Revue Romane, Bind 22 (1987) 1

Le Bon Usage de M. Grevisse: examen méthodologique et descriptif

P. Swiggers

Le but de cet article - qui s'insère dans un examen global de la "grammaticographie" française depuis ses débuts jusqu'à aujourd'hui - est d'analyser, du point de vue méthodologique et descriptif, le Bon Usage de Maurice Grevisse: cette grammaire, un classique dans son genre, en est actuellement à sa douzième édition^, refondue par André Goosse. Après avoir circonscrit la position historique et typologique du Bon Usage, nous examinerons successivement l'orientation globale de cette grammaire, et un certain nombre de problèmes descriptifs traités par Grevisse.

Dans l'histoire de la grammaire française, le BU constitue un rejeton d'un type de grammaire qui a son origine au XVIIe siècle, et qui vise à mettre en rapport un système de marques formelles avec un ensemble de contenus sémantiques. On sait que tout l'effort des grammairiens du XVIe siècle (Palsgrave, Meigret, Ramus, Pillot, Serreius, ...) portait sur la reconnaissance d'un système de marques formelles dégagées par des procédures de commutation, de permutation des contextes, et de mise en correspondance avec le latin (ou l'anglais, dans le cas de Palsgrave). Le XVIIe siècle, et cela surtout après la publication de la Grammaire de Port-RoyaP essaiera de relier le système formel ainsi dégagé avec un ensemble de catégories sémantiques. La grammaire relègue ainsi à l'arrière-plan une de ses procédures heuristiques les plus fécondes: la détermination des différentes positions que peuvent occuper les éléments dans une phrase . On voit déjà dans quel sens devra se développer la théorie grammaticale: établissement de catégories de sens et de formes, figées en paradigmes, et formulation de règles (souvent à base sémantique) pour leurs combinaisons. Une interprétation logico-sémantique (sujet/prédicat, avec dégagement du complément) assure une analyse peu rigoureuse des propositions.

C'est bien à cette tradition que se rattache le BU, par son organisation extérieure et par
le modèle linguistique qu'il reflète; la langue est conçue comme:

(l)un système de marques (qui sont les plus nettes au niveau graphique) qu'il faut rattacher
à des (effets de) sens: par ce rattachement, on assigne une fonction-* aux éléments

(2) un système de règles (dont le domaine d'application est très hétérogène: construction
de la phrase; rapport prononciation - orthographe, etc.).

Une telle conception, informée par l'histoire, s'oppose (entre autres) à

(a) une conception "sémio-expressive"®, celle qui voit dans les signes linguistiques un
moyen d'exprimer des contenus psychiques et cognitifs;

(b) une conception pragmatique, qui peut se fonder sur une logique de l'argumentation ',
Q
ou sur une logique modale (épistémique, aléthique, déontique) , ou qui peut s'ériger
en une linguistique de renonciation.

Les divergences entre ces trois types d'approche sont considérables. Prenons le cas de l'interrogation,
ou mieux, des structures de l'interrogation. Grevisse traite de l'interrogation du
point de vue de ses marques formelles, telles que:

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(1) L'emploi d'adjectifs interrogatifs (formellement identiques avec les adjectifs exclamatifs,
et avec l'adjectif relatif sans l'article); cf. § 940-943/440-442.

(2) L'emploi de pronoms interrogatifs (classe identique avec celle des pronoms relatifs, à
l'exception de dont). Ceux-ci peuvent être élargis par est-ceque; § 1246-1263/568-577.

(3) La présence d'une "conjugaison interrogative" (limitée aux modes indicatif et conditionnel). Cette conjugaison se caractérise par la postposition du pronom sujet (qui peut reprendre un substantif/nom déjà énoncé, et disloqué) au verbe. Il convient de noter que cette conjugaison se caractérise par quelques particularités phonétiques: le changement de e muet en [ e ] devant [ ] , et l'insertion d'une consonne de liaison [t ] après e muet ou a devant les pronoms il, elle tton § 1753-1760/706-712. variante libre de cette conjugaison interrogative est celle où l'on utilise la particule est-ce que (au début de la phrase), ce qui permet de conserver l'ordre des mots et l'intonation de la phrase affirmative. La conjugaison interrogative, par contre, requiert une courbe intonative montante.

