Revue Romane, Bind 21 (1986) 2

Au seuil de la modernité: le jeu d'échecs de Saussure et le Jeu de Saint-Denys Garneau

par

Anthony Purdy

II contributo di Zacearía Valaresso 1. Introduction

La modernité en poésie québécoise est un phénomène tardif qui ne prend son essor véritable qu'au sortir de la deuxième guerre mondiale et que l'on fait souvent dater d'un événement précis: la parution en 1937 d'un recueil de poèmes de Saint- Denys Garneau, intitulé Regards et jeux dans l'espacel. Le volume comprend sept parties numérotées, suivies d'un poème-épilogue, "Accompagnement". La première partie a pour titre "Jeux" et est composée d'un poème-prologue nontitré, suivi de quatre poèmes dont le premier est "Le Jeu":

Ne me dérangez pas je suis profondément occupé

Un enfant est en train de bâtir un village
C'est une ville, un comté
Et qui sait
Tantôt l'univers.
Il joue

Ces cubes de bois sont des maisons qu'il déplace
et des châteaux
Cette planche fait signe d'un toit qui penche
ça n'est pas mal à voir

Ce n'est pas peu de savoir où va tourner la route
de cartes
Ce pourrait changer complètement
le cours de la rivière
A cause du pont qui fait un si beau mirage
dans l'eau du tapis

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C'est facile d'avoir un grand arbre
Et de mettre au-dessous une montagne
pour qu'il soit en haut.

Joie de jouer! paradis des libertés!
Et surtout n'allez pas mettre un pied dans
la chambre
On ne sait jamais ce qui peut être dans ce coin
Et si vous n'allez pas écraser la plus chère
des fleurs invisibles

Voilà ma boîte à jouets
Pleine de mots pour faire de merveilleux enlacements
Les allier séparer marier,
Déroulements tantôt de danse
Et tout à l'heure le clair éclat du rire
Qu'on croyait perdu

Une tendre chiquenaude
Et l'étoile
Qui se balançait sans prendre garde
Au bout d'un fil trop ténu de lumière
Tombe dans l'eau et fait des ronds

De l'amour de la tendresse qui donc oserait en douter
Mais pas deux sous de respect pour l'ordre établi
Et la politesse et cette chère discipline
Une légèreté et des manières à scandaliser les
grandes personnes

II vous arrange les mots comme si c'étaient de
simples chansons
Et dans ses yeux on peut lire son espiègle plaisir
A voir que sous les mots il déplace toutes choses
Et qu'il en agit avec les montagnes
Comme s'il les possédait en propre.
Il met la chambre à l'envers et vraiment l'on
ne s'y reconnaît plus
Comme si c'était un plaisir de berner les gens.

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Et pourtant dans son œil gauche quand le droit rit
Une gravité de l'autre monde s'attache à la feuille
d'un arbre
Comme si cela pouvait avoir une grande importance
Avait autant de poids dans sa balance
Que la guerre d'Ethiopie
Dans celle de l'Angleterre.

Nous ne proposons pas ici une lecture intégrale du poème. Nous nous bornerons
à quelques réflexions sur l'analogie que le poème développe entre le jeu d'un
enfant et l'activité créatrice du poète.

L'image d'un jeu d'enfant paraît tout à fait naturelle dans une poésie qui tend à idéaliser la vision du monde de l'enfance et où la révolte se manifeste sous forme d'un "espiègle plaisir" à désorienter les grandes personnes et à renverser l'ordre établi. Et pourtant, il ne faut pas tomber dans l'erreur dénoncée par le poème: ce jeu est bien sérieux et, loin d'être un divertissement charmant mais enfantin, le poème de Saint-Denys Garneau est une méditation profonde sur la poésie et sur le langage. Il ne suffit pas non plus de ne voir dans la sémiotique primitive du jeu qu'une première formulation de la sommation célèbre d'Anne Hébert: "La vie ici est à découvrir et à nommer"^. Car la langue n'est pas une nomenclature, même si les choses à nommer sont invisibles à une société aveuglée par la Grande Noirceur de l'âge de la raison. L'art poétique de Saint-Denys Garneau est à chercher ailleurs et la théorie linguistique qui peut illuminer sa magie particulière est celle de ce grand initiateur de la modernité européenne, Ferdinand de Saussure.

Dans son Cours de linguistique générale?l, Saussure compare la langue, à trois reprises, à un jeu d'échecs Nous projetons donc d'étudier et de comparer les deux analogies — celle de Saint-Denys Garneau et celle de Saussure — pour en faire ressortir les rapports, les différences et les limitations. Ce faisant, nous espérons arriver à une meilleure compréhension de l'art poétique de Saint-Denys Garneau et de sa contribution à la modernité québécoise.

