Revue Romane, Bind 20 (1985) 2

Noam Chomsky: Lectures on Government and Binding. Studies in Generative Grammar 9. Foris Publications, Dordrecht 1981. ix + 371 pp.

Michael Herslund

et

Finn Sørensen

1. Ce livre, ci-après LGB, est une mise en forme et un remaniement d'une série de conférences qui ont eu lieu à l'occasion de la conférence GLOW à Pise, en avril 1979. Le texte publié de ces conférences constitue le livre de base d'une des approches linguistiques les plus influentes de ces dernières années, la théorie du gouvernement et du liage ("GB-theory"); il forme en même temps comme un résumé de l'état des recherches entreprises dans le cadre de cette théorie en 1980. Bien que la théorie ait changé sur bien des points depuis la publication de LGB, il nous semble justifié de dire que celui-ci constitue toujours une base indispensable pour se faire une idée de la théorie qu'expose Chomsky et qui a eu un succès remarquable.

LGB contient les six chapitres suivants: Chapitre 1. Outline ofthe theory of core grammar (p. 1-16) expose les grandes idées de base. Chapitre 2. Subsystems of core grammar (p. 17-151) à tour de rôle les différents niveaux et systèmes qui composent la description grammaticale; les sections qui constituent ce chapitre central contiennent des analyses parfois très détaillées de problèmes particuliers. Chapitre 3. On government and binding (p. 153-230) se concentre plus particulièrement sur les deux concepts centraux: 'gouvernement' et 'liage'. Chapitre 4. Spécification of empty catégories (p. 231-319) examine de façon plus détaillée ce qui semble constituer un trait fondamental du langage: les catégories vides, c'est-à-dire des catégories qui n'ont pas de contenu phonétique, mais dont l'existence, stipulée, n'en semble pas moins indispensable pour une description linguistique cohérente. Chapitre 5. Some related topics (p. 285-319) est consacré à des sujets variés: la théorie de l'indexation, les syntagmes prépositionnels, des modifications possibles du principe des catégories vides, et les constructions adjectivales complexes. Le dernier chapitre, 6. Empty catégories and the rule Move-OL (p. 321-346) étudie encore une fois les catégories vides et la seule règle qui subsiste de l'arsenal, autrefois si bien fourni, de la grammaire transformationnelle: la règle 'déplacer-a'.

Soit dit tout de suite: la composition du livre et l'exécution du texte témoignent malheureusement trop clairement de l'origine de LGB, à savoir que c'est la mise par écrit d'une série de conférences. LGB n'étant pas de lecture facile par son contenu même, la tâche du lecteur est de plus inutilement gênée par de nombreux renvois en avant (des formules telles que "on reviendra à ce problème au chapitre x" fourmillent) et par une véritable myriade de

Side 283

notes qui sans arrêt interrompent la lecture. Il est par conséquent très facile de perdre le fil.
Ajoutons pourtant que le lecteur qui affronte ces difficultés, et les surmonte, se trouvera
richement récompensé. Mais une seule lecture ne sera probablement pas suffisante.

2. Quel est alors le programme de recherche que présente Chomsky? Le but final étant de construire une théorie de la grammaire universelle, cette théorie doit satisfaire à deux conditions: d'abord, elle doit être compatible avec les 'grammaires' qui existent ('grammaire' est ici à prendre comme un terme technique dont le sens est 'système grammatical', ou 'langue' si on veut; pourtant, Chomsky a certainement raison en disant que le concept de 'grammaire' est primordial par rapport à celui de 'langue'); ensuite, cette théorie doit rendre compte du fait que les êtres humains sont capables d'apprendre ces 'grammaires' sur la seule base de données limitées et éparses. Il s'agit donc du bon vieux programme de la grammaire générative-transformationnelle. Mais les moyens pour atteindre ce but ont radicalement changé. LGB préconise désormais une approche modulaire de la description grammaticale. Les différents aspects de celle-ci sont décrits par l'interaction de différentes sous-théories ou modules, elles-mêmes découlant de principes universels. Ces sous-théories sont au nombre de six (nous retenons la terminologie anglaise) :