(4) L'emploi d'un ton montant, sans changement dans l'ordre des segments qu'on a dans
la phrase affirmative. Cette possibilité est mentionnée dans le paragraphe consacré
aux espèces de propostition; § 261, 2/ 175, 3 rem. 2.

On doit y ajouter:

(5) L'interrogation disjonctive, que Grevisse définit seulement du point de vue sémantique
(elle "énonce une alternative"); § 261, 3/ 175, 3 rem.

Par contre, on n'inclura pas l'interrogation indirecte, qui (1) n'est pas une question, mais (l'affirmation d') une demande d'information, ou l'affirmation d'un manque de connaissance, et qui (2) n'a pas l'intonation montante, ni la particule est-ce que, ni une conjugaison interrogative (s'il y a inversion dans "l'interrogation indirecte", il s'agit d'une inversion facultative et non de l'inversion obligatoire qui caractérise la conjugaison interrogative) .

On comparera ce traitement avec celui qu'on trouve chez Brunot (1922), où l'on trouve un chapitre consacré aux questions et aux "moyens de questionner" (p. 487-492), ou avec celui qu'on trouve dans les travaux pragmatiques, où l'attention se porte vers les aspects illocutionnaires du message (pourquoi interroge-t-on? ), ce qui suppose un modèle d'interaction discursive. Il est clair, pourtant, qu'il ne faut pas reprocher à Grevisse de ne pas avoir élaboré un tel modèle: le BU est une grammaire, et a ainsi pour objet les éléments constitutifs du français (§4). La notion d'usage telle qu'elle apparaît dans le titre et dans la définition de la grammaire descriptive (§5: "La grammaire descriptive expose l'usage linguistique d'un groupement humain à une époque donnée. Elle se borne ordinairement à constater et à enregistrer le "bon usage", c'est-à-dire l'usage constant des personnes qui ont souci de bien parler et de bien écrire"), ne renvoie pas à l'usage discursif des catégories linguistiques, mais à leur sélection et combinaison (en structures propositionnelles). Autrement dit: usage renvoie ici à la construction d'un énoncé (et aux éléments mis en rapport par la construction), et non pas au rôle que joue l'énoncé en tant que message. Reste que ce dernier aspect est souvent reconnu et bien décrit: dépassant le cadre de la corrélation stricte entre forme et sens, Grevisse note les effets de sens obtenus avec certains énoncés. Ainsi, il sépare de l'interrogation proprement dite ce qu'il appelle l'interrogation oratoire, "figure de rhétorique par laquelle on donne à entendre qu'il faut admettre comme évidente la proposition contradictoire à celle qu'on exprime fictivement sous la forme interrogative: Est-il possible qu'il ait fait une telle faute"} [= II n'est pas possible ...] - Ne vous avais-je pas averti! [= Je vous avais averti]" (§261, 4/ 175, 4).

