Revue Romane, Bind 21 (1986) 2Une analyse auditive sur les voyelles à double timbre du français parlé à Saint-Rémy-de-Provence*par Anne Hilt 1. IntroductionLes enquêtes sur la prononciation du français régional sont peu nombreuses; par ex. pour le département des Bouches-du-Rhône, il existe un seul ouvrage, Le français de Marseille (1931) par Auguste Brun. D'abord, les recherches de cet auteur ne sont pas récentes et ensuite elles ne concernent que le français d'une grande ville et non pas la langue parlée à la campagne. Il y a d'autres études sur "l'accent du Midi", mais toujours très peu nombreuses. Comme le Midi est une grande région et comme on parle le français différemment d'un endroit à l'autre, il y a un grand vide dans les enquêtes sur les variétés régionales du français méridional. Henriette Walter décrit dans Enquête phonologique et variétés régionales du français (1982) la prononciation d'une seule personne de Cavaillon (Vaucluse), (Cavaillon se trouve à 17 km de Saint-Rémy-de-Provence), mais la prononciation d'une seule personne n'est pas suffisamment représentative pour décrire la prononciation d^une région. Il est nécessaire d'avoir plusieurs informateurs et informatrices d'âge et de couches sociales différents. Dans la période
du 15 septembre au 9 octobre 1983, j'ai interviewé 12
personnes J'ai choisi les
voyelles à double timbre parce qu'elles constituent un
microsystème 1.1 La régionSaint-Rémy-de-Provence (abréviation: Saint-Rémy) est une commune située dans le département des Bouches-du-Rhône et qui couvre 170 km2;au recensement de 1982, il y avait 8209 habitants, dont la majorité travaillent dans l'agriculture ou dans les professions qui s'y rattachent. La culture et la langue provençales (le rhodanien) restent vivaces dans la région. Side 167
1.2 Les informateursLes 12 personnes
interviewées sont choisies comme informateurs sur la
base des 1. L'informateur
a passé son enfance et sa jeunesse à Saint-Rémy.
2. Il n'a pas
quitté la région pour une longue période. 3. Il vit
toujours à Saint-Rémy. 4. Il doit
représenter la population active de la région quant à
l'âge et à la 1.3 La structure des interviewsChaque interview
consiste en trois parties: lere partie:
renseignements personnels et sociaux sur chaque
informateur pour 2eme partie: l'informateur lit à haute voix une liste de 132 phrases. Dans chaque phrase se trouvent des exemples de voyelles à double timbre (total pour tous les informateurs: 2158 exemples prononcés). Comme exemples, j'ai choisi essentiellement les paires minimales quand cela était possible; par ailleurs les oppositions /e/et /e/, /o/et /ce/, /o/et /o/, /a/et /a/ sont représentées dans toutes les positions du mot. Les tableaux des p. 174-188 montrent les exemples analysés. Le langage utilisé dans les phrases est un langage de tous les jours quant à la syntaxe, à la grammaire, au vocabulaire et à la sémantique, pour favoriser une bonne lecture à haute voix, sans hésitation. Le grand nombre de phrases est choisi pour fatiguer l'informateur, c'est-à-dire pour éviter qu'il "améliore" sa langue comme il a appris à faire à l'école et qu'il soit influencé par la graphie. 3ème partie: une
conversation sur la région. Ce sujet-là a été choisi
parce que 1.4 Le déroulement des interviewsLes interviews
ont été enregistrées dans un lieu familier à
l'informateur: soit sur Le matériel
d'enregistrement se composait d'un magnétophone portatif
à cassette^ Side 168
1.5 La transcription phonétiqueLes interviews ont été enregistrées sur bandes à l'aide d'un magnétophone Tandberg Cross-Field Series 3400 x. Les enregistrements de ces bandes sont analysés auditivement. D'abord, j'ai écouté et transcrit les exemples de l'opposition /e/et /e/ en syllabe accentuée libre des 12 informateurs, en les comparant avec les voyelles cardinales [e]et [e ] de Daniel Jones. Ensuite j'ai continué avec /e/et /e/ en syllabe accentuée couverte. Bref, les exemples des 4 oppositions dans toutes les positions sont comparées avec les voyelles cardinales de Daniel Jones [e]et[e],[o]et [œ],[o]et [o ], [a ]et [a ]. L'A.P.I. est
