Revue Romane, Bind 21 (1986) 1

Problèmes de méthodologie en linguistique Réponse à Henri Van den Bussche

Henrik Prebensen

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Monsieur et cher Collègue,

Vous avez envoyé à la Revue Romane une critique de mon article "La proposition relative
dite attributive" (1982, 1). Avant de répondre à votre critique, je voudrais vous remercier de
votre initiative.

Vous terminez votre article par un jugement sur le mien: l'analyse que j'ai proposée est
"erronée". Vous pensez en avoir montré le caractère peu convaincant. Vous dites avoir montré,à
propos de l'hypothèse que la relative attributive serait une relative anaphorique, qu'il

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n'en est rien. La relative attributive, selon vous, aurait le statut d'un actant qui est "complémentattribut
de l'objet ou du sujet".

Je ne ferai pas de mon cœur une caverne de voleurs. Je vous dirai sans équivoque: A mon
avis, vous vous trompez. Et vous commettez des erreurs de méthode queje détaillerai par la
suite. Elles sont de trois ordres: 1. Empirique. 2. Logique. 3. Théorique.

1. Problèmes d'empirie

Toute hypothèse ou théorie linguistique est basée sur les données spécifiques que nous appelons
"les exemples". Sa justification repose en ultime instance sur l'acceptabilité de ces
derniers.

Ces données ont deux statuts. Les unes sont des exemples relevés dans des textes écrits
sans arrière-pensées linguistiques, donc spontanés. Les autres sont produites ou provoquées
par les linguistes pour étayer leurs hypothèses. Ce sont les données expérimentales.

A ces deux statuts correspondent des principes méthodologiques différents. Pour les données spontanées, il faut en vérifier l'authenticité, le contexte, l'interprétation, éliminer les hapax legomenon, etc. Quant aux exemples expérimentaux, le danger pour le chercheur de les accorder inconsciemment à ses hypothèses est si grand qu'il faut être particulièrement vigilant: utiliser des informateurs, recouper leurs jugements entre eux, etc.

La proposition relative dite attributive est une construction rare et qu'on trouve surtout
dans les romans. Le sentiment linguistique est peu sûr devant cette construction. Il faut donc
soumettre les exemples fabriqués à un contrôle particulièrement sévère.

Dans votre article vous utilisez des exemples que vous avez inventés vous-même et qui
servent à justifier des constructions que d'autres grammairiens ont qualifiées d'inacceptables
ou d'agrammaticales.

Ainsi, dans le paragraphe 2.3.2, vous acceptez des phrases où une négation est suivie d'une relative dite attributive: "En règle générale, la négation rend la phrase QUELQUE PEU moins naturelle:" (112), (113), "MAIS...les phrases suivantes se révèlent PARFAITEMENT GRAMMATICALES" (114), (115), cf. (51).

Dans le paragraphe 2.3.3. vous dites: "on peut insérer un adverbe marquant la répétition
ou l'habitude dans la phrase principale...:" (116)-

Il faut comparer avec cela les affirmations suivantes:

La négation du verbe de la principale n'est pas admise (Mira Rothenberg, p. 368, cf.
375)
Lorsqu'il s'agit d'une habitude, seule la proposition infinitive est possible: On le
voyait souvent sourire (ibid. p. 381)
the Infinitive still represents the exclusive construction whenever we hâve to do with
a factual statement concerned with the actuality or possibility of B's beeing seen to
act...: "I hâve often seen him smile at her jokes" (Anna G. Hatcher, p. 278)

Qui a raison? Vous avez inventé vous-même vos exemples et vous les présentez sans possibilité de contrôle. Nos deux collègues ont examiné un ensemble considérable de textes et donnent des arguments sémantiques probants pour étayer leurs conclusions. Je peux ajouter que, sauf erreur de ma part, aucun exemple littéraire cité par les grammairiens qui ont écrit sur cette construction, ne comporte de négation ou d'adverbe marquant la répétition ou l'habitude. Voilà ce qui m'a amené à formuler dans mon article l'hypothèse de la spécificité, qui résume ces contraintes.

