les SN du type 7a +b, par contre, ne sont pas en relation étroite avec la structure possessive et le fait qu'ils refusent le Dét Poss trouve ainsi un début d'explication (cf. *le stress a un phénomène, *les rythmes scolaires ont une question). Une autre explication serait la relation d'identité qui sert de lien entre le NI et N2 et le N2 et le NI dans les cas de 7a + b: (73)a. le phénomène de l'opéra / l'opéra est un phénomène La relation d'identité semble exclure l'idée qu'une des notions détermine l'autre. Cependant, si l'un d'eux a une force référentielle plus grande que l'autre, c'est plutôt le N2 parce qu'il occupe le plus facilement la place référentielle, celle du sujet logique dans la paraphrase parallèle (cf. Kleiber 1981, Bartning 1987 et Boone, à paraître). Godard 1986, p. 109, constate le non-lieu du déterminant possessif dans ces cas malgré le fait que ce sont des GN et non des GP dans son analyse. Nous aimerions tenter une autre explication: on considère en général en linguistique (cf. Platzack & Platzack 1983) que le rôle du génitif est d'exprimer une différence entre les deux référents, une frontière. Dans les yeux de Martine I ses yeux, il y a une différence entre le possédé et le possédant, dans la décision du gouvernement I sa décision, il y a une différence entre l'action et l'agent et dans la déception de l'adolescent I sa déception (gr. 7c), une différence entre l'expérience vécue et le patient. Par contre dans les exemples de (64-65), (67-68) et (73) il n'y a pas de différences, pas de frontières, entre les deux noms car le NI est un N2 ou vice versa. Il s'ensuit que la pronominalisation en Dét Poss n'a pas de SN référentiellement 'dominant' sur lequel elle puisse opérer. Un cas spécial d'un Dét Poss + NI qui n'a pas de source en un CAD,
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(74)a. Ne fais pas ta mystérieuse (cf. Togeby 1982, p. 437) (= tu es mystérieuse) Le point commun avec les cas du groupe 7c est que le Dét Poss détermine Nous aimerions conclure sur les SN attributifs en disant que si on accepte la classification des modifieurs nominaux en trois catégories fonctionnelles proposées par, par exemple, Warren 1984 en compléments descriptifs, identificatoires et classificatoires, on peut y voir un certain type d'explication du comportement des CAD des gr. 7a-c par opposition à celui des autres CAD. Considérons les cas suivants: (75)a. la table d'un bois clair (76)a. la ville de Paris (77)a. la maison de Jean On a l'habitude d'appeler les CAD sous (75) des CAD qualificatifs puisque le CAD décrit le réfèrent de NI; la fonction des CAD dans (76) est celle d'une classification entamée déjà par le NI qui est un nom classifieur; la fonction du CAD dans (77) est de répondre à la question Quel NI? et on identifie le réfèrent du NI à l'aide de celui du CAD. Il ressort des exemples (75)-(77) que les seuls cas, ci-dessus, qui donnent lieu au Dét Poss sont les CAD à fonction identificatoire. Les CAD à fonction descriptive et classificatoire refusent le déterminant possessif car ces N-CAD ne véhiculent pas deux référents différents, comme le font les N-CAD identificatoires, mais ils caractérisent ou classifient le nom tête: (78)a. la table d'un bois clair /*sa table (79)a. la ville de Rouen /*sa ville Pour conclure toute la section sur les types interprétatifs subjectifs, nous pouvons constater qu'il n'y a que les types 7a + b qui ne donnent pas lieu au Dét Poss. Les deux types sont des CAD classificatoires où le N2 indique une espèce qui est identique au nom tête ou quelque chose qui est classine par le nom tête. De plus, le trait + humain du N2 favorise la possibilité d'avoir un Dét Poss: dans les types de relations qu'expriment les groupes 7a et b, il est
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rare, si non impossible, d'avoir une personne comme réfèrent véhiculé par Tous les autres types subjectifs donnent lieu au déterminant possessif (cf. gr. 4,5,6 et 7c) et leur fonction est d'identifier le réfèrent du N2 qui détermine le NI. Les N2 des groupes 4, 5a et 6 et parfois 7c sont aussi des noms humains. 3.2 Les types relationnels objectifs (gr. 1,2,3)3.2.1 GénéralitésSeront traités sous cette rubrique les SN contenant des noms tête qui sont Pour les N-CAD objectifs des groupes 1-3 de la Figure 1 nous proposons Gr. la:
IXf manipule les crises / la manipulation des crises Gr. lb.: /X/ aime le risque / l'amour du risque
Gr. 2: , /X/ admire Flaubert / l'admirateur de Flaubert Gr. 3: l'image /REPRESENTE/ l'enfant / l'image de l'enfant II ressort de ce tableau que les types interprétatifs objectifs sont ceux dont Les NI du gr. la sont des nominalisations verbales désignant un procès ou
