Revue Romane, Bind 20 (1985) 1

IL N'Y A QUE X QUI: Remarques sur la syntaxe de "il y a" marquant l'exclusivité

par

M. Pierrard

Dans le cadre d'un intérêt croissant pour une "syntaxe d'expressivité", les recherches linguistiques récentes se sont fréquemment penchées sur les constructions connues sous le nom de clivées. Un des traits syntaxiques marquants de ces tours est le processus d'extraction "en fonction" du syntagme prépositionnel:

(1) a) C'est que j'ai parlé à Pierre,
b) C'est à Pierre que j'ai parlé.

Le présentatif // y a produit un modèle apparemment analogue aux clivées, autant du point de vue du sens que de la syntaxe. Toutefois, le détachement au moyen de il y a ne s'applique qu'au sujet, exceptionnellement à l'objet (cf. M. Piot, 1975: p. 256 et M. Rothenberg, 1971: p. 107), mais jamais à un syntagme prépositionnel

(2) a) II ya que Jean avu Marie.
b) II ya Jean qui avu Marie.
c) *I1 yaen bateau que Jean voyage.

Pourtant, lorsque la restriction en ne ... que est introduite dans la phrase, l'ex
traction "en fonction" d'un S Prép "restreint" redevient pleinement gram
maticale

(3) a) II ya que Jean ne parle qu'à moi.
b) II n'y a qu'à moi que Jean parle.

Certes, tout comme avec c'est, il subsiste des exemples où le relatif conserve
la marque de la fonction, mais ce type de construction est considéré comme
périmé :

(4) a) C'est mon père à qui tu parles.
b) II n'y a qu'elle à qui j'aie confié mon secret.
(Donnay; cité par K. Sandfeld, Les propositions subordonnées, § 87,p. 137.)

Ces quelques considérations préliminaires nous amènent à mettre en évidence
trois caractéristiques qui singularisent le tour considéré.

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1. La fonction de la relative;

2. les rapports entre le modèle en il y a et les clivées;

3. le rôle de la construction restrictive en ne... que.

Leur examen devra nous permettre de mieux situer le fonctionnement de ces
énoncés et d'appréhender leur originalité.

1. Dans la partie de sa Syntaxe du français contemporain consacrée aux propositions subordonnées, K. Sandfeld classe le modèle II n'y a que X qui à la fin du chapitre traitant des "relatives indépendantes" (p. 135-138), immédiatement après — et ce n'est sans doute pas l'effet du hasard — le point consacré aux tours c'est ... qui / c'est ... que. Sous l'étiquette de "proposition relative indépendante derrière la négation ne ... que", il regroupe des occurrences telles que les exemples (5) à (7):

(5) II n'y avait que le numéro qui fût un peu vexant.
(P. Mille; cité par K. Sandfeld, Les propositions subordonnées, § 85, p. 135.)

(6) II n'y a que chez les sauvages qu'il existe de véritables rois.
(P. Mille; cité ibid., § 87, p. 137.)

(7) Je ne connais que Fustel de Coulanges qui ait protesté contre un si dangereux

(La revue hebdomadaire; cité ibid., § 85, p. 135.)

Ainsi dans l'énoncé (7) par exemple, l'auteur considère que le complément d'agent de connais est bien la relative qui ait protesté et que Fustel de Coulanges est un complément du syntagme nominal qui ait protesté. La phrase équivaudrait donc quant au sens et quant à sa structure fonctionnelle à Je ne connais personne qui ait protesté, excepté Fustel de Coulanges (personne ... excepté = ne... que).

Cette analyse serait confirmée par des exemples où le substantif précédant la proposition relative est introduit par l'article indéfini. A ce moment, deux interprétations divergentes permettraient de distinguer nettement une relative determinative d'une relative "sans antécédent":

(8) II n'y a vraiment qu'un homme qui puisse se rendre compte de ça.
(Rey; cité ibid.)
a) "II n'y a personne, excepté un homme qui peut se rendre compte".
La relative est complément déterminatif du syntagme un homme, à son
tour complément du COD personne. Cette possibilité est sémantiquement
peu probable ici et totalement absurde dans les tours qui nous occupent.
b) "II n'y a personne qui puisse se rendre compte, excepté un homme".
Dans ce cas-ci, la relative déterminative dépend directement du COD
personne. Cette analyse correspond alors au tour que nous étudions ici.

