Revue Romane, Bind 19 (1984) 2

Le jeu des vierges du manuscrit Paris B.N. Lat. 1139

par

Alfons Beck

Reparler une fois de plus du jeu des vierges, appelé communément "SponsusV, semble être superflu. Car dès le début du siècle passé ce petit texte a été discuté et rediscuté à maintes reprises. Le fait qu'il s'agit — en ce qui concerne la littérature de la France — de la première dramatisation de caractère religieux connue où apparaît non seulement le latin, mais aussi des passages remarquables en langue vulgaire, a attiré l'intérêt de nombreux chercheurs. L'examen du texte du manuscrit et les analyses des aspects formels ainsi que du contenu du jeu semblent, au moins à première vue, avoir amené à une opinion commune quant aux données fondamentales de ce jeu.

Néanmoins, travaillant sur le jeu des vierges dans le cadre d'un séminaire, je n'ai pas été satisfait des réponses généralement données au sujet de ce jeu. Tout d'abord j'ai constaté une différence entre la conception théologique des dix premiers vers et celle du reste du jeu, différence qui n'a été relevée par personne. De plus, la majorité des analyses du jeu ont été faites à partir d'un texte qui diffère en plusieurs points de la dernière édition établie par d'Arco Silvio Avalle (cf. Avalle 1965, p. 71-77). Enfin, j'ai appris que Guy de Pœrck a remis en question, dans une étude codicologique, l'appartenance des dix premiers vers à un ensemble dramatisé (cf. Pœrck 1969 [2], p. 229).

Ces raisons m'ont amené à revoir la question dans le cadre d'un mémoire, présenté à la Faculté des Lettres de l'Université de Fribourg (Suisse). En recherchant les publications et les opinions émises par-ci par-là sur ce jeu des vierges, je me suis aperçu que la question est bien pliis controversée que ne le laisse soupçonner une première approche.

Le présent article expose l'essence de mon mémoire. C'est pourquoi on
y trouvera seulement les références les plus importantes. Les citations du texte
du jeu des vierges sont toujours tirées de l'édition d'Avalle.

1. Etat présent de la question

Le survol de l'état présent de la question aboutit aux résultats suivants:
— Le jeu des vierges est contenu dans un manuscrit de caractère modeste qui
date de l'extrême fin du Xie siècle (cf. Spanke 1931, p. 288, Chailley 1960,

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p. 111; Pœrck 1969 [I], p. 304, rem. 8, et p. 309; Delbouille 1970, p. 571).
La description codicologique la plus récente est celle de Guy de Poerck (cf.
Pœrck 1969 [I], p. 298-312).

— Il existe une trentaine d'éditions de caractère très différent et de valeur très inégale. Un grand nombre de ces éditions est cité par Lucien-Paul Thomas. Sa liste serait à compléter et à corriger (cf. Thomas 1951, pp. 17-20 et 24-26). La seule édition postérieure à Thomas qui fasse de nouvelles propositions quant à la lecture du manuscrit est celle d'Avalle.

— Malgré une grande unanimité de la part des chercheurs en ce qui concerne le découpage du jeu appelé Sponsus ou Drame des vierges sages et des vierges folles, le découpage traditionnel est remis en question par Guy de Poerck qui considère YAdest sponsus (v. 1-10) comme un versus et qui pense que le titre du jeu était PRVDENTES (cf. Pœrck 1969 [2], p. 229 s).

— Les langues de ce jeu sont d'une part le latin et d'autre part un dialecte du sud-ouest du domaine d'oïl (cf. Avalle 1965,p. 27), dialecte qui se localise dans l'Angoumois (cf. Cloetta 1893, p. 218-220) ou dans le Poitou (cf. Delbouille 1970, p. 570). Seul Lucien-Paul Thomas distingue dans la langue vulgaire un fond normand qui aurait été fortement retravaillé par un copiste/remanieur nontronais (cf. Thomas 1951, p. 76-109). Mais selon Avalle, cette proposition est insoutenable (cf. Avalle 1965, p. 2745). - Le copiste est sans doute limousin. — Il est généralement admis que l'ensemble des strophes latines formaient le jeu liturgique primitif (cf. Avalle 1965, p. 19-23; Collins 1972, p. 189; Zumthor 1972, pp. 72 et 441 s). Les strophes en langue vulgaire seraient dues à un ou à plusieurs remaniements au cours desquels le jeu latin primitif aurait été paraphrasé, élargi et pourvu de refrains (cf. Morf 1898, pp. 385 et 388 s; Thomas 1929, pp. 48 et 104; Rauhut 1936, p. 36-38; Ursprung 1938, p. 180-191). Cette solution n'est contestée que très.rarement (cf. Schwan 1887, p. 471 s; Chailley 1952, p. 153, rem. 3; Delbouille 1970, p. 571).

— Jusqu'à présent il a été impossible de déterminer la place liturgique du jeu des vierges. Les uns pensent au cycle de Noël (cf. Sepet 1878, p. 113; Cloetta 1893, p. 177; Pœrck 1969 [2], p. 222; Heisig 1952, p. 255; Chaflley 1952, p. 154 s). D'autres attribuent ce jeu au cycle de Pâques (Morf 1898, p. 390 s; Liuzzi 1930, p. 108; Axton 1974, p. 101). Lucien-Paul Thomas le situe dans le temps de l'avent (cf. Thomas 1951, p. 50-58). De nombreux chercheurs pensent que le jeu n'avait pas de place fixe dans la liturgie (cf. Young 1933, p. 368; Frank 1954, p. 61 s; Cohen 1955, p. 259 s).

Dès lors, toutes les questions que peut poser ce jeu ne sont pas résolues. Tandis
que les recherches sur le manuscrit et la langue vulgaire ont apporté des résultats

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satisfaisants, les problèmes du découpage du texte et de la place liturgique du jeu sont restés controversés. Puisque l'édition d'Avalle corrige considérablement les éditions précédentes, elle nécessite un nouvel examen des aspects formels et de la structure du jeu. Cette nouvelle analyse est aussi nécessaire parce que Guy de Pœrck a proposé de séparer les vers 1-10, commençant païAdest sponsus, du jeu des vierges proprement dit.

2. Le texte

2.1. Version originale

La version qui suit ne présente pas une nouvelle édition à proprement parler. Je reprends en principe l'édition d'Avalle (1965, p. 71-77). Je me base sur son édition — à part quelques points relevés dans les remarques — pour les raisons suivantes:

— Avalle ne corrige que rarement le texte du manuscrit. Après un examen minutieux des corrections apportées au texte par Lucien-Paul Thomas et ses prédécesseurs, il ne propose que onze corrections et il change de place une seule rubrique. Il est donc volontairement le plus conservateur de tous les éditeurs de ce jeu conservé dans une copie unique. L'absence d'autres copies oblige le chercheur à expliquer les difficultés plutôt qu'à les corriger.

— Dans l'édition d'Avalle l'irrégularité strophique, dont la mélodie rend compte,
est maintenue. La conception des refrains tels qu'Avalle les propose, est due
à la même attention aux données musicales.

- L'édition d'Avalle est suivie de l'édition musicale établie par Raffaello Monterosso
qui, lui aussi, montre la même volonté de rester fidèle au manuscrit et
d'expliquer au lieu de corriger.

SPONSVS

1 Adest sponsus, qui est Christus - vigilate, virgines! —
pro adventu cuius gaudent et gaudebunt homines.
Venit enim liberare gentium origines,
quas per primam sibi matrem subiugarunt demones.

5 Hic est Adam qui secundus per propheta dicitur, per quem scelus primi Ade a nobis diluitur. Hic pependit ut celesti patrie nos redderet, ac de parte inimici liberos nos traheret.

Venit sponsus qui nostrorum scelerum piacula
10 morte lavit atque crucis sustulit patibula.

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PRVDENTES

Oiet, virgines, aiso que vos dirum! Aiset presen que vos comandarum! Atendet un espos, Jesu-salvaire a nom. Gaiie no-i dormet!

15 Aisel espos que vos hor'atendet,
venit en terra per los vostres pechet,
de la Virgine en Betleem fo net,
e flum Jorda lavet e bateet.
Gaiie no-i dormet!

20 Eu fo batut, gablet e laidenjet, sus e la crot batut e claufiget, eu monumen desoentre pauset. Gaire noi dormet!

E resors es, la scriptura o dii. 25 Gabrïels soi, eu m'a trames aici. Atendet lo que ja venra praici. Gaire no-i dormet!

FATVE

Nos virgines que ad vos venimus, negligenter oleum fundimus; 30 ad vos orare, sorores, cupimus, ut et illas quibus nos credimus. Dolentas, chaitivas, trop i avem dormit!

Nos comités huius itineris et sorores eiusdem generis, 35 quamvis maie contigit miseris. potestis nos reddere superis. Dolentas, chaitivas, trop i avem dormit!

Partimini lumen lampadibus, pie sitis insipientibus, 40 puise ne nos simus a foribus, cum vos sponsus vocet in sedibus. Dolentas, chaitivas, trop i avem dormit!

PRVDENTES

Nos precari, precamur, amplius desinite, sorores, otius. 45 Vobis enim nil erit melius dare preces pro hoc ulterius. Dolentas, chaitivas, trop i avem dormit!

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Ac ite nunc, ite celeriter,
ac vendentes rogate dulciter
50 ut oleum vestris lampadibus
dent equidem vobis inertibus.
Dolentas, chaitivas, trop i avem dormit!

(FATVE)

A! misère, nos hic quid facimus?
Vigilare numquid potuimus?
55 Hune laborem quem nunc perferimus,
nobis nosmed contulimus.
Dolentas, chaitivas, trop i avem dormit!

Et de nobis mercator otius
quas habeat merces, quas sotius;
60 oleum nunc querere venimus,
negligenter quod nosme fundimus.
Dolentas, chaitivas, trop i avem dormit!

(PRVDENTES)

De nostr'oli queret nos a doner?
No-n auret pont, alet en achapter
65 deus merchaans que lai veet ester.
Dolentas, chaitivas, trop i avem dormit!

MERCATORES

Domnas gentils, no vos covent ester,
ni lojamen aici a demorer.
Cosel queret, nom vos poem doner;
70 queret lo Deu chi vos pot coseler.

Alet areir' a vostras sine seros e preiat las per Deu lo glorios de oleo fasen socors a vos; faites o tost, que ja venra l'espos.

(FATVE)

75 A! misère, nos ad quid venimus? Nil est enim illut quot querimus. Fatatum est, et nos videbimus; ad nuptias numquam intrabimus. Dolentas. chaitivas, trop i avem dormit!

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MODO VENIAT SPONSVS

80 Audi, sponse, voces plangentium:
aperiie fac nobis ostium
cum sociis; prebe remedium!

CHRISTVS

Amen dico, vos ignosco; nam caretis lumine,
quod qui perdunt, procul pergunt huius aule lumine.

