Revue Romane, Bind 23 (1988) 2

Pragmatique et sémantique du passif: L'agent et le réfléchi roman

par

Maria Manoliu-Manea

Si pour Gustave Guillaume (1971) le réfléchi impersonnel français représentait une évasion du participant le plus actif, il paraît qu'aujourd'hui il y a un consensus en ce qui concerne le fait que "la démotion de l'Agent" constitue un des traits universels qui réunissent dans la même classe toutes sortes de constructions, y compris le passif proprement dit (passif plein), le passif réfléchi (P-ve) (v. Desclés et alii, 1985: 104), et les formes latines en -r (v. Touratier, 1984: 86-91), qu'on a pris l'habitude d'appeler médio-passif. Par la "démotion de l'Agent" on entend deux types de phénomènes:

(a) Le SN-agent est éliminé de la structure phrastique centrale (sujet-verbe-objet)l.
Pour Touratier (1984: 86-91), le morphème du passif a la fonction d'un
"intransitivisant", supprimant le premier argument d'un verbe transitif. Selon
Desclés et alii (1985: 104), les fonctions de la passivisation sont:

(1) The primary term in an active construction denoting an agent is always demoted
and replaced in the passive construction by an unspecified term that is regarded as an unspecified
agent which is always implied;

(2) The secondary term in an active construction denoting a patient may be promoted
to the position of a primary term in the passive construction and may thus be topicalized.
When this secondary tennis not promoted (or topicalized), we hâve an impersonal passive.

(3) 11 the primary term in a corresponding active construction is overtly expressed in
passive constructions, then there is a focalization of the agent it dénotes.

Sur ce point il faut préciser qu'on ne doit pas confondre le terme primaire avec le topique; le terme primaire est celui qui est "normalement" le sujet de la construction en question. Si pour l'actif c'est d'habitude le terme le plus dynamique et pour le passif c'est toujours le SN marqué [-Dynamique] qui sert de sujet (et de topique), le réfléchi se caractérise en fait par le manque d'un terme primaire typique.

(b) Le sujet s'évade du rôle agentif ou, en d'autres termes, il n'y a pas de contrasteentre
le rôle d'agent et les autres rôles au niveau du sujet (v. Haiman, 1976,

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Langacker et Munro, 1975 selon qui "in reflexives, subject and direct object are nondistinct by virtue of coreference and in passives by virtue of thè fact that thè subject is unspecified and henee cannot contrast with the object in either référenceor

Phénomène important pour les explications diachroniques, le mécanisme reposant sur l'évasion du premier argument du verbe (l'argument le plus dynamique) est en état de rendre compte du lien fragile qui réunit dans une même catégorie la variété apparemment si hétérogène du réfléchi, de l'objectif au dynamique (réfléchi de l'intérêt) jusqu'au réfléchi passif ou impersonnel, car, fait bien connu, dans tous ces cas, le sujet ne représente jamais un agent pur et simple.

Remarque

Nous nous contentons de ne mentionner que quelques-unes des formes que l'évasion en question peut prendre dans les limites du réfléchi roman: s'il s'agit d'un réfléchi objectif (transitif) tel que je me lave, le réfèrent du sujet est à la fois agent et patient; dans le cas des verba affectuum, le réfèrent du sujet est à la fois expérimentateur et lieu du sentiment (je me réjouis), dans le cas des constructions à verbe de changement, le sujet nous renvoie à l'objet qui change, au lieu où le changement se produit (la porte s'ouvre, l'enfant s'est endormi). Quant au réfléchi passif, toute une littérature, générative ou catégorielle, dans des formes plus ou moins récentes (APG - la grammaire des arcs paires, ou la AP "applicative grammar", par exemple) s'acharne à en souligner l'incompatibilité avec le complément agentif (v. Postal, 1986, Desclés et alii, 1985, Comrie, 1977, Napoli, 1976, Costa, 1975, etc.).

