Revue Romane, Bind 21 (1986) 2Toujours est-ilpar Thanh-Binh Nguyen Le but de cet
article sera de signaler un ensemble de traits que nous
supposons (1) I: La
construction d'un labyrinthe ne servirait que les
besoins du mythe. (2) I. Sa seul?
tâche est doter les feuilles mortes de I2 surface de est
étang, et i! est Comme première
approximation d'une description générale nous
proposerons le En disant "toujours est-il que Y" le locuteur L introduit un commentaire à propos d'un fait F (exprimé en Y), et, ce faisant, oppose F à l'argumentation antérieure de son interlocuteur I. Selon ce commentaire, F est tel que sa prise en considération enlève à l'argumentation de I la valeur absolue que ce dernier (implicitement) réclame pour elle. Deux points dans
cette description vont nous concerner plus
particulièrement. Il 1. Environnement argumentatif1.1.
Contrairement àce qui se passe avec mais, TEI exige ce
que nous appel 1.1.1. A propos d'un échange à caractère argumentatif, nous parlerons de "clôture de débat" lorsque les deux interlocuteurs s'accordent sur une même conclusion. Ici deux cas (exemplifiés respectivement par (a) et (b)) peuvent se présenter, selon que cette conclusion est celle du locuteur ou celle de l'interlocuteur: Side 193
(a) I: Pars,
laisse tout tomber, si cela t'amuse. (b) I: Fais-moi
le plaisir de laisser ce chat àla maison pour une fois.
1.1.2. On retrouve ces deux types de clôture de débat avec TEI; le premier, en (2), où L accepte la conclusion de I; (notons qu'en (1) on a le même cas de figure, sauf que l'acceptation de L n'y est pas explicitée); le second, en (3), où L renonce à son intention discursive initiale (celle d'argumenter pour une conclusion r selon laquelle il ne faut pas déplacer la réunion une quatrième fois): (3) L: Je
commence àen avoir assez: c'est la troisième fois qu'on
déplace cette réunion L dans sa seconde réplique n'aurait pas pu utiliser TEI sans un enfin préalable (il s'agit ici d'un enfin de "résignation", selon ia description de Cadiot et al. 1985a) dont la fonction est de marquer un abandon d'intention discursive — intention qui sous-tend à la fois la première réplique de L, et toute cette partie de sa seconde réplique qui précède enfin. (Notons, en passant, qu'aucun argument n'est instancia là où l'on en attend un, après mais: ce qui tient lieu d'argument étant cette partie du commentaire véhiculé par quand même qui invite à conclure à r tout en reconnaissant à l'argumentation antagoniste toute sa valeur. (Pour plus de détails sur ce point cf. Cadiot et al. 1985 b). 1.2. Outre le
fait que TEI soit combinable avec un enfin de
résignation, signalons 1.2.1. fj : TEI
ne peut pas servir à opposer directement deux arguments.
Ainsi, (4) I: Tu ne peux
pas nous quitter (r), maintenant que tu es devenu
indispensable (P) Pour réaliser
son intention discursive (i.e. argumenter en faveur de
¡>on propre Side 194
contrairement à
TEI, un connecteur d'opposition interne, en ce sens
qu'il précède 1.2.2. f2: TEI
peut, dans tous les cas, être précédé d'une expression
telle que Il va de soi que/2 ne constitue un argument en faveur de notre hypothèse que si les marques d'assentiment en question expriment l'acceptation par L de la conclusion de I, et non pas une concession * comme dans le cas de mais (où a) X mais Y relève d'une même intention discursive; b) la concession effectuée en X implique un rejet de la conclusion de I; et c) et X, de ce fait, n'est pas séparé de Y par une clôture de débat.) Le choix que nous faisons de donner à ces expressions une interprétation non concessive peut se justifier de deux manières. D'une part, en signalant l'existence d'énoncés tels que la réplique de L en (2), qui reprend explicitement la conclusion de I. D'autre part, en invoquant l'avantage que présente la position que nous avons adoptée. 1.2.2.1. Contre
notre première justification, on pourra citer des
énoncés tels (5) I: On devrait
s'en aller d'ici. Le coin est infesté de crocodiles.