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Le BU contient donc un très grand nombre de données et d'observations pertinentes pour les deux autres approches, sémio-expressive et pragmatique, qui privilégient très souvent ce qui apparaît ou est présenté comme marginal dans le BU. Il ne nous intéresse pas ici de déterminer à quels aspects il convient d'accorder la plus grande importance. Essayons d'apprécier, conformément aux principes de l'historiographie et de l'epistemologie contemporaines, l'organisation du BU en tant qu'architecture conceptuelle autonome. Le critère qu'il faut appliquer ici est bien sûr celui de la systématicité, d'ailleurs mis en relief par Grevisse au début de son ouvrage: "La grammaire est l'étude systématique des éléments constitutifs d'une langue" (§4). Or, si l'on reprend l'exemple des structures de l'interrogation, il faut bien reconnaître la fragmentation du traitement descriptif. Le BU parle de l'interrogation à quatre endroits différents: en rapport avec les espèces de proposition, dans la description des adjectifs interrogatifs, et dans celle des pronoms interrogatifs, et dans l'analyse de la conjugaison interrogative. Le rôle important de l'intonation est relégué dans une remarque (au §261/175) et il n'y est pas fait mention de son rapport avec l'inversion dans la conjugaison interrogative. De même, la particule^ est-ce que est étudiée dans une remarque (aux paragraphes 261/175, 1161/525, et 2044, 2/ 832, 2) et à l'intérieur des passages consacrés aux pronoms interrogatifs (§1250/570) et à la conjugaison interrogative (§ 1756/709).

Certes, cette fragmentation est le corollaire de l'organisation du BU autour des parties du discours (organisation qui a résisté à l'usure du temps, et qui conserve ses mérites), mais on peut se demander si on ne perd pas ainsi une généralisation importante à propos de l'interrogation. Pour décrire celle-ci, on pourrait, dans le paragraphe qui traite des espèces de propositions, développer la classification suivante:

I. Propositions interrogatives obtenues par une intonation montante appliquée à une phrase
déclarative.

11. Propositions interrogatives obtenues par l'antéposition de la particule est-ce que à une
phrase déclarative.

lll.Propositions interrogatives obtenues par la postposition n'est-ce pas ou hein à la phrase
déclarative.

IV.Propositions interrogatives obtenues par une dislocation du sujet, repris par un pronom
postverbal, ou obtenues par la simple postposition du pronom postverbal.

V. Propositions interrogatives obtenues par l'emploi d'un mot interrogatif (adjectif/pronom) en combinaison avec une structure mentionnée sous IV. ou IL, avec postposition de estce que au mot interrogatif; exemples: Avec qui est-elle sortie? Quand est-ce que tu lui as parlé?

Vl.lnterrogation obtenue par la réunion disjonctive (ou) des propositions Pet non-P (ou un équivalent), dans une structure du type IV., 11. ou I. : A-t-il raison ou n'a-t-il pas raison"] (A-t-il raison ou a-t-il tort! ), Est-ce correct ou n'est-ce pas correctl. (Est-ce correct ou incorrect! ), Est-ce que c'est correct ou incorrect! , Est-ce qu'il a raison ou est-ce qu'il n 'a pas raison! , C'est correct ou incorrect! , II a raison ou il n 'a pas raison! , avec la possibilité de formulations elliptiques: Ai-je raison ou non!

On obtient ainsi un continuum*** qui va de la prosodie à la syntaxe. En fait, la construction d'ensemble du BU n'est guère propice à l'intégration d'un tel continuum. La démarche de Grevisse est plutôt "discrétisante", mettant à part les différentes catégories dégagées. Ce même défaut d'analyse des interactions entre les différents niveaux se manifeste dans le traitementde la liaison, qu'on ne saurait décrire sans tenir compte des données syntaxiques (cf. un beau et grand ouvrage, un vieux et laid personnage; un bel ancien immeubley^. Plus

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généralement, on touche ici à une faiblesse caractéristique des grammaires construites autour du schéma des parties du discours: elles n'ont pas une conception proprement linguistique de la syntaxe. Celle-ci n'est qu'une transposition des catégories morphologiques dégagées, et le BU offre une illustration typique d'une telle conception: les différentes sortes de subordonnées - faut-il encore rappeler que chez Grevisse la syntaxe, dans la mesure où elle n'est pas intégrée à la morphologie (cf. les phénomènes d'accord), est presque entièrement consacréeà la subordination — sont rattachées à des catégories morphologiques (substantif, adjectif,adverbe). Les inconvénients d'une telle approche sont nets:

(1) Les propositions relatives sont plus que des propositions adjectives: on a des relatives
qui assument la fonction d'un substantif (relatives introduites par qui/quiconque), ou
celle d'un adverbe (propositions relatives avec oá) .En plus, on voit mal comment
on peut considérer les propositions relatives suivantes comme "assimilables à des
adjectifs ou à des participes-adjectifs":
Je lui tends un sucre qu 'il engloutit aussitôt.
Et le médecin qui doit encore être payé!

