Revue Romane, Bind 21 (1986) 2

Les métamorphoses du palimpseste Souvenir et régénération chez Nerval

par

Bruno Tritsmans

1. Typologie de la remémoration

La problématique centrale des textes nervaliens des dernières années est d'ordre structural: il s'agit, pour le narrateur, de "dégager le raisonnable des folies", d'assurer une cohérence à une matière, àun "vécu" par définition disparatel. La préface des Filles du Feu a à ce propos une valeur emblématique; le narrateur y relate comment il est passé du désordre d'esprit à la lucidité, de l'obsession à la maîtrise:

Puis un rayon a lui dans mon enfer; entouré de monstres contre lesquels je luttais obscurément, j'ai saisi le fil d'Ariane, et dès lors toutes mes visions sont devenues célestes. Quelque jour j'écrirai l'histoire de cette "descente aux enfers", et vous verrez qu'elle n'a pas été entièrement dépourvue de raisonnement si elle a toujours manqué de raison, (p. 158)z

Le dégagement de la cohérence des visions a permis, dans la perspective du narrateur, une inversion des valeurs: initialement, leur confusion est actualisée parla notion dysphorique d' "enfer", tandis qu'elles deviennent ensuite euphoriques, "célestes". La valorisation morale ou métaphysique s'avère, en dernière analyse, fonction d'un enjeu structural: la découverte de la structure, de la cohérence des visions permet cette transformation des valeurs. La métaphore du tissu permet dans ce contexte de déceler les enjeux mêmes de l'écriture nervalienne: dans la préface, le tissu apparaît à la fois comme maléfique, au sens de réseau inextricable dans lequel se trouve pris le personnage-narrateur, et comme bénéfique, au sens d'ensemble de lignes directrices du "vécu". Au niveau des thématisations mythologiques, le tissu est tantôt, dans sa variante négative, fil d'Arachné, tantôt, dans sa variante positive, fil d'Ariane3.

L'œuvre nervalienne a posé la problématique de la cohérence sous plusieurs angles: d'une part, en effet, la stratégie de la maîtrise qui la caractérise a pris la forme d'une fuite, d'une régression, mais elle peut également apparaître comme un affrontement de la folie. La première voie a été suivie dans les récits du Valois, la seconde dans Aurélia4.

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On sait que, dans les dernières années, Nerval revisitait souvent les environs de Paris. En profondeur, ces promenades ont souvent été expliquées par le désir de "se retremper aux sources", de se "régénérer". L'espace du Valois symbolise en effet les attachements avec la famille maternelle, à laquelle Nerval voulait se joindre imaginairement, et qui devait lui servir de refuge contre un présent qui lui paraissait confus et dont, par ailleurs, il se sentait exclu: comme le dit elliptiquement le Père Guillaume, "la vie et les peines renforce(nt) l'appartenance" au Valoiss.

La stratégie mnémonique, qui consiste à substituer un paysage idéal à une réalité présente décevante et qui reprend dès lors souvent le topos du lieu idéal6, n'est pourtant pas dépourvue d'ambiguïté. Dans sa typologie du souvenir, M. Riffaterre distingue deux types, à savoir le "souvenir qui s'ouvre sur les vérités générales de la méditation philosophique" et le souvenir qui, au contraire, "se replie sur l'authenticité de l'expérience intime"7.

La mémoire proustienne appartient à ce dernier type, car elle consiste précisément en la redécouverte d'une expérience passée à travers son analogue présent. Elle n'est pas dénuée de tragique, dans la mesure où elle s'accompagne nécessairement de ia destruction du présent: comme l'a écrit G. Genette, l'apparition de significations nouvelles par le mécanisme de la mémoire affective s'accompagne d'une destruction, d'une "disparition du réel comme événement sensible"B, et l'écriture mnémonique, au lieu de dégager des essences, restitue en fait des mirages. Il n'y a dès lors qu'un pas à franchir pour que le passé réactualisé par la mémoire apparaisse comme création du sujet, sans valeur objective, le sujet se trouvant enfermé dans un cercle narcissique:

Le monde ainsi recréé est l'expérience individuelle dans ce qu'elle a de plus intime et de
plus incommunicable, mais aussi dans ce qu'elle ade plus irrémédiablement mélancolique .

A cet envahissement du passé remémoré par les obsessions du sujet et à l'isolement
du sujet qui s'ensuit, s'oppose la mémoire méditative qui s'appuie sur le
monument:

Car si la mémoire affective renforce ce monde à part que chaque homme renferme en soi, ce monde qui est à part parce qu'il est étranger aux lois et aux destinées générales des siècles, la mémoire qu'éveille le monument est celle que partagent tous les hommes, leur communion dans une émotion retrouvée d'âge en âge .