Des énoncés tels
que (5) ne remettent pas en cause l'hypothèse d'une
clôture de Dire, comme nous l'avons fait, qu'il y a en X clôture de débat signifie seulement que l'acte accompli en X — s'il est instancié — marque l'acceptation par L de la conclusion de I. Notre hypothèse n'entraîne nullement qu'une telle acceptation doive s'accompagner nécessairement d'une adhésion de la part de L: on peut fort bien accepter une conclusion sans pour autant trouver l'argumentation correspondante entièrement satisfaisante; et, en fait, dans le cas qui nous concerne, TEI, comme nous le verrons plus loin, implique une telle absence d'adhésion de la part de L. En d'autres termes, que l'on ait en X d'accord ou peut-être bien, X, selon nous, va marquer une clôture de débat, dans la mesure où l'acte accompli à travers renonciation de l'un ou l'autre type d'expression reste le même, à savoir un acte de prise en charge de r. La différence de sens apportée par "peut-être bien" est d'un autre ordre: peut-être bien, contrairement à d'accord, annonce la distanciation qui sera exprimée en Y. Side 195
L'idée de clôture de débat n'est, d'autre part, incompatible qu'avec un type d'interprétation concessive: celle qui ferait de l'acte effectué en X un acte de concession "stratégique", i.e. une manœuvre assumée comme telle et consistant à reconnaître l'accessoire pour mieux rejeter l'essentiel par la suite (i.e. en Y). Une telle interprétation, en effet, ferait relever X TEI Y d'une seule intention discursive globale, ce qui exclurait toute possibilité de clôture de débat. Le type de concession auquel on a affaire dans le cas qui nous importe diffère du précédent tant par sa nature que par sa fonction (avouée). Si l'on parle ici de concession, c'est uniquement parce que la prise en charge en question — non motivée, selon L, par la valeur objective de l'argumentation de I — fait l'effet d'une faveur. L'objet de cette prise en charge, r, ne peut nullement, dans l'optique de I, être taxé d'"accessoire", puisqu'il s'agit de la conclusion que I lui-même cherche à imposer. D'un point de vue fonctionnel, d'autre part, l'acte accompli par un peut-être bien (suivi d'un toujours est-il) n'est pas censé être une manœuvre stratégique subordonnée à un acte d'argumentation: il s'agit, comme nous l'avons dit, d'un acte d'accord relevant d'une intention discursive distincte et indépendante de celle qui gouverne renonciation de TEI Y. Pour clore cette discussion notons que ce qui constituerait un contre-exemple à notre hypothèse serait plutôt l'existence d'énoncés acceptables (de la forme X TEI Y) où l'on trouverait en X des expressions marquant le rejet de l'argumentation de I, ou exprimant une conclusion opposée à la sienne. L'acceptabilité de tels énoncés serait la preuve qu'il n'y a pas de clôture de débat en X, et que la suite X TEI Y relève d'une seule et même intention discursive. Or le remplacement en (5) de peut-être bien par certainement pas ou au contraire restons donnerait lieu à un énoncé pour le moins curieux. 1.2.2.2. La seconde justification que nous invoquerons en faveur d'une interprétation non concessive (i.e. non stratégique) des marques d'assentiment qui peuvent précéder TEI a trait à l'avantage descriptif qu'offre cette solution: celleci en effet fait relever/; (le fait que TEI ne peut pas servir à opposer directement deux arguments) et f2 (la possibilité de faire précéder TEI de marques d'assentiment) d'une même idée, celle de clôture de débat. La position adverse, qui opterait pour une interprétation concessive, se verrait confrontée à deux faits difficilement conciliables au niveau de la conclusion qu'ils permettraient de tirer à propos de TEI: alors que fj, allant dans le sens d'une clôture de débat, fait de TEI un connecteur d'opposition externe,/^, qui (en raison de l'interprétation concessive qui lui est attribuée) va à rencontre de cette idée, en fait un connecteur d'opposition interne: la concession qu'exprimerait l'expression d'accord ne constituerait pas une prise en charge de la conclusion de Side 196
I — ce qui
impliquerait pour la suite X TEI Y une structure
sémantique différente Une autre raison pour rejeter cette position: en faisant de TEI, comme mais, un connecteur d'opposition interne, elle ne fait que reporter à un autre niveau la distinction qui existe entre ces deux connecteurs — distinction qui se manifeste par l'impossibilité de les substituer l'un à l'autre, ne serait-ce que dans des situations telles que (4). 1.2.3. Un troisième et dernier indice en faveur de l'idée de clôture de débat réside en une contrainte2 (fj) qui régit la relation entre F', le fait à partir duquel I argumente pour r, et F, le fait exprimé en Y. Cette contrainte, mise en évidence par l'impossibilité d'avoir (6) (6) I: Ne sortons
pas (r); U pleut (P). veut que F (ici
le fait d'avoir un parapluie) soit tel qu'il ne rende
pas F' (la peur (7) est un autre
exemple du même type: (7) I: Je ne peux
pas sortir (r), je n'ai personne pour garder les enfants
(P). Ici encore,
l'existence de F (le fait que L a un frère qui peut
garder les enfants) a N.B.