Mais l'hypothèse de la démotion de l'Agent n'est pas en état de rendre compte ni des contraintes, ni des effets de sens qui séparent le passif plein du passif réfléchi, ni des changements qui se sont produits dans la catégorie de la voix du latin au roman.

Selon l'hypothèse que nous proposons, entre la voix latine et la voix romane
il y a une différence qu'on peut définir au niveau pragmatique dans les termes
suivants:

En latin, la voix s'organise autour de l'Agent en fonction de l'opposition pragmatique: "topicalité du participant le plus actif" versus "non-topicalité du participant le plus actif" (et, alors, c'est l'activité qui est au centre du discours plutôt que les participants). Il n'est pas sans intérêt de rappeler les remarques de Meillet et Vendryes, qui soulignaient le fait que "Le sens impersonnel marquant simplement que l'action est en voie d'accomplissement ou accomplie (suivant qu'il s'agit de l'infectum ou du perfectum) domine la valeur du passif latin" (1960: 324; v. aussi Ernout, 1909: 292). Un énoncé tel que:

(1) cum a Cotta resisteretur (Caesar, B. G., 5. 30, 1)

se traduirait par "puisqu'il y avait de la résistance de la part de Cotta".

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En roman,le rôle primordial revient toujours aux mécanismes pragmatiques, mais d'une manière plus complexe2. Le passif proprement dit (à verbe essif ou de mouvement suivi d'un participe passé) met en vedette, parle de la relation entre le participant non-dynamique (the undergoer) et l'activité, met au centre de la phrase la relation entre activité et résultat; l'actif parle de la relation entre le participantle plus dynamique et l'activité, de l'activité dans sa relation causale, tandisque le réfléchi met au centre l'activité elle-même, en laissant sur un plan secondaireles relations avec les participants, d'où sa capacité d'éliminer toute référenceexplicite aux participants:

(2) roum. se mûnîncâbine aici "on y mange bien"

sinon au moins la référence agentive. Quand il s'agit des verbes transitifs, l'activité et, donc, le prédicat "va au delà du verbe", car souvent on ne peut pas concevoir l'activité sans l'objet affecté. La possibilité de faire abstraction de l'objet dépend de la "spécificité" du verbe, c'est-à-dire, de la capacité du verbe de prédire la qualité (la classe) de l'objet affecté. La plupart de nos exemples sont tirés du roumain, mais, beaucoup de phénomènes et de situations se retrouvent également en espagnol, en italien et en portugais. Cf.:

(3) s-a construit o casa "on a construit une maison"

(4) se construie^te mult aici "on y construit beaucoup"

(5) se deschid multe magazine aici "on y ouvre beaucoup de magasins"

mais non pas:

(6) *se deschide mult / bine / aici "on y ouvre beaucoup / bien / etc."

En (3) et (4), l'objet est le résultat de l'activité et le verbe nous dit qu'à la fin on aura un "objet construit", "une construction", tandis que dans le cas de l'énoncé (6), le verbe "ouvrir" peut embrasser une variété d'objets, impossibles à deviner à partir du sémantisme du verbe (une porte, une fenêtre, un magasin, une séance, etc.).

Quoique dans d'autres termes, les résultats de l'analyse de Siewierska (1984: 172) nous renvoient également au caractère actif du réfléchi: "reflexive passives, especially in the Romance languages, are structurally similar to indefinite active constructions". Par contre, le passif plein, ainsi que Givón (1982: 34) nous le fait remarquer, est "sémantiquement moins actif, moins transitif, plus statif que l'actif", ou, en termes guillaumiens, le passif est ce qui reste du verbe après qu'on a soustrait l'incidence active (Guillaume, 1971, 2: 182).

1. Le rôle de mettre en vedette l'activité plutôt que la relation avec les participants
est en état de rendre compte de plusieurs contraintes régissant le choix du
réfléchi.