Il s'en dégage donc une double problématique, qui permet de rendre compte des différentes modalités de la littérature mnémonique:le souvenir-expérience intime, euphorique du moins au niveau du projet, glisse facilement vers son versant dysphoriqueet se transforme ainsi aisément en sa variante tragique. La mémoireméditationfonctionne dans ce cadre comme un mécanisme de défense, qui opposeà

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poseàl'envahissement du réel par le sujet une réalité incontestable, sanctionnée
socialement.

Nous n'examinerons pas la seconde problématique, quoiqu'elle ne manque pas d'être extrêmement pertinente pour les textes nervaliens d'après 1850. On constate en effet, en étudiant la genèse de textes comme Angélique et Aurélia à partir de leurs premières versions respectives, Les Faux-Saulniers et la "première Aurélia", que la part du "réel", de l'actualité politique et littéraire ne cesse de diminuer, d'opposer une résistance moindre, sinon aux obsessions du narrateur, du moins à son "paysage", à ses préoccupations affectives. De plus, même dans les versions définitives des textes, on constate une tension constante, diversement résolue, entre le réel historique et géographique d'une part et l'investissement personnel d'autre part, tension qui est sans aucun doute constitutive de leur spécificité, de leur littéraritéll.

En revanche, c'est le glissement du souvenir entre sa variante euphorique et sa variante tragique que nous étudierons dans un corpus nettement délimité. Dans quatre récits-clefs des dernières années, le Voyage en Orient (1851), Angélique (1854), Sylvie (1854) et Promenades et Souvenirs (1855), Nerval recourt, sous des formes diverses, à la métaphore du palimpseste pour qualifier le mécanisme du surgissement du passé dans le présent. Comme il s'agit d'un invariant qui s'actualise, dans les différents textes, par un ensemble de variantes, on peut qualifier, avec M. Delcroix, ce "motif de "structural" 12. D'une façon générale, la métaphore du palimpseste s'est naturellement imposée au discours critique à propos de Nerval, et toujours avec une valorisation positive. Ainsi, K. Schârer croit qu'il s'agit d'une image essentiellement bénéfique qui marque la résurrection du passé, le rajeunissement du monde. Le passé est comme une "profondeur surgie" qui apparaît au milieu de la monotonie, et le mécanisme ne s'accompagne nullement d'une conscience de la perte du passél3.

Nous verrons que cette caractérisation générale devra être nuancée en fonction de chaque texte examiné. Le "moment régressif'n'est pas un: la problématique nervalienne se disperse et ne trouve sa cohérence qu'à l'intérieur de chaque texte, formant chacun comme un instant dans une évolution dynamiquel4.

2. Applications

2. 1. La variante euphorique

Dans le Voyage en Orient, on passe de la déception à la réussite. Initialement, les lieux visités par le voyageur-narrateur lui paraissent décevants: ils opposent en effet à son désir de régénération une image généralisée de la mort (VO, p.189). Pourtant, au fur et à mesure que le voyage progresse, l'Orient se présente sous

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une forme plus positive, dans la mesure où le passé s'y est conservé. Pour exprimercette conservation, qui comporte même la possibilité d'une renaissance, le narrateur recourt à la métaphore du palimpseste. Elle figure une première fois dans la description de Syra, lieu équivoque:

Je marche en pleine couleur locale, unique spectateur d'une scène étrange, où le passé
renaît sous l'enveloppe du présent. (VO, p. 250)

La métaphore est banalisée: le présent est dévalorisé comme "enveloppe", et le passé renaissant acquiert la valeur de "contenu", voire d' "essence". Le narrateur allègue, à titre d'exemple du passé renaissant, un jeune homme aux cheveux bouclés, qui lui paraît être un jeune Grec de l'Antiquité.

Plus tard, le narrateur avoue qu'il est lui-même progressivement engagé dans le
processus de renaissance du passé:

II me semble, depuis peu de mois, que j'ai remonté le cercle de mes jours; je me sens plus
jeune, en effet je le suis, je n'ai que vingt ans! (VO, p. 504)

Un peu plus loin, la nature de cette régénération, à laquelle le narrateur est amené
à donner la valeur d'une certitude, est encore explicitée:

Ce pays qui a ranimé toutes les forces et les inspirations de ma jeunesse ne me devait pas moins sans doute; j'avais bien senti déjà qu'en mettant le pied sur cette terre maternelle, en me replongeant aux sources vénérées de notre histoire et de nos croyances, j'allais arrêter le cours de mes ans, queje me refaisais enfant à ce berceau du monde, jeune encore au sein de cette jeunesse éternelle. (VO, p. 514-15)

Dans le registre culturel, le passé figure comme le temps idéal, marqué d'authenticité, et il s'oppose ainsi au présent décadent. Mais à cette régénération culturelle est associée une régénération personnelle, et les métaphores de la première étape de la vie humaine viennent se greffer sur le registre culturel (berceau). Tout se passe dès lors comme si la remontée du temps dans le registre culturel permettait au narrateur de rêver la remontée du temps personnel comme une réalité objective.