85 Alet, chaitivas, alet, malaûreas!
A tôt jors mais vos so penas liureas;
en efem ora seret meneias!

MODO ACCIPIANT EAS DEMONES ET PRECIPITENTVR IN INFERNVM

On tiendra compte des explications et remarques donées par Avalle dans son
édition. De plus, il est utile de retenir les points suivants:

V. 5 contient deux particularités graphiques non relevées par Avalle. Dans le manuscrit, Va de propheta a nettement la forme d'un net présente le même cas que chaitivas (v. 85) où Avalle relève la présence d'un « à la place de Va final. — En ce qui concerne le mot secundus, le manuscrit donne la forme abrégée 113/"C'est la lettre finale qui pose un problème, car elle n'a pas la forme de la lettre s telle qu'elle est utilisée dans ce manuscrit, c'est-à-dire/". Elle ne correspond ni exactement à s, ni à e, ni à i qui, du point de vue paléographique, pourraient entrer en considération. — Les deux cas peuvent être constatés aussi sur les photographies ajoutées aux éditions d'Avalle et de Monterosso (f°53v°1.3et1.4).

V. 12: Avalle change aiset en eiset qui correspond à air. eis(s)iez. Selon Godefroy 111,18, ce verbe a, à côté de la forme normale eissir < EXIRE, une série de variantes, parmi lesquelles aissir. Thomas constate que non seulement dans le jeu des vierges, mais aussi dans le Versus sánete Marie, qui se trouve dans le même manuscrit, on rencontre ai- où on s'attendrait à ei- < e initiale + yod (cf. Thomas 1927, p. 74 s). L'hésitation entre formes avec ei- et formes avec ai- est bien connue en occitan. Or, il est pensable que le même phénomène peut se rencontrer dans un dialecte voisin de l'occitan, surtout en ce qui concerne la graphie. C'est pourquoi je maintiendrai aiset comme variante de eiset, possibilité qui n'est pas exclue par Avalle lui-même (cf. Avalle 1965, p. 60).

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V. 14: Pour obtenir une structure strophique régulière, deux tiers des éditeurs associent au refrain Gaire no-i dormet aussi le v. 15 Aisel espos que vos hor' atendet, parce qu'ils veulent éviter, dans la strophe suivante, un quatrième vers qui briserait le schéma strophique. Mais tant la mélodie du v. 15 que l'initiale du mot Aisel indiquent clairement qu'au v. 15 commence une nouvelle strophe. Ce cas ne constitue pas la seule irrégularité strophique du jeu, étant donné que les strophes De nostr'oli (v. 63-65) et Audi, sponse (v. 80-82) ont trois vers au lieu de quatre (cf. Avalle 1965, p. 60 ss).

V. 21: Je maintiens batut qui se trouve dans le manuscrit. D'une part, la répétition
de mots est assez fréquente dans le jeu des vierges:

v. 13/15 atendet un espos - aisel espos que... atendet

v. 43/(46) precari, precamur - (preces)

v. 48 ite - ite

v. 56 nobisnosmed

v. 58/(59) mercator — (merces)

v. 69/70 queret - queret
cosel - (coseler)

v. 83/84 lumine - lumine

v. 85 alet - alet

D'autre part, les v. 18, 20 et 21 (le v

est un refrain) ont dans le deuxième

hémistiche la même structure: le premier verbe (lavet, gablet, batut) a une signification très large et prépare le terme précis donné par le deuxième verbe (bateet, laidenjet, claufiget). L'intérêt premier porte moins sur la première série de verbes que sur la deuxième. Si on adopte une traduction moins littérale que celle qui suit plus bas, on pourra dire:

v. 18: // reçut le bain du baptême dans le fleuve Jourdain.

v. 20: II fut battu et injurié paries moqueries

v. 21 : et cloué sur la croix à coups de marteau.

V. 29: Avalle lit negligunter (f° 54 r° 1.7) et corrige en negligenter. La lettre en question, prise pour u par Avalle, a une forme très bizarre. La leçon u n'est pas sans problème, parce que dans tout le jeu la lettre u a une forme très régulièreet bien lisible. La lettre e par contre (c'est elle qu'on attend pour le mot negligenter) se présente sous des formes variées. Or, Ye de vigilate (f°s3 v°l.l) a une forme très semblable à la lettre en question dans negligenter. Dans les deux cas il s'agit, à mon avis, d'un e. — Le manuscrit donne deux foisfundimus (v. 29 et 61). Parce qu'il doit s'agir d'un parfait latin, Avalle corrige enfudimus qui est la forme grammaticale correcte. Néanmoins, je propose de maintenir

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ce vulgarisme qui a pu être influencé par air. fondîmes ou qui peut être un témoin de la tendance du latin médiéval à employer le radical du présent aussi pour le parfait des verbes qui sont soumis à une modification du radical. Avalle mentionne l'influence possible de fondîmes, de même que les formes médiolatinescontingent, confringeram, derelinquit, etc. (cf. Avalle 1965,p.54) Quant au verbe fundere, Du Cange (1844, p. 435) donne un exemple qui pourtant est plus tardif: "FUNDIT pro FUDIT .... Item quod dictus Raymundus fundit vel fundi fecit, etc." Mais dans le livre de Max Bonnet sur le latin de Grégoire de Tours cité par Avalle on trouve les formes fundisset pour fudisset; effunderepour effuderunt (cf. Bonnet 1890, p. 419). Pour la traduction je tiendrai compte de la remarque de Thomas: "Fundere doit se prendre ici dans l'acceptionde répandre, dépenser, employer sans mesure et sans discernement. Les vierges folles ont dépensé leur huile à profusion et à mal escient." (Thomas 1951, p. 66).

V. 47: La grande majorité des éditeurs attribuent le refrain tant aux vierges folles qu'aux vierges sages. Par conséquent, ils changent le texte après les strophes des vierges sages: ... trop i avet (ou: avez) dormit. Mais comme le manuscrit indique ce refrain dès sa deuxième apparition sous une forme abrégée {Dolentas, Dole, Dol ou D), Avalle le transcrit toujours d'une façon identique et l'attribue seulement aux vierges folles (cf. Avalle 1965, p. 63). Ce faisant, il suit l'opinion de quelques prédécesseurs (cf. Monmerqué/Michel 1839, p. 4 ss; Boehmer 1879/80, p. 108 ss; Schwan 1887, p. 471; Gastoué 1905, p. 380 s; Liuzzi 1930,p. 93 s; Monterosso 1965, p. 125-130).

V. 84: Je maintiens lumine qui se trouve dans le manuscrit, car l'opposition entre la lumière de la maison nuptiale et le manque de lumière des vierges folles répond à une dispostion fondamentale du jeu. En outre, Avalle, 1965, p. 58 s, avoue lui-même que la correction lumine en limine n'est pas strictement

2.2. Traduction littérale

SPONSVS

1 Voici l'époux qui est le Christ - veillez, vierges!
De son arrivée se réjouissent et se réjouiront les hommes.
Car il vient délivrer les origines des peuples
que les démons ont subjugués par la première mère.

5 Lui, il est l'Adam qui par le prophète est appelé le deuxième,
par lequel le crime du premier Adam est effacé de nous.

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Il pendit pour nous rendre à la patrie céleste et pour nous libérer de l'emprise de l'ennemi. L'époux arrive qui lava la tache de nos crimes 10 par la mort et souffrit le supplice de la croix.

PRVDENTES

Ecoutez, vierges, ce que nous vous dirons! Sortez aussitôt que nous vous le commanderons! Vous attendez un époux - il a nom: Jésus Sauveur. Ne dormez pas!

15 Cet époux que vous attendez maintenant
vint sur terre à cause de vos péchés,
naquit de la Vierge à Bethléem
et fut lavé et baptisé dans le fleuve Jourdain.
Ne dormez pas!

20 II fut battu, raillé et injurié,
et fut battu et cloué sur la croix
et tout de suite mis dans le tombeau.
Ne dormez pas !

Et il est ressuscité. L'Ecriture le dit.
25 Je suis Gabriel. Il m'a envoyé ici.
Attendez-le, car il viendra ici à tout moment.
Ne dormez pas!

FATVAE

Nous, vierges qui sommes venues chez vous,
nous avons négligemment gaspillé l'huile;
30 sœurs, nous voulons vous en demander
comme à celles en lesquelles nous avons confiance.
Dolentes, misérables, nous avons trop dormi!

Nous, les compagnes de ce voyage
et les sœurs de la même race,
35 bien que le sort nous ait rendues infortunées,
vous pouvez nous redonner à ceux d'en haut.
Dolentes, misérables, nous avons trop dormi!

Répartissez la lumière entre les lampes,
ayez pitié des écervelées,
40 afin que nous ne soyons pas chassées des portes,
lorsque l'époux vous appellera à table.
Dolentes, misérables, nous avons trop dormi!

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PRVDENTES

Sœurs, cessez tout de suite, nous vous en prions,
de nous supplier davantage!
45 Car il ne vous servira à rien
de nous implorer plus longtemps.
Dolentes, misérables, nous avons trop dormi!

Allez maintenant, allez vite
et demandez gentiment aux marchands
50 qu'ils vous donnent de l'huile pour vos lampes,
à vous qui pourtant avez été maladroites!
Dolentes, misérables, nous avons trop dormi!

(FATVAE)

Infortunées, que faire maintenant?
N'aurions-nous pu être vigilantes?
55 Cette peine dont nous souffrons maintenant,
nous nous la sommes procurée nous-mêmes.
Dolentes, misérables, nous avons trop dormi!

Que le marchand nous donne tout de suite
ce qu'il a à vendre et ce qu'a son compagnon!
60 Nous sommes venues demander maintenant de l'huile
que nous avons négligemment gaspillée.
Dolentes, misérables, nous avons trop dormi!

(PRVDENTES)

Demandez-vous que nous vous donnions de l'huile? Vous n'en aurez point. Allez en acheter 65 chez les marchands que vous voyez là-bas! Dolentes, misérables, nous avons trop dormi!

MERCATORES

Nobles dames, il ne vous convient pas de rester
ni de vous attarder longtemps ici.
Vous demandez de l'aide - nous ne pouvons vous la donner.
70 Demandez-la à Dieu qui peut vous aider!

Retournez chez vos cinq sœurs
et priez-les par Dieu le glorieux
qu'elles vous secourent par leur huile!
Dépêchez-vous, parce que l'époux vient déjà.

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(FATVAE)

75 Infortunées, pourquoi sommes-nous venues?
Car ce n'est rien ce que nous demandons.
C'était le destin, et nous le verrons:
jamais nous n'entrerons aux noces.
Dolentes, misérables, nous avons trop dormi!

MODO VENIAT CHRISTVS

80 Ecoute, époux, les voix de celles qui se plaignent:
fais nous ouvrir la porte
ainsi qu'à nos compagnes; apporte-nous le remède!

CHRISTVS

Amen, je vous le dis: je ne vous connais pas, car vous manquez de lumière.
Ceux qui la perdent, s'en vont loin de la lumière de cette cour.

85 Allez, misérables, allez, malheureuses!
Pour toujours vous serez livrées aux peines;
or, vous serez emmenées en enfer!

MODO ACCIPIANT EAS DEMONES ET PRECIPITENTVR IN INFERNVM

V. 20: Thomas 1951, p. 179, traduit gablet e laidenjet par bafoué, outragé, et Avalle 1965, p. 78, donne derìso ed oltraggiato. Avalle prend ces deux mots pour quasi synonymes (iterazione sinonimica). Mais selon FEW XVI, col. 3, air. gab(l)er signifie se moquer de qc, plaisanter, ce qui ne correspond pas exactement à bafouer = railler sans pitié, ridiculiser (Larousse). - A.fr. laidangier (a.occ. laidenjar) signifie injurier (FEW XVI, col. 439) qui est synonyme d'offenser vivement, insulter (Larousse). Si on traduit bafoué et outragé, on rapproche, à mon avis, gablet trop de laidenjet, ce dernier mot ayant une signification plus spécifique que le premier.