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Les NI du gr. lb sont des noms de sentiment tels que l'amour, la haine, la Les NI du gr. 2 sont des noms d'agent tels que le conducteur du camion, Les NI du gr. 3 sont des noms iconiques tels que le portrait, la photo, le tableau Tous ces SN peuvent, sous certaines conditions, donner lieu à un Dét Poss mais ils n'ont pas tous les mêmes propriétés. Il y a beaucoup de restrictions sur les gr. la-b. Les possibilités d'avoir un Dét Poss comme objet sont, d'une manière générale, beaucoup plus restreintes que celles de l'avoir comme sujet (cf. G. Gross 1986). (Pour les restrictions d'autres modifieurs de noms jouant le rôle d'objet, voir Bartning 1987.) 3.2.2 Le groupe laConsidérons d'abord le gr. la dont les NI sont des nominalisations verbales avec leurs deux possibilités de lectures, les interprétations processive et stable. A la différence des nominalisations avec des CAD sujet (cf. 3.1.1) ces traits aspectuels semblent, à première vue, avoir un effet sur la possibilité des CAD de donner lieu à un Dét Poss. Pour illustrer sa thèse selon laquelle seules les nominalisations stables acceptent le Dét Poss 'objet', Godard 1986 donne les exemples suivants: (80)a. La démonstration de ce théorème dure depuis ce matin (Godard) (81)a. J'ai lu la démonstration de ce théorème dans ton livre (id.) Précisons que le NI dans (80a-b) n'est pas une nominalisation proprement dite chez Godard mais un GN processif, c.-à-d. un type interprétatif exprimant un procès «qui est envisagé dans son déroulement» (p. 111). (81) est encore moins une nominalisation pour Godard, car le nom exprime le résultat du procès et non le procès lui-même. Dans son analyse, les SN de (80) et (82) sont appelés des GN processifs: (82) ?le projet concernant le nouvel Opéra de la Bastille est réexaminé; sa Et elle conclut qu'«on voit que les GN objets dans les GN processifs ne peuvent apparaître comme des possessifs». Comme les acceptabilités sont très délicates dans ce domaine, il peut être intéressant de comparer les résultatsde Godard en ce qui concerne les lectures des nominalisations à d'autres traitements. Est-ce que vraiment l'opposition aspectuelle des nominalisations
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stables/processives contient une réponse aux restrictions du Dét Poss dans Considérons par exemple ce qu'en dit Anscombre 1986, p. 11, à propos de ce qu'il appelle, lui, noms cycliques résultatifs. Il propose six tests différents dont les contextes doivent montrer si un nom d'action désigne l'action ellemême ou son résultat. Nous ne retenons que trois des contextes de son analyse: 1. La combinaison avec certains verbes permet de séparer les deux types (83)a. Nous allons procéder à la facturation des frais (Anscombre) (84)a. Nous allons procéder à la résolution du problème (id.) 2. La combinaison avec certains adjectifs: hâtif, formel, difficile qualifie le déroulement d'une action. Ces adjectifs se combinent donc avec les noms processifs. En revanche les adjectifs du type prometteur, illisible, exact «concernent principalement des résultats d'action»: (85)a. La solution de ce problème est exacte (Anscombre) (86)a. ?? La solution de cette équation est difficile (id.) 3. Le test de «la durée permet de déterminer ceux des noms d'action qui (87)a. Le cuvage du vin a pris plusieurs années (Anscombre) Ces trois contextes déclenchent donc tantôt l'interprétation processive des noms désignant une action, comme dans (83a), (84a), (85b) et (87a) tantôt l'interprétation stable des noms désignant le résultat comme dans (85a) et (b). Considérons les possibilités d'apparition d'un Dét Poss à la lumière des données présentées par Anscombre. Or, contrairement aux résultats de Godard, nous avons montré que par exemple (82) est acceptable et, à ce qu'il paraît, les noms cycliques résultatifs ou processifs d'Anscombre acceptent aussi le Dét Poss objet: (88)a. Nous allons procéder à la facturation des frais,
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(89)a. Nous allons procéder à la résolution du problème, (90)a. La résolution de cette équation est difficile, (91)a. Le cuvage du champagne demande trois ans. Il ressort de ces faits qu'il serait malheureux de proposer comme règle générale qu'une nominalisation dans un SN processif n'accepte jamais de déterminant possessif 'objet'. Les contextes processifs mis en évidence par Anscombre 1986 s'avèrent susceptibles d'accepter ce déterminant (cf. 88b-91b). Souvent un SN contenant une nominalisation stable l'accepte aussi, fait (92)a. La solution de ce problème est exacte. (93)a. Je n'arrive plus à retrouver les pages où il y a la démonstration de ce phénomène, (94)a. Nos manuscrits sont tous des copies. Leur comparaison permet toutefois Ensuite nous avons les expressions du type 'Je pâlis à sa vue' (Racine): (95)a. J'ai galopé dans Paris à sa recherche (Togeby 1982) Ou bien des cas où le nom est dérivé d'un verbe qui se construit avec de ou (96)a. Tu garderas l'appartement, il est très gentil. Mais ton souvenir me le rendrait Comme nous l'avons vu, Godard suit l'hypothèse de Milner en considérant le génitif objectif comme un complément qui est un GN et, de plus, comme un GN qui est généré en position d'objet mais qui est déplacé en position de sujet. Mais, dit Godard, il faut délimiter les objets qui sont déplaçables en position sujet parce qu'il apparaît que la solution qui consiste à dire que ce sont des GN par opposition aux GP n'est pas suffisante. Alors Godard se tourne vers la construction du sens du GN et compare celui-ci aux phrases