utilisé comme transcription phonétique: ci-dessous, on
voit la notation Side 169
Pour contrôler si les informateurs ont changé leur prononciation en lisant les phrases, j'ai comparé la prononciation des exemples de 4 informateurs avec les exemples équivalents de la conversation. C'étaient M-26 (Y.G.), F-59 (Mme J.), F-60 (N.8.) et M-61 (M.8.). Personne n'avait changé de prononciation. Les règles
suivantes sont utilisées dans l'enquête comme règles
phonétiques de 1. La syllabe
libre: la syllabe est terminée par une voyelle. 2. La syllabe
couverte: la syllabe est terminée par une consonne (ou
un groupe 3. La syllabe accentuée: est la dernière syllabe d'un mot sans compter le e caduc. C'est ainsi la syllabe qui est accentuée si le mot se trouve à la fin d'un groupe rythmique. Les syllabes non-accentuées sont les syllabes précédentes du mot. 4. La chute de e
caduc est obligatoire en français standard dans les cas
suivants Side 170
5. Dans la
position avant une pause, une consonne, une
semi-consonne ou un 6. Dans la
position non-accentuée la consonne + éventuellement une
semiconsonne 7. Les consonnes
suivantes [p,b,k,g,f,v]+ [l,ts]et[t,d]+[b]
8. Les consonnes
qui ne sont pas décrites ci-dessus se séparent ainsi: la
dernière 1.6 Fiches signalétiques des informateursInformatrice F-25 (S.G.): 25 ans, née à Avignon (Vaucluse), a passé son enfance à Saint-Rémy. Elle est allée à l'école à Saint-Rémy et à Avignon où elle a passé son baccalauréat. Elle a habité 18 mois à Martigues (Bouches-du-Rhône). Il y a 6 mois, elle s'est installée à Saint-Rémy, où elle travaille comme secrétaire. Son mari est
informateur M-26 (Y.G.). Le père est né à Cavaillon (Vaucluse). Il est agriculteur. La mère est de Saint- Rémy. Elle est femme au foyer. Ils parlent français entre eux. Le père parle provençal avec quelques amis. L'informateur a fait un an de provençal au lycée, elle le comprend, mais ne le parle pas. Elle a appris l'anglais et l'espagnol à l'école. Informateur M-26 (Y.G.): 26 ans, né à Beaucaire (Gard), a passé son enfance à Saint-Rémy. Il est allé à l'école à Saint-Rémy, à Rognonas (Bouches-du-Rhône) et à Toulon (Var), où il a passé son baccalauréat. Il est resté encore deux ans à Toulon, où il a terminé une formation technique. Puis il est allé à Paris, un an, dans une école de soudure. Ensuite il a travaillé 18 mois à Saint-Etienne (Loire), trois ans à Martigues (Bouches-du-Rhône). Quand il habitait à Saint-Etienne et à Martigues, il passait tous les week-ends et les vacances à Saint-Rémy. Actuellement il est agriculteur. Il est marié avec
l'informatrice F-25 (S. G.) Les parents
étaient des paysans de Saint-Rémy. Ils parlaient
provençal entre Informatrice F-29 (D.A.j: 29
ans, née dans un mas tout près de la ville de Saint-
Side 171
où elle a passé son baccalauréat. Pendant deux ans, elle a fait des remplacements dans diverses écoles de la région. Elle a passé ensuite le C.A.P. Puis, elle a habité à Arles, où elle a travaillé comme institutrice. Il y a trois ans et six mois qu'elle s'est installée à Saint-Rémy, où elle travaille. Son mari est
maçon, né en Algérie, mais depuis l'âge de 14 ans, il
vit en France. Le père est né à Châteaurenard, mais jeune, il a habité à Saint-Rémy. Il est agriculteur. La mère est de Saint-Rémy. Elle est femme au foyer. La mère ne parle que le français. Le père, français et provençal; il ne parlait que le provençal à ses parents. L'informatrice
comprend le provençal, mais elle ne le parle pas
couramment. Informateur M-33 (R.L.): 33 ans, né à Beaucaire (Gard), a passé son enfance dans un mas à Saint-Rémy, où il habite toujours. Il est allé à l'école à Saint-Rémy, à Châteaurenard (Bouches-du-Rhône) et à Nîmes (Gard), où il a passé son baccalauréat. A Agen (Lot-et-Garonne), il a étudié deux ans l'arboriculture fruitière. Puis il a fait un an de service militaire en Allemagne. Actuellement, il est paysanfruitier. Sa femme est née
à Paris. Avant le mariage, elle était secrétaire.