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Le même problème se pose à propos delà contrainte de l'antécédent animé, que vous critiquez. Il y a, parmi les quelque 150 exemples spontanés que j'ai examinés, très peu d'exceptions. La plupart sont expliquables comme des animations (cf. Hatcher p. 394). L'exemple (lia) est une exception construite par Mira Rothenberg (qui parle "d'auteur d'une activité" pour exprimer la même contrainte (p. 364 et p. 367)). Mes informateurs ont rejeté cet exemple, qui est vraiment étonnant (la porte est-elle "auteur d'une activité" en craquant? ).

Le problème se pose aussi à propos de la liste des verbes établie par Mira Rothenberg, liste à laquelle vous faites allusion dans votre § 2.1.4. Cette liste comporte env. 45 verbes qui ont été contrôlés de façon sporadique p. ex. endurer, accepter, pressentir, souffrir. On pourrait citer à ce propos les remarques très justes de Mira Rothenberg elle-même (p. 389):

Le problème de l'acceptabilité d'une construction est un problème très délicat; on peut aller très loin dans le sens d'une éventuelle acceptabilité. Ainsi, dans Je les ai lus mourir de Tristan Corbière cité plus haut, ou dans // le goûtait venir (se. le matin) et dans // le respirait venir de Zola, auxquels je pourrais ajouter de mon cru, pourquoi pas, // le savourait venir...A. mon sens, on pourrait dire qu'à la limite bien des verbes accepteraient éventuellement telle ou telle construction, qui constituerait un écart avec son emploi habituel...

Dans mon article, j'ai soigneusement précisé le concept d'acceptabilité que j'utilise en écartant
les 45 verbes de la liste de Mira Rothenberg (p. 110):

Pour préciser la portée du concept d'acceptabilité en jeu, je souligne que mes informateurs
refusent d'accepter des phrases [comportant ces verbes) venant d'un étranger.

Je vous conseille également de lire les pages 372-373 de l'article de Mira Rothenberg. Elles
montrent de façon exemplaire la minutie qu'on peut apporter au contrôle des exemples.

Les problèmes que j'ai discutés dans ce paragraphe sont d'ordre empirique. C'est une question empirique de savoir si tel ou tel verbe entre dans notre construction, si on peut y mettre la négation ou un adverbe itératif, si telle autre contrainte vaut ou non pour elle. Si vous pouvez montrer que les résultats auxquels sont arrivés vos prédécesseurs sont faux ou insuffisants, vous faites progresser nos connaissances, indépendamment de toute théorie linguistique. Mais il faut pour cela offrir des données nouvelles et dignes de foi.

2. Problèmes de logique

Afin de montrer que "l'analyse qui dérive la phrase complexe contenant une relative attributive de deux propositions indépendantes, n'est pas sans poser de sérieux problèmes" (§ 1), vous critiquez la typologie des propositions relatives, dont j'ai donné un bref aperçu dans mon article (p. 98-100), mais qui est longuement exposée et discutée dans un ouvrage en danois, écrit en collaboration avec mon collègue Ebbe Spang-Hanssen et consacré aux différences entre les relatives déterminatives et explicatives.

L'idée fondamentale de cette typologie est d'utiliser comme critère de classification la
relation anaphorique entre le pronom relatif et son antécédent. Une telle relation existe
puisque le relatif est un substitut nominal.

Pour mettre à nu cette relation, nous avons eu l'idée de procéder systématiquement à une analyse qui consiste à extraire la relative de la proposition enchâssante et à en faire une indépendante. On peut étudier alors les termes anaphoriques qui remplacent le pronom relatif et éventuellement l'antécédent. Il va de soi que le résultat de ce fractionnement doit être

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une paraphrase sémantiquement équivalente à la phrase de départ, du moins en ce qui concerne la valeur de vérité. Nous avons établi ainsi la typologie dont vous vous proposez de montrer que "cohérente à première vue, [elle] soulève néanmoins de sérieux problèmes" (§1.2).