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entières. Dans une phrase les arguments sont l'ensemble des sujets et des compléments sous-catégorisés. L'hypothèse est donc que les compléments sous-catégorisés doivent manifester par leur comportement une dépendance vis-à-vis du terme recteur, que ne manifestent pas les compléments non souscatégorisés.Elle étend la notion d'argument au domaine de GN et admet que les sujets sont toujours des arguments. Quant aux objets, «leur dépendancepeut se manifester de plusieurs manières: 1. par leur forme, 2. par le fait qu'ils n'apparaissent pas dans la structure sans être syntaxiquement liés au N, 3. par le fait que leur interprétation est due au N» (p. 112). Les CAD objets qui sont des GN et qui sont par conséquent sous-catégorisés sont de trois types, chez Godard appelés «deux classes de N qui ont un objet GN (...)» (p. 113): 1. les N relationnels a) les N de parenté: (97) un ami de Paul I son ami b) les noms en -eur. (98) l'admirateur de Flaubert /son admirateur 2. les N têtes des Nominalisations qui correspondent à un V transitif dans L'explication donnée par Godard de l'apparition du Dét Poss dans (97) et (98) est que ces GN ont été déplacés en position de sujet tandis que ceci n'est pas possible pour (80b). Les CAD objet considérés comme des GP chez Godard sont-ils aussi sous-catégorisés et, si oui, ce fait a-t-il une conséquence pour le Dét Poss? Normalement un GP objet dans le système de Godard ne doit pas admettre le Dét Poss: (99)a. la descente à la plage /*sa II y a cependant, et maintenant nous arrivons à notre groupe 3, un groupe 3.2.3 Les SN iconiques, le groupe 3Les NI de ce groupe sont des noms iconiques du type portrait, photo, image,
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(100)a. le portrait de la jeune femme au turban / son portrait Ces CAD sont non sous-catégorisés dans l'analyse de Godard, parce que leur forme n'est pas imposée par le terme recteur. Ces N, comme les N relationnels, ont un comportement purement nominal: ils n'imposent pas la forme, ni la position des arguments mais seulement leur type interprétatif. Nous avons voulu donner un résumé assez exhaustif de l'analyse de Godard parce que - il faut l'avouer - les faits ne sont pas faciles à saisir par des règles générales. Nous avons donc vu que la distinction en GN/GP ne peut expliquer la parution du Dét Poss de façon générale. La même conclusion semble valoir pour celle de compléments sous-catégorisés - non sous-catégorisés. Le groupe 3 est un groupe important dans le système N-CAD et, d'après nos résultats, ces CAD peuvent apparaître comme des Dét Poss sans restriction, ou comme des séquences de + pronom fort. Il est tentant de considérer ces CAD comme des vrais GP sans pour autant adhérer à l'hypothèse que les GP ne devraient pas donner lieu au Dét Poss. Un des traits caractéristiques de ce groupe, on l'a vu, est que leurs CAD acceptent la forme pronominale en de lui par opposition aux types possessifs, subjectifs et attributifs: (101)a. Vous ne possédez pas un seul portrait de lui (Simenon cité par Spang- (102)a. *la maison de lui est à vendre 3.2.4 Les N-CAD contenant des noms de sentiment (groupe 1b)Un type de N-CAD à interprétation objet dont on peut constater - à ce qu'il nous paraît - qu'ils ne donnent jamais lieu à un Dét Poss, est le groupe lb qui contient comme noms tête un Nom de sentiment (ou nom affectif, cf. Spang- Hanssen 1963):
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(103)a. Car Bérénice avait le goût de l'absolu (Aragon/S-H) /*son goût Et voici un exemple qui appuie notre distinction entre les types la et lb: (104) Le même mouvement, qui peut porter à l'adoration du ciel ou à la destruction Cette phrase contient deux types de NI différents, adoration = nom de sentiment (gr. lb), et destruction = nominalisation verbale (gr. la) et par conséquent leurs CAD ne donnent pas lieu à un Dét Poss de manière équivalente: le CAD de adoration n'accepte pas du tout le Dét Poss, tandis que ce dernier peut apparaître auprès de destruction. Les Noms de sentiment sont des noms d'état où l'idée verbale du verbe correspondant «est en repos» (cf. Wiberg 1956) et ils ne se construisent pas avec par (cf. Spang-Hanssen, p. 34) par opposition aux nominalisations du type destruction qui, en revanche, est un nom d'action qui accepte la construction en par. Nous avons déjà vu que les nominalisations stables ainsi que la plupart «des processives» peuvent donner lieu au Dét Poss. Un autre groupe voisin de NI dont les CAD ont une interprétation objet sont les «substantifs intellectuels» (cf. Spang-Hanssen 1963) tels que connaissance, doctrine, théorie, idée, opinion et leurs antonymes, ignorance, etc. Leurs CAD n'admettent pas toujours le Dét Poss: (105)a. l'ignorance de la langue russe /*?son ignorance (Guillaume 1919, p. 129) Et on peut ajouter «les noms marquant un genre littéraire ou un contenu» (106)a. la légende de Barbe Bleue /?sa légende On peut alors conclure que les CAD des noms de sentiment ne donnent pas lieu au Dét Poss tandis que pour les substantifs «intellectuels», les acceptabilités sont quelquefois difficiles à déterminer. Cette dernière constatation peut être illustrée par deux exemples, dans un contexte relativement impersonnel, parallèles à (107a) et (b) signalés par Michèle Noailly (communication