V. 28: Du seul point de vue de la graphie, venimus peut être un présent ou un parfait latin. Comme tousles décasyllabes latins de ce jeu sont proparoxytons,il s'agit de la forme du parfait: VENÏMUS, qui a l'accent principal sur Ye et, de par sa position métrique, un accent secondaire sur la dernière syllabe. Cependant, fl se peut que le présent soit sous-entendu. Etant donné que déjà dans la France du haut moyen-âge on prononçait les mots latins comme ayant l'accent sur la dernière syllabe (cf. Avalle 1963, p. 17), le présent VENIMUS

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était prononcé plus ou moins de la même façon que le parfait VENÏMUS. Parce qu'il s'agit d'une situation dialoguée, on pourrait s'attendre à un présent: "nous venons chez vous", mais la forme du parfait peut aussi être justifiée. — V. 60 présente le même cas.

V. 81/82: Si on adopte une autre ponctuation, on peut aussi traduire:

Fais nous ouvrir la porte,
apporte^ious le même remède qu'à nos compagnes!

3. Analyse du jeu

Tout d'abord, il convient de soulever une question préalable. Quelle terminologie
faut-il adopter pour désigner l'ensemble textuel et musical en question:
mystère, office, drame (liturgique), ou jeu (liturgique)?

Déjà dans les pages précédentes, le terme de "jeu" a été utilisé, et il sera le seul à apparaître au cours de cette analyse. Ce choix terminologique se base sur une proposition de Théo Stemmler qui distingue entre "quasi-dramatische liturgische Feier" et "geistliches Spiel". Suivant cette terminologie, la "cérémonie liturgique quasi-dramatique" est déterminée entièrement par son contexte liturgique et ne peut pas exister en dehors de la liturgie, tandis que le "jeu de caractère religieux" est libre d'attaches liturgiques et se construit d'une façon autonome (cf. Stemmler 1970, p. 19).

Le terme d'"office" implique une fonction liturgique précise. Mais le texte du jeu des vierges ne fournit pas de points de repère qui permettraient de le rattacher d'une façon nette à la liturgie. Il a pu être représenté à différentes occasions durant l'année liturgique (cf. Stemmler 1970, p. 114 s). Cependant, cela n'est pas à prendre dans un sens exclusif, car la représentation d'un sujet biblique est possible aussi en dehors d'un cadre liturgique. — Robert Guiette (1966, p. 197-202) attribue les pièces"dramatisées traitant un sujet biblique à la liturgie, parce qu'elles ont un caractère sacré. Mais le sacré ne se limite évidemment pas à la liturgie.

Les termes "mystères" et "drames" évoquent des œuvres beaucoup plus développées que le petit jeu des vierges. Le terme de "jeu", par contre, tient compte à la fois de la disposition dramatique du texte en question et de son emploi possible dans un cadre liturgique ou non liturgique.

L'emploi du terme "jeu" n'envisage pas explicitement le côté musical. En réalité, le jeu des vierges est un jeu chanté. Pour adopter la terminologie de Stemmler, on pourrait parler de "geistliches Singspiel". Ce côté musical, qui est fondamental, ne sera pas oublié.

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3.1. L'arrière-fond théologique

La première source du jeu des vierges est sans doute la parabole biblique des
dix vierges (Mt 25,1-13). Voici le texte de cette parabole dans la version de
la Vulgate (éd. Nestlé/Aland) qui a servi de référence pendant tout le moyen-âge:

(1) Tune simile erit regnum caelorum decem virginibus: quae accipientes lampades suas exierunt obviam sponso, et sponsae. (2) Quinqué autem ex eis erant fatuae, et quinqué prudentes: (3) sed quinqué fatuae, acceptis lampadibus, non sumpserunt oleum secum: (4) prudentes vero acceperunt oleum in vasis suis cum lampadibus. (5) Moram autem faciente sponso, dormitaverunt omnes et dormierunt. (6) Media autem nocte clamor factus est: Ecce sponsus venit, exite obviam ei. (7) Tune surrexerunt omnes virgines illae, et ornaverunt lampades suas. (8) Fatuae autem sapientibus dixerunt: Date nobis de oleo vestro: quia lampades nostrae extinguunter. (9) Responderunt prudentes, dicentes: Ne forte non sufficiat nobis, et vobis, ite potius ad vendentes, et emite vobis. (10) Dum autem irent emere, venit sponsus: et quae paratae erant, intraverunt cum eo ad nuptias, et clausa est ianua. (11) Novissime vero veniunt et reliquae virgines, dicentes: Domine, Domine, aperi nobis. (12) At Ole respondens, ait:

Amen dico vobis, nescio vos. (13) Vigilate itaque, quia nescitis diem neque horam. Cette parabole (pour les particularités du genre littéraire que présentent les paraboles bibliques, cf. Jülicher 1910; Jeremias 1970) explique un aspect du "royaume des cieux" en le comparant à dix vierges qui veulent participer aux noces d'un époux. Puisqu'il s'agit d'une parabole, il n'y a en principe qu'un seul point de comparaison entre l'image où l'histoire utilisée et la réalité à laquelle elles se réfèrent. Tous les autres traits servent à mieux présenter le point de comparaison qui contient l'énoncé envisagé. Dans le cas des parabolesracontées par Jésus, le point de comparaison contient souvent une vérité que le destinataire accepte difficilement, parce qu'elle provoque en lui un changement de pensée, de comportement, etc. Or, dans la parabole des dix vierges, le point de comparaison est donné par le verset 10: les vierges qui sont prêtes au moment décisif, peuvent entrer avec l'époux. Autrement dit: l'homme doit être prêt à entrer dans le royaume des cieux, dès que celui-ci apparaît; car il y a un "trop tard" qui exclut l'entrée une fois pour toutes (cf. Jeremias 1970, p. 171-175). Sous ce point de vue, la glose rédactionnelle (Mt 25,13) ajoutée par l'évangéliste (cf. Mt 24,42.50; Me 13,35 ss; Le 12,40; 21,36) reprend l'idée centrale de la parabole. Mais comme l'évangéliste place cette parabole dans le contexte de la parousie (Mt 24-25), il l'applique à un moment particulier du royaume des cieux, à savoir au dernier avènement du Seigneur à la fin des temps où sera révélé qui appartient réellement à ce royaume et qui n'en fait pas partie. Tandis que le sens premier de la parabole des dix vierges vise la séparation des hommes résultant de l'arrivée du royaume des cieux dans le présent, cette parabole devient dans le nouveau contexte une

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allégorie de la parousie du Seigneur lors du jugement dernier (cf. Jeremias 1970, p. 48-50). La nouvelle orientation à l'intérieur du seul événement eschatologique(eschatologie = doctrine du dernier temps du monde, qui commence par l'arrivée du royaume des cieux annoncé par le Christ Jésus) permet de voir dans les vierges l'Eglise qui attend le dernier avènement du Seigneur. Elle s'y prépare par de bonnes œuvres suivant lesquelles se fera la séparation des bons et des méchants lors du jugement. Puisqu'il y a maintenant une interprétation allégorique, chaque élément de la parabole peut être mis en évidence et devenir porteur d'une signification particulière, pourvu que ces significations s'insèrent dans le cadre général donné par la notion de parousie.

Il faut tenir compte de cette possibilité, si l'on veut comprendre l'interprétation tout allégorique de la parabole des dix vierges, courante chez les théologiens médiévaux, interprétation qui envisage les valeurs apparentes et cachées des bonnes œuvres par lesquelles les croyants se tiennent prêts à l'arrivée du Seigneur. A titre d'indication, cf. Augustin (354430), Sermo 93 (PL 38, col. 573-580) et deux sermons qui lui sont attribués (PL 39, col. 1892-1895 et col. 2164 ss); Césaire d'Arles (470-543), Sermo de decem virginïbus (PL 67, col. 1160-1163); Grégoire le Grand (ca. 540-604), Homilía in Evangelia 12 (PL 76, col. 1118-1123); Raban Maur (ca. 780-856), Commentariorum in Matthaeum libri octo (PL 107, col. 1084-1089). Lucien-Paul Thomas (1951, p. 33-37) donne un résumé de l'interprétation des Pères de l'Eglise et des théologiens du moyen-âge concernant la parabole des dix vierges.

Un exemple typique et très bref de ce type d'interprétation se trouve chez
Hugues de Saint-Victor (mort en 1141), Allegoriae in Novum Testamentum
(PL 175, col. 799 s):

Simile est regnum coelorum decem virginibus, quae accipientes lampades suas exierunî obviant sponso et sponsae (Matth. XXV). Decem virgines, sunt universi credentes, bona opera exhibentes; lampades opera; oleum, gratta sive bona conscientia. Quinqué fatuae virgines, significant illos, qui in bonis quae faciunt, non bonam conscientiam, sed laudem humanam quaerunt, Sapientes virgines, sunt qui in bonis quae faciunt non quaerunt laudem humanam, sed conscientiam bonam. Mora sponsi, dilatio judicii, dormitio virginum, mors hominum; medium noctis, inesperatus eventus resurrectionis; clamor advenientis sponsi, tuba evangelica in die judicii; praeparatio lampadum, recordatio et numeratio operum. Sed lampades fatuarum exstinguuntur, quia in adventu judicii intus obscurantur, et non habent mercedem, quia receperunt laudem. Date nobis de oleo vestro, id est testimonium dicite de operibus nostris. Ite potius ad vedentes: non dant consilium, sed ex obliquo commémorant crimen earum: ite ad venden tes, id est modo videbitis quid vos adjuvent, qui vobis laudes vendere consueverunt. Venditores, sunt adulatores qui dant laudem, ut accipiant aliquam mercedem. Sed virginibus fatuis, tarde bonam conscientiam quaerentibus, intrant sapientes cum sponso ad nuptias; quia reprobis ejectis ad damnationem, electi cum Christo intrabunt ad beatitudinem.

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Et chusa est janua, id est aditus regni coelorum. Domine, Domine, aperì nobis. Post seram poenitentiam, post infructuosas lacrymas, frustra puisant foris relictae. Amen dico vobis, nescio vos. Quasi dicat: Ideo vos desero, quia per vitae meritum non agnosco. Ecce quanta severitas post judicium ejus, cujus est ante ineffabilis misericordia. Vigilate itaque, quia nescitis diem, neque horam. Ecce quo tendit parabola. Ad hoc namque tendit, ut ad futura oculos cordis aperiamus; mala evadamus deserendo culpam, bona promereamus sectando justitiam.

Ce passage de Hugues de Saint-Victor résume ce qui résulte du type d'interprétation allégorique, interprétation qui, généralement, entre encore davantage dans les détails. Cette façon théologique de voir la parabole des dix vierges étant très répandue au moyen-âge, il est évident que ces notions peuvent jouer un rôle, peut-être même important, pour la dramatisation en question. Cependant, puisqu'une dramatisation n'est pas soumise aux mêmes exigences littéraires qu'une parabole, il faudra au cours de l'analyse du jeu distinguer entre la construction du jeu en tant que dramatisation d'une part, et les connotations données par la pensée théologique médiévale d'autre part. Car toutes les idées provenant de l'interprétation allégorique de la parabole ne seront pas nécessairement mises en évidence dans le jeu des vierges.