L'impossibilité notée à propos de (6) et (7) n'est pas
due au simple fait (6') I: Ne
sortons pas: il pleut! (7') I: Je ne
peux pas sortir. Je n'ai personne pour garder les
enfants. La contrainte que nous venons de signaler constitue un autre indice en faveur de notre hypothèse dans la mesure où elle vient renforcer l'idée que L accepte r — idée qui, nous le rappelons, découle de cette hypothèse: s'il avait été possible pour TEI d'introduire un fait F qui ait pour effet d'annuler F' (qui fonde l'argument en faveur de r), cela aurait signifié que L rejette r. L'existence d'une contrainte du type évoqué nous permet, par conséquent de maintenir notre proposition concernant à la fois l'attitude de L vis-à-vis de r, et l'idée d'une clôture de débat préalable. Side 197
2. Fonction de TEIL'idée selon laquelle TEI exige une clôture de débat préalable est compatible avec (au moins) deux hypothèses concernant sa fonction. L'une (Hj) est que TEI introduit un acte de réfutation contre r, par le biais d'un argument Q (exprimé en Y) orienté vers -r (ou quelque autre conclusion impliquant la négation de r), et, ce faisant, relance le débat. L'autre {H 2) — celle que nous chercherons à défendre - consistera à dire que TEI accompagne seulement un fait F, sur lequel il serait possible de fonder une réfutation de l'argumentation précédente, mais à partir duquel L ne prétend pas argumenter. En disant X TEI Y (où X marque la place d'une expression d'accord qui peut ou non être instanciée) L introduit un commentaire sur un fait F (exprimé en Y). Selon ce commentaire, F, dont l'existence ne saurait être niée, demeure un problème non résolu, malgré le fait que constitue l'argumentation de I. N.B. Il serait possible d'avoir une seule hypothèse (Ho) àla place des deux précédentes, et dire que TEI introduit un acte de réfutation contre l'argumentation de I. Une telle hypothèse cependant aurait des présupposés théoriques différents des nôtres. En effet, pour pouvoir "gommer" la différence entre H¡ (L prétend argumenter) et H2 (L ne prétend pas argumenter) et dire que L argumente (Hq), il faudrait une conception plus "large" de l'intention présentée, qui permettrait — si c'est là ce que l'on souhaite faire — d'assimiler ce que L se "présente" (au sens strict du terme) comme faisant, à ce que I croit / est en droit de croire que L tente de faire. Cette croyance de I serait basée sur ce que L se présente (au sens strict) comme faisant, et la situation argumentative. 2.1. Avant de gloser certains points de notre formulation de H2, nous voudrions justifier notre choix d'écarter H¡ en faveur de H2. Notre décision repose principalement sur le fait que H¡, contrairement à H2, n'est pas à même de traiter des exemples tels que (8):(8) I: C'est un
garçon extrêmement pieux. Étant donné que Hj et H2 ne concernent que le segment commençant par TEI, cette partie de la réplique de L qui est antérieure à TEI se comprendra de la manière suivante dans les deux cas: en disant Ah, tiens!, L manifeste sa surprise devant le discours de I; en faisant suivre son exclamation d'un enfin de résignation (après la pause intonative appropriée) il indique qu'il renonce à l'intention discursive qui eût informé une suite logique à sa réaction de surprise, à savoir celle de réfuter I. Pour en venir
maintenant au segment qui nous intéresse: Hj prédit
qu'en Side 198
disant TEI Y L accomplit un acte de réfutation contre l'argumentation qu'il attribueà I, c'est-à-dire réalise justement l'intention discursive à laquelle il vient de renoncer. Une telle interprétation nous paraît contre-intuitive. A première vue, bien sûr, il serait possible de la défendre en invoquant un revirement d'intention de la part de L; cette solution, cependant, se heurte au fait qu'on a affaire ici à une combinaison de connecteurs. En effet, à partir du moment où telle combinaisonde connecteurs est attestée, il semble difficile de concevoir — au cas où ces connecteurs n'auraient pas tous deux pour fonction de contribuer à réaliser la même intention discursive — qu'ils puissent servir deux intentions opposées (on notera, à ce propos que mais ne serait pas possible à la place de TEI en (8)). Or c'est à cette conclusion que l'on aboutit si on adopte Hj. L'application de