Première objection: II y a des phrases complexes ((41)- qui ne se laissent pas décomposer,
malgré le fait qu'elles contiennent des relatives.

Cette critique pose un intéressant problème de méthodologie, que nous avons discuté dans notre ouvrage. Si on considère des propositions non complexes, la décomposition est toujours possible. Il semble donc y avoir un rapport général, régulier et assez simple entre les deux constructions, hypotaxique et parataxique. Mais, si l'on considère les propositions complexes, il n'en va plus de même. Vous en concluez que notre test a échoué et que de ce fait la typologie est nulle. Nous en avons conclu, quant à nous, qu'il fallait expliquer ces contreexemples par leur complexité. Reprenons votre premier:

aO. Un chien qui aboie ne mord pas nécessairement

al. *Un chien aboie. Il ne mord pas nécessairement.

La complexité de aO est due à trois facteurs: une quantification, cf.:

a2. Le chien qui aboie ne mord pas nécessairement

a3. Tout chien qui aboie ne mord pas nécessairement

une négation et un opérateur modal: nécessairement.

Or, il se trouve que les quantificateurs, les négations et les opérateurs modaux sont des opérateurs qui influent sur les valeurs de vérité. On ne peut pas extraire un constituant du champ opératoire d'un tel opérateur sans modifier la valeur de vérité de la proposition. Voilà pour quelle raison al n'est pas une paraphrase valable de aO.

Ce n'est pas un principe de la méthodologie linguistique que les généralisations doivent être sans exceptions au sens absolu des mots. On aurait alors, à l'opposé diamétral du rasoir d'Occam, "le couperet de Van den Bussche", qui nous interdirait toute généralisation nontriviale. La transformation passive, pour ne prendre qu'un seul exemple, tomberait sous ce couperet. Car il n'est pas difficile de trouver des contre-exemples où la quantification et la négation interfèrent avec la passivation:

bO. Tous les élèves ne connaissent pas deux langues

bl. Deux langues ne sont pas connues par tousles élèves

b2. Deux chiens ont mordu dix grammairiens chacun

b3. Dix grammairiens ont été mordus par deux chiens chacun

b4. Je n'emploie pas de secrétaire qui ne sache pas le russe

b5. * De secrétaire qui ne sache pas le russe n'est pas employée par moi

Heureusement, le grammairien ne doit pas abdiquer devant de telles difficultés. Toute grammaire deviendrait alors impossible. Il doit par contre expliquer les cas apparemment rebelles par l'interférence d'une multiplicité de règles, s'attachant à obtenir ainsi des généralisations aussi poussées que possible. Le même raisonnement s'applique à votre exemple (45). De la phrase

cl On cherche une secrétaire qui sache le russe

il est impossible, évidemment, d'extraire la relative à cause du subjonctif, même un enfant

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le constaterait. Mais puisque le subjonctif est un élément modal, on peut le remplacer par un
autre élément modal:

c2. On cherche une secrétaire. Elle doit savoir le russe.

Votre logique ici est trop simpliste, trop binaire. Il ne s'agit pas d'accepter ou de rejeter des
exemples sans plus, mais de les expliquer.

Que penser ensuite de votre seconde objection: "même les exemples avancés par l'auteur sont suspects" (même!) "puisque dans les phrases fractionnées, le déterminant du groupe nominal a été modifié, comme dans l'exemple (33) et (33a)"? Je ne comprends pas en vertu de quel principe, vous voulez interdire ou rendre suspectes les règles "syncatégorémiques", si elles expriment une relation générale entre deux constructions. Si vous consultez les ouvrages sur les relatives, vous verrez que beaucoup de grammairiens ont proposé des analyses semblables.