Si l'on compare le jeu des vierges avec sa source biblique et avec le contexte
théologique médiéval (deuxième source), il y a les points suivants à relever:

— Les deux groupes de vierges et l'époux, identifié au Christ, forment toujours
les éléments principaux. Dans chaque cas, il s'agit d'un jugement ou d'une
séparation entre les bons et les méchants.

— Le jeu des vierges fait intervenir l'ange Gabriel qui n'est mentionné ni dans
la parabole biblique ni chez les théologiens médiévaux consultés.

— Dans la parabole biblique, les marchands ont une fonction neutre. La théologie médiévale les associe aux gens mauvais, parce que ce sont des adulateurs quine s'intéressent qu'au profit; de plus, leur comportement met en relief la vanité et l'inanité de celui des vierges folles. Mais dans le jeu, les marchands ont une influence décisive sur le développement de l'action, car seul leur refus rend inévitable l'échec des vierges folles (cf. ci-dessous 3.3.).

— Tandis que, selon la parabole biblique, les vierges folles n'ont pas été prêtes au moment décisif, la théologie médiévale met l'accent sur le manque de véritablesbonnes œuvres (de charité, etc.). Les bonnes œuvres sont reconnues comme telles uniquement si elles ne sont pas accomplies en vue de la louange des hommes, mais si elles sont soumises uniquement à la grâce de Dieu. Les bonnes œuvres sont symbolisées par une lampe, la grâce de Dieu par l'huile

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qui est nécessaire pour alimenter la lampe. Le manque d'huile et, par conséquent,de lumière présente le motif principal de l'action du jeu des vierges (v. 29, 38, 50, 60, 83). En ce qui concerne le manque d'huile, le jeu reprend donc l'interprétation allégorique courante de la parabole.

— Mais dans les refrains du jeu, les vierges folles avouent une autre faute, celle d'avoir trop dormi. Pourtant, la parabole biblique et l'interprétation courante du moyen-âge supposent que toutes les vierges ont dormi et que les unes ont dormi autant que les autres. Le sommeil des vierges est généralement considéré comme image de la mort et de l'attente, par les défunts, du jour de la résurrection, qui révélera qui sera sauvé et qui sera condamné. Or, si les vierges folles avouent avoir trop dormi, il s'agit d'une idée quine dérive pas de la même tradition théologique, d'autant plus que les vierges sages ne sont pas censées avoir dormi.

Dès lors, il faut rechercher une autre tradition qui permet d'expliquer le sommeil des seules vierges folles. Le fait que le sommeil des vierges folles représente une faute ou, théologiquement parlant, un péché, suppose que le sommeil a été pris pour une image du péché. Il est bien connu que le sommeil sert souvent comme image de la mort. Et la mort est souvent une image du péché. Ces deux images se retrouvent couramment non seulement dans la théologie médiévale, mais déjà dans la bible (cf. Ps 13,4; Dan 12,2; Eph 2,1.5; Col 2,13; Ape 3,1). Mais on y trouve aussi l'image du sommeil qui signifie le péché (1 Thess 5,4-10; la notion "sommeil=péché est sous-entendue dans les nombreux appels à la vigilance ainsi que dans l'emploi de l'opposition "lumière-ténèbre"). Voici un exemple donné par Raban Maur qui relève parmi les sens allégoriques du sommeil trouvés dans la Bible, le suivant (cf. Raban Maur, Allegoriae in Sacrarti Scripturam, PL 112, col. 913; cité déjà par Heisig 1952, p. 249):

Dormire, in peccatum cadere, ut in psalmo: "Dormitavit anima mea prae (taedio)",
id est, in peccato saepe lapsus sum.

Il est donc possible que l'aveu que font les vierges folles d'avoir trop dormi, signifie qu'elles ont trop péché et que leurs péchés sont la raison de leur condamnation inévitable. Si l'on considère le manque d'huile et le sommeil comme des images, ils sont associables, parce que tant la notion "manquer de véritables bonnes œuvres" que la notion "avoir trop péché" concrétisent ce que veut dire: "ne pas être prêt à l'arrivée du Christ".

Dans ce contexte, l'iconographie de la parabole des dix vierges (pour l'histoireet
pour une vue globale de cette iconographie, cf. Lehmann 1916; Thomas
1951, p. 4148; Sachs 1970, col. 458463) est particulièrement intéressante,

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parce qu'elle est révélatrice des deux traditions théologiques. Les éléments iconographiques de base sont généralement le Christ et les deux groupes de vierges. Très souvent, ces deux groupes sont séparés par la porte du palais nuptial/paradisfermée, les vierges sages se trouvant à l'intérieur et les vierges folles à l'extérieur. Un deuxième signe de distinction sont les lampes que les vierges sages tiennent allumées dans leur main droite élevée, tandis que les vierges folles les tiennent renversées vers le sol pour indiquer qu'elles ne brûlent plus. Une variante en est donnée par les vases d'huile que les vierges folles tiennent renversés pour indiquer qu'ils sont vides. Mais il y a encore une troisième façon de caractériser les deux groupes: les vierges folles sont représentées dans leur sommeil, tandis que les vierges sages sont debout. C'est ce dernier type de représentation qu'on retrouve plusieurs fois dans les archivoltes des portails des églises de style roman (Xle/XIIe s.) du Poitou et de Saintonge (cf. Lehmann 1916, p. 36-39; Mâle 1924, p. 439, fig. 253), deux régions voisines du Limousin qui est la patrie au moins du copiste du jeu des vierges. C'est le cas à Aulnay de Saintonge, Chadenac, Civray et à Fenioux.

Les signes distinctifs que présentent la lampe/l'huile et le sommeil sont
des indices que l'interprétation allégorique s'est orientée dans des directions
différentes, tout en restant à l'intérieur du même cadre.

3.2. Deux conceptions théologiques à l'intérieur du jeu

Le passage Adest sponsus (v. 1-10) présente le Christ/Epoux qui vient d'arriver
(v. 1) et qui en tant que Sauveur libère les hommes, par sa mort sur la croix,
du péché originel (v. 3-8) et des péchés en général (v. 9-10).

La théologie adoptée dans ce passage pour parler du Sauveur, est très paulinienne.
L'exhortation à se réjouir de l'arrivée du Christ (v. 2) se trouve dans
Phil 4,4 s:

Gaudete in Domino semper: iterum dico gaudete. (...) Dominus prope est.

L'idée que le Christ est venu pour libérer les hommes du péché (originel) auquel
tous sont soumis dès le premier homme (v. 3 ss), se base sur Rom 5,12-21 :

Propterea sicut per unum hominem peccatum in hune mundum intravit, et per peccatum mors, et ita in omnes homines mors pertransiit, in quo omnes peccaverunt (...). Sed non sicut delictum, ita et donum. si enim unius delieto multi mortui sunt: multo magis gratia Dei et donum in gratia unius hominis lesu Christi in plures abundavit. (...) Sicut enim per inobedientiam unius hominis peccatores constituti sunt multi: ita per unius obeditionem, iusti constituentur multi (...).

La lettre aux Romains ne dit rien quant à Eve qui s'est laissée séduire la première
(v. 4). Cette notion se trouve dans 1 Tim 2.13 s:

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Adam enim primus formatus est: deinde Heva. et Adam non est seductus: mulier autem
seducta in praevaricatione fuit.

L'opposition entre Adam et le Christ (v. 5-6) qui est novissimus Adam (1 Cor 15,45) est développée non seulement dans Rom 15,12-21, mais aussi dans 1 Cor 15,12-57 où Paul parle de la résurrection des morts à une vie céleste qui est un fruit de la mort et de la résurrection du Christ:

(...) Nunc autem Christus resurrexit a mortuis primitiae dormientium, quoniam quidem per hominem mors, et per hominem resurrectio mortuorum. Et sicut in Adam omnes moriuntur, ita et in Christo omnes vivificabuntur. Unusquisque autem in suo ordine, primitiae Christus: deinde ii, qui sunt Christi, qui in adventu eius crediderunt. (...) Seminatur corpus animale, surget corpus spiritale. Si est corpus animale, est et spiritale, sicut scriptum est: Factus est primus homo Adam in animam viventem, novissimus Adam in spiritum vivificantem. Sed non prius quod spiritale est, sed quod animale: deinde quod spiritale. Primus homo de terra, terrenus: secundus homo de caelo, caelestis. Qualis terrenus, taies et terreni: et qualis caelestis, taies et caelestes. Igitur, sicut portavimus imaginem terreni, portemus et imaginem caelestis (...).

Les derniers vers évoquent le Christ qui, par sa mort sur la croix, lave les taches
des péchés (v. 9-10). Cette pensée est tirée d'Hébr 9,13 s:

Si enim sanguis hircorum, et taurorum, et cinis vitulae aspersus inquinatos sanctificat ad emundationem carnis: quanto magis sanguis Christi, qui per Spiritum sanctum semetipsum obtulit immaculatum Deo, emundabit conscientiam nostram ab operibus mortuis, ad serviendum Deo viventi?

L'image de l'époux pour désigner le Christ (v. 1 et 9) et l'appel à la vigilance (v. 1) présentent des thèmes courants de tout le Nouveau Testament. Ils ne sont donc pas spécifiques d'une théologie particulière. A titre d'indication cf. pour l'image de l'époux: Mt 9,15 par; 25,1-13; Jn 3,29; 2 Cor 11,2; Eph 5,21-33; 21,2.9 s, et pour le thème de la vigilance: Mt 24,42-44; 25,13; Me 13,33-37; Le 21,36; Actes 20,31; 1 Cor 15,34; 16,13; Eph 6,14-18; Col 4,2; Thesss,l-ll; 1P 5,8; Ape 3,2; 16,15.

Tout le passage Adest sponsus peut être expliqué à partir de la théologie paulinienne. Du seul point de vue théologique, on n'a pas besoin de la parabole des dix vierges (Mt 25,1-12) pour comprendre et situer ces vers. Cette situation soulève la question de savoir pourquoi la dramatisation de la parabole des dix vierges est introduite par ce passage qui n'est pas développé à partir du contexte théologique de la parabole elle-même et qui n'en met pas en évidence la situation typique. De plus, il faut se demander si la pensée paulinienne caractérise aussi la suite du jeu.

Le premier passage en langue vulgaire (v. 11-27) présente, lui aussi, le Christ/
Epoux qui est le Sauveur. Cela se fait par la bouche de l'ange Gabriel (v. 25)
qui annonce aux vierges l'arrivée toute proche du Christ (v. 26; le v. 1 par

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contre évoque déjà le moment de l'arrivée!). Mais la façon de parler du Sauveur est bien différente de celle de YAdest sponsus. Le fait fondamental que le Christ libère les hommes des péchés, reste évidemment le même. Tandis que dans la théologie de Paul l'accent est mis sur la mort du Christ sur la croix, mort par laquelle les hommes sont libérés de la mort du péché et peuvent participer à la vie du Ressuscité, les strophes de l'ange Gabriel résument la vie du Christ à partir de son arrivée sur la terre jusqu'à sa résurrection. Toute la vie terrestre du Christ y est vue en fonction de la libération du péché. C'est la conception théologique dont se servent les évangélistes dits synoptiques (Matthieu, Marc, Luc). Pour expliquer que le règne de Dieu est proche et a même déjà commencé, et que le mal (le péché) perd son pouvoir sur le monde, ils racontent la vie, la mort et la résurrection du Christ. Celui qui croit saisit, à travers la narration, l'activité salvatrice de Dieu et se laisse convertir.

