Revue Romane, Bind 22 (1987) 1

Jørn Schøsler: La Bibliothèque Raisonnée 1728-1753. Odense University Press. Odense, l985: 81 p: Bibliographie des éditions et des traductions d'ouvrages philosophiques français et particulièrement des écrivains obscurs, 1680-1800. Odense University Press, 1986.285 p.

John Pedersen

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Quel a été le rôle joué par la Bibliothèque Raisonnée des ouvrages des Savons dans le débat français à propos de John Locke, notamment de son Essai philosophique concernant l'Entendement humain"l. Cette question résume le point de départ de l'étude de Jorn Schosler. Apparemment un problème d'importance limitée d'autant que les discussions du XVIIIe siècle sur l'immatérialité et l'immortalité de l'âme n'ont nullement été ignorées par les historiens de cette époque. En fait, il s'avère que l'angle choisi par l'auteur est très riche s'ouvrant sur des perspectives qui touchent à l'essentiel des querelles philosophiques du milieu du siècle.

La conclusion que tire l'auteur de son enquête c'est que la B.R. a considérablement contribuéà
répandre le lockisme en France. Mais l'apport du petit ouvrage est à la fois précis
et nuancé. L'auteur distingue en effet trois étapes dans l'attitude du périodique examiné:

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une première étape prudente marquée par de constants soucis d'apologétique (1728-40), une deuxième période, où les articles montrent nettement à quel point les rédacteurs ont opté pour les idées de Locke (1741-49) et, finalement, une phase qui voit percer des notes critiques à l'égard du philosophe anglais (1750-53). Le tableau ainsi proposé par l'auteur recouvre donc toute la période pendant laquelle est parue la B.R.

S'exprimant en un français sobre et précis, l'auteur se montre lecteur fin et averti de textes souvent mal connus, parfois mal lus. Il fait preuve de grande perspicacité dans les commentaires concis dont il accompagne judicieusement les nombreuses citations fort pertinentes qu'il puise dans son corpus.

La lecture de ce petit ouvrage est si stimulante qu'à la fin on regrette que l'auteur ne soit pas allé plus loin! On aimerait savoir, par exemple, quel a été, par ailleurs, le développement de la B.R. Ses différents "journalistes", étaient-ils tenus à respecter une ligne rédactionnelle relativement bien démarquée? Qu'est-il permis de supposer, aujourd'hui, au sujet de l'impact qu'avait la B.R. sur ses contemporains? Voilà le type de questions que Jorn Schosler nous suggère avec son excellente étude. On ose espérer qu'il reviendra là-dessus.

En attendant, le lecteur pourra noter la parution d'un très utile instrument de travail, également procuré par les soins de l'auteur. Il s'agit d'une bibliographie des éditions et des traductions d'ouvrages philosophiques, et notamment d'écrivains "obscurs". Les dix-huitiémistes sauront apprécier ce travail très consciencieusement établi, et Noivégiens et Danois auront un petit plaisir supplémentaire à trouver aux côtés de Hobbes un certain baron de Holberg, ambassadeur des Lumières dans le monde scandinave.

Copenhague