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1.1 Le réfléchi passif (ou impersonnel) s'avère être la forme préférée des constructions
sans contraste, où il n'y a pas de participant thématique:

(7) roum. se auzeau ecourile unei muzici de dans, se contrapuneau nsete, vociferan
(Voitin, Girueta, 23) "on entendait les échos d'une musique de danse, des rires,
des vociférations se contre-pointaient".

(8) esp. se alquilan pisos litt. "se louent appartements", "on loue des appartements",
etc.

C'est que la thématisation du participant moins actif diminue la capacité de la
forme verbale de mettre en vedette l'activité, à moins que le réfèrent du sujet ne
soit conçu comme capable de contrôler le processus (v. aussi 2).

1.2 Pour exprimer l'action actuelle, avec un nom d'agent focalisé (rhématique) le choix du réfléchi passif ou du passif plein se fait en fonction du caractère aspectuel du verbe (pour la classification des verbes selon leur valeur aspectuelle v. Dowty, 1979, Hoepelman et Rohrer, 198O)3.

1.2.1 Avec les verbes d'accomplishment (qui présupposent un seul résultat, à la fin d'une activité ponctuelle) tel que "vendre", "perdre" etc. le passif plein est moins acceptable, précisément à cause de son rôle qui consiste à mettre en vedette la relation entre l'état résultatif de l'objet affecté et l'activité; et alors il est difficile, sinon impossible, de faire la différence entre l'action au présent et l'état résultatif, ce qui annule la référence à l'action; par contre, la construction réfléchie passive, qui insiste sur l'activité, est plus acceptable (même avec un complément

(9) casa se vinde de câtre proprietar "la maison se vend par le propriétaire" (elle n'est
pas encore vendue).

mais:

(10) ?* casa este vîndutâ de câîre proprietar "la maison est vendue par le propriétaire".

1.2.2 Avec les verbes qui expriment le fait que le résultat final est une sorte de somme des résultats partiaux, le réfléchi passif, qui favoriserait la lecture de verbe d'achievement, est moins acceptable que le passif plein, qui conserve la lecture de verbe à'accomplishment et, implicitement, la différence entre le participant le moins dynamique (l'objet devenu sujet) et le participant le plus dynamique (l'Agent). Conséquemment, l'idée de "résultat présent tout au long du déroulement de l'action" n'est pas affectée:

(i) verbes d'accomplishment:

(11) usa este deschisa de doi poli\isti "la porte est ouverte par deux policiers"

(12) ?* usa se deschide de doi politisti "la porte s'ouvre par deux flics".

(ii) verbes d'activité:

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( 14)a. * partida! acesia se conduce de doi prosti "ce parti se conduit pai deux sots".

( 14)b. *partidul acesia se conduce "ce parti se conduit".

1.2.3 L'hypothèse qui voit dans le réfléchi un moyen de mettre en vedette l'activité est également en état de rendre compte du choix qu'on en fait au passé composé. Considérons, par exemple, les verbes à'accomplishment qui expriment un changement d'état radical (tel que la disparition de l'objet, le changement du propriétaire, etc.):

(. 1 s)a. cineva a vîhdut casa "qqn. a vendu la maison'
b.casa a fost vîndutâ "la maison a été vendue".

(16) casa s-a vîhdut "la maison s'est vendue".

Si (15) nous dit que résultat et activité sont présentés en rétrospection (au passé), ( 16) parle d'une action qui s'est déroulée dans le passé, mais le temps de son résultat y est moins défini et, conséquemment, on peut le considérer du point de vue de sa pertinence par rapport au moment de renonciation. Comp.:

(17) casa s-a vîndut, nu mai ede vînzare "la maison s'est vendue, elle n'est plus à
vendre".

et:

(18) ? *casa a fost vfhdutâ, nu mai e de vînzare "la maison a été vendue, elle n'est plus
à vendre".

moins probable. En fait, (17) fait fonction d'un présent résultatif, vu que le présent
du passif plein n'a, dans le cas de ces verbes, qu'une interprétation nominale,
qui décrit le résultat:

(19) casa este vîndutâ "la maison est vendue"

Comp. aussi:

( 20) vinul s-a haut, nu mai e "le vin, on l'a bu, il n'y en a plus"
et:

(21)? * vinul este bâut, nu mai e "le vin est bu, il n'y en a plus".