2. Linguistique interne et linguistique externe

Vers la fin de l'lntroduction du CLG, il y a un chapitre consacré à la distinction entre les aspects internes et externes de la linguistique. Selon Saussure, une linguistique dont l'objet est la langue — c'est-à-dire un système formel et autonome de pures valeurs — se doit d'exclure des termes de son investigation tout ce qui est étranger à ce système, en un mot tout ce qu'on désigne par le terme de linguistique

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Ce sont d'abord tous les points par lesquels la linguistique touche à l'ethnologie, toutes
les relations qui peuvent exister entre l'histoire d'une langue et celle d'une race ou d'une
civilisation. (...)
En second lieu, il faut mentionner les relations existant entre la langue et l'histoire
politique. De grands faits historiques comme la conquête romaine, ont eu une portée incalculable
pour une foule de faits linguistiques. La colonisation, qui n'est qu'une forme
de la conquête, transporte un idiome dans des milieux différents, ce qui entraîne des
changements dans cet idiome. (...) La politique intérieure des Etats n'est pas moins importante
pour la vie des langues: certains gouvernements comme la Suisse, admettent la
coexistence de plusieurs idiomes; d'autres, comme la France, aspirent à l'unité linguistique.

Ceci nous amène à un troisième point: les rapports de la langue avec des institutions
de toute sorte, l'Eglise, l'école, etc. Celles-ci, à leur tour, sont intimement liées avec le
développement littéraire d'une langue, phénomène d'autant plus général qu'il est luimême
inséparable de l'histoire politique. (...)
Enfin tout ce qui se rapporte à l'extension géographique des langues et au fonctionnement
dialectal relève de la linguistique externe. (CLG, 40-41)

Or, si nous avons cité ce passage qui, dans le CLG, n'a qu'une valeur négative, c'est que les questions qu'il soulève sont d'un intérêt capital et indéniable pour l'étude de la langue (et, partant, de la littérature) dans un pays dont l'histoire est caractérisée par la conquête, la colonisation et une politique linguistique souvent fort contestée. Ainsi, par exemple, dans le cadre d'une analyse philologique du poème de Saint-Denys Garneau, on se verrait obligé d'adopter la perspective de la linguistique externe pour commenter l'emploi de mots comme comté et piastre. Cependant, selon Saussure, de telles excursions ne sont plus indispensables dès qu'on s'en tient à l'étude de la langue, c'est-à-dire du système linguistique considéré comme tel. En effet, la séparation rigoureuse des deux optiques s'impose au chercheur, car chaque point de vue crée son objet et ses méthodes particuliers, la matière de la linguistique externe étant un ensemble hétéroclite et multiforme de faits qui peuvent être étudiés par de multiples disciplines, tandis que la langue, en tant qu'objet de la linguistique interne, est par définition homogène, "un tout en soi et un principe de classification" (CLG, 25). C'est dans ce contexte que le linguiste introduit la comparaison avec le jeu d'échecs pour illustrer la différence entre les deux points de vue:

Là, il est relativement facile de distinguer ce qui est externe de ce qui est interne: le fait qu'il a passé de Perse en Europe est d'ordre externe; interne, au contraire, tout ce qui concerne le système et les règles. Si je remplace des pièces de bois par des pièces d'ivoire, le changement est indifférent pour le système; mais si je diminue ou augmente le nombre des pièces, ce changement-là atteint profondément la "grammaire" du jeu. Il n'en est pas moins vrai qu'une certaine attention est nécessaire pour faire des distinctions de ce genre. Ainsi dans chaque cas on posera la question de la nature du phénomène, et pour la résoudre on observera cette règle: est interne tout ce qui change le système à un degré quelconque. (CLG, 43)

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En passant à la comparaison faite par Saint-Denys Garneau entre la poésie et le jeu d'un enfant, on se rend compte d'emblée que l'on a affaire à un jeu et à un point de vue très.différents. Par exemple, au contraire du jeu d'échecs, le jeu de l'enfant ne paraît ni très social ni très formalisé. Et pourtant, si l'on s'en tient pour l'instant à l'opposition entre éléments internes et externes, on peut constater certaines ressemblances intéressantes entre les deux analogies. A cet égard, l'incipit du poème avec son exclusion plutôt brutale de tout élément externe, est symptomatique de ce qui va suivre. "Ne me dérangez pas je suis profondément occupé," nous dit l'enfant-poôte, soucieux de protéger l'état de recueillement et de concentration nécessaire à la création de mondes imaginaires. Cette impression est renforcée par le fait que l'art poétique de Saint-Denys Garneau, tel qu'il est exprimé par analogie dans ce poème, semble insister davantage sur les règles (tant soit peu formalisées) du jeu, sur le système de rapports internes, que sur les aspects externes. Peu importe que les maisons du jeu soient représentées par des cubes de bois plutôt que par des boîtes d'allumettes4 ; l'essentiel, c'est de savoir qui régit le système de dépendances, la 'grammaire' du jeu qui l'emporte nettement sur tout dispositif référentiel:

Ce n'est pas peu de savoir où va tourner la route
de cartes
Ce pourrait changer complètement
le cours de la rivière
A cause du pont qui fait un si beau mirage
dans l'eau du tapis