(1) (i) bounding theory
(ii) government theory
Cüi) tf-theory
(iv) binding theory
(v) Case theory
(vi) control theory

(i) spécifie les conditions locales (i.e. en termes de structure parenthétisée) agissant sur les processus grammaticaux, (ii) étudie le concept de 'gouvernement', i.e. la relation entre la tête d'une construction et ses compléments, (iii) traite de l'assignation de rôles thématiques (p. ex. celui d'agent, etc.). (iv) décrit les relations entre antécédent et anaphore. (v) traite de l'assignation de cas abstraits, et (vi) étudie les propriétés référentielles de l'élément abstrait PRO, une des catégories vides (cf. LGB p. 55.).

Ces principes fonctionnent alors à l'intérieur du modèle suivant:

(2) (i) lexique
(ii) syntaxe:
(a) composante catégorielle (X)
(b) composante transformationnelle (déplacer-a)
(iii) composante phonologique (PF, 'phonetic form')
(iv) composante logique (LF, 'logical form')

Les structures engendrées par ce modèle sont alors déterminées et contraintes par les principes
de (1).

Illustrons le fonctionnement du modèle et les niveaux descriptifs dont il fait état par un
exemple assez simple, mais qui comporte tous les traits fondamentaux de la théorie. Prenons
la phrase anglaise suivante (l'exemple (48), p. 33):

(3) It is unclear who to see.

Side 284

L'histoire dérivationnelle de (3) est comme suit:


DIVL4882

(4) D-structure:

D'abord une remarque sur les niveaux. La distinction "traditionnelle" entre structure profonde et structure de surface a été remplacée par une distinction entre D-structure, la structure engendrée par (i) et (ii) a. de (2), ce qui correspond exactement à la vieille structure profonde, et, ce qui est nouveau, S-structure, un niveau intermédiaire qui est le résultat de l'application de 'déplacer-a' à la D-structure (en (4), who a été déplacé en laissant une trace t). C'est cette structure qui constitue l'input aussi bien à la composante phonologique, dont la structure de surface constitue un niveau de représentation, qu'à la forme logique, l'héritière de la composante sémantique du modèle classique (Chomsky 1965).

3. Comme il ressort de la dérivation (4), Chomsky assume l'existence de deux catégories vides, à savoir PRO et trace (t). PRO est engendré par les règles de la composante catégorielle, tandis que les traces sont introduites par 'déplacer-a', c'est-à-dire entre la D-structure et la S-structure. Quels sont les intérêts de ces catégories vides?

PRO est un ensemble de traits grammaticaux dont la référence est, soit non spécifique
comme dans (4), soit déterminée par un antécédent comme dans s(ii) qui est la D-structure
de 5(i):

(5) (i) Peter wants to go to Paris.
(ii) Peter INFL want [ PRO to go to Paris].

La coréférence de Peter et de PRO sera marquée dans la composante logique par l'utilisation
bien connue des indices identiques. INFL est une catégorie grammaticale contenant les traits
des catégories de temps, de personne, de nombre, etc., cf. LGB p. 52.

La distribution de PRO est déterminée en partie par le principe (6), cf. LGB p. 191 et
passim :

(6) PRO n'est pas gouverné.

Ce principe, que Chomsky prétend dériver de la théorie du liage, implique notamment que PRO ne peut apparaître que dans la position sujet d'une phrase où le verbe est un infinitif, c'est-à-dire une phrase ayant la forme ...[„ NP INFL VP] et où INFL a la valeur [- temps), cf. (4) et (5). La théorie du liage permet donc de donner un contenu assez précis à l'observation bien connue que les infinitifs ont leurs propres sujets, cf. par exemple Sandfeld 1943: 9.