(22) ? ? *vinul a fost bâut, nu mai e "levin a été bu, il n'y en a plus".

Si "le vin" est le thème, alors on en postule l'existence. On peut formuler la structure logique de (21) de la manière suivante: "il y a un x, ce x est bu, x n'existe pas", où le prédicat final "x n'existe pas" contredit le prédicat initial "il y a un x".

1.3 Les contraintes imposées par les circonstants de manière au choix du passif
sont également pertinentes pour le sémantisme des formes en question:

(a) Par exemple, avec un adverbe caractérisant l'activité en progression tel que
roum.^ra/ "difficilement", le passé composé du réfléchi est préférable au passif

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plein, car la "progression" est moins compatible avec l'insistance sur la relation
entre l'état résultatif de l'objet et l'activité génératrice; comp.:

(23) rochiile astea s-au spâlat greu "ces robes se sont lavées difficilement"
et:

(24) ? *rochiile astea au fost spalate greu "ees robes ont été lavées difficilement".

(b) Un adverbe tel que bine "bien", qui caractérise le degré d'accomplissement,
est également sensible aux traits aspectuels inhérents du verbe, quand il s'agit de
choisir entre le passif réfléchi ou le passif plein.

(i) Avec les verbes á'accomplishment momentanés exprimant un changement ra
dical, bine préfère le réfléchi passif; comp.:

(25) casele astea a. s-au vîndut bine.
b. ? au fost vîndute bine.
"ces maisons a. se sont bien vendues / b. ont été bien vendues'

Dans (a) le réfléchi insiste sur l'activité; on peut donc imaginer un degré d'accomplissement (dans ce cas on veut dire qu'on a obtenu un bon prix). Dans (b), "l'insistance sur l'état du participant moins dynamique résultant d'une action ponctuelle" refuse un circonstant de degré.

(ii) Avec les verbes à'accomplishment, qui présupposent une durée et un changement
moins radical, les deux passifs sont acceptables; comp.:

(26) rochiile astea a. s-au spâlat bine.
b. au fost spalate bine.
"ces robes a. se sont bien lavées / b. ont été bien lavées".

Si dans (a) on parle du degré d'accomplissement de l'action, dans (b) on caractérise
le degré de l'état résultatif.

2. L'hypothèse de la primordialité de l'action en conjonction avec les propriétés discursives de l'agent peut nous fournir des explications pour une autre série de contraintes régissant le choix du réfléchi ou du passif. C'est qu'en roumain, tout comme en espagnol ou en italien, l'agent, sous sa forme renouvelée de "participant dynamique et humain", correspond au thème du discours dans plus de 80 pour cent des cas (v. Manoliu, 1987)4. Conséquemment, dès qu'un SN-sujet se trouve en position initiale, position préférée du thème, il a toutes les chances d'actualiser la lecture "active" du réfléchi et d'en éliminer la lecture passive.

2 / On a souvent insisté sur le fait qu'en roman les constructions réfléchies où le
SN-sujet suit le verbe se laissent interpréter plus facilement comme passives, que
les constructions où le SN-sujet précède le verbe. Comp.:

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(27) roum. a. seara, palatili reìnvie... candelabrele se aprind, porple se deschid, storurile
se ridica "le soir, le palais se réanime... les lustres s'allument, les portes s'ouvrent,
les persiennes se lèvent".

et:

( 27)b. seara, palatili reìnvie... se aprind candelabrele, se deschid porcile, se ridica storurile
"le soir, le palais se réanime... on allume les lustres, on ouvre les portes, on lève les
persiennes".