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Car, en postulant l'effacement de l'antécédent, la relative remplirait dès
lors elle-même la fonction de COD.

Si la solution proposée par K. Sandfeld paraît séduisante, on ne peut guère l'adopter dans la mesure où deux arguments d'ordre syntaxique s'y opposent. Tout d'abord, le verbe de la relative s'accorde en genre et en nombre avec le syntagme sujet détaché, alors que le qui sans antécédent impose nécessairement la troisième personne du singulier au verbe de la subordonnée.

(9) a) II n'y a que vous qui puissiez nous sauver.
(Vautel et Fouchardière; cité ibid.)
b) II n'y a que les braves gens qui y laissent la peau.
(Zola; cité ibid.)

(10) a) J'aime qui m'aime.

D'autre part, si l'introducteur d'une relative sans antécédent peut être déterminé
au moyen de celui ou de ce (10 b), cela s'avère totalement impossible dans
le cas de l'exemple (9)

(9) c) *I1 n'y a que vous ceux qui puissiez nous sauver.
d) *I1 n'y a que les braves gens ceux qui y laissent la peau.

(10) b) J'aime celui qui m'aime.

Cela signifie-t-il que les remarques de K. Sandfeld doivent être purement et simplement écartées? Au contraire, lorsqu'il indique que ces tours ne peuvent être interprétés comme une relative "classique", ses observations nous semblent même tout à fait pertinentes et fondées. Pour les besoins de la démonstration, nous neutraliserons temporairement la restriction:

(11) a) Sur la table, il yale vase qui est cassé.
(Question implicite : sur la table il y a quoi/lequel?)
Dans cet exemple, qui permet une interprétation déterminative ou appositive,
c'est uniquement l'existence d'un objet non encore identifié qui
est posée.

(12) a) II yale vase qui est cassé.
(Question implicite: Qu 'est-ce qui se passe?)
Ici, par contre, thème et prédicat de l'énoncé sont introduits pour la première
fois par // y a dans la situation d'énonciation.

En réintroduisant la formule restrictive ne... que, on obtient

(11) b) Sur la table, il n'y a que le vase qui est cassé.

où (11 b) pourrait approximativement être glosé par: sur la table, il n'y a rien
d'autre que le vase, qui est cassé, et

(12) b) II n'y a que le vase qui soit cassé

En paraphrasant (12 b) on aurait alors: seul le vase est cassé {etpas le compotier).

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Dès lors, si le SN précédant la relative dans l'exemple (12) peut parfaitement être considéré comme son antécédent, nous ne pouvons suivre C. Touratier (1980: p. 339-340) lorsqu'il interprète ce type de relative comme une appositive.

Une telle conclusion n'a rien d'insolite ou d'exceptionnel. En vérité, elle ne fait que confirmer une évidence qui s'est de plus en plus imposée au cours des dernières années: à savoir que toute relative ne peut être purement et simplement assimilée à une determinative ou à une appositive. P. Le Goffic en arrive même à distinguer "non pas deux mais cinq ou mieux n types de relatives ayant en commun de reposer sur des chaînes d'identifications. La théorie classique des deux types n'est qu'un cas particulier, et ne saurait valoir comme théorie d'ensemble pour toutes les relatives" {Ambiguïté linguistique et activité du langage, p. 509).

A partir d'une série de travaux sur la question, tels ceux de C. Fuchs et J. Milner (1979: p. 109-110) ou de H. Prebensen (1982: p. 98-101) il est possible de relever un certain nombre de constructions relatives difficilement réductibles à l'opposition classique déterminative/appositive. Trois ensembles s'imposent d'emblée:

a) Les relatives "attributives" après les verbes de "position" ou de "perception"
(comprenant e.a. le pre'sentatif voilà):

(13) a) Je vois Jean qui attend.
b) II est là qui t'attend.
c) Le voilà qui arrive.

b) Les tours "existentiels" avec c'est et il y a:

(14) a) II ya Jean qui monte l'escalier,
b) C'est Jean qui monte l'escalier.

c) Les relatives "indépendantes" :

(15) a) Et Pierre qui n'arrive toujours pas!
b) Un pneu qui éclate à 100 à l'heure, et c'est la catastrophe.