Enfin, la portée de la redécouverte du passé est explicitée par le voyageur
même, qui voit

paraître sous la trame uniforme de la vie certaine ligne tracée sur un patron invisible, et
qui indique une route à suivre sous peine de s'égarer. ( VO, p. 518)

L'opposition entre le passé et le présent est traduite, dans le code de la broderie, par l'antithèse entre le tissu (la trame) et le patron (le canevas). Or le tissu, manifestement, n'a pas suivi le dessin du patron, mais semble au contraire l'avoir recouvert en le brouillant.

Mais une fissure apparaît dans la monotonie du présent, dans sa "trame uniforme",et
le passé rejaillit sous la forme d'une ligne du patron, à laquelle est

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attribuée une valeur directrice ("route à suivre"). Le surgissement du souvenir pourrait donc être décrit comme la révélation au voyageur de sa vérité profonde, qui a, à la fois, valeur d'appel, dans la mesure où elle ouvre un futur de possibilités,et valeur de contrainte, car la route est indiquée "sous peine de s'égarer".

Après le Voyage en Orient, le "grand voyage" et l'expérience de dépaysement dont il s'accompagne s'avèrent impossibles. Le voyageur, resserré sur lui-même, se voit dès lors contraint à n'effectuer que des "petits voyages", des randonnées dans les environs de Paris, substituts mineurs appelés à remplir la même fonction. L'incipit des Nuits d'Octobre (1852), en particulier, insiste sur ce phénomène de restriction spatiale:

Avec le temps, la passion des grands voyages s'éteint, à moins qu'on n'ait voyagé assez
longtemps pour devenir étranger à sa patrie. Le cercle se rétrécit de plus en plus, se rapprochant
peu à peu du foyer. {NO, p. 79)

Dans Angélique, Nerval reprend les Faux-Saulniers qui étaient souvent restés une "œuvre d'actualité" au service, notamment de la contestation politique, en recentrant les données autour de la problématique du sujetls. Nerval redécouvre maintenant son propre passé enfantin, et Angélique constitue ainsi l'amorce du mouvement régressif qui caractérise les dernières années de sa production. L'insertion de cette matière autobiographique dans le récit fait toutefois encore quelque peu problème, et elle figure à l'état fragmentaire, dans des chapitres mal intégrés dans l'ensemble, comme "Les jeunes filles" ou "Delphine". Ailleurs, cette matière reste toujours très proche de l'information historique ou géographique avec laquelle, à la limite, elle se confond. C'est le cas, par exemple, des chansons populaires que le narrateur-personnage réentend ou retrouve tout au long de ses pérégrinations dans la régionl**. Les chansons populaires ont une double fonction: elles font partie intégrante du passé collectif de la région, mais fonctionnent en tant que telles comme les textes médiateurs, comme les interprétants entre le narrateur-voyageur et son propre passél7. Elles figuient donc comme le substitut objectivement donné du récit autobiographique.

Ainsi, dans la discussion avec le brigadier qui précède la scène de l'arrestation
(A, p. 189), les voyageurs répondent

à la manière dont un certain soldat répondit à la maréchaussée, selon une chanson de ce
pays-là même... {A, p. 187)

Pour traduire la réponse, le narrateur fait appel à un intertexte précis qu'il omet toutefois de citer in extenso, car apparemment confiance est faite au lieu commun ou à la capacité de reconstitution du lecteur sur base de l'information donnée. De la sorte, le narrateur s'efface donc pour emprunter un discours supposé commun.Par ailleurs, la chanson est doublement valorisée: d'une part, elle figure

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comme trace du passé de la région parcourue, mais elle réactualise d'autre part un contexte d'énonciation et de réception propre au voyageur, qui affirme avoir été "bercé avec cette chanson" (A, p. 187). La description du patrimoine culturel du Valois permet ainsi au narrateur d'imaginer et d'écrire un retour vers l'enfance et son contexte familial.

Le mécanisme de la remémorisation est précisé quand une des jeunes filles rencontrées par hasard dans le Valois se met à chanter "Les canards dans la rivière". Le commentaire de cet épisode, dans lequel les stéréotypes nervaliens abondent (par exemple lorsqu'il est question de la "voix faible, mais bien timbrée" de la jeune chanteuse) est significatif:

Encore un air avec lequel j'ai été bercé. Les souvenirs d'enfance se ravivent quand on a
atteint la moitié de la vie. C'est comme un manuscrit palimpseste dont on fait reparaître
les lignes par des procédés chimiques. (A, p. 191)

La montée progressive des souvenirs depuis toujours présents à l'état latent dans la conscience du voyageur ("se ravivent") est mise en relation avec un contexte d'énonciation particulier, et ce par une maxime (cf. l'emploi du pronom personnel, 3e personne forme indéfinie) qui, par définition, pose une vérité générale qui se dérobe ainsi elle-même à ce contexte d'énonciation particulier. Le narrateur relie ainsi indirectement le fait de la mémoire affective à la phase de la vie qu'il a atteinte. La mesure mathématique de la moitié, appliquée à la vie, perd toute rigueur pour un être en vie et fonctionne dès lors comme proportionnelle imaginaire: celui qui a dépassé la prétendue moitié de la vie est plus proche de la mort que de la naissance. Toute circonstance susceptible d'évoquer l'enfance comme le fait ici la chanson met en contraste les termes de cette opposition radicale.