(2) L'existence des adverbiales repose sur une ambiguïté: assimilables à des adverbes, elles correspondent à des compléments circonstanciels, et les deux ne sont pas identiques (notons encore que le BU ne fournit pas une analyse pénétrante des diverses catégories d'adverbes ou expressions adverbiales) .

(3) II faut des tours de force sémantiques pour faire entrer dans la classe des propositions
substantives les subordonnées après apparemment que, heureusement que. oui que,
voici que, etc. (§ 2594/1003).

(4) La hiérarchie des constructions n'est pas adéquatement décrite: je pense ici, parmi
d'autres exemples, à la description de la relative imbriquée, appelée ici "relative associée
à une substantive d'objet" (§ 2614-2615/1014).

Je passe sur certains problèmes de détail^ pour m'arrêter à quelques défauts généraux, qui
concernent les principes mêmes de la démarche de Grevisse.

Il y a d'abord le problème de suppléer un sens quand l'information formelle, en l'occurrence morphologique, fait défaut. C'est en fonction d'une telle perspective de "relais" sémantique qu'il faut interpréter la présence d'un paragraphe autonome sur le gérondif, qui dans sa forme ne diffère pas du participe présent, et qui s'en distinguerait par ses propriétés morphosyntaxiques (présence de en devant le gérondif, dans la plupart des cas) et, surtout, sémantiques (le gérondif apporterait une précision sémantique au verbe). En fait, aucune des deux propriétés n'est décisive ou suffisante: il y a des gérondifs sans en, et il y a des participes présents qui précisent bel et bien le sens du verbe .

Le second problème est celui de suppléer un sens et une forme. On touche ici au fameux problème de l'ellipse. Grevisse, admettons-le, fait un emploi modéré de l'ellipse. Il reconnaît même qu'il ne faut pas recourir au terme pour décrire l'absence d'un sujet de l'impératif (§ 369 note 39/229 note 2). Mais j'ai des difficultés à diagnostiquer une ellipse de la prépositionde dans Le boulevard Anspach, Le match France-Belgique, ou Le procédé Solvay (§ 2268/911). Ne s'agit-il pas simplement de la combinaison terme général + son appellation, si répandue en français (L'écrivain Jean Camisole, Le criminel Louis Bâtard) et dont la structures'observe également dans des (séquences d') énoncés typiquement dénominatifs (un linguistequi a nom Eustache Du Misainbole)l D'ailleurs, Grevisse n'admet-il pas que de est une "cheville syntaxique", et ne faut-il donc pas interpréter les cas où il n'y a pas de de connecteurcomme

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necteurcommedes exemples de séquences auxquelles le de ne s'est pas encore étendu, plutôt
que comme des exceptions à la présence de cette cheville syntaxique (à tendance expansive)?

Je finirai par poser un troisième problème général. Il s'agit d'une lacune dans l'organisation des catégories morphologiques, lacune qui s'explique par le peu d'intérêt accordé à la position des éléments. Les non-francophones qui utilisent le BU en sont sans doute conscients, ayant souvent buté sur le problème de la construction de deux adjectifs avec un substantif: une importante invasion militaire/une invasion militaire importante¡*une invasion importante militaire. En effet, si la place de l'adjectif simple par rapport au substantif ne fait pas l'objet d'une description rigoureuse dans le BU, il en est pire même de celle de deux adjectifs . Mais ce manque d'analyse distributionnelle ou positionnelle a des conséquences pour l'organisation de la morphologie même: est-il justifié de mettre sur pied d'égalité les adjectifs numéraux avec les adjectifs possessifs, démonstratifs, interrogatifs et indéfinis? Les adjectifs numéraux se laissent facilement combiner avec les possessifs, démonstratifs et interrogatifs (et avec certains indéfinis), alors qu'il existe toutes sortes d'incompatibilités mutuelles entre ces derniers. Et quel profit l'auteur n'aurait-il pas tiré d'observations positionnelles afin de déterminer le statut des clitiques^:

j'ai mangé / ai-je mangé?
c'a été bien / *a-ce été bien?
ç'ont été de grandes émotions j *ont-ce été de grandes émotions?

Après avoir défini la position historique et méthodologique du BU, et indiqué les problèmes descriptifs et de principe qui se posent à l'intérieur de l'ouvrage même, il est temps de dresser le bilan. L'admirable trésor (de classifications, de définitions, de remarques et d'informations synchroniques et diachroniques, d'exemples et de contre-exemples) que constitue le BU est bien une grammaire des catégories morphologiques du français: la syntaxe en est le prolongement (par transposition). On n'y trouve pas, à proprement parler, une conception de la proposition: le rôle constructeur du verbe, l'expansion des groupes syntagmatiques, les rapports de rection entre les principales et les subordonnées, autant de problèmes qui ne sont pas traités ou seulement effleurés. La grammaire de Grevisse est bâtie autour des marques formelles qui caractérisent le système français, et auxquelles un sens peut être attribué. Cest dans la description (des emplois) de ces marques que réside la vraie valeur du BU, et dans les analyses subtiles de certaines déviations. Et si l'ensemble prête le flanc à des critiques, c'est qu'il fournit des matériaux incitant à la réflexion.



Notes

1. Voir Swiggers (1986a,b) pour la grammaire française au XXe siècle; pour l'histoire de la "grammaticographie" française, voir Chevalier (1968), Swiggers (1986 c), et pour le XIXe siècle, voir CherveK 1977).

2. Pour les renvois au BU, nous donnons d'abord les références aux paragraphes de la onzième édition (Grevisse 1980), suivies d'un renvoi aux paragraphes correspondants dans la neuvième édition (Grevisse 1969). La dernière indication permet de repérer aisé- ment les paragraphes dans toutes les éditions antérieures à la onzième. Les deux renvois sont séparés par une barre transversale (/).

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2. Pour les renvois au BU, nous donnons d'abord les références aux paragraphes de la onzième édition (Grevisse 1980), suivies d'un renvoi aux paragraphes correspondants dans la neuvième édition (Grevisse 1969). La dernière indication permet de repérer aisé- ment les paragraphes dans toutes les éditions antérieures à la onzième. Les deux renvois sont séparés par une barre transversale (/).

3. Celle-ci a fait l'objet de nombreuses études depuis Chomsky (1966); voir maintenant Dominicy (1984), bibliographie, p. 233-25 3) et Swiggers (1984a).

4. Sur la valeur d'une analyse positionnelle, voir Hymes (1955); voir également Swiggers (1984b; 1985a).

5. Le type de fonction qu'on envisage alors est la fonction de correspondance; à propos de la notion de fonction en linguistique, voir Silverstein (1978, 1979) et Swiggers (1985b, c).

6. L'exemple-type de cette conception (en grammaire française) est Brunot (1922); cf. Stéfanini(l973).

7. Voir les travaux de Ducrot et son école (Ducrot et al. 1980; Ducrot 1980), Parret éd. 1980 (cf. Swiggers 1984c).

8. Voir l'ouvrage récent de Martin (1983); pour une appréciation, voir Swiggers (1985 d).

9. Il ya des cas d'extension "analogique": menté-je (au lieu de mens-je).

10. Étant donné que nous résumons ici la description de Grevisse, nous nous sommes abstenu de formuler les règles en termes morphophonologiques. De même, nous ne voulons pas prendre position ici dans le débat entre les partisans de la phonologie abstraite et les adhérents de la phonologie concrète (modèle d'insertion, ou modèle de supplétion; cf. Tranel 1981 et Klausenburger 1984).