Faut-il donc conclure, de la mise en relief de l'organisation interne des signifiants — "Les allier séparer marier" — et du rôle subordonné des éléments externes, à un engagement exclusif dans l'Œuvre, à une aventure intérieure menée dans le vide, détachée de toute préoccupation sociale? Nous n'interviendrons pas ici dans les débats qui ont caractérisé la réception au Québec de l'œuvre de Saint- Denys Garneau; nous nous contenterons de rappeler qu'un critique marxiste comme Léandre Bergeron, qui n'est pas connu pour son culte de l'art pour l'art, s'est attaché, en commentant le poème "Accompagnement", à la révolte du poète aliéné: "C'est ça. Il ne coïncide pius avec lui-même. Il le sent. Il le sait. Il essaie de changer ça par des trucs, la poésie elle-même.''''^ C'est-à-dire que, si l'on voulait découvrir un engagement, une contestation sociale, dans la poésie de Saint-Denys Garneau, c'est sur le plan interne et non externe qu'il faudrait les chercher, au niveau même de l'écriture et des exigences de la poésie. Car la voyance du poète, de cet 'horrible travailleur' dont parlait Rimbaud, est, comme nous le rappelle Jean Ricardou, d'ordre avant tout littéraire, textuel:

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Si donc, comme on l'a maintes fois noté, la littérature nous fait mieux voir le monde, nous le révèle, et, d'un mot, en accomplit la critique, c'est dans l'exacte mesure où, loin d'en offrir un substitut, une image, une représentation, elle est capable, en sa textualité, de lui opposer la différence d'un tout autre système d'éléments et de rapports.

Quant au jeu de l'enfant, c'est précisément le savoir et la vision de celui-ci qui constituent, dans leur différence, "un tout autre système d'éléments et de rapports", lequel entre nécessairement en conflit avec l'aveuglement et les habitudes de voir des grandes personnes. Comme le poète, l'enfant s'adonne à une transvaluation des valeurs établies:

De l'amour de la tendresse qui donc oserait en douter
Mais pas deux sous de respect pour l'ordre établi
Et la politesse et cette chère discipline
Une légèreté et des manières à scandaliser les
grandes personnes
II vous arrange les mots comme si c'étaient de
simples chansons
Et dans ses yeux on peut lire son espiègle plaisir
A voir que sous les mots il déplace toutes choses
Et qu'il en agit avec les montagnes
Comme s'il les possédait en propre.
Il met la chambre à l'envers et vraiment l'on
ne s'y reconnaît plus
Comme si c'était un plaisir de berner les gens.

Activité anarchique qui se veut à la fois joyeuse et d'un sérieux absolu, les événements importants de la vie n'étant pas des monopoles de l'Etat. Ainsi, aux grands événements historiques et politiques on peut opposer le 'mystère objectif de Borduas, le 'réel absolu' de Paul-Marie Lapointe7 :

Et pourtant dans son œil gauche quand le droit rit
Une gravité de l'autre monde s'attache à la feuille
d'un arbre
Comme si cela pouvait avoir une grande importance
Avait autant de poids dans sa balance
Que la guerre d'Ethiopie
Dans celle de l'Angleterre.

3. Synchronie et diachronie

La seconde comparaison avec le jeu d'échecs dans le CLG sert à "montrer à la
fois l'autonomie et l'interdépendance du synchronique et du diachronique" (124):

Une partie d'échecs est comme une réalisation artificielle de ce que la langue nous présente
sous une forme naturelle.

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Voyons la chose de plus près.
D'abord un état du jeu correspond bien à un état de la langue. La valeur respective
des pièces dépend de leur position sur l'échiquier, de même que dans la langue chaque
terme a sa valeur par opposition avec tous les autres termes.
En second lieu, le système n'est jamais que momentané; il varie d'une position à l'autre.
Il est vrai que les valeurs dépendent aussi et surtout d'une convention immuable, la règle
du jeu, qui existe avant le début de la partie et persiste après chaque coup. Cette règle admise
une fois pour toutes existe aussi en matière de langue; ce sont les principes constants
de la sémiologie.
Enfin, pour passer d'un équilibre à l'autre, ou - selon notre terminologie d'une
synchronie à l'autre, le déplacement d'une pièce suffit; il n'y a pas de remue-ménage
général. Nous avons là le pendant du fait diachronique avec toutes ses particularités. En
effet:
a) Chaque coup d'échecs ne met en mouvement qu'une seule pièce; de même dans la
langue les changments ne portent que sur des éléments isolés.
b) Malgré cela le coup a un retentissement sur tout le système; il est impossible au
joueur de prévoir exactement les limites de cet effet. Les changements de valeurs qui en
résulteront seront, selon l'occurrence, ou nuls, ou très graves, ou d'importance moyenne.
Tel coup peut révolutionner l'ensemble de la partie et avoir des conséquences même pour
les pièces momentanément hors de cause. Nous venons de voir qu'il en est exactement de
même pour la langue.
c) Le déplacement d'une pièce est un fait absolument distinct de l'équilibre précédent
et de l'équilibre subséquent. Le changement opéré n'appartient à aucun de ces deux états:
or les états sont seuls importants. (CLG, 125-26)

Or, tout en reconnaissant la valeur pédagogique de l'analogie telle qu'elle est développée
ici, il importe de faire remarquer en quoi la comparaison est boiteuse.