Toutefois, le contexte d'énonciation particulier qui a ainsi été corrélé avec la montée des souvenirs est comme démenti par le choix lexical. Le phénomène d'ordre émotionnel qu'est la montée des souvenirs est réinterprété en une terminologie technique ("chimiquement") qui apparaît comme une distanciation de la part du narrateur. Cette traduction fait apparaître le passé du voyageur comme un texte momentanément effacé mais qui peut être restitué. Le surgissement du passé, que la séquence avait précédemment thématisé comme la marque de l'approche de la mort, est ainsi positivement redéfini comme réécriture d'un texte effacé ou perdu. Par ailleurs, ces références à un savoir-faire technique présentent le phénomène mnémonique comme voulu par un sujet en position de maîtrise ("on fait reparaître").

2. 2. La variante ambivalente

Sylvie se caractérise par les rapports conflictuels qui s'établissent entre les différentspersonnages:

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férentspersonnages:les protagonistes féminins, Sylvie, Adrienne et Aurélie y entrent en concurrence. Le passé n'est plus ici le lieu des valeurs, mais il se présenteen revanche sous une forme ambivalente: Sylvie en incarne le versant positif, Adrienne le versant inquiétant. La face dysphorique du passé qui est représentée par Adrienne a dans ce récit une telle puissance qu'elle perturbe la position du narrateur-personnage dans le présent: ainsi, le retour à Sylvie qu'il envisage est parasité par le souvenir d'Adrienne, et sa fascination pour Aurélie, l'actrice, est une attitude factice qui ne trouve sa motivation profonde que dans Adrienne. La rencontre d'Adrienne est donc assignée comme la source, le point d'origine à tout un comportement amoureux. Nul hasard, dès lors, si le narrateur s'interroge sur le statut à donner à ce souvenir d'enfance au début du chapitre intitulé "Résolutions".En fait, cette séquence n'est pas un examen objectif, sans parti pris, du statut du souvenir, mais elle en constitue déjà une interprétation:

Tout m'était expliqué par ce souvenir à demi rêvé. Cet amour vague et sans espoir, conçu pour une femme de théâtre, qui tous les soirs me prenait à l'heure du spectacle, pour ne me quitter qu'à l'heure du sommeil, avait son germe dans le souvenir d'Adrienne, fleur de la nuit éclose à la pâle clarté de la lune, fantôme rose et blond glissant sur l'herbe verte à demi baignée de blanches vapeurs. La ressemblance d'une figure oubliée depuis des années se dessinait désormais avec une netteté singulière; c'était un crayon estompé par le temps qui se faisait peinture, comme ces vieux croquis de maître admirés dans un musée, dont on retrouve ailleurs l'original éblouissant. (S, p. 246-247)

Le souvenir ne restitue pas, aux dires du narrateur, la réalité du passé, car il est "à demi rêvé", qualification qui le situe à mi-chemin entre fiction subjective et réalité objective. Néanmoins, à ce souvenir au statut difficile à définir qui s'est imposé au narrateur-personnage plus qu'il ne l'a provoqué est attribuée une fonction explicative: "Tout m'était expliqué".

L'admiration factice pour l'actrice est réduite (ou ramenée) au souvenir d'Adrienne: celui-ci est en effet assigné comme origine ou cause à celle-là dans une recherche de type généalogique. Cette séquence réorganise donc des données apparues dans les chapitres précédents, à savoir le souvenir d'enfance (Adrienne) et la fascination théâtrale (Aurélie), dans un scénario plausible.

Mais regardons de plus près ce qui occupe la place de l'origine, de ia cause dans ce scénario. Adrienne, qui constitue le noyau symbolique de la nouvelle, est doublement qualifiée par "fleur de la nuit éclose à la pâle clarté de la lune" et par "fantôme rose et blond glissant sur l'herbe verte à demi baignée de blanches vapeurs". Les deux formules, et surtout la seconde, déréalisent complètement le personnage qualifié, et lui confèrent par ailleurs une valeur de hantise ("fantôme"). Son inaccessibilité est confirmée par le mouvement qu'elle effectue: elle "glisse" plutôt qu'elle ne marche. Le caractère irréel du personnage se reporte d'ailleurs

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sur l'espace dans lequel il se meut, et dont il fait partie intégrante: l'herbe verte est "baignée de blanches vapeurs". La couleur blanche tend à accentuer l'identité du décor avec le personnage ("blond"), tandis que "vapeur" indique une désubstantialisationmanifeste.