H?, en revanche, tout en préservant l'idée qu'en
énonçant Selon H2 il n'y a pas de revirement d'intention, dans la mesure où TEI n'introduit pas un acte de réfutation, i.e. un argument contre la conclusion de I; Y exprime un simple fait F, apte, certes, à fonctionner comme argument dans la même situation de discours, mais qui n'est pas censé être utilisé comme tel. N.B. Ceci n'empêche pas que F, ou plutôt le fait d'introduire F au moyen de TEI puisse être interprété par I comme un acte d'argumentation. Un tel acte, cependant, dans la mesure où il ne sera pas assumé par L, ne pourra prétendre transformer les possibilités de parole de I. 2.2. Glose de H2.Les points de la
formulation de H2 qui vont nous intéresser sont ceux qui
ont un 2.2.1. Concernant
tout d'abord le contenu de ce commentaire, c'est-à-dire
ce (a) F demeure
malgré ce qui précède (i.e. l'événement que constitue
l'argumentation (b) L'existence
de F ne saurait être niée. (c) F est opposé
à F' (fait sur lequel est fondée l'argumentation de I).
Ces trois éléments, il importe de le noter, ne sont pas à mettre sur le même plan, et ceci pour deux raisons. La première est que, en énonçant TEI Y, l'intentiondéclarée de L est de communiquer (a), et non pas (b) ou/et (c), qui sont censés être connus de I. La seconde est que seul (a) fait vraiment partie du contenudu Side 199
tenuducommentaire véhiculé par TEI; (b) et (c) étant en fait des implications du fait de dire (a) : (b), dans la mesure où il faut une justification au fait de dire (a) : (c), parce que L dit (a) dans un certain type de situation. En d'autres termes, ce qui autorise à dire que F demeure malgré ce qui précède (=(a)) c'est le fait que l'existence de F ne saurait être niée (=(b)); si d'autre part, L dit que F demeure malgré ce qui précède, i.e. malgré l'argumentation de I, cela signifie qu'il donne à F une valeur argumentative opposée à celle de F' (=(c)). N.B. Comme nous venons de le voir, ce que l'on perçoit, d'un point de vue intuitif, comme le contenu du commentaire véhiculé par TEI, est en fait constitué par deux éléments. Le premier, identifiable à (a), forme ce qu'on pourrait appeler le "commentaire abstrait"; le second, représenté par (b) et (c), n'apparaît que lorsque ce commentaire abstrait est mis en application dans un énoncé. C'est ainsi qu'on pourra dire de (b) et de (c) qu'ils sont inhérents au fait de dire (a), ou encore d'employer TEL 2.2.2. Second point ayant trait au commentaire véhiculé par TEL En faisant porter ce commentaire sur F, nous ne voulons pas dire que F en est le seul objet. Pour nous il ne s'agit, en effet, que de l'objet immédiat: dans la mesure où ce qui importe ce n'est pas F en tant que tel, mais en tant qu'il a une certaine incidence sur l'argumentation antérieure, il ne sera pas absurde de voir en la valeur de cette argumentation, ou même la manière d'argumenter de I, le véritable objet de ce commentaire. 2.2.3. En disant que Y (dans TEI Y) exprime un fait Fet non un argument, nous voulons dire que le commentaire, qui (entre autres choses) présente F comme argumentativement opposé à F' (le fait sur lequel se fonde l'argumentation de I), n'a pas pour effet de donner à F une fonction d'argument, mais seulement un potentiel argumentatif. En d'autres termes, en énonçant TEI Y, L (entre autres choses) attribue à F une certaine valeur argumentative, mais sans se présenter comme l'utilisant en tant qu'argument. 2.3. Fonction de TEI2.3.1.