Les tours existentiels y occupent à l'évidence une position charnière entre le procès de relativation à partir d'une phrase simple (exemple 15) et la nominalisationd'une proposition au sein d'une autre proposition au moyen de la relativation (exemple 13). Dans les énoncés (14) également, "la présence du relatif s'explique par un processus de relativation à partir d'une phrase simple" (H. Prebensen, 1982: p. 99). Ceci explique pourquoi certains auteurs parlent de "fausses relatives" (C. Fuchs et J. Milner, 1979: p. 109). Toutefois,l'élément détaché est intégré dans une structure phrastique nucléaire

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(c'est X; il y a X), ce qui rapproche le modèle (14) des "attributives" (cf. le présentatif voilà qui présente un fonctionnement analogue aux verbes de "perception").En tout état de cause, la fonction de la relativation dans les tours étudiés ne peut être saisie qu'en la rattachant à la valeur des présentatifs c'est et il y a.

2. Le modèle restrictif étudié par K. Sandfeld se rattache nettement aux constructions introduites par le présentatif // y a dans la mesure où les rares verbes régissants divergents peuvent être considérés comme une expansion sémantique de il y a (je ne connais que; je ne vois que = d'après moi, sur la base d'une perception physique et intellectuelle, il n'y a que...)

(7) Je ne connais que Fustel de Coulanges qui ait protesté contre un si dangereux

(16) Je n'ai vu que Lady Dolby qui fût aussi bien habillée.
(Gyp; cité par K. Sanatela, Les propositions subordonnées, § 85, p. 135.)

D'autre part, nous venons de constater que ces constructions manifestent des analogies incontestables sur le plan syntaxique comme sur le plan sémantique avec les tours introduits par c'est. Or, c'est peut amorcer deux sortes de modèles (cf. M.-L. Moreau, C'est. Etude de syntaxe transformationnelle):

c'esti'. Le modèle "présentatif au sens propre du mot, dérivé de phrases
avec détachement (X, c'est Y), mais où l'un des éléments n'est plus
explicite dans la proposition mais est intégré dans le contexte.

(17) Ça, c'est le canari dont tu m'as parlé.

Dans ces structures X, c'est Y, c'est permet seulement l'identification
du prédicat par rapport au thème présent dans le texte ou intégré
dans le contexte;

c'est2: les constructions clivées (c'est X qui Y) permettent également l'identification d'un élément, mais par rapport à un argument prédéterminé dans la situation d'énonciation. Ce dernier peut être repris par Y

II y a quelqu'un qui Y.
— Qui est-ce que c'est?
C'est X qui Y

ce qui produit alors des énoncés comme l'exemple (18 a):

(18) a) C'est Jean qui a rencontré Maria.
Mais l'argument peut aussi n'être présent que dans un "méta^énoncé"
(C. Fuchs et J. Milner, 1979, p. 110)

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Il y a quelque chose qui se passe.
- Qu'est-ce que c'est?
C'est que P

On obtient alors des énoncés comme l'exemple (18 b):

(18) b) C'est que Jean a rencontré Maria.

Une distinction similaire peut être opérée en ce qui concerne les tours introduits par il y a. Mais contrairement au tour avec être qui accentue la "valeur plénière de position de l'idée regardée comme existante" (G. Moignet, 1981: § 498, p. 280), avoir n'est qu'un verbe "posant l'existence de l'être désigné par le substantif qui le suit — son objet — par rapport à l'être désigné par ce qui le précède — son sujet -" (Ibid., § 506, p. 283). Mais, comme la formule /7 y a réduit sémantiquement le sujet à I'"impersonnel", la construction aura essentiellement une valeur descriptive, marquant "l'émergence pure d'un phénomène" (J.-C. Chevalier, 1969: p. 85). "77 y a dénote la présence d'un être ou d'une chose comme un fait qui nous est imposé" (R.-L. Wagner, 1980: p. 89).

il y a1: la construction se limite (i7 "impersonnel") à affirmer l'existence de l'objet introduit par avoir dans l'univers (y) du discours (cf. M. Rothenberg, 1971: p. 103 et p. 106-108 distingue également les deux types de constructions en il y a).