(Pour l'italien v. Costa, 1975, pour l'espagnol, Garcia, 1975). Les énoncés (a) ont une lecture anti-causative plutôt que passive. C'est que dans(b) la position postverbale du SN-sujet favorise l'interprétation de celui-ci comme participant moins actif, comme élément affecté (angl. "undergoer"), tandis que le SN en position préverbale reçoit une interprétation dynamique (c'est l'entité qui se transforme).

Dans la lecture non-causative, le sujet est vu comme ayant une certaine qualité
favorisant l'activité en question; voir, par exemple:

(28) roum. cartea asta s-a vîndut pentru câ are o coperta atrâgâtoare "ce livre s'est
vendu parce qu'il a une couverture attrayante".

2.2 Le GN Animé. La même tendance quantitative qui favorise l'interprétation dynamique du NP en position préverbale peut rendre compte d'un autre phénomène bien connu, notamment, si le sujet du réfléchi en position préverbale est caractérisé par les traits Humain et Spécifique, la lecture passive en est moins probable:

(29)a. copiii se spala cu apa rece "les enfants se lavent à l'eau froide" (réfléchi objectif)
plutôt que "les enfants on les lave à l'eau froide".

mais:

(29)b. cartofii se spala cu apâ rece "les pommes de terre se lavent à l'eau froide".

On peut se demander, sur ce pomi, püuiquoi on n'a pas la même léinterpiétaíion dynamique des SNs en position initiale dans le cas du passif. C'est que le passif "parle" de la relation "participant inactif - activité", ce qui exclut toute lecture dynamique du SN-sujet, même s'il se trouve en position initiale; cf.:

(29)c. cartofii / copiii sînt / (mieux) au fost spalaci cu apâ rece "les pommes de terre /
les enfants sont / ont été lavés à l'eau froide".

2.3 Quand l'objet "inanimé" devient sujet et apparaît en position initiale, l'interprétation passive peut faire place à la lecture dynamique, en accord avec les traits aspectuels et la capacité du verbe de transmettre le sème Actif au sujet en question.

2.3.1 Si l'on prend en considération les capacités combinatoires avec le réfléchi
anti-causatif, les verbes á'accomplishment se divisent en plusieurs sous-classes:

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(i) Avec les verbes qui expriment un changement momentané, dont l'objet se laisse envisager comme ayant une source d'énergie propre, le réfléchi peut prendre un sens anti-causatif et, alors,le verbe à'accomplishment devient un verbe d'achievement(même au présent):

(30)a. cineva deschide usa "qqn. ouvre la porte"

(30)b. usa se deschide "la porte s'ouvre"

(31) a. cineva a rupt creanga "qqn. a cassé la branche"

(31)b. creanga s-a rupt "la branche a cassé" (litt. "s'est cassée")

(32) a. cineva a oprit masinile "qqn. a arrêté les voitures"

(32)b. masinile s-au oprit "les voitures se sont arrêtées".

Il y a plus de 50 ans,Goughenheim (1929:160) soulignait le fait qu'une construc
tion telle que:

(33) la porte s'ouvre

"n'est pas absolument passive; même lorsque le sujet est un nom de chose on lui suppose quelque activité". En d'autres termes, ces sujets, quoique dynamiques, ne sont pas "agentifs" dans le sens propre de ce terme, et, conséquemment, ils rejettent le GAdv exprimant une participation intentionnelle:

(34) * feresterele s-au spart intenftonat litt. "les fenêtres se sont cassées avec intention".

(ii) Si le sens du verbe ne permet pas l'interprétation de l'objet affecté comme
muni d'une source d'énergie propre, le réfléchi des verbes d'accomplishment peut
recevoir une interprétation passive, et, alors, il accepte un complément d'agent:

(35) casa se vinde de catre proprietar litt. "la maison se vend par le propriétaire".