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(107)a- Il y a là des dossiers secrets de première importance. Leur connaissance Il est évident que ce groupe demande à être étudié de plus près. 3.2.5 Le groupe 2: Les noms d'agent comme N1Avant d'aborder les types locatifs et temporels, nous voudrions signaler le (108)a. L'admirateur de Flaubert /son admirateur Ces CAD donnent lieu au Dét Poss comme le groupe la auquel ils sont liés mais il semble qu'il existe des restrictions dans cet emploi: la nature du N2 joue; les N2 humains acceptent plus facilement le Dét Poss que les N2 non humains (cf. l'ex. f). On pourrait éventuellement considérer ces types comme des candidats pour la relation possessive, surtout ceux dont le N2 est un nom humain: les lecteurs de Sartre, l'auteur du livre - 'S. a des lecteurs, le livre a un auteur'. On obtiendrait ainsi une raison justifiant leur facilité d'admettre le Dét Poss. Il y a pourtant plusieurs cas qui contredisent cette soluûon: l'assassin du ministre - ??le ministre a un assassini le peintre du tableau - ??le tableau a un peintre. Pour conclure toute la section sur les types 'objectifs', on peut constater Quant au groupe la, nous avons vu que c'est surtout la lecture stable qui donne lieu au Dét Poss (voir les ex. (81b), (92b)). Ce qui peut paraître étonnant,pourtant, surtout en comparant nos résultats à ceux de Godard, c'est que les CAD objet d'une nominalisation processive peuvent aussi donner lieu au Dét Poss comme cela a été montré par les exemples (88b-91b). Evidemmentil reste à expliquer la différence d'acceptabilité entre d'un côté (80b) et (88b-91b) de l'autre qui tous contiennent une nominalisation processive. Ces faits indiquent, à notre avis, que l'explication n'est pas uniquement à chercherdu côté de la distinction aspectuelle du NI mais probablement aussi du
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côté du verbe de la phrase entière, durer pour (80b) et procéder, demander En revanche, les CAD des noms de sentiment (gr. lb) ne donnent normalement On a vu aussi que si un CAD est considéré comme un GP, il ne doit pas donner lieu à un Dét Poss. Une telle analyse serait possible pour les CAD des noms de sentiment. Cependant, cette règle pose des problèmes pour les CAD ayant des noms iconiques (gr.3) car ils acceptent le déterminant malgré le fait qu'ils sont de bons candidats pour le statut de GP, comme le montre leur possibilité d'admettre la séquence de + lui (la photo de Pierre / de lui contre l'amour de Dieu /*de lui). L'opposition GN / GP ne rend donc pas compte du comportement des CAD «objectifs»: dans l'analyse de Godard nos groupes la et 2 sont des GN et, par conséquent, ils doivent accepter le Dét Poss, ce qui est vérifié par nos résultats dans la plupart des cas. En revanche, les CAD des gr. lb et 3 qui sont des GP ne doivent pas donner lieu au Dét Poss, mais ils le font quand même. 3.3 Les types relationnels locatifs et temporels (groupes 8 et 9)3.3.1 Les types locatifsUn SN locatif est un N-CAD dont le complément équivaut à un complément circonstanciel paraphrasable par 'se trouve(nt) à X' dans une phrase parallèle. Le N2 est un nom, commun ou propre, qui réfère à un lieu. L'interprétation locative du SN entier est donc due au sémantisme du N2. Exemple: les soldats français du Tchad = 'les soldats français qui se trouvent Pour analyser ces exemples, Godard donne d'abord le principe de non-redondance, proposé par Milner 1982, selon lequel un GN ou une phrase ne peut avoir deux occurrences du même cas (cf. d'ailleurs Fillmore qui avait déjà formulé ce principe en 1968). Ensuite elle montre que les compléments suivants sont nécessairement des GP puisqu'ils sont compatibles avec le CAD possessif qui, dans son analyse, est un GN marqué du cas génitif: (109)a. ses soldats du Tchad (où ses = de la France) La plupart des N-CAD locatifs, qui sont de deux types différents dans notre I. Le N2 exprime une location:
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(110)a. Jenny résiste de plus en plus à Nieves pour laquelle les séances du balcon 11. Le N2 exprime la direction: (111) Louise remit son chandail rouge et reprit le chemin de la biscuiterie (CEt Comme cela a été signalé ailleurs (Bartning 1987), il est souvent difficile de tracer les frontières entre ce qui est locatif et ce qui est possessif (voir aussi Gunnarsson 1972, p. 36 ss). Il se révèle pourtant que si le NI fait partie intégrante du N2, le CAD peut apparaître comme déterminant possessif (et nous avons là une des définitions de la relation possessive). On pourrait peut-être nommer ce cas un «génitif positionnel non possessif»: (112)a. (...) je m'étais baigné dans l'eau des rivières, à la bonne saison; et l'hiver En revanche les N2 des SN dans (111) expriment tous des locations non permanentes et le NI ne fait pas partie du N2. Par conséquent, le Dét Poss n'est pas possible. (Pour l'impossibilité de *son (de Limoges) usine de Pierre, voir Gunnarsson 1972, p. 80). Ceci va de pair avec l'analyse de Fradin 1984b selon laquelle une relation du type locatif (qui, dans son analyse, a la forme d'un énoncé /N être dans xf lié au N2) ne peut jamais être une relation qu'accepte le Dét Poss: c'est uniquement un énoncé de forme Suite actantielle (x Verbe N) ou (N Verbe x)/ ou Suite non actantielle (x avoir NI) ou (x être avec NI) qui peut mettre en rapport NI et N2.