Maintenant Le père est saint-rémois. Il était d'abord berger et puis paysan-fruitier. Il parle français et provençal. La mère est de Beaucaire. Elle est femme au foyer. Elle ne parle que le français. L'informateur comprend très bien le provençal, mais il le parle avec difficulté. Il a appris l'anglais et l'allemand à l'école. Informateur
M-42 (J.P.GJ: 42 ans, né dans un mas, à 3 km au nord de
la ville de Sa femme est
saint-rémoise. Elle travaille dans une boutique en
ville. Elle parle Les parents
étaient des paysans de Saint-Rémy. Ils ont appris à
l'informateur L'informateur ne
parle pas de langues étrangères Informatrice F-45 (M.B.j: 45 ans, née dans la ville même de Saint-Rémy, où elle habite toujours. Elle n'a jamais quitté la région. Après l'école primaire, elle a travaillé 15 ans comme coiffeuse. Au moment de l'enquête, elle travaillait à la cantine d'une école. Son mari est
maçon à Saint-Rémy. Il parle français et provençal.
Side 172
Les parents sont saint-rémois aussi. Le père était cordonnier. La mère travaillait au foyer. Les parents parlent provençal entre eux, mais français aux enfants. L'informatrice comprend et parle provençal, mais elle le lit avec difficulté. Elle parle français avec son mari, bien qu'ils sachent parler provençal tous les deux. Elle ne parle pas de langues étrangères. Informatrice
F-54 (P.TJ: 54 ans, née dans un mas, à Saint-Rémy. Après
l'école Son mari est
agriculteur à Saint-Rémy. Il parle provençal et
français. Le père était
d'Aveyon, la mère était d'Ain. Ils ne parlaient que le
français. L'informatrice
comprend un peu le provençal. Elle ne parle pas de
langues Informateur
M-57 (L.F.): 57 ans, né dans un mas à 2 km de la ville
de Saint-Rémy, Sa femme est aussi
saint-rémoise. Elle travaille dans une boutique en
ville. Les parents
étaient agriculteurs à Saint-Rémy. Ils parlaient
provençal entre Informatrice
F-59 (Mme J.)\ 59 ans, née dans un mas, dans la région
de Saint- Elle est veuve
d'un agriculteur saint-rémois, qu'elle a aidé aux
champs. Au Les parents étaient des agriculteurs de Saint-Rémy. Ils parlaient provençal entre eux, mais français aux enfants. L'informatrice a appris à parler provençal, en travaillant aux champs. Elle parlait provençal avec son mari et elle a toujours des amis avec qui elle parle provençal. Elle ne parle pas de langues étrangères. Informatrice F-60 (N.8.): 60 ans, née dans un mas qui se trouve à 3 km à l'ouest de la ville de Saint-Rémy. Aujourd'hui, elle habite dans un mas à 2 km à l'est de la ville. Elle n'a jamais quitté la région. Elle est femme au foyer. Après l'école primaire, elle a travaillé aux champs. Son mari est
viticulteur et apiculteur à Saint-Rémy. L'informatrice
parle français Les parents
étaient agriculteurs à Saint-Rémy. Ils parlaient
français à l'informatrice Side 173
Informatrice
F-61 (CF.): 61 ans, née dans un mas, à Saint-Rémy, où
elle habite Son mari est né
en Espagne, mais depuis l'âge de 18 mois, il vit à
Saint-Rémy. Les parents
étaient agriculteurs à Saint-Rémy. Ils parlaient
provençal entre Informateur M-61 (M.8.): 61 ans, né à Saint-Rémy. Il a été à l'école primaire à Saint-Rémy et au collège d'enseignement secondaire à Arles (Bouches-du-Rhône). Il a été secrétaire de mairie à Saint-Rémy. Au moment de l'enquête, il était retraité. Il était resté prisonnier 27 mois en Allemagne, pendant la Seconde Guerre Mondiale. A part ce séjour forcé à l'étranger, il n'a jamais quitté la région. Sa femme est
saint-rémoise. Elle a été employée de bureau. Maintenant