(19) II y a des insultes auxquelles on ne s'attend pas.

il ya%: dans la construction // ya que P/ilyaX qui Y, le présentatif il ya
voit sa puissance encore réduite jusqu'à ne plus introduire qu'une
sorte de premier repérage dans la situation d'énonciation.

Qu'est-ce qui se passe? De quoi parle-t-on?
- Il y a que P.

Ce repérage est réalisé à travers P même (il y a que F) (20 a) ou à travers un argument (X) de la proposition (il y a X qui Y) (20 b). Dans ce dernier cas, l'extraposition vise en général à opposer le sujet au prédicatl et ne permet en aucun cas le détachement d'un S. Prép, ce qui est compréhensible dans la mesure où il y a porte essentiellement sur "l'émergence d'un phénomène et non sur ses modalités" (J.-C. Chevalier, 1969: p.86).

(20) a) II ya que Jean a rencontré Maria,
b) II ya Jean qui a rencontré Maria.



1: Le tour il y a X que Y semble tout à fait exceptionnel. M. Rothenberg (1971: p. 106) cite un exemple mais il s'agit d'une phrase forgée par l'auteur..

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S'il existe incontestablement un parallélisme syntaxique et sémantique entre les constructions c 'est2 et il ya2 , qui nous intéressent plus spécifiquement, elles ne remplissent pourtant pas exactement, comme nous venons de le démontrer, la même fonction dans l'énoncé. J. Damourette et E. Pichón constataient déjà avec beaucoup de sagacité que, dans le cas de il y a, "ni le soubassement, ni le phénomène ne sont antérieurement connus par l'allocutaire. Tout le fait est nouveau pour lui" (Des mots à la pensée, IV, § 1553, p. 556), alors que avec c'est," le phénomène est connu, mais il y a doute sur l'attribution de ce phénomène à telle ou telle substance, et le rôle propre de la phrase est précisément d'effectuer cette attribution" (Ibid, p. 557). Tandis qu'zV y a2 réalise un repérage énonciatif de premier niveau, c'est2 se situe déjà àun niveau second, puisqu'il effectue le repérage dans le cadre d'une détermination préalable. La différence de repérage énonciatif est encore illustrée par l'aptitude de c'est, contrairement à il y a, à prendre la forme du pluriel

(21) Ce sont les Durand qui ont rencontré Maria.
[Il y a des gens qui ont rencontré M. -> Qui? -*¦ Ce sont X qui Y.]

(22) II y a les Durand qui ont rencontré Maria.
[Qu'est-ce qui se passe? -* II y a X qui Y.]

3. Si nous revenons à la formulation restrictive, nous conviendrons avec G. Van
Hout (1974: p. 176) qu'elle est nucléaire, c'est-à-dire qu'elle marque l'exclusivité
d'un terme particulier de la proposition.

(23) a) Jean a rencontré Maria à Paris.
b) Jean n'a rencontré Maria qu'à Paris.
c) Jean n'a rencontré que Maria à Paris.

Comme le ne doit précéder le verbe de la proposition et que l'ordre des éléments
ne peut être inversé, la restriction en ne ... que ne s'applique en outre qu'aux
éléments du prédicat. Pour restreindre le sujet, il faudra avoir recours au mot seul

(23) d) *Que Jean n'a rencontré Maria à Paris,
e) Seul Jean a rencontré Maria à Paris.

Lorsque la lexis est introduite dan^ la situation d'énonciation par il y a, le
caractère de la restriction en ne ... que est encore accentué par le détachement
du terme sur lequel elle porte:

(24) a) II ya que Jean a rencontré Maria à Paris.
b) II n'y a que Maria que Jean ait rencontré à Paris.
c) II n'y a qu'à Paris que Jean ait rencontré Maria.

Contrairement à l'énoncé (23 d) même le sujet peut être mis dans ce cas-ci
à la forme exclusive, grâce à la nominalisation imposée à la proposition par

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il y a. Ceci permet d'éviter les termes seul et seulement qui connaissent un
sémantisme et un fonctionnement syntaxique plus complexe2.