Or, Gabriel relève en particulier la naissance à Bethléem (cf. Mt 1,25-2,1; Le 2,1-20), le baptême dans le Jourdain (cf. Mt 3,13-17; Me 1,9-11; Le 3,21 s), la flagellation et la moquerie de la part des soldats (cf. Mt 27,26-3la; Me 15,15-20a; 22,63 ss), la crucifixion (cf. Mt 27¿lb-44; Me 15,20b-32; Le 23,26-43), mise au tombeau (cf. Mt 27,57-61; Me 15,4247; Le 23,50-56) et la résurrection (cf. Mt 28,1-8; Me 16,1-8; Le 24,1-12). Ce qui semble manquer, c'est l'activité publique du Christ, c'est-à-dire sa prédication et ses guérisons. Cependant, ce côté important est sous-entendu, car les événements mentionnés marquent quatre points cardinaux de la vie du Christ, à savoir son entrée dans le monde (naissance), le début de son activité publique (baptême), la fin de son activité publique (passion et mort) et son passage à une nouvelle vie (résurrection). Tout ce qui s'est passé entre le début et la fin est englobé par la mise en évidence de ces quatre moments importants. De plus, la parabole des dix vierges est un exemple de la prédication du Christ, et c'est elle qui va être représentée sous une forme dramatisée.

La façon de voir le Christ Sauveur, telle qu'on la trouve dans le chant de l'ange Gabriel, correspond donc au contexte biblique de la parabole elle-même. En quelques vers toute la base théologique de la parabole et du jeu des vierges est évoquée.

L'exhortation de Gabriel est suivie par la recherche d'huile de la part des vierges folles dont les trois démarches auprès des vierges sages, des marchands et du Christ finissent chacune par un échec. Cette partie reprend les éléments de la parabole biblique. Certains éléments (relevés ci-dessus 3.1.) ont subi une modification au cours du travail de dramatisation. Mais si l'on tient compte des interprétations allégoriques médiévales, on peut constater que le fond de la parabole n'a pas changé. Même la modification du motif, qui présente une

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intervention assez profonde, respecte le sens théologique de la parabole. Contrairementaux vierges sages, les vierges folles n'ont pas été prêtes au moment de l'arrivée du Christ/Epoux, ce qui est concrétisé par la notion du manque d'huile d'une part (aveu se trouvant dans les strophes) et par la notion du sommeild'autre part (aveu se trouvant uniquement dans les refrains). C'est pourquoi le point principal de la parabole est maintenu.

Dans le jeu des vierges il n'y a, à partir du v. 11, aucune notion théologique
qui serait incompatible ou étrangère à la parabole des dix vierges. En particulier,
on n'y trouve aucun élément qui serait typiquement paulinien.

Or, si l'on considère le passage Adest sponsus (v. 1-10) comme partie intégrale du jeu, on se trouve face à un problème d'ordre théologique diffìcile à résoudre. La présence, dans les dix premiers vers, d'une conception paulinienne pose un problème bien différent de la présence des deux interprétations théologiques en ce qui concerne la faute des vierges folles. Dans le deuxième cas, les deux interprétations restent à l'intérieur du même cadre théologique. De plus, le refrain constitue un lien évident avec le reste du texte. Mais dans le premier cas, il s'agit d'une simple juxtaposition, la vision théologique du premier passage n'influençant point la suite (v. 11 ss). En ce qui concerne la théologie médiévale, on ne s'attend pas à une juxtaposition, mais à un enchevêtrement de différentes notions et conceptions. Pour en donner un exemple: un théologien médiéval introduirait facilement la notion de péché originel dans le dialogue des vierges, bien que cette notion soit absente de la parabole biblique. Cela aurait été une façon aisée d'établir un lien entre les vers 1-10 et la suite.

Les premiers vers contiennent, il est vrai, l'image de l'époux (v. 1 et 9) et l'appel à la vigilance (v. 1), deux notions qui jouent un rôle important dans le jeu. Mais ces deux notions ne suffisent pas pour prétendre — toujours du point de vue théologique — l'appartenance du passage Adest sponsus au jeu, car ce passage n'a pas besoin de la parabole des dix vierges pour être expliqué.

Somme toute, du seul point de vue théologique, le découpage du texte proposé par les philologues n'est pas convaincant. On penserait plutôt à deux textes distincts qu'un copiste a pu placer, pour des raisons d'association de thèmes, l'un à côté de l'autre. Ce problème étant posé, il faut passer à un examen du texte en tant que jeu pour voir, si ce problème trouve, néanmoins, une solution.

3.3. Le jeu latin supposé

Comme la plupart des chercheurs affirment que les strophes latinesl du jeu des
vierges formaient le jeu primitif entier auquel les strophes en langue vulgaire"l
auraient été ajoutées postérieurement (cf. ci-dessus, 1.), cette hypothèse sert

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comme point de départ à l'analyse de la structure du jeu des vierges. Pour ne considérer que le texte latin, j'écarte les refrains qui sont tous en langue vulgaire. De même, Ü faut faire abstraction des rubriques. Car, si le jeu latin a réellement existé, on ne peut pas supposer qu'il y avait des rubriques, encore moins qu'il y avait les mêmes rubriques. — Or, ce jeu primitif aurait englobé les passages suivants:

v. 1-10 : chant initial

v. 28-31.33-36.38-41 : demande d'huile adressée aux vierges sages

v. 4346.48-51 : demande refusée par les vierges sages

v. 5 3-5 6 : plaintes des vierges folles

v. 58-61 : demande d'huile adressée aux marchands

v. 75-78 : plainte des vierges folles

v. 80-82 : demande d'aide adressée à l'époux

v. 83-84 : demande refusée par l'époux

Le premier passage (v. 1-10) ne contient aucun indice qui permettrait de déterminer le récitant. Le destinateur n'est donné que d'une façon implicite par les pronoms a nobis, nos, nostrorum. Comme le destinateur s'associe à la condition humaine marquée par le péché originel, le chant initial ne peut être attribué ni au Christ/Epoux (cf. Raynouard 1817, p. 139; Writght 1838, p. 57; Monmerqué/Michel 1839, p. 3; Tirabassi 1925, p. 258; Tirabassi 1926, p. 40 et 69), ni à l'ange Gabriel (cf. Fauriel 1847, p. 256; Stengel 1879, p. 235; Morf 1898, p. 389, rem. 1; Avalle 1965, p. 68, le mentionne comme un des récitants possibles), ni au chœur des anges (cf. Schwan 1887, p. 469 s). A la limite tout être humain, mais en tout cas n'importe quel croyant peut chanter cette louange du Christ/Sauveur. D'où les solutions toutes pratiques qui sont aussi valables les unes que les autres: Ecclesia (cf. Thomas 1951, p. 174; Henry 1953, p. 251), Sacerdos (cf. Magnin 1846, p. 85; Rauhut 1936, p. 29), Praecentor (cf. Liuzzi 1930, p. 87; Ursprung 1938, p. 82), le clergé avec le peuple (cf. Sepet 1878, p. 113), le chœur des vierges sages et folles (cf. Collins 1972, p. 194 et 324), ou, la proposition la plus fréquente, un chœur non défini (cf. Du Méril 1849, p. 233; Coussemaker 1852, p. 130; Boehmer 1879/80, p. 103; Cloetta 1893, p. 223; Gastoué 1905,p. 379; Lerch 1921, p. 138; Ludwig 1924, p. 140; Thomas 1929, p. 77; Liuzzi 1930, p. 87; Gennrich 1932, p. 148; Young 1933, p. 362; Gérold 1936, p. 240; Rauhut 1936, p. 29; Marichal 1938, p. 34; Heisig 1952, p. 248; Cohen 1955, p. 265).

Le "nous" qui chante, s'adresse à une exception près toujours à soi-même,
se racontant ce que le Christ a fait pour les hommes en général (v. 3-4) et pour
ce "nous" en particulier (v. 5-10). Dans ce cas, le destinateur et le destinataire

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sont identiques. Une seule fois, le "nous" s'adresse à un "vous", cela par l'impératif intercalé: vigilate, virgines (v. 1). Ace moment-là au moins, on ne connaît ni l'identité de ces vierges, ni leur nombre, ni la situation dans laquelleelles se trouvent. Tout ce qu'on peut dire c'est que le "nous" a fait l'expérience de la rédemption et qu'il encourage ces vierges à veiller et à se laisser sauver, étant donné que le Christ veut sauver tous les hommes. Cela ne correspond ni à la parabole biblique ni à l'action présentée dans le jeu des vierges où les vierges sages ne sont pas sauvées d'avance, mais où le Christ/Epoux les sauve à la fin du jeu parce qu'elles sont prêtes au moment décisif qui est donné par l'arrivée du Christ attendu (c'est pourquoi la proposition de Collins de répartir ce passage entre les vierges sages et les vierges folles ne se justifie pas). La situation initiale de l'attente est supposée dans la première demande des vierges folles (v. 2841). Celles-ci ne veulent pas être chassées des portes, lorsque le Christ/Epoux viendra et fera entrer les vierges sages (v. 40-41). Leur recherche d'huile n'est compréhensible que si l'on sait que l'huile qui leur manque est indispensable pour la participation à la fête nuptiale et si toutes les vierges, tant les sages que les folles, attendent encore l'arrivée du Christ/ Epoux.

L'appel vigilate, virgines (v. 1), cependant, n'implique pas nécessairement que les vierges en question attendent le Christ/Epoux. De plus, celui-ci est donné comme présent: Adest sponsus (v. 1). C'est pourquoi le premier passage ne constitue pas une exposition au jeu latin supposé. — Ces vers présentent un hymne qui chante la rédemption. Dans le passé, le Christ a sauvé les hommes (v. 34 et 7-10) et il continue son activité dans le présent (v. 1-2 et 5-6). C'est un hymne qui conviendrait parfaitement à une profession de religieuses. Cela expliquerait non seulement l'expression intercalée vigilate, virgines (v. 1), mais aussi pourquoi le Christ est présenté comme époux (v. 1). On sait que l'image des noces mystiques avec le Christ sert d'allégorie de la profession des religieuses.

La suite des vers latins (v. 28 ss) met en jeu la démarche des vierges folles qui demandent de l'huile aux vierges sages et aux marchands et qui s'adressent finalement au Christ/Epoux sans disposer de l'huile nécessaire, ce qui entraîne leur condamnation. Ces vers suivent donc le déroulement extérieur de la parabole biblique. On y sait toujours qui parle à qui et de quoi. Au heu d'en donner une analyse détaillée, voici un schéma qui résume ce qui en résulte par rapport aux destinateurs et destinataires et par rapport à leurs messages:

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A partir du v. 28, les vers latins sont révélateurs d'une volonté nette de dramatisation et de mise en scène. L'action est constituée par les trois tentatives des vierges folles de participer aux noces malgré leur faute, tentatives qui échouent. Il y a deux plaintes qui se présentent sous forme de courts monologues et qui servent de transition d'une demande à l'autre, tant au niveau verbal qu'au niveau scénique.