11. Notons que l'exemple Voilà quelle je suis et quelle je veux être (§943/442) ne correspond pas, à notre avis, à la notion d'interrogation directe ou indirecte.

12. A un endroit (§2044, 2/ 832 rem. 2) est-ce que est présenté comme un adverbe interrogatif ; vu le statut particulier (surtout en ce qui concerne le comportement syntaxique) de cette particule, il me semble injustifié de la considérer comme adverbe.

13. Une structure de type 111 ou V est exclue ici.

14. Pour l'idée de continuum, avec application au problème de l'interrogation, voir Givón (1984). Pour le continuum constitué par les expressions de possession, voir Seiler (1983).

15. L'importance des facteurs syntaxiques pour une théorie de la liaison (en français) avait déjà été reconnue par Schane et Dell, mais il a fallu attendre l'article de Morin et Kaye (1982) pour voir appréciés à leur juste valeur les facteurs syntaxiques qui ont une incidence sur la liaison.

16. J'adopte ici le point de vue formel. Notons que pour ce qui concerne le sens des propositions relatives, Grevisse admet qu'elles peuvent assumer le rôle de propositions substantives et circonstancielles (§2607/1010).

17. Sur ces types de relatives, voir Brunner (1981) et Rothemberg (1983).

18. Sur l'hétérogénéité de la notion de complément circonstanciel, voir l'étude de Melis (1983), intégrant les travaux de Dessaux, Martin, Mordrup, Ruwet et S. Schlyter.

19. Comme par exemple le glissement, non justifié, vers une analyse sémantique dans le § 2552/995, 4 (remarque): "certaines propositions introduites par une conjonction temporelle quand, lorsque, etc. deviennent parfois de véritables propositions substantives: Le moment solennel, ce fut quand les Pères Oblats soulevèrent la statue miraculeuse. A mon avis, la proposition est bel et bien adverbiale (être peut d'ailleurs être suivi d'un adverbe: ce fut alors, c'est maintenant, etc.). Grevisse s'est-il laissé abuser par la présence de être, précédé ou suivi normalement d'un prédicat (nominal ou adjectival) et suggérant ainsi la présence d'une subordonnée substantive?

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19. Comme par exemple le glissement, non justifié, vers une analyse sémantique dans le § 2552/995, 4 (remarque): "certaines propositions introduites par une conjonction temporelle quand, lorsque, etc. deviennent parfois de véritables propositions substantives: Le moment solennel, ce fut quand les Pères Oblats soulevèrent la statue miraculeuse. A mon avis, la proposition est bel et bien adverbiale (être peut d'ailleurs être suivi d'un adverbe: ce fut alors, c'est maintenant, etc.). Grevisse s'est-il laissé abuser par la présence de être, précédé ou suivi normalement d'un prédicat (nominal ou adjectival) et suggérant ainsi la présence d'une subordonnée substantive?

20. Il suffit de considérer les exemples réunis dans le BU (§ 1947-1957/799-803).

21. Sur la place de l'adjectif en français, voir Forsgren (1978), Reiner (1968, 1976) et Wilmet (1980, 1981); on trouvera de fines analyses chez Damourette et Pichón (1911-1940, 11, 7-231, passim). Quant à la place respective de plusieurs adjectifs, on peut envisager une description (et explication) s'inspirant des études typologiques de Greenberg (1963: 68-69), et Seiler (1978, 1985) sur la concurrence des éléments adnominaux.

22. Sur les implications de ce problème pour la définition du mot, voir Swiggers - Van Hoecke (éds 1986: introduction).

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