Comme l'a dit Dominique Willems dans un article perspicaceB, une partie d'échecs n'est pas composée, comme le voulait Saussure, d'une suite d'états autonomes, indépendants les uns des autres. Là où un état de langue est indépendant de l'évolution postérieure de celle-ci, le jeu d'échecs présuppose toujours une suite, une progression de virtualités vers un état final. C'est-à-dire qu'en échecs les changements (ou coups) sont toujours orientés, dirigés vers un but à atteindre, et il n'est pas possible d'affirmer à leur sujet, comme en matière de langue, que les faits diachroniques n'ont rien à voir avec les valeurs: "un fait diachronique est un événement qui a sa raison d'être en lui-même; les conséquences synchroniques particulières qui peuvent en découler lui sont complètement étrangères" (CLG, 121). D'ailleurs, il s'agit là d'un inconvénient dont Saussure était lui-même conscient, bien qu'il essaie d'en minimiser la portée:

II n'y a qu'un seul point où la comparaison soit en défaut; le joueur d'échecs a l'intention d'opérer le déplacement et d'exercer une action sur le système; tandis que la langue ne prémédite rien; c'est spontanément et fortuitement que ses pièces à elle se déplacent - ou plutôt se modifient... (CLG, 127)

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Cependant, même si l'on écarte la question de l'intention, il reste dans l'analogie saussurienne la possibilité d'une confusion entre deux niveaux d'analyse synchronique, entre, d'une part, un état du jeu des échecs, c'est-à-dire un moment dans l'histoire de l'évolution des règles du jeu, et, d'autre part, un état d'une partie d' échecs donnée. Dans le premier cas — celui du macro-système — l'analogie paraît assez exacte. Et pourtant, là encore il y a un problème. C'est que l'arbitraire saussurien, quoique historiquement nécessaire, est non conventionnaliste:

Si par rapport à l'idée qu'il représente, le signifiant apparaît comme librement choisi, en revanche, par rapport à la communauté linguistique qui l'emploie, il n'est pas libre, il est imposé. (...) Non seulement un individu serait incapable, s'il le voulait, de modifier en quoi que ce soit le choix qui a été fait, mais la masse elle-même ne peut exercer sa souveraineté sur un seul mot; elle est liée à la langue telle qu'elle est. La langue ne peut donc plus être assimilée à un contrat pur et simple... (CLG, 104)

C'est même, selon Saussure, l'arbitraire du signe qui en garantit l'immutabilité, mettant la langue à l'abri de toute tentative visant à la modifier: "C'est parce que le signe est arbitraire qu'il ne connaît d'autre loi que celle de la tradition, et c'est parce qu'il se fonde sur la tradition qu'il peut être arbitraire" (CLG, 108). Paradoxalement, la mutabilité du signe dépend elle aussi de son arbitraire; c'est parce qu'elle ne repose pas sur une 'norme raisonnable' que la langue est "radicalement impuissante à se défendre contre les facteurs qui déplacent d'instant en instant le rapport du signifié et du signifiant" (CLG, 110). De toute évidence, ces considérations, qui sont indispensables à la compréhension de l'évolution de la langue, ne sont pas pertinentes au jeu des échecs dont les règles dépendent, non pas du poids de la tradition, mais d'une convention (ou d'un contrat) raisonnable et volontairement acceptée, à laquelle il serait possible, à la rigueur, de substituer d'autres conventions.

En ce qui concerne la partie d'échecs (que Saussure semble avoir en tête), l'analogie est, paraît-il, inadéquate, puisque ce qu'on y voit est une série d'actes de parole - actes "de volonté et d'intelligence" (CLG, 30) - qui, tout en modifiant à chaque coup un micro-système (celui de la partie donnée) ne changent rien à la langue (le macro-système des règles du jeu). En effet, la métaphore du jeu d'échecs, comme la plupart des analogies de Saussure, a une valeur pédagogique immédiate mais superficielle; elle s'avère inadéquate dès qu'on approfondit la théorie qu'elle est censée illustrer.

L'analogie marcherait-elle donc mieux en matière poétique? Avant de répondre à cette question, il sera peut-être utile de rappeler comment la distinction linguistiqueentre synchronie et diachronie a été transposée par les structuralistes en termes littéraires. On part d'habitude de la distinction saussurienne entre langue et parole - ou de celle faite plus tard par Chomsky entre compétence et performance

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mance- pour voir dans un texte donné un acte de parole qu'il s'agit d'étudier par rapport à un état synchronique du système littéraire dont il relève et qu'il fait évoluer. Selon cette optique, il est possible, prétend Roman Jakobson, de rendre compte de la radicale historicité des états de littérature, de l'interdépendance du système et du processus, l'un étant à la fois l'instrument et le produit de l'autre:

II ne faut pas confondre la poétique synchronique, pas plus que la linguistique synchronique, avec la statique: chaque époque distingue des formes conservatrices et des formes novatrices. Chaque époque est vécue par les contemporains dans sa dynamique temporelle; d'autre part, l'étude historique, en poétique comme en linguistique, a affaire, non seulement à des changements, mais aussi à des facteurs continus, durables, statiques.

A cet égard, on dirait que la littérature se situe à mi-chemin entre la langue et le
jeu d'échecs, la part du contrat, de l'intention et de la stratégie étant plus importante
qu'en matière de langue mais moins importante qu'en échecs.