Side 285

Le principe (6) et les règles de la composante catégorielle engendrant PRO prévoient que PRO peut apparaître dans les structures du type illustré dans (4). Intuitivement, PRO y semble cependant obligatoire puisque (3) ne peut être associé qu'à la forme logique donnée en (4). Ce fait est expliqué par la contribution conjointe de plusieurs hypothèses, et notamment par la théorie des rôles ô mentionnée dans (1) (iii). Par leurs propriétés lexicales, les verbes sélectionnent un ou plusieurs compléments et attribuent à chaque complément un rôle & tel que Agent, Thème, etc. Ils peuvent aussi sélectionner un sujet. S'ils le font, ils participent aussi à la détermination de son rôle ô. Au niveau de la forme logique, ces rôles tf sont associés aux arguments de la phrase en tenant compte du critère £, cf. LGB p. 36 et p. 335. Ce critère exige que chaque argument soit associé à un seul rôle et que chaque rôle soit associé à un seul argument.

Revenons maintenant au verbe see de l'exemple (4). Ce verbe sélectionne un sujet et lui attribue donc un rôle #. Les propriétés lexicales de ce verbe et le critère $ prévoient ainsi la présence obligatoire d'un sujet au niveau de la forme logique. Cette présence obligatoire est transférée aux deux autres niveaux syntaxiques, à savoir la S-strucure et la D-structure, par le principe de la projection. Ce dernier principe exige en effet que tous les niveaux soient des projections identiques des propriétés lexicales, cf. LGB p. 29 et 38. C'est la raison pour laquelle la structure interne de S est identique sur tous les niveaux syntaxiques dans la dérivation (4), sauf pour ce qui est des éléments terminaux tels que who, t et x. Puisqu'un NP lexical ordinaire ne peut être sujet d'une phrase infinitive, la présence obligatoire de PRO dans (4) est une conséquence de la théorie des rôles t 3.

Pour ce qui est des traces, il faut remarquer que, contrairement à PRO, elles sont gouvernées,
ce qui implique qu'on les trouve dans les configurations illustrées dans (7):

(7) (i) ...lxt[y]]...
(ii) -lx (Y It] ...
où y est la tête de X.

La S-structure de (4) est un exemple de la configuration (7) (ii). Une trace n'est cependant pas possible dans la position occupée par PRO dans (4), c'est-à-dire dans la position sujet d'une phrase infinitive. La raison en est qu'une telle phrase n'a pas de tête capable de gouverner la trace puisque INFL n'est pas gouverneur sauf dans le cas où il contient le trait [ + temps 1, cf. LGB p. 52. La phrase (3) n'a donc qu'une seule lecture possible, celle qui est représentée en partie par la forme logique de (4).

L'interaction des différentes sous-théories que nous venons d'illustrer à la base de (4) se montre aussi dans le traitement que Chomsky propose pour rendre compte des constructions passives, cf. LGB p. 117ss. La phrase (8) par exemple est analysée au niveau de la D-structure comme l'illustre (9):

(8) John was killed.

(9)


DIVL4823

Le verbe kill est de la catégorie [+V, -N]. Un tel verbe assigne un cas abstrait à son ou ses compléments dans des conditions spécifiques qui ne nous intéressent pas dans ce contexte, et chaque NP doit être marqué par un cas abstrait au niveau de la S-structure. (Pour les détails de la théorie des cas, voir LGB p. 4955., 17055., 25955. et 3315.). La forme killed de (8) est dérivée de kill et appartient à la catégorie 'neutralisée' [+V], cf. (9) et LGB p. 117.

Side 286

Cette neutralisation de killed implique que ce mot ne peut plus assigner de cas abstrait à son complément, c'est-à-dire à John dans l'exemple (9). C'est la raison pour laquelle John ne peut pas rester dans la position objet. Si 'déplacer-a' place John dans la position sujet, on obtiendra (8) qui a la S-structure suivante:

(10)


DIVL4829

Dans (10), John reçoit son cas abstrait des éléments flectionnels de INFL, cf. LGB p. 52, et son rôle ôde killed qui assigne le rôle en question àla chaîne <[Np John¡), (Np tj)>, cf. LGB p. 333-334. Le déplacement obligatoire de John est donc une conséquence directe de l'interaction des théories des cas et des rôles d.

Les points les plus cruciaux de cette analyse sont la séparation de l'analyse morphologique et sémantique du verbe et du déplacement de l'objet vers la position sujet. Cette séparation permet en effet d'engendrer sans problèmes les structures sous-jacentes aux constructions suivantes :

(11) (i) It was believed that the conclusion was false.
(ii) The destruction of Rome,
(iii) Rome's destruction.