elle Les parents étaient de Saint-Rémy. Le père est mort quand l'informateur avait 8 mois. La mère tenait une épicerie. L'informateur parlait français et provençal à sa mère et seulement le provençal à son grand-père. L'informateur parle également italien. 2. L'enquête2.1 L'opposition /e/ ~ / e /2.1.1 La syllabe accentuée libreOn voit sur le
tableau 1 (voir page suivante) que les 12 informateurs
produisent Les autres variantes dans mais, prêt et le suffixe -et dans fumet constituent un pourcentage très inférieur et ces variantes appartiennent seulement à 4 informateurs: M-33 (R.L.), F-29 (D.A.), F-60 (N.8.) et F-45 (M.8.) qui, une fois chacun, produisent soit un [|] (F-45 (M.8.)) soit un [e ] (M-33 (R.L.), F-29 (D.A.) et F-60 (N.8.)). Il faut considérer ces variantes comme des variantes individuelles parce que ces informateurs ont l'habitude de prononcer un [e] dans les autres mots et dans la même position. Side 174
Side 175
On ne peut pas expliquer pourquoi les informateurs produisent [e] , [e] ou [e ] dans est. Les trois timbres existent dans les positions toniques et atones. Il est aussi difficile de constater, s'il y a, dans le contexte, une harmonisation vocalique qui influe sur le timbre d'un mot avec le timbre d'un autre mot, parce que ce n'est pas dans toutes les phrases qu'il y a une telle tendance à l'harmonisation vocalique, sauf dans la phrase suivante: Pierre est blond mais son frère est châtain. 10 informateurs produisent un [e]après [ed] dans Pierre et frère et devant [o ] dans blond et devant la diphtongue nasale [e ' ] dans châtain. Il y a une grande
différence entre la répartition de [e]et de [e ] chez
les informateurs: Le diagramme sous forme de colonnes montre que le groupe des informateurs moins âgés (M-26 (Y.G.), M-33 (R.L.) et M-42 (J.P.G.)) se distinguent des autres informateurs: le groupe des informateurs moins âgés produit plus de [| ]que les autres. L'informateur M-26 (Y.G.) a le plus grand nombre de [e ]. Il a 37,8 % de [e ]. Les groupes des informateurs plus âgés et des informatrices jeunes et âgées ont à peu près la même répartition de [ e] et de [e ]• Deux informatrices F-45 (M.8.) et F-61 (CF.) ne produisent même pas un [e ] dans est. X. Le diagramme
indique que l'âge et le sexe influent sur le timbre dans
est. Un Side 176
entre l'âge ou le sexe et le choix du timbre. Sur la base des informations des fiches signalétiques, on ne peut pas grouper les informateurs autrement qu'à partir de l'âge et du sexe. Alors, il faut considérer les timbres [e] et [g ] comme des variantesnon-combinatoires pour [e] danser. 2.1.2 La syllabe accentuée couverteOn voit sur le
tableau 2 que les 12 informateurs produisent normalement
un Il y a très peu d'exceptions à cette réalisation: c'est seulement l'informatrice F-61 (CF.) qui, dans deux mots différents maître et faire, réalise un [e], mais une autre fois,elle produit un [e ] dans/ài're comme l'informatrice F-59 (Mme J.), qui a des réalisations de [e] et de [e ] dans/az>e. L'informateur
M-33 (R.L.) est le seul à produire un [e ] dans/e/\
Les timbres [e]
et [e ]sont ainsi des variantes individuelles parce que
le [e ] 2.1.3 La syllabe non-accentuée libreLe tableau 3,
voir page suivante, montre que les 12 informateurs
produisent Side 177
L'informatrice
F-29 (D.A.) prononce un [e] dans pêcheur, mais pas dans
péché, Comme
l'informatrice F-29 (D.A.) est la seule qui ait un
exemple avec [e], il Les réalisations des mots péchés, péché, pécheur et pêcheur ne montrent pas que les timbres, dans la syllabe non-accentuée, sont sous l'influence de l'harmonisation vocalique de la voyelle qui se trouve dans la syllabe accentuée, parce qu'il y a une forte tendance à prononcer un [e] dans la syllabe non-accentuée, bien que la voyelle dans la syllabe accentuée soit ouverte ou fermée. 2.1.4 La syllabe non-accentuée couverteSide 178