Dans le cas particulier du jeu solitaire d'un Saint-Denys Garneau, la pertinence de l'analogie - et de l'opposition synchronie/diachronie qu'elle prétend illustrer — n'est pas d'abord évidente, tant le point de vue adopté est celui de Yactivité ludique de l'enfant et, partant, de la composition, de la genèse du poème particulier. Cependant, la perspective que l'analogie structuraliste suggère a au moins l'avantage de nous rappeler que le poème, embryon de la poésie, est un acte de parole qui à la fois perpétue et transforme une certaine tradition poétique pour passer ensuite dans l'héritage — ce "magique butin magiquement conquis à l'inconnu" dont parlait Borduaslo —dela poésie québécoise moderne. La partie, s'entend, n'est jamais terminée: elle se prolonge en se transformant à l'intérieur d'une nouvelle communauté poétique, où ce trésor restera, comme celui de la langue dont parle Saussure, vivant, à condition de se voir sans cesse transformé:

Un magnifique devoir nous incombe aussi: conserver le précieux trésor qui nous échoit
Lui aussi est dans la lignée de l'histoire.

Objets tangibles, ils requièrent une relation constamment renouvelée, confrontée, remise
en question. Relation impalpable, exigeante qui demande les forces vives de l'action.

Ce trésor est la réserve poétique, le renouvellement émotif où puiseront les siècles avenir.
11 ne peut être transmis que TRANSFORMÉ...II

D'ailleurs, pour changer de perspective et d'image, la partie d'échecs nous fournit une belle métaphore de la genèse du poème. Là encore, on revient à ces vers qui expriment si naïvement la priorité du signifiant, laquelle renverse ce que Ricardou appelle "le traditionnel dispositif de Y expression-représentation: une entité antécédente (idée, objet) 'à dire' et 'le moment verbal' comme 'structure secondaire de l'entreprise' "12:

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Ce n'est pas peu de savoir où va tourner la route
de cartes
Cela pourrait changer complètement
le cours de la rivière
A cause du pont qui fait un si beau mirage
dans l'eau du tapis

Ici, c'est un effet de signifiant (l'image dans le tapis) qui détermine la position du pont — point d'intersection de la route et de la rivière — et qui risque donc de changer le cours de celle-ci. "Ecrire, dit Ricardou, tout écrivain à sa manière l'atteste, est une activité productrice qui se caractérise notamment par la transformation, à mesure, de ses propres bases."l3 Et on pourrait ajouter que, comme dans la partie d'échecs, il suffit de déplacer une seule pièce pour que le système entier soit transformé. Ce qui nous amène à la question de la valeur.

4. La valeur

Après avoir passé en revue les notions d'entité, d'unité, d'identité et de réalité linguistiques, Saussure en conclut que la valeur de l'élément n'est pas intrinsèque, qu'elle est au contraire un produit du système dont elle fait partie. En effet, le problème de la délimitation des unités s'avère tellement délicat que l'on ne peut le résoudre qu'en considérant la langue comme un système de pures valeurs. Les unités de la langue ne sont pas données; elles n'ont d'existence qu'à l'intérieur du système de rapports qu'est la langue: "Mais de même que le jeu d'échecs est tout entier dans la combinaison des différentes pièces, de même la langue a le caractère d'un système basé complètement sur l'opposition de ses unités concrètes" (CLG, 149). Encore une fois donc, Saussure a recours à l'analogie du jeu d'échecs pour illustrer sa pensée :

Prenons un cavalier: est-il à lui seul un élément du jeu? Assurément non, puisque dans sa matérialité pure, hors de sa case et des autres conditions du jeu, il ne représente rien pour le joueur et ne devient élément réel et concret qu'une fois revêtu de sa valeur et faisant corps avec elle. Supposons qu'au cours d'une partie cette pièce vienne à être détruite ou égarée: peut-on la remplacer par une autre équivalente? Certainement: non seulement un autre cavalier, mais même une figure dépourvue de toute ressemblance avec celle-ci sera déclarée identique, pourvu qu'on lui attribue la même valeur. On voit donc que dans les systèmes sémiologiques, comme la langue, où les éléments se tiennent réciproquement en équilibre selon des règles déterminées, la notion d'identité se confond avec celle de valeur et réciproquement. (CLG, 153-54)

En affirmant ainsi la priorité du système par rapport à l'élément, le linguiste
dénonce l'illusion de la langue considérée comme une nomenclature:

En outre l'idée de valeur, ainsi déterminée, nous montre que c'est une grande illusion de

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considérer un terme simplement comme l'union d'un certain son avec un certain concept. Le définir ainsi, ce serait l'isoler du système dont il fait partie; ce serait croire qu'on peut commencer par les termes et construire le système en en faisant la somme, alors qu'au contraire c'est du tout solidaire qu'il faut partir pour obtenir par analyse les éléments qu'il renferme. (CLG, 157)

En effet, la valeur d'un élément linguistique ne se réduit pas à sa simple signification, mais est toujours constituée par un mécanisme double, à l'intersection de deux axes: d'une part, la relation verticale entre signifiant et signifié (la signification) et, d'autre part, le rapport horizontal et purement différentiel que l'élément entretient avec d'autres éléments similaires et qui définit sa valeur intrasystémique virtuelle.