Pourtant, ces vers ne présentent pas une unité suffisante pour former un jeu complet. En plus du manque d'exposition, il y a une lacune en ce qui concerne les marchands. Dans le texte latin, les marchands sont les seuls à ne pas parler, bien qu'ils soient impliqués dans le jeu et doivent se trouver sur la scène. La lacune est évidente et reconnue par les chercheurs. On l'a expliquée volontiers par un jeu muet par lequel les marchands auraient exprimé leur refus (cf. Morf 1898, p. 387; Thomas 1951, p. 70 s). Néanmoins, il faut se rendre compte

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que ce jeu muet ne peut être qu'une conséquence tirée de l'hypothèse du jeu latin. Or, tant que ce jeu primitif n'est pas prouvé, le jeu muet n'est pas prouvé non plus. Tout comme le manque d'exposition, la lacune concernant les marchandsinfirme l'hypothèse que l'ensemble des strophes latines formaient tout un jeu.

La fin du jeu latin supposé est surprenante, moins par sa brièveté (v. 83-84 seulement) que par le fait que le Christ, tout en ne voulant pas reconnaître les vierges folles à cause de leur faute (v. 83), ne dit mot quant à la conséquence ou la punition que leur faute va entraîner. L'apostrophe aux vierges folles passe subitement à une constatation générale: Quod qui perdunt, procul pergunt, huius aule lumine (v. 84). Cette structure finale se trouvant déjà dans la parabole biblique (cf. Mt. 25,12), une telle fin ne serait pas tout à fait impossible. Mais puisque les passages précédents ont beaucoup insisté sur la faute des vierges folles (v. 29, 51, 54-56, 61), il est quand même bizarre que la réaction du Christ ne soit pas concrétisée davantage.

Par le développement des dialogues, qui suivent le schéma demande-refus, et par l'insertion des plaintes, l'action du jeu supposé reçoit déjà une forme dramatique, si simple qu'elle soit encore. Cependant, c'est surtout la modification du motif biblique qui rend possible une certaine tension dramatique. Non seulement les vierges folles ne sont pas prêtes au moment décisif, mais elles manquent d'huile par leur propre négligence (cf. ci-dessus 3.1.). Par ce changement, le sommeil des vierges est devenu négligeable. Mais — et cela est beaucoup plus intéressant — à la suite de cette modification les marchands deviennent importants. Dans la parabole biblique, les vierges folles avaient encore une chance réelle d'améliorer leur situation au moment où elles demandaient de l'huile à leurs compagnes. Mais leur demande ayant été refusée, l'échec était inévitable. Si elles allaient ou non chez les marchands, cela ne changeait plus rien. Dans le jeu, par contre, elles ont encore une chance réelle d'obtenir le secours nécessaire, quand elles s'adressent aux marchands. Puisqu'il y a encore la possibilité d'une amélioration, une tension dramatique est introduite. C'est seulement après le refus de la part des marchands que l'échec définitif des vierges folles est à prévoir. De ce point de vue, la lacune du texte latin est encore plus surprenante, car la réponse des marchands est le pivot à partir duquel la possibilité d'une amélioration cesse et où l'échec devient inévitable. Que ce moment important ait été représenté par un jeu muet, est assez invraisemblable.

Les difficultés que soulève l'hypothèse du jeu latin primitif sont trop grandes
pour qu'on puisse encore la soutenir.

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3.4. Rapports des strophes en langue vulgaire avec les strophes latines

Le premier passage en langue vulgaire, à savoir l'exhortation de l'ange Gabriel (v. 11-27) aux vierges (tant folles que sages), contient tous les éléments nécessaires d'une exposition. Gabriel se présente comme le messager du Christ/Epoux (v. 25). Il annonce aux vierges (v. 11) qui attendent un époux (v. 13) l'arrivée prochaine de celui-ci (v. 26) et leur explique sa fonction comme Christ Sauveur (v. 15-24; cf. ci-dessus 3.2.). En particulier, ce sont les péchés des vierges ellesmêmes qui ont provoqué l'arrivée du Sauveur (v. 16). Dès lors, tous les personnages du jeu, sauf les marchands, sont introduits dans ce passage.

Le temps et le lieu de la représentation sont également indiqués: maintenant
(v. 15: hor') et ici (v. 25 : aìri; v. 26: praici).

Ce qui est particulièrement important, c'est que l'action du jeu est préparée. L'intervention de Gabriel marque la fin du temps de l'attente. Les vierges doivent se préparer à accueillir l'époux qui va arriver bientôt. Les premiers vers latins (v. 28 ss) contiendront le prochain élément de l'action: à cause du manque d'huile, les vierges folles sont obligées d'en demander à leurs sœurs.

Le refrain Gaire no'i dormet met en évidence la répartition strophique de ce passage. On notera, cependant, que cette répartition strophique — qui n'est pas régulière, la strophe Aisel espos (v. 15 ss) englobant quatre décasyllabes au lieu de trois — ne se conforme pas à la structure du message de Gabriel. Si on fait abstraction du refrain, le passage en question se construit de la façon suivante:

v. 11-12 : apostrophe aux vierges préparant l'action

v. 13 : présentation du destinataire

v. 15 : vers de transition / indication du temps

v. 16-18,20-22,24 : description du rôle rédempteur du Christ

v. 25a : présentation du destinateur

v. 25b : hémistiche de transition / indication du lieu

v. 26 : apostrophe aux vierges préparant l'action

On voit facilement que cette construction ne suit pas un schéma strophique.
Une certaine répartition est donnée par les rimes:

v. 11-13 : -um/-om 3 vers

v. 15-18,20-22 : -et 7 vers

v. 24-26 : -i 3 vers

Le refrain Gaire no'i dormet introduit une notion complémentaire à la situation
de base qui est l'attente. C'est seulement dans le refrain que l'appel à ne pas
dormir intervient. Contrairement à la parabole biblique, le passage Oiet, virgines

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(v. 11-27) ne semble pas supposer le sommeil des vierges. Les strophes insistent uniquement sur le fait qu'elles attendent l'époux, et le refrain ne contient que l'avertissement: "Ne dormez pas!", ce qui n'implique pas nécessairement que les vierges dorment ou aient dormi. Cette donnée devient significative, si on la compare avec la suite du jeu où seul le manque d'huile, et non pas le sommeil, est le moteur de l'action et où le thème du sommeil se retrouve seulement dans le refrain, attribué toujours aux seules vierges folles: Dolentas, chaitivas, trop i avem dormit (pour l'attribution aux seules vierges folles, cf. ci-dessus 2.1., remarque concernant v. 14; pour l'interprétation de la coexistencedes deux motifs, à savoir le gaspillage d'huile et le sommeil, cf. ci-après 3.5.2.).

On peut se demander si le refrain Gaire no'i dormet n'a pas été inséré dans une unité préexistante de 13 vers. Dans ce contexte, il faut se rendre compte que le refrain répond surtout à un besoin musical. Or, au plan musical ce refrain ne pose aucun problème. La composition de la mélodie (thème B) est même faite en vue des particularités strophiques et métriques. (Quant aux données musicales, le caractère traditionnel du thème A englobant les v. 1-10, les formes nouvelles des thèmes B, C et D, cf. Monterosso 1965, p. 83-130, spécialement p. 117 s.) Dès lors l'auteur de la musique est susceptible d'avoir introduit le refrain. Cela expliquerait pourquoi le refrain ne s'harmonise pas entièrement avec la structure du texte et pourquoi la notion du sommeil se retrouve seulement dans le refrain, sans avoir d'importance pour le reste du jeu.

La même réflexion s'impose pour le refrain Dolentas, chaitivas, trop i avem dormit. Il y a lieu de constater que les correspondances entre les textes littéraire et musical sont révélatrices du travail consciencieux et du compositeur et du copiste. Car, comme ce refrain suit les strophes des vierges folles (thème C) de même que celles des vierges sages (thème D), le compositeur change l'incipit suivant le thème qui précède. Le copiste ne transcrit la mélodie du refrain que la première fois. Ensuite il abrège le texte et la mélodie en écrivant D ou Dol ou Dole ou Dolentas et en indiquant toutes les notes différentes jusqu'à la première note où la mélodie normale du refrain peut être poursuivie.

L'élément en langue vulgaire suivant est la strophe De nostr'oli (v. 63-66) qui répète la réplique latine des vierges sages contenue dans les v. 43-46,48-51. Leur refus en langue vulgaire intervenant seulement après la demande que les vierges folles adressent aux marchands (v. 60-61), la place de la strophe De nostr'oli semble être due à une confusion. Au niveau de l'action, elle présente évidemment un pas en arrière. C'est pourquoi Wilhelm Cloetta (1893, p. 227) a proposé d'insérer cette strophe directement après la réponse latine des vierges sages, donc après le v. 52. La même proposition sera faite par Koschwitz (1902,

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p. 54), Rauhut (1936, p. 32), Collins (1972, p. 325). Lucien-Paul Thomas (1951, p. 182 ss), remaniant le texte et supposant la perte d'un quatrième vers, l'attribue d'une part aux vierges folles et d'autre part aux vierges sages. Selon Heinrich Morf (1898, p. 389 s), cette strophe est un "bloc erratique" qu'un copiste maladroit aurait placé par erreur après les strophes des vierges folles (v. 53-62) et qui, dans les éditions, devrait être mise entre parenthèses.

Cependant, si l'on regarde aussi le texte musical tel qu'il est conservé dans le manuscrit, on voit que la composition musicale de la strophe et du refrain s'adapte à l'irrégularité strophique et que la strophe s'insère sans problème dans le déroulement des thèmes musicaux. C'est le thème D (caractéristique des vierges sages) qui intervient dans cette strophe et qui garantit une alternance assez régulière:

v. 2842: vierges folles thème C

v. 43-52: vierges sages thème D

v. 53-62: vierges folles thème C

v. 63-66: vierges sages thème D

v. 67-74: marchands thème C (sans le refrain)

v. 75-79: vierges folles thème C

Sans la présence du thème D à la place en question, il y aurait une structure
musicale qui manquerait d'originalité, parce que les vierges folles et les marchands
se servent du même thème musical.

Vu que, sur le plan de l'action, la strophe présente un pas en arrière, mais qu'elle se justifie au niveau de la composition musicale, c'est l'auteur de la musique qui est encore une fois susceptible d'avoir inséré cette strophe à sa place actuelle. Qu'elle ait occupé une autre place ou qu'elle ait été inventée par le compositeur, elle révèle de toutes manières un remaniement postérieur.

Les strophes des marchands (v. 67-74) s'insèrent parfaitement dans le texte latin environnant. C'est pourquoi rien ne permet de conclure à un ajout postérieur. Les marchands ont déjà été annoncés dans les passages précédents. Car les vierges sages ont renvoyé les vierges folles chez les vendeurs d'huile (v. 48-51; répété aux v. 63-65). Les v. 60-61 supposent que les vierges folles se trouvent en face des marchands et leur demandent de l'huile. La réponse des marchands est donc la suite logique des passages précédents. Leur refus justifie la plainte des vierges folles (v. 75-78). De plus, ils annoncent l'arrivée toute proche de l'époux dans la scène finale (v. 80-87). De ce point de vue, ils assument une fonction analogue à celle de l'ange Gabriel qui déclenche l'action par l'annonce de l'arrivée du Christ/Epoux (v. 26). L'annonce des marchands intervient au moment où l'échec des vierges folles devient inévitable et où la phase finale du jeu commence.