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Cette constatation vaut aussi pour nos types locatifs (qui ne donnent pas lieu au Dét Poss) ainsi que pour les possessifs (qui, eux, le font) mais guère pour toutes les relations du type /x Verbe N/, comme nous venons de le voir dans la section sur les interprétations «objet». Il y a cependant un emploi locatif amusant du Dét Poss signalé par Togeby (113) Bon alors, ferme ta glace. Ils descendirent de la voiture. (Le Clézio cité par Ce type est dans notre analyse un exemple du cas contextuel: le Dét Poss 3.3.2 Le type interprétatif temporel (gr. 9)Un SN temporel est un N-CAD dont le complément équivaut à un complément circonstanciel paraphrasable par 'avoir lieu au moment (de) X, à un certain point dans le temps', interprétation qui est due au sémantisme du N2. Comme les vrais locatifs, les CAD temporels ne peuvent apparaître comme des Dét Poss puisque ce sont des groupes prépositionnels: (114)a. Le jugement de 1981 diffère-t-il pour l'essentiel, de celui de 1977? (EXPR Pourtant, dans quelques cas, un CAD temporel semble pouvoir donner (115) Devant moi ce feu qui brûle n'est rien auprès des soleils du mois d'août et II y a bien sûr des cas contextuels voisins du type temporel, tels que la jeune fille de la veille = 'la jeune fille qu'il avait vue (rencontrée, tuée, etc.) la veille'. (Pour quelques exemples de ce type, voir aussi Gunnarsson 1972, p.60). 4. Remarques terminalesSi l'on applique aux N-CAD la classification des trois catégories fonctionnellestypiques
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tiquesquisont révélatrices pour l'emploi du déterminant possessif. Sont descriptifsles (116) la curiosité d'un enfant classificatoires les types: (117)a. le phénomène de l'opéra et identificatoires: (118) la voiture du garçon et, grosso modo, les CAD des groupes 1a,2,3,4,5,6,7c. Les CAD descriptifs ou qualificatifs, on l'a vu, décrivent le réfèrent du NI et répondent à la question 'Comment est le Nl?' (la curiosité est comme celle d'un enfant). Les CAD clssificatoires sous-catégorisent le réfèrent du NI en indiquant une espèce qui est identique à celui-ci (le scandale de Watergate) ou quelque chose qui est classine par le nom tête (lephénomène de l'opéra). Ces CAD répondent à la question Quel type, quel genre de NI? Les CAD identificatoires, finalement, identifient le réfèrent de NI en répondant à la question Quel Nil (Quelle voiture? La voiture de Martine I sa voiture). Comme nous avons pu le constater à la section 3.1, les CAD à fonction classificatoire et descriptive ne donnent pas lieu au Dét Poss par opposition aux CAD identificatoires. Nous avons là - peut-être - une première explication au non-lieu du Dét Poss pour les CAD descriptifs et classificatoires (cf. gr. 7a -I- b). Cependant, comme nous l'avons vu à plusieurs reprises, il y a des CAD, parmi ceux qu'on range normalement sous l'étiquette les «identificatoires», qui ne donnent pas lieu au Dét Poss, tels que les CAD des noms de sentiment, les locatifs et les temporels (gr. lb, 8 et 9). Ceci s'explique par le fait que le rôle principal de ces CAD, si on les regarde de plus près, n'est pas d'identifier le NI: le CAD du type lb n'identifie guère son NI (l'amour du risque) mais le complète ou le sous-catégorise par le fait qu'il constitue un argument objet de celui-ci; les CAD locatifs localisent, plutôt qu'ils n'identifient, le réfèrent du NI dans l'espace, tandis que les CAD temporels localisent le réfèrent du NI dans le temps. Et il s'ensuit qu'ils ne peuvent donner lieu à un Dét Poss. Constatons cependant que pour le reste des CAD identificatoires la règle générale est valable. Quant au pouvoir explicatif de l'appartenance d'un CAD à un certain type interprétatif, on peut conclure que les CAD qui apparaissent le plus facilementet le plus souvent comme des Dét Poss sont à retrouver parmi les types subjectifs, surtout dans les groupes 5a + b (Poss) et 6 (Agent) et 4 (sujet). On peut aussi constater que c'est dans ces groupes que l'on trouve le plus souventdes N2 avec les traits + humain (les gr. 4, 5a et surtout 6) et + concret
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(les gr. 5b et parfois 4). Un CAD qui est typiquement enclin à apparaître - interprétation sujet dans les relations x- verbe (nominalisation) (gr. - le N2 ale trait + humain plutôt que non humain (cf. gr. sa, 6, 4 par - le N2 ale trait concret plutôt qu'abstrait (cf. 5b par opposition à lb) En revanche, parmi les types objectifs nous avons des cas nets de non correspondance, tels que lb et certains de la. Les N2 de ces groupes sont justement non humains et souvent abstraits. Par contre, les CAD des noms iconiques du gr. 3 qui donnent lieu au Dét Poss malgré leur interprétation objective ont souvent comme complément un nom humain (cf. la photo de Jean). Quant aux types locatifs et temporels, on a vu que des relations du type 'x
Inge Bartning Université de Stockholm Notes *Cette étude fait partie du projet 'La phrase nominale en français: les compléments en de - étude syntaxique, sémantique et pragmatique'. Elle a été subventionnée par le Conseil Suédois de Recherches pour les Sciences Sociales et Humaines, no F230/87. 1. Je tiens à remercier Michèle Noailly, Brest, de ses remarques précieuses et pertinentes. Nous basons cette étude sur un corpus des constructions SN de SN et Dét Poss + NI tirées de la presse, notamment le Nouvel Observateur et l'Express, et du corpus littéraire de Engwall 1984. Il y a plusieurs domaines de l'emploi du déterminant possessif que je n'aborde pas ici, par exemple son alternance avec l'article défini dans les cas suivants (cf. Guillaume 1919, p. 211): (i) II rabaissa son chapeau sur les yeux, par opposition à: (ii) II rabaissa le chapeau sur les yeux. Pour le type d'alternance dans (iii), voir, entre autres, Kliffer 1984: (iii) Elle avait les yeux luisants/Ses yeux luisaient au soleil. Ealternance en ¡son ne sera pas traitée non plus: (iv) Quand on parle du loup, on en voit la queue, par opposition à: (v) Le loup regarde sa queue: ou: (vi) Déjà il traversait le vestibule, lorsque la porte en fut ouverte (Mauriac) par opposition à: (vii) (...) lorsque sa porte s'ouvrit.