C'est pour expliciter cette notion d'une double délimitation que Saussure a
recours à une autre analogie, puisée cette fois dans l'économie politique:

Ainsi pour déterminer ce que vaut une pièce de cinq francs, il faut savoir: 1° qu'on peut l'échanger contre une quantité déterminée d'une chose différente, par exemple du pain; 2° qu'on peut la comparer avec une valeur similaire du même système, par exemple une pièce d'un franc, ou avec une monnaie d'un autre système (un dollar, etc.). De même un mot peut être échangé contre quelque chose de dissemblable: une idée; en outre, il peut être échangé contre quelque chose de même nature: un autre mot. Sa valeur n'est donc pas fixée tant qu'on se borne à constater qu'il peut être 'échangé' contre tel ou tel concept, c'est-à-dire qu'il a telle ou telle signification; il faut encore le comparer avec les valeurs similaires, avec les autres mots qui lui sont opposables. Son contenu n'est vraiment déterminé que par le concours de ce qui existe en dehors de lui. Faisant partie d'un système, il est revêtu, non seulement d'une signification, mais aussi et sourtout d'une valeur, et c'est tout autre chose. (CLG, 159-60)

Or, non seulement le linguiste introduit à côté de la signification un deuxième rapport déterminant (relation horizontale du semblable au semblable), il pose même la priorité de celui-ci par rapport à celle-là. C'est ainsi que Saussure viendra à considérer l'axe de la signification comme un aspect second du système linguistique, nettement subordonné au jeu algébrique de rapports et de différences dont émanent les valeurs:

Dans tous ces cas nous surprenons donc, au lieu Ridées données d'avance, des valeurs émanant du système. Quand on dit qu'elles correspondent à des concepts, on sous-entend que ceux-ci sont purement différentiels, définis non pas positivement par leur contenu, mais négativement par leurs rapports avec les autres termes du système. (CLG, 162)

Cette conclusion devient encore plus remarquable si l'on examine de plus près l'analogie économique que nous venons de citer. Comme l'a fait remarquer Jean-Joseph Goux dans son livre Les Monnayeurs du langage, "si l'on prend au sérieux le parallèle avec l'économie politique, il apparaît immédiatement que

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Saussure subordonne entièrement le rapport direct de la monnaie avec les marchandises(une pièce de cinq francs vaut pour telle quantité de pain) à la relation plus abstraite de la monnaie avec la monnaie: ce ne sont plus que les opérations financières, celles de la banque et celle du change, qui intéressent le linguiste genevois."l4 On arrive donc à une conception pour ainsi dire bancaire ou changistedu langage, le mot ne renvoyant ni à la chose (le réfèrent) ni même à l'idée (le signifié) mais à d'autres mots (ou signifiants) qui se délimitent les uns les autres en tant que valeurs purement relationnelles et différentielles à l'intérieur du système qui les produit.

En poursuivant la métaphore économique, Goux en conclut qu'il y a chez Saussure une conception extrêmement dissociée de la fonction symbolique, conception qui annonce une rupture épistémologique fondatrice d'une certaine modernité:

Excluant de son champ Yarchétype et le trésor, il réduit le langage au registre du jeton. Il s'agit d'un exemple remarquable de la désintrication des fonctions de l'équivalent général dans la modernité, et de la prééminence d'une seule fonction, celle du symbolique pur, sur toutes les autres. On reconnaîtra aisément ici, un cas exemplaire et précurseur, de la configuration épistémologique et philosophique, et même littéraire, qui sous une forme ou une autre a envahi et dominé une époque qui a cru pouvoir se fonder sur l'autonomie du symbolique pur.

C'est cette notion d'un symbolique pur et autonome, d'un signifiant (monétaire et linguistique) inconvertible, qui signale, dans tous les domaines, une crise du réalisme, "un effondrement des garanties et des référentiels, une rupture entre le signe et la chose, qui défait la représentation et inaugure un âge de la dérive des signifiants."l6

Si nous passons des théories de Saussure à l'art poétique de Saint-Denys Garneau, nous constatons qu'il y a bien un sens dans lequel la poésie constitue, comme la langue, un jeu de rapports et de différences. Car le poète est celui qui, en ouvrant sa boîte à jouets, s'émerveille devant la danse des signifiants, leurs enlacements et déroulements, et qui "sous les mots (...) déplace toutes choses" et "en agit avec les montagnes/Comme s'il les possédait en propre." Aucune illusion référentielle ici. Le dispositif est clair: rien n'est donné d'avance sinon la langue elle-même, et, dans le jeu du poète comme dans celui de l'enfant, arbitraire et différentiel sont, selon la formule saussurienne, deux qualités corrélatives (CLG, 163):

C'est facile d'avoir un grand arbre
Et de mettre au-dessous une montagne
pour qu'il soit en haut.