S'interroger sur la fonction de TEI dans l'optique qui
est la nôtre revient Pour nous TEI
n'est pas censé permettre un acte de réfutaion; d'une
part, L Side 200
quelque chose d'acquis. Ce que L prétend faire en énonçant TEI Y c'est relativiserla valeur de l'argumentation de I. En disant d'un fait F (doté d'un certain potentielargumentatif et dont l'importance ne saurait être niée) qu'il demeure malgré ce qui précède, L implique que la prise en compte de F eût rendu l'argumentationde I difficilement concevable: dans une situation argumentative caractériséepar la présence (reconnue) de F, une telle argumentation se verrait dévaloriséepar le fait que le choix de P n'aurait pas dû être possible. En d'autres termes, en disant TEI Y, L, d'une part, construit parallèlement à S¡ — la situationdans laquelle I est censé avoir placé son argumentation — une situation S2 différant de S¡ par la présence de F; d'autre part, laisse entendre que l'argumentationde I eût été difficilement concevable en S2 ¦ Concernant ces
deux situations construites, trois points sont à noter,
û) S2
contrairement àSj est donné comme étant conforme àla
réalité objective, iii) Dans la
mesure où en tenant le discours qu'il a tenu I s'est
placé dans une situation 2.3.2. Concernant
à présent l'impossibilité pour Ide choisir Pen S2, on
distinguera 2.3.2.1. Cas où P
s'avère "insuffisant" en S2 Un premier cas
nous est donné par (1), où l'insuffisance de P tient à
ce que cet (1) I: La
construction d'un labyrinthe ne servirait que les
besoins du mythe. où I argumente
contre la construction d'un labyrinthe ( : r). En disant TEI Y, L oppose à l'argumentation A de I un fait F, exprimé en Y {F: le fait que les plans sont prêts), qui n'a pas été pris en compte par I (en ce sens que I ne semble pas en avoir envisagé la possibilité). Ce faisant, il replace A dans une situation S2, caractérisée par la présence de F, à l'intérieur de laquelle A n'est plus concevable: en S2, P, qui s'adresse àun destinataire construit qui n'a pas encore pris de décision concernant le labyrinthe, s'avère insuffisant face Side 201
au destinataire
tel que le donne F, c'est-à-dire un destinataire
beaucoup plus Un cas analogue à
(1) nous est fourni par (7'), où l'insuffisance àeP
tient également (7') I: Je ne
peux pas sortir (r), je n'ai personne pour garder les
enfants (P) En choisissant comme argument P le fait F' qu'il n'a personne pour garder ses enfants, I semble en effet s'adresser à un destinataire D¡ pour qui P suffit à amener à r (= I ne peut pas sortir ce soir). Or L, en attirant l'attention de I sur l'existence de F (le fait que L puisse se rendre compte de l'idée que I a de lui), donne de lui-même une image D2 non assimilable àD¡ :L,en tant que D2, ne saurait se contenter de P. L'insuffisance de
PenS2 Peut aussi provenir de ce que F relativise la
force de (2) I: Sa seule
tâche est d'ôter les feuilles mortes de la surface de
cet étang, et il est où S2 ne comprend que F', qui, selon I, correspond à l'incapacité de J (en tant qu'elle est imputable à sa paresse); et S2 est caractérisée par la présence de F (l'aspect aliénant du travail de J); P, une fois transposé en S2, n'a plus qu'une force relative, dans la mesure où la prise en compte de F a pour effet de modifier la nature de F', sur lequel P est fondé: si on prend en considération ce que le travail de J peut avoir d'aliénant, il n'est plus possible de le rendre entièrement responsable de son incapacité d'en venir à bout. 2.3.2.2. Cas où F
rend le choix de P non justifiable (6') I: Ne
sortons pas (r), il pleut (P). ce que L remet en cause ce n'est pas la force de P (fondé sur F', le fait qu'il pleut) en tant qu'argument pour r (le refus de I de sortir), mais le droit qu'a I de choisir F', du moins en S2 qui contient t (le fait que I soit sorti un certain joui par une pluie battante). En faisant remarquer à 1 (au moyen de TEI) que ce dernier a "oublié" F, L donne à entendre que si l'on tenait compte de FI n'aurait pas le Side 202
droit de
choisir F' comme P: l'existence de F semble en effet
indiquer que I ne (5) est un autre
exemple du même type. (5) I: On devrait
s'en aller d'ici. Le coin est infesté de crocodiles.