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1. Je tiens à remercier Michèle Noailly, Brest, de ses remarques précieuses et pertinentes. Nous basons cette étude sur un corpus des constructions SN de SN et Dét Poss + NI tirées de la presse, notamment le Nouvel Observateur et l'Express, et du corpus littéraire de Engwall 1984. Il y a plusieurs domaines de l'emploi du déterminant possessif que je n'aborde pas ici, par exemple son alternance avec l'article défini dans les cas suivants (cf. Guillaume 1919, p. 211): (i) II rabaissa son chapeau sur les yeux, par opposition à: (ii) II rabaissa le chapeau sur les yeux. Pour le type d'alternance dans (iii), voir, entre autres, Kliffer 1984: (iii) Elle avait les yeux luisants/Ses yeux luisaient au soleil. Ealternance en ¡son ne sera pas traitée non plus: (iv) Quand on parle du loup, on en voit la queue, par opposition à: (v) Le loup regarde sa queue: ou: (vi) Déjà il traversait le vestibule, lorsque la porte en fut ouverte (Mauriac) par opposition à: (vii) (...) lorsque sa porte s'ouvrit. 2. Cf. Wilmet 1986, p. 108: «Sémantiquement parlant, les possessifs 'atones' allient un article de la série LE à une des trois personnes grammaticales, singulière ('moi, toi, lui/elle') ou plurielle ('nous, vous, eux/elles'), présente ('moi, nous; toi, vous') ou absente ('lui/elle, eux/elles'): mon, ton, son, ma, ta, sa, mes, tes, ses, notre, votre, leur, nos, vos, leurs = 'le/ la/ les x de moi/ toi/ lui (elle)/ nous/vous/ eux (elles)'.» 3. Cf. le passage suivant chez Blinkenberg 1960, p. 275: «Le problème de l'indétermination de deux substantifs réunis à l'aide de de est dominé par le fait qu'il s'agit d'une détermination de caractère tout à fait général, établissant un rapport polyvalent entre les deux notions que la détermination réunit.» Voir aussi Fuchs 1982, p. 25, note 2: 'pour certains, la séquence la photo de Jean est ambiguë (elle peut signifier 'la photo prise par Jean', 'la photo représentant Jean', etc.), tandis que pour d'autres c'est une séquence univoque au niveau de la signification linguistique (elle signifie simplement 'la photo qui est en rapport avec Jean')'. Cf. Guillaume 1919, p. 122. 4. Cf. aussi Spang-llanssen 1963, p. 25 qui dit que «de est de beaucoup la préposition la plus utilisée pour relier deux noms, et les rapports qu'elle est censée exprimer ne se comptent pas. Il faut, néanmoins, essayer de grouper ses acceptions, d'autant plus que la syntaxe des divers compléments introduits par de n'est pas identique.» 5. Les études consacrées au Dét Poss des deux dernières décennies sont pour la plupart syntaxiques et optent pour des solutions transformationnelles. (Pour ce petit aperçu je suis en gros le résumé de l'histoire dérivationnelle du Dét Poss fait par Fradin 1984a, p. 80, note 15.) Deux types de dérivation ont été proposés à l'intérieur de la grammaire generative: une solution entièrement transformationnelle (proposée à l'origine par Langacker 1968): (a) provient de (b) (cf. Ruwet 1972, p. 268) ou de (c) (cf. Kayne 1977, p. 188 ss): (a) mon livre mon bateau (b) le livre de PRO le bateau de PRO (c) le livre à moi le bateau à lui Une dérivation mixte, essentiellement défendue par Milner 1982: la solution transformationnelle est conservée pour les cas où son/sa correspond à un complément d'objet (cf. la découverte du théorème J sa découverte) ou à un agent (cf. la peinture de Manet / sa peinture). Mais pour les cas où le déterminant possessif exprime la possession, comme en (a), la source est (d): (d) moi livre lui bateau où moi, lui occupent la position du spécifieur (cf. Milner 1982, p. 96). Dans cette solution (d) n'est pas forcément basique: quelque chose comme (c) pourrait en effet être la source de (d) (cf. ibid., p. 111). Ajoutons que du côté transformationnel nous avons aussi M. Gross 1977, p. 138, qui propose pour les deux constructions, à savoir les SNI de SN2 et les Dét Poss NI, la source générale suivante: (e) ce N de (N+GN déf, plur) de GN Plus récemment, G. Gross 1986 a proposé, sans pour autant vouloir réduire tous les possessifs à une règle unique, une source contenant l'article défini + une relative avec le verbe avoir comme verbe support: (f) Ma façon d'analyser ce texte est nouvelle. (f) La façon que j'ai d'analyser ce texte est nouvelle.
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5. Les études consacrées au Dét Poss des deux dernières décennies sont pour la plupart syntaxiques et optent pour des solutions transformationnelles. (Pour ce petit aperçu je suis en gros le résumé de l'histoire dérivationnelle du Dét Poss fait par Fradin 1984a, p. 80, note 15.) Deux types de dérivation ont été proposés à l'intérieur de la grammaire generative: une solution entièrement transformationnelle (proposée à l'origine par Langacker 1968): (a) provient de (b) (cf. Ruwet 1972, p. 268) ou de (c) (cf. Kayne 1977, p. 188 ss): (a) mon livre mon bateau (b) le livre de PRO le bateau de PRO (c) le livre à moi le bateau à lui Une dérivation mixte, essentiellement défendue par Milner 1982: la solution transformationnelle est conservée pour les cas où son/sa correspond à un complément d'objet (cf. la découverte du théorème J sa découverte) ou à un agent (cf. la peinture de Manet / sa peinture). Mais pour les cas où le déterminant possessif exprime la possession, comme en (a), la source est (d): (d) moi livre lui bateau où moi, lui occupent la position du spécifieur (cf. Milner 1982, p. 96). Dans cette solution (d) n'est pas forcément basique: quelque chose comme (c) pourrait en effet être la source de (d) (cf. ibid., p. 111). Ajoutons que du côté transformationnel nous avons aussi M. Gross 1977, p. 138, qui propose pour les deux constructions, à savoir les SNI de SN2 et les Dét Poss NI, la source générale suivante: (e) ce N de (N+GN déf, plur) de GN Plus récemment, G. Gross 1986 a proposé, sans pour autant vouloir réduire tous les possessifs à une règle unique, une source contenant l'article défini + une relative avec le verbe avoir comme verbe support: (f) Ma façon d'analyser ce texte est nouvelle. (f) La façon que j'ai d'analyser ce texte est nouvelle. 6. Cf. Spang-Hanssen 1963, p. 32: «D'un point de vue formel, le rapport d'appartenance se distingue de ceux de provenance (les lettres de lui) et de génitif partitif (une part de lui) par le fait qu'il ne saurait être exprimé par un complément de la forme de + pronom personnel non conjoint, sauf dans des cas particuliers.» 7. Damourette & Pichón 1943 signalent des emplois intéressants de la construction NI + de pronom fort dans deux cas (cf. les groupes 4 et 5) où elle devrait être interdite selon les règles données: (i) Mais il faut plutôt un ami de mon mari qu'un ami de moi (D-P, p. 617, Farrère (ii) II est venu une parente d'elle qui l'a prise et emmenée en auto pour la soigner à Paris. (D-P, p. 617, informateur 1931) (iii) Le reniement de Pierre, le reniement de Pierre: et le reniement de vous, le reniement de vous autres. Le reniement de nous, le reniement de moi (D-P, p. 616, Péguy) Ces exemples seraient de graves contre-exemples si on proposait la construction de + pronom fort comme critère discriminatoire. 8. Pour une discussion sur les propriétés essentielles / accidentelles des espèces et des individus mises en relation avec les différents constituants de la construction verbe + objet direct + complément prédicatif, voir Olsson 1976. 9. D'autres exemples de cas contextuels sont à retrouver chez par exemple Wilmet 1986, p. 108, avec les remarques suivantes: «La caractérisation possessive fait endosser au possesseur la responsabilité de l'assertion; p. ex. Joseph Va enfin trouvée, SA femme idéale = 'idéale aux yeux de Joseph'. L'intention nominale est alors passible de destruction (p. ex. SES communistes = 'les communistes selon McCarthy') ou d'une déviation idiosyncrasique (p. ex. Hector nous a enfin présenté SA blonde Suédoise: une négresse du Cameroun!) qui muent les substantifs déterminés en de faux 'noms propres': les communistes / blondes Suédoises = les x que McCarthy / Hector appellent ainsi /.../».