Le tableau 4
montre qu'il y a tendance à avoir un [e] dans la syllabe
non-accentuée La raison pour laquelle il y a tendance à prononcer un [e ] dans pelletière se trouve peut-être dans le fait que le timbre [e ] est encadré par deux voyelles ouvertes [a+ ] dans la et [e ] dans -tière, dans la phrase suivante La pelletière paye un franela livre. i Les 12 informateurs sont d'accord sur la prononciation [g] dans majesté, [e] n'indique pas la prononciation précise, mais il indique qu'il ressemble au e caduc où il est prononcé par les 12 informateurs. En outre, M-42 (J.P.G.) réalise un [e] dans élever et M-26 (Y.G.) aun[s] dans pelletée. Comme ces deux informateurs sont les seuls à prononcer un [e] dans ces mots, la raison peut en être une faute de lecture à haute voix, mais, par contre, il est possible que [3 ] soit normal dans cette position du français parlé à Saint-Rémy, parce que tous les informateurs prononcent un [9] dans majesté. 2.2 L'opposition /ø/ ~ /œ/2.2.1 La syllabe accentuée libreLe tableau ci-dessus montre que les 12 informateurs prononcent soit un [0 ] soit un [0 ] dans la syllabe accentuée libre. Comme on ne peut pas expliquer pourquoi les informateurs ont choisi le timbre qu'ils ont, il faut supposer que [0 ] est une variante non-combinatoire de \_& J. [0 ] est prononcé moins souvent, en fait 35,7 %, [0 ] constitue 64,3 %de toutes les occurrences prononcées. Side 179
2.2.2 La syllabe accentuée couverteOn voit d'après
le tableau 6 que les 12 informateurs produisent
normalement Il n'y a qu'un seul informateur M-57 (L.F.) qui réalise un [0] dans/ewne et [ce ] dans jeune. Les autres informateurs prononcent un [ce ] dans les deux mots, sauf l'informatrice F-59 (Mme J.) qui a un [œ] dans jeûne et jeune. Tous les informateurs produisent un [œ] dans veule et veulent. X Dans neutres les informatrices F-59 (Mme J.) et F-45 (M.8.) prononcent un [ce]. Les autres ont un [œ] dans le même mot. Dans veuf l'informatrice F-61 (CF.) réalise un [œ] et dans veuve l'informateur M-57 (L.F.) prononce un [ce]. Tous les autres informateurs produisent un [œ ] dans les mêmes mots. Dans/awteuil et neuve tous les 12 réalisent un [œ ]. Les
informatrices F-59 (Mme J.) et F-45 (M.8.) produisent un
[œ]dans Side 180
[ce ] dans la position [_œts# ]¦ On ne peut pas expliquer par la phonologie, la phonétique ou la sémantique pourquoi quelques informateurs préfèrent prononcerun [ce]. Ce [œ] constituant seulement 4,7 % des exemples prononcés, il faut le considérer comme une variante non-combinatoire pour [ce ]. Par contre, il faut considérer [ce ] dans la position [_ oez # ] dans honteuse et malheureuse comme une variante combinatoire, parce qu'il y a une petite tendance à prononcer un [ce] (58,3 % de tous les exemples prononcés). Dans les autres occurrences il y a [ce ] dans la position [_ ce z# J. L'informatrice
F-60 (N.8.) prononce [y] dans club, mais la plupart des
autres 2.2.3 La syllabe non-accentuée libreLe tableau 7
ci-dessus montre qu'il y a quatre timbres dans la
syllabe non-accentuée Le choix du timbre peut avoir trait à l'harmonisation vocalique et/ou à l'analogie avec le timbre d'une autre forme du même mot où la voyelle se trouve dans la position accentuée. Ci-dessous, il y a deux tableaux sur l'harmonisation vocalique et l'analogie. SA est une abréviation de la syllabe accentuée et SNA est une abréviation de la syllabe non-accentuée. Side 181