Ici comme en (6') L dévalorise l'argumentation de I en mettant encause son droit de choisir F': en rappelant F à I, L signale à ce dernier que dans une situation S2 où l'existence de F est reconnue, le choix de F' comme argument eût été pour le moins surprenant: ayant eu l'idée du coin en question, 1 n'est pas censé avoir le droit de s'en plaindre. N.B. Notons quand
même deux points de différence entre (6') et (5):
1. En (5), contrairement à ce qui se passe en (6'), ce que L remet en question à travers sa critique du choix de F' c'est ¡'intention discursive même de I: non seulement I n'aurait pas dû choisir F', mais il n'aurait même pas dû argumenter pour r. 2. En (6'), mais non en (5), le choix de F' (replacé en So) entraîne la violation de l'une des conditions préalables que doit satisfaire toute argumentation, en l'occurrence celle selon laquelle le locuteur doit croire à la valeur de l'argument qu'il utilise. Le droit dont il est question en (5) serait plutôt d'ordre idéologique. Toujours dans
cette même catégorie nous indiquerons un troisième
exemple, (3) L: Je
commence àen avoir assez: c'est la troisième fois qu'on
déplace cette réunion (Dans la mesure
où ce qui précède toujours est-il n'entre pas en ligne
de compte Ici encore F met en cause le choix de P. Mais à la différence de ce qui se passe dans les deux cas précédents, I, en choisissant P, ne trahit pas une identité discursive pré-établie; la raison pour laquelle un tel choix est difficile en S2 tient à ce que P annule la relation argumentative postulée entre P et r: I, en argumentant pour r {-S n'est pas responsable) à partir d'un P fondé sur F' (le fait que J a de graves ennuis) donne à entendre qu'en d'autres circonstances J n'aurait pas agi de la sorte — sous-entendu qui justifie la relation argumentative entre P et r; or c'est justement la vérité de ce contenu que F (le fait que J n'a pas pris la peine de les prévenir plus tôt) met en doute. Side 203
3. Toujours est-il / mais3.1. Nous ne ferons que reprendre ici, en les élaborant, certains points abordés lors de notre description de TEI.La différence que
nous percevons entre TEI et mais peut se résumer en
disant Cette opposition est parenthétique, en ce qui concerne TEI, dans la mesure où ce connecteur, qui n'apparaît qu'après une clôture de débat et permet un acte interprétable comme une réfutation dirigée contre l'argumentation antérieure, n'est pas censé annuler cette clôture (ou, encore, rouvrir le débat). En disant TEI Y, L ne revient pas sur sa décision d'accepter la conclusion de I, il ne fait que prendre ses distances vis-à-vis de l'argumentation de ce dernier. Si son acte fait l'effet d'une réfutation, il ne peut, cependant, en aucun cas prétendre imposer l'obligation discursive correspondante: I n'est tenu ni d'accepter la conclusion -r qu'on pourrait tirer de F, ni de la réfuter; il peut très bien prétendre ignorer le discours de L. En contrepartie, la position de L présente l'avantage d'être inattaquable — ce à quoi ne saurait prétendre une réfutation non-parenthétique. Cette description
de TEI entraîne deux conséquences. Lorsqu'on a affaire à
a) que l'acte
effectué en X n'est jamais donné comme un acte de
concession stratégique; b) que Y exprime,
non pas un acte d'argumentation en faveur de -r, mais
seulement Mais, contrairement à TEI, va introduire une opposition présentée comme telle - et non plus parenthétique. En disant mais Y, L non seulement prétend modifier les possibilités de parole de I, mais s'expose à son tour à une réfutation de la part de I. A l'inverse de ce qui se passe pour TEI, lorsqu'on se trouve devant une structure de la forme X mais Y (où X exprime un acte d'accord), on dira: a) que l'acte
effectué en X est un acte de concession stratégique;
b) que Y exprime
un acte de réfutation contre une argumentation
antérieure attribuée Nous avons déjà dit, à propos de mais, que ce connecteur est interne au débat (i.e. à un débat donné). En termes de clôture de débat cela signifie que lorsque le discours de L concerne le même thème que celui de I, ou plutôt lorsque l'enjeu est le même dans les deux discours, deux types de situations sont envisageables - Soit mais n'est précédé d'aucune clôture de débat (cf. (8)): (8) I: Si on les