Toute votre critique de notre typologie repose sur un malentendu: qu'il ne peut y avoir qu'UNE typologie correcte des propositions relatives. Pourquoi en serait-il ainsi? Les classifications naturelles, celles qui permettent de découvrir des lois ou des règles générales, ne sont pas nécessairement uniques. En ce qui concerne les propositions relatives, on connaît au moins trois taxinomies, basées sur des critères de classification différents, mais non pas mutuellement exclusifs: la classification basée sur le concept de NÉCESSITÉ (une relative determinative est "nécessaire" pour le sens global de la phrase, une explicative est accessoire), la classification qui fait intervenir la fonction grammaticale (relatives appositionnelles, relatives épithètes, relatives ATTRIBUTIVES) et la classification qui utilise la valeur anaphorique du pronom relatif et qui donne des critères vraiment opérationnels: les fractionnements.

La grammaire traditionnelle a toujours utilisé ces trois critères, mais sans pouvoir vraiment en donner des définitions claires et opérationnelles. Une discussion en profondeur de ces problèmes n'est pas possible ici. Je dirai seulement que notre test s'est révélé facile à manier et qu'il donne une classification exhaustive et bien conforme aux intuitions de la tradition. Mais rien n'empêche qu'on utilise d'autres critères pour arriver à des classifications soit conformes, soit complémentaires. Notre test ne préjuge ni sur la "nécessité" ni sur la fonction grammaticale des relatives.

Je refuse donc votre postulat final (§ 1.2.1): les relatives déterminatives et explicatives
sont aussi radicalement opposées chez nous que chez n'importe qui dans la tradition.

Les relatives présentatives et possessives (§ 1.2.2) peuvent très bien être à la fois nonanaphoriques et épithètes. Le tout est de trouver une définition claire du concept d'épithète. Je vous invite à en proposer. Vous savez peut-être que certains ont considéré les adjectifs et les participes épithètes comme des relatives réduites, mais que d'autres ont préféré les générer comme des spécifîcateurs du nom. On n'est pas près de trouver une solution communément admise.

Sous le critère anaphorique, les relatives dites attributives sont bel et bien des anaphoriques, puisqu'elles se laissent fractionner. Comme l'antécédent peut être "parfaitement défini d'avance" (Togeby V, 1985, § 1976 1): nom propre, pronom personnel, possessif, elles sont à rapprocher des relatives explicatives plutôt que des relatives déterminatives. Mais elles ne s'y identifient pas.

3. Problèmes de théorie

Vous voulez proposer une nouvelle analyse des relatives dites attributives. Vous commencez
par distinguer quatre types de compléments de lieu (§§ 2.1.1-2.1.4.). Puis, les syntagmes qui

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sont "des compléments de lieu" aux §§ 2.1.3 et 4), deviennent des "compléments de lieu attributs de l'objet ou du sujet" (§ 2.2.1), pour finir "compléments attributs de l'objet ou du sujet" (sans "lieu": § 2.3). Ainsi on lit à la fin du § 2.1.4: "les verbes pouvant se construire avec une relative attributive et les verbes prenant régulièrement un complément de lieu attribut du sujet ou de l'objet se révèlent être une classe de verbes unique et homogène".

Dans le § 2.2, vous donnez des exemples qui sont censés montrer les propriétés caractéristiques des verbes en question et justifier ainsi pourquoi vous "admettez que leurs compléments, de forme nettement différente, possèdent la même fonction, étant des compléments attributs de l'objet ou du sujet". Il n'y aurait donc pas de différence entre attributs du sujet ou de l'objet, compléments de lieu, attributs libres et relatives attributives:

dO. Elle est ivre de joie et de bonheur (attribut du sujet)

dl. Elle n'est pas sous les peupliers (complément de lieu)

d2. Elles est là ivre de joie et de bonheur (attribut libre)

d3. Elle est là qui attend (relative attributive)

d4. Nous trouvions nos hôtes intraitables sur la question (attribut de l'objet)

d5. Nous les trouvions sur la terrasse (complément de lieu)

d6. Nous les trouvions assis sur la terrasse (attribut libre)

d7. Nous les trouvions sur la terrasse en train de prendre le thé ou sirotant des grenadines
(complément de lieu + deux attributs libres)

dB. Nous les trouvions sur la terrasse qui sirotaient des grenadines (complément de
lieu et relative attributive)