neutralisé est situé dans le tableau 7 a sur l'harmonisation vocalique parce qu'il se peut que le [0/0 ] dans la SNA soit influencé par le timbre fermé [e] dans la SA, bien que les timbres de la SNA et de SA ne soient pas dans des syllabes qui se suivent directement, (il n'est pas question de l'analogie avec neutres, voir tableau 7b). Malheureusement il n'y a pas d'autres exemples équivalents sur ce phénomène. Le tableau 7a
montre qu'il y a une tendance à l'harmonisation
vocalique du Side 182
2.2.4 La syllabe non-accentuée couverteLe tableau 8 sur la syllabe non-accentuée couverte montre qu'il y a tendance à produire un [ce ] dans cette position. Par rapport à [ce ], il y a très peu d'exemples avec [ce ]. Ils constituent 20 % de tous les exemples prononcés et ils sont prononcés par trois informateurs: M-57 (L.F.), F-45 (M.8.) et F-25 (S.G.). L'informatrice F-59 (Mme J.) est la seule à produire un [0 ] dans feuilleté. Ainsi y a-t-il
tendance à avoir [ce ] dans la position [_cets # ] et
dans la Dans la syllabe
non-accentuée couverte le timbre est influencé par
l'analogie Comme il n'y a
pas d'exemples avec les formes des mêmes mots où la
voyelle Side 183
truitssurla
base d'autres mots qui se ressemblent. Ces mots sont les
suivants: 2.3 L'opposition /o/~ /o/2.3.1 La syllabe accentuée libreLe tableau 9 montre que dans la syllabe accentuée libre il y a une forte tendance chez tous les informateurs à produire un [o]. L'informatrice F-25 (S.G.) prononce la voyelle nasale [o ] dans mots et maux. Cette prononciation doit être un défaut de prononciation. 2.3.2 La syllabe accentuée couverteOn voit par le
tableau 10 (voir page suivante) qu'il y a [o] dans la
position: J. Le spectre est
large pour les timbres ouverts de[ojet[ojà[o+]. Normalement il y
a [0+ ] dans la position: [ „ o + B#j.(llya[e] et [œ ]
Side 184
Tous les informateurs produisent un [o ] dans gauche. Dans saule la prononciation [o ] constitue 66,7 % des occurrences, sinon le mot est prononcé avec [o ], qui est le timbre le plus fréquent, pour les autres exemples, dans la syllabe accentuée Le [o++ ] dans
sole réalisé par F-45 (M.8.), le [3+ ] dans sole réalisé
par 2.3.3 La syllabe non-accentuée libreLe tableau 11
(voir page suivante) montre qu'il ya une forte tendance
à réaliser Side 185
II y a harmonisation vocalique dans tous les exemples: il y a une variante de timbre fermé dans SNA suivie d'une voyelle fermée dans SA. Mais il faut considérer la tendance à l'harmonisation vocalique avec réserve, parce qu'il n'y a pas d'exemple avec une voyelle ouverte dans SA qui puisse déboucher sur une variante d'un timbre ouvert dans SNA. Il n'y a pas
présence d'analogie, parce qu'il y a tendance à
prononcer une variante 2.3.4 La syllabe non-accentuée couverteSide 186
On voit sur le
tableau 12 ci-dessus qu'il y a normalement [o+ ] dans la
position: Devant la dentale
/s/ il y a une variante d'un timbre fermé [o] ou [o]
dans Dans les mots
soldat/soldats il y a tendance à réaliser un timbre
ouvert [o ]. 2.4 L'opposition /a/ ~ /a/2.4.1 La syllabe accentuée libreLe tableau
ci-dessus montre qu'il y a une forte tendance à
prononcer [a+ ] dans Les prononciations [a+ + ] et [a+] sont aussi réalisées dans cette position, mais à raison de 2,1 %. Ce sont M-26 (Y.G.), M-33 (R.L.) et M-42 (J.P.G.) qui prononcent [a+ +] dans ras et trois.Les informatrices F-54 (P.T.) et F-59 (Mme J.) produisent [a+ ] dans bas, bat et tas. Side 187
2.4.2 La syllabe accentuée couverteOn voit d'après
le tableau 14 qu'il y a tendance à produire [a+ ] dans
la syllabe -U. La prononciation
[a+ ] constitue 25 % des occurrences prononcées de pâte,
2.4.3 La syllabe non-accentuée libreSide 188