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9. D'autres exemples de cas contextuels sont à retrouver chez par exemple Wilmet 1986, p. 108, avec les remarques suivantes: «La caractérisation possessive fait endosser au possesseur la responsabilité de l'assertion; p. ex. Joseph Va enfin trouvée, SA femme idéale = 'idéale aux yeux de Joseph'. L'intention nominale est alors passible de destruction (p. ex. SES communistes = 'les communistes selon McCarthy') ou d'une déviation idiosyncrasique (p. ex. Hector nous a enfin présenté SA blonde Suédoise: une négresse du Cameroun!) qui muent les substantifs déterminés en de faux 'noms propres': les communistes / blondes Suédoises = les x que McCarthy / Hector appellent ainsi /.../». 10. Le NI problème entre aussi bien sûr dans des structures possessives (cf. Bartning 1986a). 11. Voici un autre exemple où le NI réfère à un lieu, souvent dans un énoncé avec avoir. (i) De même que j'avais en moi la place du désir. J'avais à quinze ans le visage de la jouissance et je ne connaissais pas la jouissance (Duras, L'Amant 1985, p. 15) paraphrasé par 'il y a de la jouissance dans mon visage'. Ces cas ne donnent non plus lieu au Dét Poss sauf dans un sens métaphorique. 12. Il y a ici aussi des cas où le NI réfère à un point temporel: (i) Quand je suis sur le bac du Mékong, ce jour de la limousine noire, la concession du barrage n'a pas encore été abandonnée par ma mère (Duras, L'Amant 1985, p. 35) Le Dét Poss n'est pas possible et ces exemples sont considérés comme des cas contextuels.
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RésuméDans ce travail nous nous sommes proposé de répondre aux questions suivantes: - quelles sont les restrictions et conditions de cette possibilité? - quand un Dét Poss n'a-t-il pas de CAD correspondant? Avant l'examen détaillé des types relationnels des syntagmes binominaux, nous avons - une première stratégie interprétative qui se contente d'un décodage des N + (1)N1 est associé à N2 En décodant un discours, écrit ou parlé, le locuteur n'a pas toujours besoin de retrouver (2) En réalité, et même si l'affaire du Boeing est beaucoup moins grave en termes - si la compréhension n'est pas satisfaite par la stratégie 1, on essaie d'appliquer l'une des interprétations prototypiques suivantes dues aux relations sémantiques entre le NI et le N2, au sémantisme des deux noms et/ou aux connaissances extralinguistiques des référents des deux noms. Ces types relationnels sont exprimés par un connecteur ou relateur verbal du type AVOIR, FAIRE, ETRE, etc.: (3) (4) (5) (6) (7) - si aucune des stratégies 1 ou 2 ne convient pour décoder le N-CAD, l'interprétation se fera selon le contexte qui alors remplit la place vide d'un verbe ou d'un opérateur selon le schéma N2 - /relateur contextuel ouvert/: -NI (Ex. le chien de Sophie). Dans un contexte où l'interprétation AVOIR n'a pas de sens, on essaiera par ex. SOIGNER ou PARLER DE. C'est en examinant les différents types interprétatifs des N-CAD et des Dét Poss - NI
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jectifs,àsavoir les groupes 5 a-b (Poss) (le vélo de Marié) et 6 (Agent) (les romans de Sartre) et 4 (Sujet) (la démonstration de Bourdieu). On peut aussi constater que c'est dans ces groupes que l'on trouve le plus souvent des N2 avec les traits + humain (cf. les groupes 4,5a et 6) et +concret (les groupes 5b et parfois 4). Un CAD qui est typiquementenclin à apparaître comme un Dét Poss a donc les traits suivants: - interprétation sujet dans les relations x - verbe (nominalisation) (gr. 4), x - - le N2 a le trait + humain plutôt que non humain (cf. gr. sa, 6 et 4 par opposition - le N2 a le trait concret plutôt qu'abstrait (cf. 5b par opposition à lb). En revanche, parmi les types objectifs nous avons des cas nets de non-correspondance, tels que lb (la haine de la guerre) et certains cas de la. Les N2 de ces groupes sont justement non humains et souvent abstraits. Par contre, les CAD des noms iconiques du groupe 3, qui donnent lieu au Dét Poss malgré leur interprétation objective, ont souvent comme complément un nom humain (cf. la photo de Jean) Quant aux types locatifs et temporels, on a vu que des relations du type 'x se trouver à En ce qui concerne les Dét Poss qui n'ont pas de CAD correspondant, nous avons pu constater qu'il s'agit des Dét Poss - NI contextuels (cf. la stratégie 3) avec un relateur contextuel ouvert du type 'Ce n'est pas elle qui critiquera ses chers médecins' (au sujet de Mme Barzach qui REPRESENTE les médecins) (NO 1168). BibliographieAnscombre, J-C. (1986): Earticle zéro en français: Un imparfait du substantif? Langue Bartning I. (1986a): Le parallélisme entre les syntagmes Nom + adjectif ethnique et les syntagmes prépositionnels correspondants en Nom + de (+Dét) + Nom géographique. Revue Romane, 21, 1, p. 3-52, Copenhague. (HSFR no F 92/82 et F 281/83.) Bartning, I. (1986b): Aspects des syntagmes binominaux en