Pour ce qui est de (11) (i), la D-structure est celle de (9) et on obtient la S-structure par l'insertion de it seulement. A remarquer que le déplacement vers la position sujet de that the conclusion was false est possible mais pas obligatoire puisqu'une complétive ne peut pas être marquée d'un cas abstrait. (11) (ii) est engendré directement et (11) (iii) est engendré par le déplacement à gauche de Rome à partir de la structure sous-jacente à (11) (ii), cf. LGB p. 122.

4. Etant une théorie de la grammaire universelle (UG), la théorie GB comporte aussi un programme de recherches typologiques. Les différences qu'on peut observer entre diverses langues (ou, 'grammaires', pour rester plus fidèle aux points de vue de Chomsky) sont ramenées à des différences de choix selon ce qui est appelé ici des paramètres de la grammaire noyau (core grommar). Pour certains phénomènes, la grammaire universelle définit des paramètres; en fixant une certaine valeur pour tel trait, une grammaire noyau, G^, peut différer d'une autre, G2, qui définit une autre valeur pour le trait en question. La présence obligatoire du sujet représente un choix particulier pour un tel paramètre. En anglais et en français, on a la règle suivante qui définit la proposition (LGB, p. 25):

(12)


DIVL4843

tandis que, p.ex., les langues sémitiques auraient la règle suivante (LGB, p. 27) :

(13)


DIVL4849

II faut se rappeler que (NP) exprime la possibilité que le sujet soit absent, c'est-à-dire qu'il
n'y a rien du tout en position sujet, tandis que le choix d'un NP ne dit rien sur le contenu
phonétique éventuel de ce NP, c'est-à-dire qu'il peut être une catégorie vide, telle que PRO.

Mais les autres langues romanes, ont-elles la règle (12) ou (13) ? Certaines considérations mènent à la conclusion qu'elles ont la même structure que le français, (12), mais qu'elles permettent au NP sujet d'être vide (PRO). Il y a donc variation pour le paramètre de 'pro caduc' (pro-drop parameter). Tandis que (14), p.ex., est possible en italien, les exemples français correspondants de (15) sont exclus:

Side 287

(14) a. Verra.
b. Verra Paola.

(15) a. * Viendra.
b. * Viendra Paule.

Comme on le voit, la valeur positive pour le paramètre 'pro caduc', en italien, s'accompagne de l'inversion libre du sujet; inversement, la valeur négative, en français, s'accompagne de l'exclusion d'une telle inversion. A vrai dire, il y a d'autres différences, dans la syntaxe de l'italien et du français, qui sont liées à ces deux-là, mais on peut montrer qu'elles découlent de ces deux propriétés fondamentales (LGB, p. 253 ss.). Si on poursuit l'idée, tout à fait traditionnelle d'ailleurs, que ces deux propriétés sont liées à la présence d'une flexion verbale qui indique univoquement les traits grammaticaux du pronom absent, personne et nombre, on peut avancer que les langues à 'pro caduc' ont bel et bien la structure (12), le NP sujet étant PRO, et que ce qui permet à PRO d'apparaître dans cette position, c'est le fait que INFL a été déplacé à l'intérieur du VP et attaché à V. Il faut sur ce point, se rappeler que PRO doit être non gouverné, et puisqu'on présuppose que INFL gouverne la position sujet, il faut se débarrasser de INFL pour qu'on puisse insérer PRO. Voici donc le paramètre du 'pro caduc': dans les langues à 'pro caduc', une règle R dans la syntaxe déplace INFL, créant la structure (16) (à partir de (12)):

(16)


DIVL4863

tandis que dans les langues qui ne permettent pas ce choix, R ne fonctionne que dans la forme phonétique. Dans ces langues, c'est l'insertion d'un il impersonnel {there en anglais), qui correspond à l'insertion de PRO en italien; une telle insertion a lieu, si pour une raison ou une autre il n'y aurait pas de sujet exprimé.