(24) d) II n'y a que Jean qui ait rencontré Maria à Paris.

Le caractère nécessairement nucléaire de la transformation restrictive explique par la même occasion la variété des termes extraposés possibles, alors qu'une limitation assez stricte caractérisait les tours "existentiels" (il y a que P et il y aXqui Y).

D'un point de vue sémantique, la restriction contient non seulement une visée négative interrompue avant d'avoir franchi le seuil de la négation (Jean n'aime que Marie = Jean n'aime personne d'autre); elle exprime également une information positive (= Jean aime Marie) (cf. O. Ducrot, 1972: p. 153). L'utilisation du tour "existentiel" permet précisément, non seulement de marquer la valeur de négation interrompue de la restriction (par l'extraposition de l'élément restreint), mais également de souligner son apport informatif (grâce au présentatif il y a).

Il nous reste à tenter de formuler une explication pour l'homologie syntaxique
entre les clivées et les tours restrictifs avec il y a (exemples (1) à (3)).
Deux arguments peuvent être avancés:

— Les propositions relativées des deux types sont nominalisées dans un contexte phrastique similaire: ce "signe d'appel" et il "impersonnel"; être et avoir à valeur existentielle. Les contraintes sémantiques et syntaxiques limitées de l'énoncé régissant permettent par conséquent l'identification "en fonction" du syntagme prépositionnel après c'est (c'est PREP X QUE Y) et sa présentation exclusive après il y a (il n'y a que PREP X QUE Y).

— L'analogie du cadre syntaxique met en valeur le résultat fort similaire des deux types de repérages énonciatifs sur l'élément extraposé. Avec c'est, l'identification d'un terme par rapport à un "méta-énoncé", préalablement repéré dans la situation d'énonciation, isole cet élément face à une série d'autres éléments possibles:



2: Considérons les exemples suivants: a) Pierre bat seulement sa sœur. b) Pierre seul peut venir. Dans le cas de l'exemple (a), seulement restreindra le SN complément ou le verbe d'après l'insertion d'une pause, d'une rupture d'intonation avant ou après l'adverbe (interprétation (a 1): Pierre bat sa sœur mais pas son frère; interprétation (a 2): Pierre bat sa sœur mais ne la tue pas). Lorsqu'il y a rupture d'intonation dans l'énoncé (b), seul n'introduit plus une restriction ((b 1): Pierre seulement peut venir) mais plutôt une apposition ((b 2): Pierre, qui est seul, veut venir) (cf. M. Piot, 1975: p. 231 et p. 237).

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Qui est-ce qui...? Jean, Paul, Pierre ...
— C'est Jean qui...

Il y a que P présuppose par contre que les éléments introduits ne sont pas connus par l'allocutaire mais la restriction ne ... que indique que le locuteur soupçonne que le destinataire interprétera un des termes de l'énoncé d'une façon trop extensive. Ne ... que isole dès lors d'emblée un terme de P comme exclusif au sein de P (cf. "l'attente sous-jacente annulée": H. Nolke 1980: p. 20).

Qu'est-ce qui se passe?
- Il y a que P, mais dans P, seul X se rapporte à Y
- Il n'y a que X qui Y.

Ainsi, l'effet de sens du tour il n'y a que X qui Y se rapproche sensiblement
de celui des clivées.

A travers l'étude du tour particulier il n'y a que Xqui, il est apparu une fois de plus combien les différentes constructions présentatives sont liées entre elles, autant du point de vue syntaxique que de celui du sens. Plus que jamais, et malgré d'importantes contributions dans ce sens, une syntaxe générale des tours présentatifs s'impose. Nous osons espérer que cette étude concourra modestement à cet ambitieux projet.

M. Pierrard

Wilrijk, Belgique

Résumé

L'étude du tour il n'y a que X qui permet de faire un certain nombre de remarques concernant la syntaxe des relatives et le fonctionnement de la restriction en ne ... que. A travers l'examen des rapports entre les différents types de présentatifs, l'article essaie de préciser les convergences qui s'imposent entre le modèle en il y a et les "clivées".

Bibliographie

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