Adrienne est donc caractérisée par une imprécision fondamentale: l'origine du scénario ébauché est menacée, et risque de n'être qu'un "trou noir"18. Loin de révéler la vérité profonde du sujet et de constituer ainsi un lieu d'enracinement possible pour un sujet en dérive, le passé se dérobe ici à la saisie du je et devient opaque. Cependant, dans la séquence suivante, Adrienne est dotée d'une précision et d'une positivité paradoxales, et tout se passe comme si le narrateur s'efforçait de regagner l'origine: l'état diffus du personnage est attribué au passé ("une figure oubliée"), alors qu'il acquiert dans le présent "une netteté singulière" par le souvenir. Ce sont les métaphores du texte qui opèrent cette traduction du négatif en positif, et c'est pourquoi Sylvie compte aussi, et surtout, comme écriture.

L'antithèse entre l'imprécision de l'ancienne image d'Adrienne et sa prétendue précision au présent est traduite dans le code pictural comme une opposition entre le "crayon estompé par le temps" et la "peinture". Le processus mnémonique va à Tencontre de l'action destructrice propre au temps linéaire (les lignes de l'image s'effacent) et mime ainsi le processus créateur qui va du crayon à la peinture. Ce parallélisme confère une valeur régénératrice au souvenir: grâce à lui on passe du crayon, de la première version encore imprécise, à la peinture, à la version achevée et nette.

En un second temps, le "crayon estompé" est présenté comme l'équivalent des "vieux croquis de maîtres admirés dans un musée", et la "peinture" comme celui de 1' "original". Cette mise en équivalence constitue un exemple manifeste de la rhétorique fallacieuse de Sylvie, dans la mesure où elle n'est qu'apparente: de la première paire de termes à la seconde, la consécution logique est en effet inversée. Les vieux croquis sont présentés comme ultérieurs par rapport à "l'original éblouissant", alors qu'ils sont logiquement antérieurs. Cette "anomalie" de la référence s'explique par le projet du récit mnémonique, qui s'efforce de passer de l'effacement à l'actualisation, de substituer l'objet retrouvé à l'objet perdu. On peut donc retracer dans les métaphores du texte l'inversion des valeurs que s'efforce d'opérer le narrateur: Adrienne est la femme perdue, l'origine fantasmatique à laquelle le récit mnémonique rend un simulacre de présence, de positivité.

C'est donc la métaphoricité du texte qui confère une valeur rassurante à un passé obsessionnell9. En même temps, pourtant, Sylvie relate l'échec de cette opération: l'annonce de la mort d'Adrienne à la fin du récit marque en effet i"effondrementdu scénario que le narrateur avait développé auparavant. Le passé réactualisé, regagné sur l'oubli n'est donc qu'une illusion, et il s'avère définitivementperdu.

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mentperdu.La linéarité du récit, qui est un niveau de structuration global, s'opposeà
la métaphoricité qui opère localement.

2. 3. La variante dysphorique

Promenades et Souvenirs se caractérise par la montée tragique des souvenirs, qui révèlent le narrateur-personnage "blessé". Le passé semble dès lors non plus se définir comme le temps idéal ou ambivalent, mais comme celui des peines affectives fondamentales, et notamment des relations conflictuelles avec les parents (désir de la mère absente, menace d'une lutte avec le père).

La visite que le voyageur effectue à Saint-Germain a dans ce contexte une valeur exemplaire. Il raconte qu'il a entendu de "fort jolies chansons" ainsi que des "voix de femmes ravissantes" (PS, p. 130). Bientôt, son attention se concentre sur les chansons que les jeunes filles composent eîies-mêmes, et qui traitent généralement des malheurs amoureux, des "trahisons des amoureux ou [des] caprices de l'autre sexe" {PS, p. 130). De plus, ces chansons évoquent chez le visiteur des réminiscences culturelles qui jouent le rôle de médiateurs entre la situation présente (les jeunes filles aux voix ravissantes) et le souvenir personnel:

En m'attachant à cette pensée, je me suis trouvé tout ému, tout attendri, comme à un souvenir de la jeunesse... C'est qu'il y a un âge, - âge critique, comme on le dit pour les femmes, - où les souvenirs renaissent si vivement, où certains dessins oubliés reparaissent sous la trame froissée de la vie! On n'est pas assez vieux pour ne plus songer à l'amour, on n'est plus assez jeune pour penser toujours à plaire. - Cette phrase, je l'avoue, est un peu Directoire. Ce qui l'amène sous ma plume, c'est que j'ai entendu un ancien jeune homme qui, ayant décroché du mur une guitare, exécuta admirablement la vieille romance de Garât: (...). (PS, p. 130)

En un premier temps, la chanson est comme intériorisée par le narrateur, et elle devient "pensée". Même si l'initiative revient initialement au sujet (c'est en effet lui qui "s'attache" à la pensée), celui-ci perd progressivement son pouvoir de contrôle, et un contexte émotionnel particulier finit par s'imposer à lui ("/e me suis trouvé tout ému, tout attendri"). En un second temps, ce contexte émotionnel est corrélé par le narrateur avec son passé personnel, avec un "souvenir de la jeunesse", dans une formule qui maintient la reconnaissance au niveau de l'analogie ("comme"). On constate donc, dans la position du narrateur, une perte de maîtrise: progressivement, le narrateur est comme dépossédé de son pouvoir de contrôle par le surgissement du passé.