Mais ce qui est encore plus remarquable, c'est que, dans le poème sans titre qui

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suit immédiatement "Le Jeu" et que l'on considère souvent comme faisant partie
de celui-ci, le poète lui aussi a recours à la métaphore économique:

Nous ne sommes pas des comptables
Tout le monde peut voir une piastre de papier vert
Mais qui peut voir au travers
si ce n'est un enfant
Qui peut comme lui voir au travers en toute liberté
Sans que du tout la piastre l'empêche
ni ses limites
Ni sa valeur d'une seule piastre
Mais il voit par cette vitrine des milliers de
jouets merveilleux
Et n'a pas envie de choisir parmi ces trésors
Ni désir ni nécessité
Lui
Mais ses yeux sont grands pour tout prendre. '

On comprend alors, à la fin du "Jeu", le sens du mot balance, lequel s'explique par la formule d'incipit (ou de transition) qui suit. "Nous ne sommes pas des comptables." Si les guerres représentent, dans le poème, le monde adulte, c'est donc moins parce qu'elles sont violentes et destructrices que parce qu'elles relèvent d'un ordre économique qu'elles exemplifient et que le poète refuse. L'exclusion, que nous avons déjà constatée, de tout élément externe, de toute référence à un monde déjà constitué, s'avère maintenant être étroitement liée au refus d'une certaine conception économique de la vie humaine: celle précisément qui risque de faire de nous des comptables.

A cet égard, le choix d'une "piastre de papier vert" plutôt que d'une pièce de monnaie est révélateur et mérite un commentaire. Tout d'abord, il soulève de nouveau la question de la crise de la représentation implicite dans la transition historique de la monnaie-or (et du 'langage-or') au papier-monnaie (et au langagejeton'). songe dans ce contexte à la métaphore mallarméenne de la pièce de monnaie, telle qu'elle apparaît dans "Crise de vers" où elle évoque "l'emploi élémentaire du discours (qui) dessert l'universel reportage dont, la littérature exceptée, participe tout entre les genres d'écrits contemporains."lB Le sens de l'image est clair: la monnaie métallique représente, chez Mallarmé, la parole brute, le langage utilitaire, résolument non-poétique; l'universel reportage, c'est le discours dénotatif, orienté exclusivement vers le réfèrent, discours des comptables qui s'oppose à celui, évocateur, essentialiste, connotatif, des poètes:

A quoi bon la merveille de transposer un fait de nature en sa presque disparition vibratoire

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selon le jeu de la parole, cependant; si ce n'est pour qu'en émane, sans la gêne d'un proche
ou concret rappel, la notion pure.

Je dis: une fleur! et, hors de l'oubli où ma voix relègue aucun contour, en tant que quelque
chose d'autre que les calices sus, musicalement se lève, idée même et suave, l'absente
de tous bouquets.

Au contraire d'une fonction de numéraire facile et représentatif, comme le traite d'abord
la foule, le dire, avant tout, rêve et chant, retrouve chez le Poète, par nécessité constitutive
d'un art consacré aux fictions, sa virtualité. "

Mais la piastre de papier vert est tout à fait dépourvue de cette "fonction de numéraire facile et représentatif. Elle ne signifie pas, sa valeur nominale (ou denotative) n'entre pas en jeu. Sa transparence n'est pas référentielle. Elle n'existe même pas comme valeur, mais seulement comme ouverture sur ce monde purement virtuel qu'est le trésor de la langue et de l'imagination dont l'enfant-poète sait se contenter. Elle est la vitrine qu'anime la danse des signifiants, ces "milliers de jouets merveilleux", et par laquelle on aperçoit "la plus chère des fleurs invisibles", "l'absente de tous bouquets", pure virtualité qui fait vibrer l'espace qui lui est désigné par le jeu de la langue.

5. Conclusion

Dans son livre Saint-Denys Garneau et ses lectures européennes, Roland Bourneufnous apprend que "Mallarmé ne semble guère avoir retenu Saint-Denys Garneau,non plus que Rimbaud jamais mentionné"2o. Quant à Valéry, par contre, "la place est libre aux conjectures"2l. En effet, nous savons par exemple que le poète québécois a lu et même résumé en octobre-novembre 1935, c'est-à-dire à l'époque où il rédigeait "le Jeu" et "Nous ne sommes pas des comptables", un texte de Valéry paru dans la N.R.F. et repris par la suite dans Variété, Notion générale de l'art. 22 Mais ce qui nous amène à poser au moins une certaine filiationesthétique entre les deux poètes, sinon une influence directe de la part de Valéry, c'est le refus insistant chez celui-ci de "la croyance en un quelconque sens préalable dont le texte serait le simple véhicule"23. Comme le dit Ricardou: "Abolir tout sens antécédent, c'est admettre un renversement de causalité"24, et c'est précisément ce genre de renversement que nous avons constaté dans les analogies employées par Saussure et Saint-Denys Garneau pour illustrer le jeu de la langue et celui de la poésie. Que l'on songe aux métaphores de la route et la rivière, de l'arbre et la montagne du poète, ou, au contraire, à l'image du cavalier détruit ou égaré du linguiste, on surprend, de part et d'autre, "au lieu d'idées données d'avance, des valeurs émanant du système" (CLG, 162). C'est à ce renversementdu dispositif traditionnel (de la langue comme nomenclature, de la

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littérature comme expression-représentation) que Valéry revient sans cesse pour
insister sur le travail du texte, la lente élaboration du sens qui, dans le poème,
relève souvent du jeu apparemment arbitraire du signifiant:

Une idée charm'ante, touchante, 'profondément humaine' (comme disent les ânes) vient
quelquefois du besoin de lier deux strophes, deux développements. (Tel Quel 11, Rhumbs.)