L'examen des phénomènes et les arguments avancés sont, comme toujours chez Chomsky, très détaillés et soigneusement élaborés. Il n'en reste pas moins que l'analyse esquissée ci-dessus comporte certains problèmes, dont nous allons examiner un seul, qui nous semble central. On a vu que R déplace INFL et l'adjoint à V en VP. Mais INFL doit probablement, comme toute catégorie, laisser une trace en arrière, et les traces doivent être gouvernées (et liées), sinon on enfreint le principe de projection qui assure l'isomorphie entre les différents niveaux; or, rien ne gouverne INFL, et par conséquent, sa trace. Alors, deux conclusions s'imposent: ou bien R n'est pas 'déplacer-a' et ne laisse pas de trace, ce qui enfreint le principe de projection; en ce cas, la grammaire contient différentes règles de déplacement et non pas la seule 'déplacer-a; R est donc une règle qui a des propriétés différentes de 'déplacer-a', et on peut penser qu'en invoquant une telle règle, on ouvre la porte à une nouvelle prolifération de règles différentes, ce que justement l'ambition de la théorie est de vouloir éviter. Ou bien, on nomme p.ex. VP gouverneur de INFL dans les langues à 'pro caduc', puisque la trace exige d'être gouvernée; mais cela n'est rien d'autre qu'une décision arbitraire, qui revient à admettre que n'importe quoi peut gouverner n'importe quoi, sans égard pour le point de départ structural, c'est-à-dire la théorie X (déjà l'idée que INFL est la tête de S, et par là gouverne le sujet, nous paraît un peu saugrenue). Il nous semble par conséquent évident que ce cas, et bien d'autres discutés tout au long du livre, mérite beaucoup plus d'attention: il indique que la théorie n'est pas encore suffisamment riche, ni suffisamment contrainte d'ailleurs, si on peut invoquer une règle telle que R pour les besoins de la cause, règle que rien d'autre ne motive que le phénomène considéré.

Side 288

Mais on pourrait peut-être sauver la situation en postulant une structure de base différente
pour les langues à 'pro caduc', c'est-à-dire une structure où INFL, dès le départ, fait
partie de VP, donc (17):

(17)


DIVL4873

DIVL4875

au lieu de postuler une règle ad hoc qui comporte des conséquences peu souhaitables.

5. Dans ce compte rendu, nous avons illustré la structure de la théorie générale présentée dans LGB, et le fonctionnement de quelques sous-théories, notamment de la théorie du liage et de la théorie des rôles ô. Certes, nous n'avons pu faire état que d'une fraction des problèmes traités par LGB. D'autre part, il ne faut évidemment pas croire non plus que la théorie GB fonctionne aussi bien dans tous les domaines que discute Chomsky. Bon nombre de problèmes ne sont que soulevés, ou effleurés. Et certaines sous-théories ont une place plus sûre et mieux motivée dans l'ensemble des modules que d'autres. Cela vaut notamment, à notre point de vue, pour la théorie des cas abstraits; cette théorie ne sert, grosso modo, qu'à formuler des filtres, et quand, exceptionnellement, Chomsky y recourt à d'autres fins, l'usage qu'il en fait semble hautement artificiel et recherché: ainsi, les explications proposées à l'aide d'une notion de cas abstrait ne sont souvent que des reformulations des problèmes en d'autres termes. Cela vaudrait certainement la peine de suivre la piste qu'indique Chomsky lui-même, LGB, p. 336 ss., à savoir qu'il faut éliminer cette théorie qui fait souvent double emploi avec la théorie des rôles 0 et avec la théorie de gouvernement. Voilà justement la grande valeur de ce livre, et du programme de recherches qu'il préconise: il propose tellement de pistes de recherches intéressantes, tellement d'analyses intuitivement attrayantes, qu'il incite et provoque le linguiste à poursuivre cette quête incessante des secrets du langage humain. Dans cette optique, LGB est aussi important pour la linguistique des années 80 qu'Aspects (Chomsky 1965) l'a été pour la linguistique des années 60.

Copenhague

Bibliographie

Chomsky, N. (1965) Aspects ofthe Theory ofSyntax. Cambridge, Mass.

Sandfeld, Kr. (1943) Syntaxe du français contemporain 111. L'infinitif. Paris-Genève.