Revue Romane, Bind 20 (1985) 1

Réponse à Morten Nojgaard

Lene Schøsler

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Je remercie Morten Nojgaard de ses aimables commentaires. C'est un plaisir pour moi
de voir que ma thèse peut servir de point de départ pour des réflexions et peut-être des
recherches ultérieures.

Les observations de MN concernent deux points capitaux de mon argumentation:
le rôle de la déclinaison et le rapport entre les deux catégories morphologiquement liées:
le cas et le nombre. L'importance de ces deux points nécessite une réponse approfondie.

Quel est le rôle de la déclinaison bicasuelle? Mes recherches m'ont permis de prouver que la fonction syntaxique de la déclinaison bicasuelle est de contribuer - et souvent de manière peu efficace - à assurer l'identification actantielle. La question que MN pose avec justesse est la suivante: pourquoi a-t-il été possible de conserver si longtemps une catégorie qui était, au fond, superflue? Et MN répond: parce que la catégorie du cas avait une fonction stylistique, et non pas syntaxique.

Si la question est pertinente, la réponse proposée par MN me semble fort douteuse, et cela pour plus d'une raison. La première objection qui se présente à l'esprit, c'est que MN ne nous explique pas pourquoi on aurait abandonné cette manière d'orner les textes. Un trait stylistique tellement tenace ne disparaîtrait probablement pas comme par enchantement.

Le meilleur argument contre l'hypothèse stylistique est, selon MN, le fait que l'état de la déclinaison est lié à une variation linguistique d'ordre dialectal, qui est évidemment indépendante de toute considération d'ordre stylistique. La documentation dialectale est très nette sur ce point (cf. mon chapitre 8), car il ne faut pas oublier que MN, comme moi, n'entend se prononcer que sur la structure de la langue écrite. Il est vrai que les choses se compliquent quand on essaie d'évaluer le rapport entre le système écrit et le système oral de l'époque, c'est pourquoi il faut éviter, dans la mesure du possible, de confondre ces deux niveaux du langage (cf. ma thèse § 0.4.). La critique que dirige MN contre ma description dialectale des textes concerne justement son rapport avec la langue parlée, c'est pourquoi elle n'est pas pertinente pour la discussion qui concerne, comme je l'ai dit, exclusivement la langue écrite.

Il n'est pas dans mon intention de m'attarder sur le fait assez surprenant que le prétendu ornement stylistique apparaisse sans distinction dans les divers types de textes - juridiques, religieux, dramatiques, etc. - par contre, l'argument le plus décisif contre l'hypothèse de MN me semble le niveau fort inégal du respect de la déclinaison bicasuelle dans les diverses rédactions d'un même "texte". Comment expliquer, par des raisons stylistiques,

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la coexistence de rédactions tantôt respectant entièrement les anciennes règles, tantôt négligeant plus ou moins ces mêmes règles? Que ces variations concordent justement avec la distribution dialectale des manuscrits, cela ressort clairement de mes recherches (cf. les §§ 8.2.1.4., 8.2.2.8., 8.2.4. in fine).

Pour ce qui est du second point: le rapport entre les deux catégories du cas et du nombre, il me semble que MN n'a pas tout à fait compris ma présentation du problème - j'avoue que cette partie de mon étude aurait pu être moins succincte et ainsi plus claire. La Revue Romane m'a offert la possibilité de préciser ma pensée sur ce point et, partant, sur le rôle de l'aniuïssement de Vs final dans un appendice qui suivra la discussion. (A propos de Vs final, voir aussi l'exposé détaillé dans ma discussion avec Palle Spore.)

Odense