Mais syntaxiquement et sémantiquement les différents types d'attributs ou les compléments de lieu sont très dissemblables. La substitution pronominale n'est pas la même: il est bon, qu 'est-elle? elle ne l'est pas - il est au jardin, où est-elle? elle n'y est pas - il est dans un état grave, qu 'est-elle? elle ne l'est pas. Le sens n'est pas le même: // est content ¡un intellectuel/ mon meilleur ami = relation entre ENTITÉ (individu, classe) et TYPE (propriété, classe, rôle) - il est à Paris = relation entre ENTITÉ et POSITION. La syntaxe de l'attribut et de "l'attribut libre" n'est pas non plus la même: elle est contente, *elle est là contente. "L'attribut libre" peut être supprimé sans modifier la sémantique interne de la phrase, étant donné qu'il a la valeur d'un complément de circonstance se rapportant à la phrase entière ou d'une apposition se rapportant à un actant particulier. On peut aussi remarquer les incompatibilités entre les différents types de membre de phrase:

d9. *Nous les trouvions sur la terrasse ou idiots

dlO. ? Nous les trouvions sur la terrasse ou sirotant des grenadines

d 11. *Nous les trouvions idiots ou qui sirotaient des grenadines

d 12. ? Nous les trouvions sur la terrasse ou qui sirotaient des grenadines

Ces phrases sont incongrues, et si quelqu'un voulait les employer ce serait afin d'obtenir un
effet de surprise ou de comique.

Dans le § 2.3, vous citez quelques exemples où on trouve des relatives dites attributives coordonnées à un attribut. Mais il s'agit du phénomène qu'A. Lorian a qualifié de "relative attelée". En effet, les relatives anaphoriques sont assez indépendantes sur le plan du discours, pour apparaître avec les conjonctions de coordination, mais la coordination se fait avec la proposition où elles sont enchâssées:

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eO. Elle a pour elle un culte et queje respecte (Sandfeld § 150)

el. Voilà de la vie et qui bouillonne (ibid.)

e2. Ils ont leur prix et qui n'est pas tout entier dans leur intérêt documentaire (ibid.)

e3. Que dit à ce sujet la loi? Peu de choses, mais qui sont tout de même assez claires
(Monde, 5.7.75, 26)

II est difficile d'appliquer ici la règle: "on ne peut coordonner que deux constituants fonctionnellement
équivalents" (§ 2.3.1). Ne parlons pas des exemples (110) - (111) (ce dernier
n'est pas cité correctement), la juxtaposition n'étant pas un critère de quoi que ce soit.

Quant aux exemples (112) - (117), j'en ai déjà discuté le caractère douteux.

Pour terminer cette discussion de vos exemples: vous affirmez que seule la relative dite
attributive peut être détachée de son antécédent (§§ 0.2 et 2.3.4). Mais cela est vrai aussi des
autres relatives anaphoriques:

fO. Seules des enquêtes fragmentaires ont eu lieu, qui ont montré que l'incidence de
la tare devait être comprise entre 8 et 12 % (Monde, 20.8.75, 9)

fl. Le chemin est gentil qui y conduit (Sandfeld § 142)

f2. Ce métier lui plaisait qui flattait son goût de maraude (ibid.)

f3. J'ai rencontré à Saint-Just-en-Chaussée, qui venait vous apporter le réconfort de sa
présence, de son éloquence et de sa personnalité, M. Capdevielle, ancien député
dans la précédente législature (Monde, 5.7.75, 26)

Comme le dit Sandfeld, la séparation de la relative et de son antécédent est possible lorsqu'elle
ne peut pas se rapporter à ce qui précède immédiatement.