Ce phénomène est ensuite motivé par son inscription dans l'évolution générale de la vie humaine ("l'âge critique"), et il est dans ce contexte redéfini à deux reprises.La première formulation ("les souvenirs renaissent") attribue un rôle actif aux souvenirs, qui semblent faire irruption; la seconde reprend le motif du palimpsesteen

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limpsesteenle traduisant dans le vocabulaire technique de la broderie. Le texte nervalien retraduit l'opposition passé-présent dans l'antithèse canevas-trame. Tout se passe dès lors comme si le travail de broderie même, la "trame froissée", n'avait pas respecté les "dessins oubliés" du canevas. Mais ce travail de brouillage semble ici apparaître, en accord d'ailleurs avec le cliché qui emploie la métaphore de la broderie au sens figuré pour désigner "des circonstances accessoires et de pur agrément" 20, avec une valeur positive: la trame qui n'a pas respecté le dessin embellit une réalité foncièrement pénible ou tragique, et son usure ferait dès lors apparaître une structuration sous-jacente, mais oubliée et comme refoulée. Les souvenirs font apparaître ce fond tragique que les reniements ou les inconséquencesde la vie avaient momentanément recouvert. L'expérience du palimpseste, qui ouvrait un futur dans le Voyage en Orient, révèle maintenant au sujet sa profondeurinaccessible, sa part d'ombre.

Mais la problématique nervalienne telle que l'érudition ou, dans son prolongement, la psychocritique nous l'ont révélée, et qui paraît se cristalliser autour d'une situation "triangulaire" 215 est dans ce texte fortement atténuée. Le passage dans lequel le narrateur se livrait à la description de l'envahissement par les souvenirs est suivi d'une rupture: Nerval se transforme en critique de son propre texte, et il le banalise au point de le présenter comme écrit dans un style désuet. Le commentaire métalinguistique tend donc à effacer l'engagement que la séquence précédente pourrait avoir trahi. Le texte nervalien, qui recourt ici à une stratégie de la dénégation, s'avère de ce fait fortement dynamisé par renonciation. L'attribution de la séquence "compromettante" pour le narrateur à la romance de Garât cadre, à première vue, dans la même stratégie de la minimalisation. Pourtant, cette romance introduit à nouveau le thème de l'amour et, qui est plus, la disproportion à son propos du chagrin et du plaisir, et elle met ainsi à nouveau l'accent sur la nature tragique du passé remémoré.

Ailleurs, la remémoration acquiert la valeur d'une expiation: le souvenir tragique est ainsi, assez paradoxalement, susceptible d'être dépassé, d'être modifié. Le narrateur évoque, à propos de Chantilly, les regrets sincères de l'hôtesse concernant Condé, qui est "encore le sujet des conversations locales", ce qui l'amène à faire la réflexion suivante:

Il y a, dans ces sortes de villes, quelque chose de pareil à ces cercles du purgatoire de
Dante immobilisés dans un seul souvenir, et où se refont dans un centre plus étroit les
actes de la vie passée. {PS, p. 144)

Les villes comme Chantilly sont le lieu où s'effectue une répétition des "actes de la vie passée", et on pourrait supposer qu'elles offrent ainsi la possibilité d'une modification, encore que la forme réflexive n'accrédite guère une intention quelconque du sujet ("se refont").

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Pourtant, la répétition se fait "dans un centre plus étroit", indice d'une différence possible: le resserrement autour du centre indique une restriction spatiale. A cet égard, l'apparition de "centre" est surprenante: elle peut être partiellement motivée par le paradigme urbain centre - faubourgs, mais peut aussi être l'indice du glissement à la concentration de l'être (le centre-fondement de l'être). Mais surtout, cette représentation géométrique des villes permet leur assimilation au modèle dantesque, aux cercles du purgatoire de Dante immobilisés dans un seul souvenir. Or le purgatoire est traditionnellement défini comme le lieu où les âmes des justes expient leurs péchés avant d'accéder à la félicité éternelle, et c'est donc un lieu de pénitence et d'espoir. La répétition du passé qu'opère le voyageur nervalien équivaudrait dès lors à une pénitence, à l'expiation d'une faute commise. Toute la démarche de Promenades et Souvenirs peut ainsi être comprise comme une suppléance à un manque présent, ressenti par le narrateur comme une faute, ou successif à une faute22.