Tel autre poème a commencé en moi par la simple indication d'un rythme QUI S'EST PEU A PEU DONNÉ UN SENS. Cette production, qui procédait, en quelque sorte, de la 'forme' vers le 'fond', et finissait par exciter le travail le plus conscient à partir d'une structure vide... {Variété, Je disais quelquefois à Stéphane Mallarmé'.y^

A partir d'une structure vide, dans la différance de l'écriture moderne: ainsi se formera l'image dans le tapis, ce beau mirage du pont dans l'eau, autour duquel l'enfant bâtira son village et, qui sait, tantôt l'univers, selon les exigences de la modernité.

Anthony Purdy

Edmonton, Canada

Résumé

Le poète québécois Saint-Denys Garneau a publié en 1937 un volume de poèmes intitulé Regards et jeux dans l'espace, l'unique recueil paru du vivant de l'auteur. Le livre est souvent considéré comme faisant date: c'est avec lui que la modernité en littératuréquébécoiseaurait fait ses premiers pas tardifs. La première partie du recueil, et surtout le poème intitulé "Le Jeu", élabore l'art poétique du jeune poète. En comparant l'analogie que le poème développe (entre le jeu du poète et le jeu d'un enfant) avec celle dont se sert Saussure dans son Cours de linguistique générale (entre le jeu de la langue et le jeu d'échecs), on constate que, malgré certaines différences importantes, les deux comparaisons font état d'un même renversement de causalité qui ressort d'une méditation sur la notion de la valeur. Les exemples de Mallarmé et de Valéry permettent de mieux saisir la nature et la portée de cette rupture épistémologique en matière de poésie.



Notes

1. Hector de Saint-Denys Garneau, Regards et jeux dans l'espace, Montréal, 1937. Nous citons d'après i'édition posthume desPoésies, Montréal, Fides, Collection du Nénuphar, 1972. On consultera aussi l'édition critique des Œuvres, établie, annotée et présentée par Jacques Braultet Benoît Lacroix, Les Presses de l'Université de Montréal, 1971.

2. Anne Hébert, Poèmes, Paris, Éditions du Seuil, 1960, p. 71.

3. Ferdinand de Saussure, Cours de linguistique générale, édition critique préparée par Tullio de Mauro, Paris, Payot, 1974. Nous nous servirons du sigle CLG pour désigner cette édition.

4. Signalons cependant que, dans le jeu de l'enfant, le signe n'est pas entièrement arbitraire. On a plutôt affaire, comme dans le cas de l'onomatopée ou de certaines allitérations et assonances, à des signes partiellement motivés, où il existe au moins un rudiment de lien naturel entre signifiant et signifié. Pourtant, ce qui importe en fin de compte, c'est la valeur de l'élément donné, laquelle est délimitée par le système du jeu. Cf. infra, la quatrième partie de notre étude.

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5. Léandre Bergeron, Pourquoi une révolution au Québec, Montréal, Editions québécoises, 1972, p. 43.

6. Jean Ricardou, Pour une théorie du nouveau roman, Paris, Editions du Seuil, 1971, p. 23-24.

7. La première édition de Refus global de Paul-Emile Borduas fut publiée chez Mithra-Mythe en 1948. Le Réel absolu est un recueil de poèmes publié par Paul-Marie Lapointe à Montréal aux éditions de l'Hexagone en 1971.

8. Dominique Willems, "La comparaison du 'jeu de la langue' avec une partie d'échecs dans le Cours de linguistique générale de Ferdinand de Saussure", dans Travaux de linguistique,2, 1971, p. 93-99.

9. Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, Paris, Editions du Seuil, Collections Points, 1970, p. 212.

10. Paul-Emile Borduas, Refus global, Shawinigan, Anatole Brochu éditeur, 1973, p. 19.

11. Ibid., p. 24.

12. Ricardou, op. cit., p. 21.

13. Ibid.

14. Jean-Joseph Goux, Les Monnayeurs du langage, Paris, Editions Galilée, 1984, p. 193.

15. Ibid., p. 195.

16. Ibid., p. 9. Plus de la moitié du livre de Goux est consacrée à une analyse des Faux- Monnayeurs, œuvre qui illustre de manière exemplaire cette coupure historique: "Gide met en fiction un passage: entre une société fondée sur la légitimation par la représentation, et une société quine reproduit plus ce type de légitimation, mais où règne la non-convertibilité de signifiants renvoyant l'un à l'autre comme des jetons, dans une dérive indéfinie où aucun étalon ni trésor ne vient apporter la garantie d'un signifié transcendantal ou d'un réfèrent" (p.10).

17. Maint éditeur s'est trompé au sujet de ce poème. En effet, la plupart des anthologies de poésie québécoise qui reproduisent "Le Jeu", considèrent "Nous ne sommes pas des comptables" comme faisant partie de ce dernier. Les deux poèmes datent, d'ailleurs, de la même époque (octobre 1935).

18. Stéphane Mallarmé, Œuvres complètes, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1945, p 368.

19. Ibid. Cf. Goux, op. cit., p. 139-58.

20. Roland Bourneuf, Saint-Denys Garneau et ses lectures européennes, Québec, Les Presses de l'Université Laval, 1969, p. 311-12.

21. Ibid., p. 314.

22. Ibid., p. 146.

23. Ricardou, op. cit., p. 65.

24. Ibid., p. 66.

25. Ibid., p. 66-67.