Le tableau 15 montre que [a+ ] est le timbre le plus prononcé dans la syllabe non-accentuée libre, sauf dans bâton où [a+ ] constitue 83,3 % des occurrences. Dans château [a+ ] constitue 90,9 %. Alors, la graphie â n'a pas d'influence sur le timbre prononcé. 2.4.4 La syllabe non-accentuée couverteOn trouve [a+ ]
et [a+ ] dans la syllabe non-accentuée couverte. Il y a
tendance 2.5 Un test d'homogénéitéUn test d'homogénéité -le test de X2 - sur les résultats de l'analyse auditive montre que les matériaux sont homogènes. Donc, les informateurs sont phonétiquement homogènes et ainsi représentatifs des habitants de Saint-Rémy-de-Provence. 3. ConclusionMalheureusement, il n'est pas possible de comparer les résultats de l'enquête avec d'autres enquêtes faites sur le français méridional, soit parce que l'on a utilisé une transcription phonétique personnelle, comme Auguste Brun dans Le français de Marseille (1931), soit parce que l'on a transcrit la prononciation sans noter les signes diacritiques, comme B. Rochet dans "The Mid-Vowels in Bordeaux Frenen" (1980). Sur la page suivante, on voit un tableau synoptique des voyelles à double timbre, dans toutes les positions du français parlé par un groupe phonétiquement homogène d'informateurs de Saint-Rémy-de-Provence. De plus, le groupe est représentatif des habitants de la région. Les timbres, qui sont caractérisés sur les pages précédentes comme des variantes individuelles, sont tous supprimés dans le tableau synoptique. Side 189
Tableau
synoptique des voyelles à double timbre dans toutes les
positions du Dans la syllabe
accentuée libre, il y a tendance à produire des timbres
fermés Dans la syllabe accentuée couverte, il y a des timbres ouverts [e , ce, œ ], aussi dans la position [__z#],ilya[o,o] et [o+ ] dans la position [_ _ b #], mais il y a [o] dans les positions [ s #] et [ z# ]. Dans la syllabe accentuée couverte il y a [a+ ],mais [a+ ] dans pâte et [a+ ] dans la position [--bC#]. Dans la syllabe
non-accentuée libre, ilya[e],[o,o,œ,œ] et [o,o]. En ce
Side 190
mentily a [a+ ]
dans la syllabe non-accentuée libre, sauf dans bâton, où
il y a u. Dans la syllabe non-accentuée couverte, ilya[e,e,e]et[a] dans majesté. Il ya [o, ce, œ]à cause de l'analogie et [ce ] dans les positions [ ts #] et [_ _j __ #]. Il ya [o, o, o,o+]¦ Devant /s/ il ya [o] et [o]. Il ya [o+] dans la position [ b #]. Il ya normalement [a+ ], mais [a+ ] dans la position [__b C__#],ilya l'analogie aussi. Il est à
remarquer qu'il ya pour les oppositions /&/ et /ce/,
/o/ et /o /, Anne Hilt
Cupênhague
RésuméLe présent article est une analyse auditive sur les voyelles à double timbre du français parlé à Saint-Rémy-de-Provence. L'enquête est basée sur les interviews de 12 informateurs âgés de 25 à 61 ans et de couches sociales représentatives de la région. Un test d'homogénéité sur les résultats de l'analyse auditive montre que les matériaux sont homogènes. Donc, les informateurs sont phonétiquement homogènes et ainsi représentatifs du français parlé de Saint- Rémy-de-Provence. Note *Cet article est un résumé des résultats de ma maîtrise: "En auditiv beskrivelse af timbrevokalerne i fransk tait i Saint-Rémy-de-Provence", novembre 1984, Institut d'Études Romanes de l'Université de Copenhague, non publié. Avant tout, j'aimerais remercier Karen Landschultz, professeur à l'lnstitut d'Études Romanes de l'Université de Copenhague et M. et Mme Galerón, Saint-Rémy-de-Provence de m'avoir incitée à faire cette enquête. BibliographieBailey, Norman T.
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Toulouse. Walter, Henriette
(1982) Enquête phonologique et variétés régionales du
français. PUF. Warnant, Léon
(1973) "Dialectes du français et français régionaux".
Langue Française, |