(iii) La lecture anti-causative est bloquée dans le cas des verbes à'accomplishment exprimant le fait que l'objet est le produit de l'activité en question; c'est qu'on ne peut pas interpréter en tant que participant dynamique l'objet qui n'existe qu'à la fin du déroulement de l'action:

(36) a. roum. piramidele s-au construit eu mul\i ani îh urmâ "les pyramides se sont construites
il y a beaucoup d'années", etc.

mieux:

(36)b.piramidele au fost construite eu multai ani în urmâ "les pyramides ont été construites...".

(a) Dans les cas où le GAdv est absent, le réfléchi est peu probable:

(37) a. Mara a pictat un tablou "Mara a peint un tableau"

mais non pas:

(37)b. *tabloul s-a pictat "le tableau s'est peint"

(3 8) a. Petru a sens acest roman "Pierre a écrit ce roman"

mais non pas:

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(38)b. *romanul acesia s-a scris "ce roman s'est écrit".

(b) Ce n'est qu'en présence d'un constituant Thématique, tel qu'un GAdv, que le réfléchi devient acceptable (voir (36)a. et b.). Mais, dans ce cas, il semble que c'est la spécificité de l'agent qui contrôle le degré d'acceptabilité. Dans le cas d'un verbe tel que a construí "construire", le réfléchi passif est plus acceptable (même avec un objet subjectivisé au singulier):

(39) casa asía s-a construit acum 100 de ani "cette maison s'est construite (on l'a construite)
il y a 100 ans"

qu'avec des verbes tels que a pietà "peindre" ou a serie "écrire", qui exigent des
agents singularisés:

(40)? ? cartea aceasta s-a scris acum 100 de ani "ce livre s'est écrit il y a 100 ans"

(41)? ? tabloul acesta s-a pictat acum 100de ani "ce tableau s'est peint il ya 100 ans".

Enfin, le pluriel de l'objet subjectivisé rend la construction réfléchie plus accep
table que le singulier; comp.:

(42)a. icoanele acestea s-au pictat acum 200 de ani "ces icônes, on les a peintes il y a
200 ans"

(42)b. ? ? icoana aceasta s-a pictat acum 200 de ani "cette icône s'est peinte il ya 200
ans".

Dans les termes de "l'hypothèse des degrés de transitivité" de Hopper and Thompson
(1980), on peut dire que le réfléchi passif est plus compatible avec un degré
de transitivité moins élevé, que dans le cas contraire.

(iv) Le réfléchi des verbes duratifs d'accomplishment qui expriment le fait que l'objet change de qualité progressivement (tels que a spala ceva "laver quelque chose", a bea ceva "boire quelque chose",a mînea ceva "manger quelque chose", etc.) peut recevoir une interprétation dynamique (anti-causative), si l'objet est envisagé comme ayant certaines propriétés favorisant l'activité en question (on pourrait parler d'un "dynamique qualitatif"). Par exemple, on peut paraphraser un énoncé tel que :

(43) vinul se bea, berea nu "le vin, ça se boit, la bière, pas"

sous la forme "l'activité de 'boire' est possible à cause du fait que l'objet a la
qualité d'être 'vin', mais pas si l'objet a la qualité 'bière' " (v. 2.3.2). Voir aussi:

(44) tarta cu câps,uni s-a mîneat 'la tarte aux fraises, on l'a mangée

Le complément d'agent en est exclu:

(45) * vinul se bea de catre musafiri "le vin se boit par les invités".

2.3.2 L'interprétation anti-causative du réfléchi des verbes d'activité (qui n'impliquepas
la référence à un résultat final) est peu probable, car on ne peut pas

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concevoir l'objet affecté en tant que participant actif:

(46) * macina se conduce "la voiture se conduit".