emmenait àla chasse aux lions (r). Depuis le temps qu'on
en parle (P). Side 204
- Soit une telle
clôture existe, auquel cas mais a pour effet de
l'annuler et de rouvrir (9) I: Si on les
emmenait à la chasse aux lions (r). Depuis le temps
qu'on en parle (P). On notera à
propos de (9) que l'acte de clôture exprimé en X fait
place à un acte N.B. Les cas où
la clôture de débat préalable n'est pas annulée par mais
sont ( 10) I: Si on
les emmenait àla chasse aux lions? (r). Depuis le temps
qu'on en parle. (P) La réfutation introduite par mais ne remet pas en cause ce qui a fait l'objet d'un consensus, parce qu'elle relève d'un débat différent. Mais accompagne un argument Q (exprimé par Y) orienté vers une conclusion r' dont l'acceptation par I n'impliquerait par le rejet de r : Q ne s'oppose pas à P mais à une implication contextuelle de l'acceptation de r par L — à savoir que L va soit aider I dans ses préparatifs, soit s'en charger seul. On remarquera que X est le siège de deux actes qui co-existent sur deux plans différents: le premier, qui relève du débat enclenché par l'argumentation de I, est un acte d'accord (portant sur r) qui clôt ce débat; le second, qui appartient à un débat d'un autre type, est un acte de concession (portant sur r et rejetant l'implication dont nous avons parlé). 3.2. Mais toujours est-ilLe fait qu'une telle combinaison soit attestée peut, à première vue, remettre en question la description que nous venons de donner pour mais et TEL Comment, en effet, maintenir qu'un même locuteur puisse se présenter à la fois comme réfutant l'argumentation antérieure et comme signalant seulement la possibilité d'une telle réfutation. Deux types de solutions nous semblent envisageables ici. Le premier consisterait à dire qu'on a affaire àun mais (mais2) différent de celui décrit plus haut (maisj). Contrairement à maisj et TEI, ce mais2 servirait uniquement à indiquer la tendance générale d'un discours (en l'occurrence, une opposition); il s'agirait d'une forme d'enchaînement, justifiée, certes, par un contenu,mais ne portant pas sur ce contenu. Un tel mais ne relèverait que du locuteur(en tant que responsable de la production d'un énoncé): en disant mais2 ce dernier (du moins en tant que locuteur) ne prendrait pas parti pour ce qui suit, mais ne ferait que signaler dans quel sens le discours évolue. Cette première solutionreste, Side 205
lutionreste,bien entendu,
purement ad hoc tant qu'on n'en aura pas montré la
Le second type de
solution ferait simplement porter chacun des deux
connecteurs Considérons
l'exemple suivant: (11) I: Ce n'est
pas la peine qu'on emporte nos smokings (r). On a assez
de bagages Le discours de L
est susceptible d'au moins deux interprétations; l'une,
correspondant Selon la première interprétation, Len (11) aurait très bien pu se passer de mais pour exprimer son intention discursive, qui est de faire une réfutation parenthétique à l'argumentation (A) de I. Dans les deux cas (i.e. avec ou sans mais) L accepte r et ne revient pas sur sa décision: tout ce qu'il dit c'est que la prise en compte de F (le fait que I et lui-même seraient plus tranquilles s'ils emportaient leurs smokings) eût empêché I d'accomplir A. Mais ne serait là que pour annoncer la nature du discours qui suit, également peut-être pour en faciliter l'amorce. Selon la seconde interprétation, mais et TEI relèvent chacun d'une intention discursive distincte et portent sur des paires de contenus différents. En disant X, L accepte l'argumentation de I; en enchaînant avec mais TEI Y, il s'oppose à ce que I puisse tirer de l'expression de son accord l'idée (r') qu'il ne soit pas susceptible de dire TEI Y, ou encore de dévaloriser A. Mais opposerait donc l'acte d'accord effectué en X — acte que L concède à I — et la possibilité pour L d'accomplir l'acte effectué en disant TEI Y. (Remarquons que mais ici n'a pas pour effet de rouvrir le débat dans la mesure où il n'y a pas annulation de l'accord marqué par X). Quant à TEI, il opposerait le fait que A ait eu lieu et l'existence de F. On notera que chacun des deux connecteurs introduit une forme de distanciation — vis-à-vis de l'image que I est censé se faire de L, dans le cas de mais; vis-à-vis de la valeur de A, dans le cas de TEL Pour terminer