La relative dite attributive est donc une relative anaphorique, mais qui a son originalité
propre, syntaxique et sémantique.

Vous terminez votre article ainsi: "La relative attributive, que l'on peut désigner de relative complément attribut de l'objet ou du sujet, sera donc générée commele complément attribut de l'objet ou du sujet, c'est-à-dire comme un constituant indépendant. C'est là que réside la différence fondamentale entre une relative dite attributive et une relative explicative ou determinative, qui forme un tout avec son antécédent" (§ 3).

Cette conclusion implique que des verbes tels que être, voir, montrer, trouver, croiser,
comporteraient dans leur description lexicale un rôle ou un actant capable de donner, en
surface, les différents attributs et compléments de lieu dO-d 12.

Une hypothèse différente consiste à considérer les attributs du sujet et de l'objet et les compléments de lieu comme faisant partie de la valence du verbe, c'est-à-dire comme des arguments impliqués par le sémantisme du verbe, et à considérer les "attributs libres" et les "relatives attributives" comme des syntagmes libres.

Il existe un assez grand nombre d'ouvrages sur la théorie de la valence du verbe. Ceux-ci contiennent pas mal de discussions sur les critères à employer pour distinguer valences et syntagmes libres. Jusqu'à nouvel ordre, je continuerai à penser que ni les "attributs libres", ni les relatives dites attributives ne sont de véritables attributs parce que les critères traditionnels: substitution, ordre des mots, transformations, etc. échouent. Je ne crois pas non plus qu'on puisse identifier les vrais attributs avec les compléments de lieu des verbes de position ou de perception. Enfin, pour les relatives en général, je pense qu'il est impossible de leur assigner des fonctions grammaticales en surface, vu l'insuffisance des critères et des tests dont nous disposons actuellement.

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Copenhague

Mais qu'importent les fonctions? Ce qui est important, après tout, c'est de pouvoir donner des règles de construction claires et sans exceptions. Une règle de construction pour les relatives dites attributives est assez facile à donner et cela à un niveau d'abstraction pas très poussé. On peut appliquer la règle que j'avais formulée dans mon article. Il n'y a pas besoin de parler "fonctions" pour cela.

4. Conclusion

J'ai voulu réfuter votre critique sur trois points méthodologiques.

Empiriquement, il faut être plus méticuleux, plus critique dans le choix des exemples
pour convaincre.

Logiquement, il ne faut pas rejeter des généralisations intéressantes à cause des exceptions, avant d'avoir essayé toutes les possibilités d'explication: une règle peut en cacher une autre. Il ne faut pas non plus être trop exclusif dans le choix des classifications. Plusieurs d'entre elles peuvent être valables en même temps, si elles ne font pas appel aux mêmes critères.

Sur le plan de la théorie, enfin, il ne faut pas oublier qu'une grammaire est avant tout un ensemble de règles. Pour formuler une règle, il faut les concepts théoriques, les catégories, les classifications. Mais tout cela n'a qu'un intérêt spéculatif, si concepts, catégories et classes ne sont pas adéquats et nécessaires pour formuler des règles. Vouloir réunir attributs du sujet, attributs de l'objet, compléments de lieu, "attributs libres" et relatives "attributs" dans une même catégorie aux contours flous et sans utilité, c'est revenir aux pires imprécisions de la linguistique traditionnelle, dont, dans mon article, j'avais montré les inconséquences.

Bibliographie complémentaire et sommaire

Herslund, M. et F. Sorensen De franske verber. En valensgrammatisk fremstilling. I. Verber
nés syntaks, 1985.

Korzen, H., H. Nolke, H. Prebensen et F. Sorensen PC-Grammar.: an Alternative?, Acta
Lingvistica Hafniensia 18, 1983.

Lorian, A. La relative "attelée", Français Moderne, 1976.