Si l'objet est capable d'imposer une limite à l'activité, le réfléchi devient acceptable,
et alors, le verbe d'activité devient un verbe d'accomplishment (v. supra
2.3.1 (iv)):

(47) poezia aceasta s-a (mai) citit "ce poème, on l'a lu une autre fois'

car les limites du poème imposent des limites à l'activité de "lire", mais non pas:

(48) * masina s-a (mai) condus "la voiture, on l'a déjà conduite

Comp. aussi:

(49)a. o poezie citita "un poème lu"

(49)b.? ? *o masina condusa "une voiture conduite

2.3.3 En présence d'un constituant actualisant la lecture "potentielle" et, implicitement
le sens du "dynamique qualitatif", la construction réfléchie devient
acceptable pour n'importe quelle catégorie de verbe:

(50) a. marina aceasta nu se conduce uspr "cette voiture ne se conduit pas facilement"
b. usa asta se deschide greu "cette porte (s') ouvre difficilement"
c. casele de acest fel nu se vind "les maisons de cette catégorie ne se vendent pas"
d. icoanele acestea nu se picteazâ uspr litt. "ces icônes ne peuvent pas se peindre
facilement", "ces icônes, on ne peut pas les peindre..."
e. vinul ros.u se bea la temperatura camerei "le vin rouge se boit chambré".

Le GAdv n'est pas le seul contexte à déclencher la lecture "qualitative":

(51) cartea asta se citesje, nu se riïsfoies.te "ce livre, on doit le lire (litt. "se lit"), on ne
le feuillette pas ! " (focalisation du verbe)

(52) cartea asta se cítente de câtre studenfi (nu de catre profesori) "ce livre se lit par les
étudiants, non pas par les professeurs" (focalisation de l'agent).

Imposer une limite ou posséder une qualité favorisant le processus sont des formes
du même phénomène, notamment, de la capacité de contrôler l'activité, ce
qui est parfaitement en accord avec l'interprétation dynamique du réfléchis.

Maria Manoliu-Manea

Davis, Californie



Notes

1. Pour le modèle qui considère que la structure de la phrase doit se diviser en structure phrastique centrale (angl. core) et structure phrastique périphérique voir les travaux de Hjelimlev, Kuryfrowicz, Pottier, et plus récemment la grammaire fonctionnelle américaine.

2. L'approche pragmatique des voix commence à gagner du terrain. Pour Jean-Paul Hugot (1981), par exemple "le passif serait (-il) du point de vue des moyens d'expression une variante de l'actif qui modifierait l'organisation du message, en modifiant son relief" (p. 13).

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3. Selon Dowty (1979), par exemple, "les verbes se divisent en 4 classes dont les traits définitoires sont formulés de la manière suivante: "Verb class Logical structure. State predicate ' (x) or (x,y) Achievement BF.COME predicate ' (x) or (x,y) Activity (agentive) DO (x, (predicate ' (x) or (x,y))) Accomplishment <t> CAUSK , vvhere <î> is normally an activity verb, and an achievement verb"

4. Voir: (1) sujets (thématiques ou pas): Humain: 80%; Actif: 73%; Agent: 44% (2) sujets thématiques: Humain 85%; Actif: 77%; Agent: 45%. (3) objets thématiques en position préverbale: Humain: 88%; (4) sujets non thématiques en position postverbale: 15.25%; Actif: 10%; Humain: 9.75%.

5. Selon Vendryes (1948), le réfléchi roumain est une forme permettant de refaire le moyen, ce qui s'expliquerait par la zone géographique gréco-slave où le moyen est bien représenté.

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Résumé

En mettant à profit l'hypothèse pragma-sémantique selon laquelle le réfléchi s'oppose au passif par son caractère dynamique, on analyse les contraintes régissant le choix du réfléchi passif ou du passif plein. La lecture passive du réfléchi est bloquée, dès qu'on peut présenter l'objet subjectivisé comme capable de contrôler l'activité. Il ne s'agit pas uniquement des SNs à réfèrent animé (qui favorise la lecture active en vertu de son potentiel agentif); les "inanimés" ont également la possiblité de contrôler l'activité, soit en vertu du fait qu'ils se laissent envisager comme ayant une source d'énergie propre ou bien comme étant capables d'imposer des limites à l'intervalle temporel de l'action. Le sémantisme du verbe et, surtout, les traits aspectuels y jouent un rôle primordial.

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