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Le dernier élément en langue vulgaire contient la sentence que le Christ prononce condamnant les vierges folles (v. 85-87). Si l'on considère les strophes du Christ (v. 83-87) comme un ensemble contenant un jugement, on constate que les deux strophes présentent les deux éléments constitutifs du jugement, à savoir les considérants et la sentence. La strophe latine (v. 83-84) contient les considérants: le Christ ne (re)connaît pas les vierges folles, parce qu'elles manquent de lumière; sans lumière personne ne peut entrer dans la salle de fête qui doit être illuminée par les lumières des participants. Dans la strophe en langue vulgaire (v. 85-87) le Christ prononce la sentence: vous êtes condamnées aux peines éternelles, c'est pourquoi on va vous conduire en enfer.

Dès lors, les deux strophes sont complémentaires et forment une unité. Eduard Schwan (1887, p. 472) et Paul Zumthor (1960, p. 327) sont seuls à relever une certaine unité structurelle dans ces deux strophes. Cette fin donne, en plus, une réponse concrète à la faute concrète des vierges folles d'avoir gaspillé l'huile — faute qui, en tant que motif principal de l'action, est mise en évidence à plusieurs reprises dans les strophes latines et qui demande à être mise en évidence aussi en ce qui concerne les conséquences. Il s'ensuit que rien dans la strophe Alet, chaitivas (v. 85-87) n'indique qu'elle a été ajoutée plus tard.

3.5. Proposition nouvelle

L'analyse du jeu des vierges aboutit à deux conclusions principales:

— Les v. 1-10 forment une poésie religieuse à part. Bien que ce passage parle aussi du Christ/Epoux qui est venu libérer les hommes et bien qu'il contienne aussi une apostrophe à quelques vierges, on a du mal à y voir une partie intégrante du jeu des vierges. Car la conception théologique paulinienne qu'on trouve dans ce passage n'influence point les vers suivants. Ces vers supposent que le récitant a déjà fait l'expérience de la rédemption, ce qui, dans le jeu, n'est possible qu'à la fin. Ni le récitant ni le destinataire de ce passage ne sont identiques à des personnages du jeu. En plus, la mélodie et la versification de YAdest sponsus font penser à un texte plus ancien que le jeu des vierges. Guy de Poerck (1969 [2], p. 229 s) a déjà proposé de considérer YAdest sponsus comme "versus" à part. Il a tiré cette conclusion d'une part du fait que le récitant n'est pas explicitable et d'autre part de l'état musical traditionnel (se basant sur Monterosso 1965, p. 117 ss). Le présent travail a pu compléter ses considérations. Dans ce contexte, il est curieux de voir que Karl Bartsch (1887, col. 13-16) a publié une édition du jeu des vierges quine contient pas les dix vers de YAdest sponsus. Cependant, il n'a pas donné de raisons pour justifier son choix.

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— Aussi est-il raisonnable de proposer un nouveau découpage du texte et de considérer comme jeu des vierges tout ce qui se trouve entre la rubrique PRVDENTES (f° 53 v° 1. 7) et la didascalie MODO VENIANT DEMONES ET PRECIPITENTVR IN INFERNVM (f° 55 v° 1. 7), à savoir le texte qui commence par Oiet, virgines3. Les v. 11-87 forment un jeu entier. A l'intérieur de ce jeu, les refrains et la strophe De nostr'oli révèlent un remaniement. Ces éléments permettent de distinguer un jeu primitif et un jeu élargi. Quant à la mélodie, il faut souligner qu'elle a été faite en vue du texte que nous possédons (= jeu élargi). Les refrains et la strophe De nostr'oli ont été ajoutés au jeu primitif probablement en même temps que la mélodie. Cette prise de position précise ce qui a été dit ci-dessus 3.4. Cette précision se justifie par ce qui résultera de l'examen de l'ensemble du jeu.

3.5.1. Le jeu primitif

Le jeu primitif, tel qu'il est conçu ici, est un jeu bilingue et a dû englober les
parties suivantes:

— exposition par Gabriel : v. 11-13,15-18,20-22,24-26

— lère demande des vierges folles :v. 28-31,33-36, 38-41

— demande refusée par les vierges sages: v. 43-46,48-51

— transition (plainte, aveu, espoir) : v. 53-56, 58-59

—2e demande des vierges folles : v. 60-61

— demande refusée par les marchands : v. 67-74

— transition (plainte, désespoir) : v. 75-78

—3e demande des vierges folles : v. 80-82

— condamnation par le Christ/Epoux :v. 83-87

Le. déroulement extérieur de l'action de ce jeu supposé est très simple. Après une exposition de la situation initiale, faite par Gabriel, il y a une suite de trois demandes successives qui finissent chaque fois par un échec. Le dernier échec, résultant du jugement, sera définitif. Cependant, il faut y distinguer deux trames qui sont animées parle même thème de l'arrivée du Christ/Epoux.

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La trame formée par la recherche d'huile de la part des vierges folles est relativement bien développée. Car elle est mise en évidence par les trois demandes, qui présentent des tentatives d'améliorer la situation, et par les trois échecs. Tandis qu'au moment des première et deuxième demandes les vierges folles ont encore une chance réelle d'obtenir du secours, la troisième demande se fait, bien que les vierges folles se rendent compte que leur faute est irréparable. La divergence entre les trois tentatives d'amélioration et la dégradation continuelle donnée par la suite des trois échecs crée une tension dramatique.

La trame des vierges sages est peu développée. Elle est mise en évidence, lorsque celles-ci refusent de donner de l'huile aux vierges folles (v. 4346,48-51). Puis, elle est signalée par les marchands qui renvoient les vierges folles chez leurs sœurs (v. 71-73). Enfin, dans la dernière demande des vierges folles (v. 80-82), vierges sages sont censées être accueillies par le Christ/Epoux. Bien qu'elles ne parlent que pour refuser la demande des vierges folles et pour les envoyer chez les marchands, les vierges sages sont donc présentes sur la scène et leur trame finit par un succès, annoncé déjà lors de la première demande des vierges folles: cum vos sponsus vocet in sedibus (v. 41). La fin de cette trame-ci se trouve en opposition avec celle des vierges folles. Parce que les vierges sages atteignent leur but, tandis que les vierges folles le ratent, la tension dramatique est encore renforcée.

Stephen G. Nichols (1962, p. 69) aborde le problème de la tension dramatiqueen se servant des notions opposées de "la présence (spirituelle) et l'absence (physique) de l'époux lui-même", ce qui résulte du fait que l'époux est annoncé dès le début (présence spirituelle), mais que son arrivée se réalise seulement à la fin du jeu. Cette disposition dramatique permet le développement du sort des vierges folles ainsi que celui des vierges sages. — Quant à la deuxième tension

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dramatique relevée par Nichols, "la tension entre la temporalité et l'extratemporalitéde l'ambiance où le drame se passe", celle-ci se base sur le caractèredifférent de YAdest sponsus et du jeu lui-même et ne vise pas seulement l'arrivée du Christ/Epoux sur la scène, mais aussi l'arrivée du Christ dans la vie des croyants, arrivée qui est attendue et qui pourrait se réaliser à tout instant.Il est évident que le nouveau découpage du texte modifie ce propos de Nichols. Ce qui est exact, c'est que la notion du temps dépasse le temps présent du jeu et englobe, au niveau des connotations à faire par le spectateur, tout le temps qui s'écoule entre le premier et le dernier avènement du Christ. Ce procédé joue indépendamment et pour YAdest sponsus et pour le jeu des vierges.

Les deux trames du jeu des vierges sont complémentaires et constituent l'action de ce jeu. Les différents épisodes de cette action sont enchaînés, d'une part, par la répétition de la faute des vierges folles qui manquent d'huile par leur propre négligence (v. 29, 51,5455, 61, 83) et, d'autre part, par le système de renvoi aux personnages. Par ce système les personnages des épisodes suivants sont tous annoncés au moins une fois (+). Il y a même un cas les marchands conseillent aux vierges folles de reprendre leur tentative précédente et de s'adresser de nouveau aux vierges sages (—). Voici le schéma qui indique la suite des épisodes et les renvois:


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Démons est mis entre parenthèses, parce qu'ils ne sont nommés explicitement que dans la didascalie finale qui, en principe, ne peut pas être utilisée pour l'analyse de ce premier stade du jeu bilingue. Cependant, le dernier vers En efern ora seret meneias se réfère à l'exécution réelle de la sentence. Il n'y a personne qui puisse emmener les vierges folles en enfer, sinon les diables ou démons eux-mêmes.

Le premier stade du jeu bilingue supposé révèle une unité remarquable en ce qui concerne la suite et l'enchaînement des épisodes. Cette unité est encore soulignée par le côté métrique. Car tant les vers latins que ceux en langue vulgaire sont des décasyllabes, à l'exception des v. 83-84 où intervient le septénaire trochaïque. Les rimes donnent une certaine répartition de cette masse textuelle:

exposition : 3x -um, 7x -et, 3x-i

l^re et 2e demandes : 4x -imus, 4x -eris, 4x -ibus, 4x -ius
2x -iter, 2x -/&«s, 4x -imus, 2x -zms
2 x-imus, 4x-er, 4 x -es, 4 x-imus

3e demande : 3x -imus, 2x lumine, 3x -eas

La suite des rimes révèle une structure analogue quant à l'exposition et à la clôture du jeu, parce que chaque partie commence et finit par trois vers monorimes. Dans la partie qui contient les première et deuxième demandes, les rimes ont tendance à regrouper les vers par quatre. L'unité de quatre vers monorimes est subdivisée seulement deux fois par la présence de deux rimes différentes. La deuxième fois, le changement de rime correspond à deux situations scéniques différentes, car les v. 58-59 appartiennent encore au monologue des vierges folles (v. 53 ss), tandis que v. 60-61 impliquent une apostrophe aux marchands. Dès lors, aucune partie du jeu primitif supposé ne suit un système strophique strict.

Si l'on examine la répartition des langues selon les personnages, les vierges folles et les vierges sages ne parlent qu'en latin, tandis que Gabriel et les marchandsne s'expriment qu'en langue vulgaire. Seul le Christ/Epoux se sert des deux langues. Donc, les personnages dont l'exemple est respectivement à suivre (vierges sages) et à éviter (vierges folles), sont caractérisés par le latin. Les personnagesqui en eux-mêmes n'ont pas un intérêt didactique particulier pour le lecteur/spectateur, mais qui sont introduits dans le jeu pour des raisons de dramatisation, sont marqués par la langue vulgaire. Le Christ/Epoux, qui est annoncé explicitement par Gabriel et par les marchands et dont l'arrivée a une première importance pour les deux groupes de vierges, réunit les deux langues. L'emploi artistique de ces deux langues a pour effet que l'exposition

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(Gabriel), le moment où la possibilité d'amélioration tourne en échec inévitable (scène des marchands) et la fin (condamnation par le Christ) sont présentés en langue vulgaire. Ces trois éléments étant tout aussi fondamentaux pour la construction du jeu que la mise en évidence du cheminement et du sort différent des deux groupes de vierges, les deux langues sont employées comme ayant une valeur équivalente. A ce stade, le jeu suppose que le lecteur/spectateurcomprenne le latin.