nous signalerons encore trois points à propos de cette
seconde a) l'accord
exprimé en X porte bien sur r, et non pas sur le statut
d'argument de h) On n'aurait
pas pu 3voir un futur à la place du conditionnel comme
après un c) Bon, d'accord,
contrairement à d'accord, dans un contexte tel que (11)
n'est Side 206
susceptible que
d'une interprétation, celle donnant r pour objet de
l'accord; d'accordpouvant (i)
*Bon,d'accord, mais on sera plus tranquille. énoncé qui le
présenterait à la fois comme acceptant r et argumentant
pour -r. (ii) D'accord,
mais on sera/serait plus tranquille, (iii) Bon,
d'accord; mais on serait plus tranquille. En (iii) L
concède à I le statut d'argument de P (i.e. que P peut
servir à mener à ConclusionEn guise de
conclusion nous ferons deux remarques. 1. La première est à propos de la notion de clôture de débat. L'introduction d'une telle notion présente un double intérêt. D'une part, elle permet de différencier d'un point de vue fonctionnel des connecteurs d'opposition habituellement sentis comme assez proches. D'autre part, elle fournit un critère de démarcation à l'intérieur du discours permettant le calcul de l'intention discursive du locuteur: comme nous l'avons vu, la présence d'un connecteur après une clôture de débat peut avoir pour effet d'annuler cette clôture, et, à plus forte raison, l'intention qui la commande. 2. Notre seconde remarque a trait à la question de savoir comment on peut caractériser l'acte stratégique lié à l'utilisation de TEI de manière à le distinguer d'un acte illocutoire (au sens searlien du terme). Si on accepte a) qu'une assertion que p s'effectue par le fait d'exprimer la croyance que p ; et b) que le locuteur d'une assertion prend en charge à la fois l'expression de sa croyance et le fait qu'elle sert à accomplir une assertion, on pourra dire de même à propos d'un certain type de réfutation, a) qu'elle s'effectue par le fait d'exprimer une croyance - celle selon laquelle un fait F est susceptible de fonder un argument contre une certaine conclusion r\ b) que son locuteur prend en charge les deux niveaux signalés. C'est sur ce second point que la réfutation introduite par TEI va différer de celle que nous venons de décrire: son locuteur, en effet, ne prend en charge que le premier des deux niveaux. Thanh-Binh
Nguyen Paris Side 207
RésuméToujours est-il (TEI) fait partie de ces opérateurs métalinguistiques dont la fonction est d'introduire un "commentaire" sur certains aspects du processus argumentatif, celui de l'interlocuteur en l'occurrence. Ce qui fait la particularité de TEI c'est qu'il permet à son locuteur de faire une réfutation présentée comme "parenthétique", i.e. non assumée comme telle: en énonçant une suite TEI Y, en réponse à un discours antérieur, le locuteur ne prétend pas réfuter ce discours mais simplement attirer l'attention sur un fait susceptible de fonder une telle réfutation, et que l'interlocuteur aurait dû prendre en considération. Parmi les notions utilisées nous signalerons celle de "clôture de débat" introduite ici pour la première fois. Notes 1. Lorsqu'on parle de concession il est utile de distinguer deux cas, que nous appellerons, respectivement, "concession non-obligatoire ou stratégique", et "concession obligatoire". La concession non-obligatoire est une manœuvre stratégique consistant à reconnaître (dans ce que dit l'autre, ou dans ce qu'on lui attribue) l'accessoire pour mieux rejeter l'essentiel, (cf. "Il est, certes, toujours possible de se tromper, mais il faut prendre une décision"). Quant à la concession obligatoire, elle résulte d'une obligation antérieure: dans ce cas il ne s'agit plus de manœuvre (destinée à créer une obligation chez le destinataire) mais d'acquiescement forcé (cf. "D'accord, puisque c'est comme ça"). 2. Cette contrainte a été signalée dansCadiot et al. 1985 b. Je remercie O. Ducrot et R. Martin de leurs critiques judicieuses. BibliographieCadiot, Anne,
Ducrot, Oswald, Fradin, Bernard, Nguyen, Thanh-Binh
(1985 a) "Enfin opérateur Cadiot, Anne,
Ducrot, Oswald, Nguyen, Thanh-Binh, Vicher, Anne (1985
b) "Sous un mot Nguyen,
Thanh-Binh (1984) "Sens et intention" . Semantikos
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