de en français. La polysémie Bartning, I. (1987): L'interprétation des syntagmes binominaux en de en français Bartning, I. (à paraître): Les syntagmes binominaux en de - les types interprétatifs Blinkenberg, A. (1969): Le problème de la transitivité en français moderne. Essai syntactico-sémantique. Boone, A. (à paraître): Remarques sur les phrases copulatives. Actes du XVIIIe Curme, G.O. (1931): A grammar of English. Language, vol. 3: Syntax. Boston. Damourette, J. & E. Pichón (1943): Des mots à la pensée. Essai de Grammaire de la Engwall, G. (1984): Vocabulaire du roman (19621968). Dictionnaire des fréquences. Fillmore, Ch. (1968): The Case for Case. Bach, E., & R. T. Harms, éd. Universals in Fradin, B. (1984a): Hypothèses sur la forme de la représentation sémantique des Fradin, B. (1984b): Anaphorisation et stéréotypes nominaux. Lingua 64, p. 325-369. Fradin, B. (1986): Pragmatique et constitution de la signification lexicale. Cahiers de Fuchs, C. (1982): La paraphrase. PUF, Paris. Godard, D. (1986): Les déterminants possessifs et les compléments de nom. Langue Gross, M. (1977): Syntaxe du déterminant possessif. David, J., & G. Kleiber, Déterminants Gross, M. (1977): Grammaire transformationnelle du français; syntaxe du nom. Larousse, Guillaume, G. (1919): Le problème de l'article et sa solution dans la langue française. Gunnarsson, K.-Â. (1972): Le complément de lieu dans le syntagme nominal. Etudes Kayne, R. (1977): Syntaxe du français. Seuil, Paris. Kleiber, G. (1981): Problèmes de référence: Descriptions définies et noms propres. Klincksieck, Kleiber, G. (1984): Sur la sémantique des descriptions démonstratives. Lingvisticae Kliffer, M.D. (1984): Interpénétration of linguistic levéis: French Inalienable Possession. Langacker, R. (1968): Observations on French Possessives. Language, 44,1, p. 51-75. Milner, J.-C. (1982): Ordres et raisons de langue. Seuil, Paris. Noailly, M. (1985): De l'adjectif à l'adjectivation. Thèse de doctorat d'Etat. Université Olsson, K. (1976): La construction verbe + objet direct + complément prédicatif. Aspects Platzack, Chr. & S. Platzack (1983): Svensk referensgrammatik, del 111, Substantivéis Ruwet, N. (1972): Théorie syntaxique et syntaxe du français. Seuil, Paris. Spang-Hanssen, E. (1963): Les prépositions incolores du français moderne. Copenhague. Stockwell, R.P., Schachter, P., Hall Partee, B. (1973): The Major Syntactic Structures lamine, J. (1978): Description syntaxique du sens figuré: la métaphore. Thèse de doctorat Togeby, K. (1982): Grammaire française, vol 1: Le Nom. Copenhague. Warren, B. (1984): ClassifyingAdjectives. Gothenburg Studies in English 56, AWE International. Wiberg, L. (1956): Etude sur les expressions du type 'la fondation de Rome par Romulus'. Wilmet, M. (1986): La détermination nominale. PUF, Paris. Worrel Schumaker, N.W. (1975): The Semantics of the English 's Genitive. American Appendice
Contextes des SN de la Figure 2.
groupe la: (1) Et les femmes semblent, de par leur éducation où on leur permet, davantage (2) Nous avons utilisé ce théorème. Sa découverte est récente (Fradin 1984, p.
groupe lb: (3) Car Bérénice avait le goût de l'absolu (Aragon, cité par Spang-Hanssen 1963) (4) Avant tout il y a une chose: le respect de la vie (Martin du Gard, cité par
groupe 2: (5) Rencontre avec Marie Cardinal et ses lecteurs (Publicité) (6) (...) il se courbait machinalement devant son oppresseur, se troublait, se creusait
groupe 3: (7) Vous avez vu ses photos? Une tête extraordinairement solitaire (Togeby 1982, (8) Etait-ce le contact froid du métal, était-ce son image aperçue soudain? (C. Et.
groupe 4: (9) La boîte de vitesse avait engourdi mes pieds de son ronronnement bouillant (10) Depuis son arrivée elle n'avait pas regardé Antoine (FSa 135)
groupe sa: (11) Elle ne faisait jamais de photos de lieux, de paysages, rien que de nous, ses (12) Ne portez pas votre sac en bandoulière, mais plaqué sur votre poitrine (Express)
groupe sb: (13) J'ai tordu sa plume (du stylo). (14) L'Alsace, ses vins, sa cuisine.
groupe 6: (15) Nicole n'avait même pas besoin d'inventer son texte (BPD 126). (16) J'ai yuta photo du Parthénon (Milner 1982).
groupe 7: 7a: (17) En tout cas, Kissinger répondait que sans le scandale de Watergate le Nord- (18) Les trois semaines au Mexique, n'importe quels commerçants peuvent se les 7b: (19) Le conseil municipal l'a mis en minorité sur cette question des vendanges. Il
7c: (20) Elle éprouva en un instant toute sa faiblesse, son impuissance à se faire aimer (21) Sa suggestion d'un regard destiné à lui rappeler son indignité. Mais joyeux
groupe 8: a) (21) Les accords de Paris sauvaient les apparences; la chute de Nixon abrégea b) (22) Les dames des villas étaient barricadées chez elles (...) (CRi 44) /*leurs c) (23) Louise remit son chandail rouge et reprit le chemin de la biscuiterie (CEt
groupe 9: (24) (...) surprise des services techniques, les programmes du samedi soir, étaient |