Mais à nouveau, toute cette problématique n'apparaît dans le texte nervalien que sous une forme médiatisée: tout ce passage est filtré par deux mémoires, celle des habitants de Chantilly, et celle, culturelle, du narrateur. De part et d'autre, le narrateur ne semble pas s'impliquer, et ce n'est que par secrète analogie que ces masques révèlent le moi.

3. Unité et dispersion

La métaphore du palimpseste constitue le principe d'unité des textes examinés. Tous, en effet, thématisent un processus de remémoration, car ils mettent en œuvre une tentative de remonter le temps, de retrouver dans le passé des valeurs dont le présent est dépourvu aux yeux du narrateur. Ce passé est dès lors appelé à conférer une stabilité à un sujet sans cesse davantage hanté par la folie. Il s'agit pour lui de recomposer dans le passé une origine, une totalité organique où il peut s'insérer.

Mais la remontée du temps n'est pas une, et elle s'établit, dans chacun des récits examinés, selon des modalités diverses: chaque récit recompose, à l'intérieur même de ses limites, les données du problème, et cette combinatoire permet de rendre compte de la spécificité nervalienne. Les éléments invariants de la combinatoire, qui sont actualisés dans chacun des récits par un ensemble de variables, sont au nombre de trois. On peut en effet résumer l'enjeu de ces textes par la formule "JE REMÉMORE MON PASSÉ". On distingue ainsi trois éléments formels: le sujet (JE), l'action (REMÉMORE) et l'objet (mon PASSÉ).

Les variations du sujet tiennent à l'engagement, sans cesse différent, du je. La
régénération apparaît initialement comme un phénomène historico-culturel, et ce
n'est que plus tard que le je avoue son engagement.

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Par ailleurs, les modalités de l'action sont très diverses: initialement, le passé est recherché et la remémorisation provoquée, tandis qu'au fur et à mesure que l'œuvre nervalienne progresse, elle s'impose de plus en plus au sujet et apparaît sur le mode du surgissement.

Enfin, le passé remémoré est initialement euphorique, et il permet alors au
sujet de se ressaisir; plus tard, le passé est dysphorique, et il révèle le sujet blessé.

Tout au long de l'œuvre nervalienne des dernières années, l'expérience du palimpseste s'est donc dégradée: de sa variante bénéfique, elle est passée à sa variante tragique. Le narrateur qui espérait l'employer comme opérateur, comme "fil d'Ariane", pour accéder à la fixité, à la cohérence, fait l'expérience de la dépossession de son propre destin.

Bruno Tritsmans

Anvers

Resumé

A partir de 1850, les œuvres nervaliennes comportent toutes un processus mnémonique: à chaque fois, le narrateur refuse un présent qui lui paraît dépourvu de valeur pour régresser dans un passé idéalisé. Le narrateur projette en effet dans le passé l'ensemble des valeurs qui lui paraissent essentielles: c'est le temps authentique qui devrait permettre au sujet en dérive de se ressaisir. La métaphore du palimpseste est appelée à traduire ce processus. Mais l'examen de ses variations a permis de montrer que le passé se dégrade chemin faisant, et qu'il s'avère progressivement investi par des fantasmes. Simultanément, l'écriture s'efforce de monnayer, par des stratégies textuelles aussi diverses que le transcodage ou la banalisation, cette perte de maîtrise qui compromet l'image que le narrateur cherche à imposer de lui-même.



Notes

1. G. Schaeffer, Une double lecture de Gérard de Nerval. Les Illuminés et les Filles du Feu. A la Baconnière-Payot, 1977, p. 18.

2. Toutes nos références renvoient à:G. de Nerval, Œuvres, Bibliothèque de la Pléiade, vol. let2, 1974 et 1984.

3. J'ai essayé de déterminer comment la problématique de la maîtrise, telle qu'elle apparaît dans les textes nervaliens d'après 1850, pouvait être décrite en termes d'analyse structurale dans "Nerval et l'indétermination textuelle", Poétique, 60, 1984, p. 42355. Ici, j'examine comment cette même problématique apparaît dans les variations d'une métaphore. C'est de ce point de vue que ces deux études, qui opèrent à des niveaux de structuration différents, l'un structural, l'autre thématique, me paraissent complémentaires.

4. R. Chambers a clairement établi la différence fondamentale du projet des récits du Valois d'une part et de celui d'Aurélia d'autre part en opposant le mode diurne au mode nocturne de l'initiation nervalienne {Gérard de Nerval et la poétique du voyage, Corti, 19b9, p. 218).

5. J. Guillaume, "Gérard de Nerval", in: C. Pichois éd. Littérature française. Le Romantisme //, Arthaud, 1979, p. 439.

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6. Sur le topos du lieu idéal, du locus amoenus et son intégration dans la description mnémonique, cf. L. Frappier-Mazur, "La description mnémonique dans le roman romantique", Littérature, 38, 1980, p. 3 ss.

7. M. Riffaterre, "De la structure au code: Chateaubriand et le monument imaginaire" La Production du texte, Seuil, 1979, p. 137.

