Revue Romane, Bind 20 (1985) 1

Marco Santoro: La Stampa a Napoli nel Quattrocento. Istituto nazionale di studi sul Rinascimento meridionale. Studi I. Presso l'istituto, Napoli 1984. 210 p.

Michel Olsen

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L'humanisme napolitain de la dernière moitié du XVe siècle est intéressant à plusieurs égards. Si, à ses débuts, il connut un essor pareil à celui des autres grands centres italiens, il ne réussit pas à "prendre" vraiment, faute de substrat social dans une société de type encore féodal. Mais ce développement tronqué fournit aux chercheurs un modèle réduit très avantageux pour l'étude des traits saillants de l'humanisme en général. Vlstituto nazionale di studi sul Rinascimento meridionale, fondé pour promouvoir les études sur la Renaissance méridionale et pour rassembler les efforts jusqu'à maintenant dispersés, vient de publier le premier volume de ses "études". Il s'agit de l'imprimerie napolitaine du XVe siècle. L'ouvrage de Marco Santoro présente un double intérêt. D'une part il offre un recensement des incunables publiés à Naples au XVe siècle, liste de 294 titres, soit 57 de plus que Fava et Bresciano {La Stampa a Napoli nel XV secolo, Leipzig 1911-12), contenant tous les renseignements nécessaires: éditeur et/ou typographe, auteur, titre de l'ouvrage ainsi que les bibliothèques qui en possèdent un exemplaire. Des index des typographes, des commentateurs, éditeurs, traducteurs et autres, des auteurs ainsi qu'un index chronologique par années et diverses tables de concordance augmentent la valeur d'usage de l'ouvrage.

D'autre part, dans son introduction MS tire des informations réunies une série de remarquesfort intéressantes: ainsi, après le commencement presque explosif de la décennie 1470-80, l'activité éditrice est tombée, avant la fin du siècle, à moins d'un tiers. L'explication - triviale - serait la perte de l'indépendance politique survenue à la même époque.

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Mais MS dépasse le niveau des trivialités. Subdivisant la production par genres, il trouve par exemple que dans la littérature de la décennie 1470-80, la littérature religieuse occupe une place moins importante qu'ailleurs en Italie et - par la suite - à Naples même, où, si elle augmente en pourcentage, le nombre des éditions reste stationnaire. Explication proposée: elle ne s'adresserait guère qu'aux ecclésiastiques. Voilà un fait qui appuie la thèse de l'anticléricalisme du Règne de Naples. Le genre qui baisse de façon sensible ce sont les éditions d'ouvrages de droit (de 24.1% à 6.4% durant la période examinée), baisse expliquée par de multiples crises: de l'université, et de la politique extérieure et intérieure.

Une analyse de la faveur dont jouissent les différents genres conduit à des considérations importantes sur le public, ou plutôt les publics, auxquels s'adressent les éditions recensées; en effet, les publics sont diversifiés: les "sedili" (nouvelle noblesse de robe) consomment les éditions de droit et lisent le latin; la nouvelle bourgeoisie et la vieille noblesse achètent les ouvrages littéraires en langue vulgaire. MS signale aussi un groupe important d'éditeurs juifs, probablement des réfugiés, ayant fui les persécutions espagnoles.

On le voit, MS combine une méthode empirique sûre avec de nouvelles approches: l'étude de la réception et celle de l'institution littéraire, institution pour l'étude de laquelle l'analyse de l'édition constitue une voie royale; une voie seulement, pas la seule. Admirons aussi la prudence de MS; constatant que l'humanisme napolitain (Pontano, Beccadelli et autres) est parcimonieusement représenté chez les éditeurs napolitains, il nous met en garde contre la surévaluation de sa propre méthode: elle aussi n'offre qu'une image partielle de la culture.

L'ouvrage de MS est un instrument de travail désormais indispensable à qui s'intéresse
à la Renaissance napolitaine sur laquelle il offre en plus quelques perspectives des plus
prometteuses.

Roskilde