En admettant un premier jeu bilingue, on se trouve donc face à un jeu d'une unité claire en ce qui concerne l'élaboration de l'action et des aspects formels tels la versification et l'emploi des langues. Il s'agit d'un jeu qui appartient au genre dramatique, parce qu'il "met en scène une histoire avec un début, un déroulement et une fin" (Dahan 1972, p. 187), c'est-à-dire qu'il y a une exposition (faite par Gabriel), deux péripéties (demandes aux vierges sages et aux marchands, avec échec) et un dénouement (demande au Christ et condamnation).

3.5.2. Le jeu élargi

Ce jeu bilingue primitif a été, selon les résultats de l'analyse précédente, élargi par une réponse des vierges sages en langue vulgaire (v. 63 ss), par les refrains et par un texte musical. Ce remaniement transforme à plusieurs égards le jeu primitif.

— Les vierges sages et les vierges folles s'expriment aussi en langue vulgaire,
comme tous les autres personnages. Par ce fait, le système équilibré du stade
précédent quant à l'emploi des langues est bouleversé.

— La réponse des vierges sages en langue vulgaire présente une pure répétition
de leur réplique latine (v. 4346, 48-51). Cette répétition est insérée trop tard
en ce qui concerne le déroulement de l'action.

— Le refrain Dolentas contient l'aveu d'une faute qui diffère de celle avouée
dans le jeu primitif. Mais elle répond au refrain Gaire attribué à Gabriel.

— Le refrain Gaire répartit l'exposition de Gabriel (v. 11-27) en strophes qui sont régulières à une exception près, mais quine suivent pas exactement la structure de ce passage. Le refrain Dolentas établit pour les première et deuxième demandes (v. 28-79) un système strophique régulier de quatre vers qui n'est brisé que par la réponse des vierges sages en langue vulgaire (trois vers), mais qui suit le regroupement des vers préétabli par les rimes. Ce dernier refrain n'est inséré qu'après les strophes des vierges sages et des vierges folles.

— La musique garantit l'unité de ce nouveau texte, au moins en ce qui concerne
l'exposition et les première et deuxième demandes. Quant à la partie finale

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(troisième demande) la mélodie manque. On ne sait pas si le copiste l'avait
ou non à sa disposition, et si l'auteur aurait ou non repris les thèmes musicaux
précédents.

L'auteur de la musique est susceptible d'avoir introduit les refrains et les v. 63-65 à leurs places actuelles, parce que ces insertions se justifient parfaitement du point de vue musical. Il est possible qu'il soit aussi l'auteur des textes littéraires respectifs. Cela est assez vraisemblable en ce qui concerne les refrains. Quant aux v. 63-65, ceux-ci ne s'opposent pas à cette possibilité, pourtant il ne la favorisent pas non plus.

Puisque dans l'état du jeu tel qu'il se présente dans le manuscrit, tous les personnages s'expriment au moins partiellement en langue vulgaire, il est probable que le remanieur a voulu rendre le jeu plus compréhensible à un public qui ne parlait plus le latin. Il est significatif que l'élargissement concerne surtout les vierges folles et les vierges sages qui, dans le premier stade, parlaient seulement en latin. Tant le refrain Dolentas que la réplique De nostr'oli éclaircissent en peu de mots le cheminement des deux groupes de vierges. Cependant, tandis que De nostr'oli est une répétition fidèle de la réponse latine des vierges sages qui sont en possession d'huile et ne veulent pas la partager, le refrain Dolentas (lié au premier refrain Gaire) ne rend pas seulement la situation pénible des vierges folles qui sont à la recherche d'huile, mais il introduit une nouvelle notion quant à la faute des vierges folles: elles ont trop dormi. Si le sommeil des seules vierges folles est mis en évidence, c'est que cette notion relève d'une interprétation allégorique de la parabole des dix vierges autre que celle qui insiste sur le manque d'huile.

Ce remaniement n'est donc pas seulement dû au désir d'être mieux compris d'un public qui ne parle plus le latin, mais aussi à une vision quelque peu différente de la parabole biblique. Pourtant, la notion du sommeil apportée par le remanieur n'est pas incompatible avec l'interprétation de la parabole telle que la donne le jeu primitif. Car le manque d'huile et le sommeil évoquent tous deux un état dépourvu de grâce, un état qui empêche que le Christ puisse accueillir les vierges folles. Dès lors, en juxtaposant deux aveux de la faute différents, le remanieur n'a pas mal compris le jeu primitif, mais il a seulement exploité deux possibilités que lui offraient les interprétations allégoriques de la parabole des dix vierges (voir aussi la coexistence de ces deux motifs dans l'iconographie, ci-dessus 3.1.).

Somme toute, ce remaniement peut être assez facilement constaté comme
tel; car les refrains, tout en étant insérés dans une masse textuelle préexistante,ne
sont pas intégrés dans le déroulement du jeu primitif, et la strophe

Side 279

De nostr'oli est, du point de vue de l'action, mal située. Mais c'est la mélodie
qui établit un lien fondamental entre le jeu primitif et les parties ajoutées.

Dans le manuscrit, le jeu en question est introduit par la rubrique PRVDENTES (f° 53 v° 1. 7). Si l'on admet le découpage du texte proposé ci-dessus, cette rubrique présente une sorte de "titre" du jeu. Ce "titre" ne se référant qu'au groupe des vierges sages, il accentue ce groupe. Cela contraste avec le fait que la trame des vierges folles est beaucoup plus élaborée que celle des vierges sages. Cependant, au niveau de la représentation, la part des vierges sages est sûrement plus importante que la répartition proportionnelle du texte entre les deux groupes ne le suggère. Car c'est le groupe des vierges sages qui, à la fin du jeu, sera accueilli par le Christ/Epoux. Comme ce jeu a, de par son contenu religieux même, un but didactique, ce n'est pas seulement l'exemple à éviter (vierges folles) qui importe, mais aussi l'exemple à suivre (vierges sages).

Alfons Beck

Appenzell, Suisse

Remarque 1, page 264

Dans les parties latines, l'on trouve deux sortes de vers. V. 1-10 et 83-84 constituent six distiques, formé chacun de deux septénaires trochaïques (4p+4p+7pp), un vers qui a connu un très grand succès dans la poésie médiolatine et qui était bien traditionnel à l'époque de la naissance du jeu des vierges (cf. Avalle 1965, p. 46; De Alessi 1971, p. 17 s). - Les autres 35 vers latins sont des décasyllabes avec une césure après la 4e syllabe (exception v. 30). Ils forment 8 quatrains et une unité de 3 vers (v. 80-82). Mais ces derniers vers ne demandent pas nécessairement à être complétés par un 4e vers qui manquerait. D'une part, toute la partie finale (v. 80-87) ne suit pas le schéma strophique du quatrain; d'autre part, à encroire la constatation de Giorgio De Alessi concernant la présence du quatrain dans la partie ancienne du manuscrit B.N. lat. 1139, le quatrain n'est pas nécessairement la norme pour la répartition des décasyllabes latins, même pas à l'intérieur d'un ensemble (cf. De Alessi 1971, p. 29 s). Vu que le décasyllabe latin a connu une grande diffusion dès la fin du Xle siècle (cf. De Alessi, p. 28; Avalle 1963, p. 37 ss; Avalle 1979, p. 62 ss) et vu que le jeu des vierges est contenu dans un manuscrit de la fin du Xle siècle, ce jeu est un exemple qui se situe au début de la phase de pande popularité du décasyllabe latin.

Remarque 2, page 264

A part les refrains dont l'un a 5 et l'autre 12 syllabes, les vers en langue vulgaire sont des décasyllabes du type 4+6. Pour les particularités (césures lyriques et épiques; hypo- et hypermètres), cf. Avalle 1965, p. 46 s. Cette série de décasyllabes se regroupe en 3 quatTains et 5 tercets. - Quant au domaine d'oïl, le décasyllabe est connu dès environ 1050 par la Chanson de Saint Alexis (cf. Elweit 1970, § 161, Avalle 1963, p. 27). Commençant par

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la Chanson de Roland, il sera le vers épique par excellence durant les XIIe et XIIIe siècles (cf. Lote 1951, p. 57). Les décasyllabes en langue vulgaire se situent donc aussi, tout comme les vers latins correspondants, au début d'une époque où ce type de vers devient très populaire.Ce qu'il y a de particulier dans ce jeu, c'est que ces décasyllabes en latin et en langue vulgaire sont réunis dans une même œuvre. Si, à l'origine, le décasyllabe français semble être une imitation du schéma métrique (4+6) du décasyllabe latin médiéval, ils se trouvent ici ensemble l'un à côté de l'autre, traités comme identiques par la musique, car deux thèmes musicaux sont appliqués indistinctement tant aux strophes en langue vulgaire qu'aux strophes en latin.

Remarque 3, page 273

Ce nouveau découpage étant proposé, il met dans une autre lumière la proposition de Jacques Chailley (1952, p. 154 s) de considérer le "Sponsus" comme un prologue au jeu des prophètes du même manuscrit (f° 55 v° 1. 8 - f° 58 r° 1. 4). Un auteur d'un talent supérieur aurait ajouté ce prologue à la tête du jeu des prophètes déjà existant. Suivant Chailley, cet ensemble a sa place liturgique le jour de Noël même. Mais comme il tire cette conclusion d'une comparaison des formes métriques et musicales des dix vers de YAdest sponsus et de la partie initiale du jeu des prophètes, Omnes gentes (cf. aussi Chailley 1960, p. 373 s), rien ne s'ensuit pour le jeu des vierges tel qu'il est compris dans le travail présent. Que le jeu des prophètes présente, par rapport au jeu des vierges, un état traditionnel, cela est reconnu par Chailley en ce qui concerne la composition musicale, et par Spanke (1931, p. 394) et De Alessi (1971, p. 18) en ce qui concerne la versification.

Résumé

Le jeu des vierges, appelé le plus souvent "Sponsus", est contenu dans un manuscrit qui date de l'extrême fin du Xle siècle (partie ancienne du ms. Paris B.N. lat. 1139). La confrontation du texte avec ses sources (parabole biblique, pensée théologique médiévale) et l'analyse du jeu amènent à considérer les v. 1-10 comme un "versus" à part, car cette partie se distingue de la suite en ce qui concerne la conception théologique, la disposition dramatique, la versification et la mélodie. La théologie adoptée dans les v. 1-10 est très paulinienne et n'influence point la suite (v. 11-87), qui est révélatrice de deux interprétations allégoriques de la parabole biblique des dix vierges (Mt 25,1-13). Cette donnée théologique permet de discerner deux stades du jeu. Le premier stade (lui-même déjà bilingue) a dû englober, à partir du v. 11, tout le texte transmis sauf les refrains et une seule strophe (v. 63-66). Ces éléments-ci ont été ajoutés au jeu primitif probablement en même temps que la mélodie, qui a sûrement été composée en vue du texte que nous possédons (jeu élargi). Il s'agit d'un jeu bref et simple, mais qui révèle une volonté nette de dramatisation et de mise en scène.

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