8. G. Genette, "Proust palimpseste", Figures I, Seuil, 1966, p. 50.

9. M. Riffaterre,art. cit., p. 138-139.

10. lbid.,p. 139.

11. Cette tension entre faits et intimité a été très bien analysée par E. Marc Lipiansky dans "Une quête de l'identité", Revue des Sciences Humaines, 191, 1983, p. 61ss. Il constate que, dans le récit de vie, le sujet peut être dissimulé par l'enchaînement d'événements. Par ailleurs, cette opposition entre le registre objectif et le registre subjectif a permis à H. P. Lund d'établir une typologie du récit de voyage ("Éléments du voyage romantique", Rids, 66, 1979, p. 3-30). Il y distingue notamment le récit-reportage, qui cherche à "dénoter le réel dans sa vie immédiate", du récit-palimpseste, qui valorise "la profondeur du réel".

12. La notion de "motif structural" a été développée par M. Delcroix dans "Marguerite Yourcenar entre le Oui et le Non", Marche Romane, 1982, p. 67.

13. K. SchSrer, Thématique de Nerval ou le Monde Recomposé, Minard, 1968, p. 30. Notons pourtant que la critique nervalienne a reconnu la présence d'une double modalité du souvenir nervalien. Ainsi, R. Chambers distingue une "façon somptueuse [de se souvenir] qui relève d'une esthétique de la fête" d'une "façon spectrale et désabusée" ("Les Paysages dans Sylvie", Nineteenth Century French Studies, 6, 1977-78, p. 71). De même, J. Geninasca établit une différence entre les souvenirs maîtrisés et recomposés et les souvenirs qu'il qualifie d "obsessionnels" ("De la fête à l'anti-fête. Reconnaissance et construction de l'équivalence sémantique des chapitres IV et VII de Sylvie de Nerval", Versants, I, 1981, p. 94).

14. Relevons, parmi les nombreuses interprétations psychanalytiques du phénomène, celle de J. Cophignon, qui insiste longuement sur le caractère dynamique du processus ("Figures féminines dans l'œuvre de Gérard de Nerval. Tentative de reconstruction de l'image maternelle", Revue française de psychanalyse, XLIV, 1980, p. 15-46).

15. J. Bony, "Notice", in: Gérard de Nerval, Œuvres complètes 11, édition établie par J. Guillaume et C. Pichois, 1984, p. 1313.

16. P. Bénichou a examiné le rôle que jouent les chansons populaires dans les différents textes nervaliens, et il conclut qu'elles redoublent le plus souvent le récit principal (Gérard de Nerval et la chanson polulaire, Corti, 1970, p. 344).

17. La notion d'interprétant a été empruntée par M. Riffaterre àC.S. Peirce pour désigner un "signe médiateur entre un signe et son objet" ("Sémiotique intertextuelle: l'interprétant", Revue d'Esthétique, 1-2, 1979, p. 134). Je l'emploie ici pour qualifier le texte culturel supposé connu de tous qui joue le rôle de médiateur entre le sujet et le discours autobiographique. Le fonctionnement du texte médiateur permet aussi de préciser, au niveau de l'inscription textuelle, la stratégie du schermo que J. Guillaume a discerné dans les œuvres nervaùennes pour désigner le secret de la femme aimée: le sens dans les textes nervaliens, qui se caractérisent par une "discrétion des signes", est dès lors parcimonieux (J. Guillaume, "Chemins visibles et chemins intérieurs chez Nerval", L'Approche historique en critique littéraire, Louvain-la-Neuve, 1982, p. 358).

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18. G. Mary, "Des figures aux structures, un passage mal frayé: la Modification,Sylvie", Poétique, 51, 1982, p. 270.

19. Le fonctionnement de la métaphore nervalienne a été analysé par M. F. Etienne: la métaphore "donne naissance à l'imaginaire": elle "joint les éléments passés et présents, donne au texte, au sujet, une unité" ("Gérard de Nerval: la métaphore magique", Nineteenth Century French Studies, 11, 1982-1983, p. 105).

20. P. Larousse, Grand Dictionnaire du XIXe siècle, 1872 (article "broderie").

21. C. Mauron, Des métaphores obsédantes au mythe personnel, Corti, 1963, p. 76. Il décèle un désir de communion mystérieuse avec l'image maternelle" qui bute sur "Celui qui interdit cette communion".

22. Nerval reprend ici une donnée qui avait été présentée à titre d'hypothèse philosophique dans la préface de la troisième édition de Faust (1840). Il y évoquait en effet la possibilité que "les siècles écoulés se conservent tout entiers à l'état d'intelligences et d'ombres, dans une suite de régions concentriques, étendues à l'entour du monde matériel" (Œuvres Complémentaires I, Minard, 1959, p. 13-14). Ce qui est nouveau dans Promenades et Souvenirs, c'est que l'hypothèse de la conservation du passé est greffée sur une problématique de la faute et du pardon.