Revue Romane, Bind 19 (1984) 1

A propos de l'adjectif en -ant, dit "verbal"l

par

Odile Halmøy

1. Les grammairiens rangent traditionnellement les trois formes en -ant du français - gérondif, participe présent et adjectif verbal — dans un même chapitre, sous l'étiquette "formes verbales en -anf\ Or, si participe présent et gérondif sont bien des formes verbales, il me semble que l'adjectif en -ant est un adjectif pur et simple. Pour ce qui est du gérondif, je renvoie à ma thèse (Halmoy, 1982). En ce qui concerne le participe présent et l'adjectif verbal, je voudrais essayer de démontrer, par un choix de critères, que ce sont deux classes de mots différents, l'un, le participe présent, étant une forme verbale, appartenant à la flexion du verbe, au même titre que le futur ou l'infinitif, l'autre, l'adjectif dit "verbal", étant une forme (souvent mais pas nécessairement) dérivée du verbe. La différence participe présent/adjectif verbal est une différence flexion/dérivation2.

Cet article est une sorte de plaidoyer: il serait bon qu'on cesse de traiter ces formes ensemble, et qu'on reconnaisse que l'adjectif dit verbal n'a de verbal que sa racine — et encore —, et que d'un point de vue synchronique,il se comporte comme les autres adjectifs et ne doit pas être étudié au chapitre des formes verbales.

Cela peut sembler une broutille, un point de détail tout à fait inintéressant
que d'argumenter pour une place différente de l'étude de cette forme dans les



1: Je remercie M. Herslund et H. Gettrup de leurs commentaires constructifs dont j'ai pu faire profiter cette petite étude.

2: Avec tout ce que cela implique de différence sémantique: deux formes fléchies d'une même racine véhiculent toujours le sens de leur racine (le sens d'un pluriel est prévisible à partir du singulier, etc.), alors que le rapport sémantique entre deux formes dérivées d'une même racine est plus irrégulier, souvent imprévisible et aléatoire. Un bouquiniste, par exemple, est quelqu'un qui vend des bouquins, et de plus, à Paris, sur les quais de la Seine, et non quelqu'un qui écrit des bouquins, en fait collection ou les mange, alors qu'un journaliste, dérivé de journal comme bouquiniste est dérivé de bouquin, avec le même suffixe -iste, est quelqu'un qui écrit dans les journaux, mais il ne vend pas les journaux, pas plus qu'il n'en fait collection ou les mange. Voir aussi ci-dessous en 2.4.

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grammaires: quelle importance, pourrait-on dire, que l'on étudie telle forme à tel endroit ou à tel autre, du moment qu'on dit des choses justes à son sujet. Mais c'est là justement le problème: une fois qu'on a rangé cet adjectif parmi les formes verbales, on se donne beaucoup de mal pour expliquer en quoi et commentcet adjectif ne fonctionne pas comme un verbe. Cela donne lieu à des développements embrouillés, qui ajoutent à la confusion, et sont la source de nombreuses erreurs, pour les étrangers du moins, qui ont bien du mal à comprendreen quoi consiste la différence entre ces deux formes. Je voudrais en donner des exemples, pour mettre le doigt sur la difficulté. Si l'on demande à nos étudiants de trouver l'adjectif correspondant à un verbe, sur le modèle 'un paysage qui charme' -* 'un paysage charmant', on obtient des réponses surprenantes,du

un site qui enchante -> un site *enchantant
un calme qui trompe -* un calme * trompant
un siège qui s'incline -> un siège * inclinant

pour enchanteur, trompeur et inclinable respectivement.

On trouve aussi dans les traductions des tournures fautives qui indiquent que les étudiants s'imaginent pouvoir former un adjectif en -ant sur n'importe quelle racine verbale. Comment en serait-il autrement d'ailleurs, tant que les grammaires laissent entendre que participe présent et adjectif verbal sont une seule et même forme qui s'accorde ou non selon les contextes? Non seulement la présentation des grammaires est maladroite ou même carrément fautive, mais les exemples donnés pour illustrer la différence d'emploi entre les deux formes sont si mal choisis et si peu naturels qu'ils ne sont pas très éclairants. On relève ainsi cette phrase dans Bay lon et Fabre (1973), p. 148:

Lisant un livre amusant, il se proposa de sortir pour acheter un livre amusant beaucoup
les enfants

Pour d'autres perles du même genre, on peut se reporter à la thèse de B. Moorgat
(1978), pp. 10 et 11, où l'auteur dénonce ce même problème auquel elle s'est
heurtée dans son enseignement du français au étrangers.

1.1 La grande erreur de bon nombre de développements des grammaires est donc de laisser entendre que l'on peut former un adjectif en -ant sur toute racine verbale. Je me hâte de préciser que je ne suis pas la seule à avoir réagi devant ce traitement malheureux et pédagogiquement dangereux de cette forme. A. J. Henrichsen s'est déjà élevé contre cette aberration des grammaires dans un article de Revue Romane (1967):

Examinons d'abord le prétendu adjectif verbal. Ce terme est à rejeter, étant donné qu'il
s'agit d'un adjectif authentique, n'ayant pas de caractère verbal. Diachroniquement, il a

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des rapports avec le verbe: la plupart des adjectifs dérivent de verbes. (...) Le terme
adjectif déverbal serait donc acceptable, du point de vue diachronique comme de celui
synchronique (p. 97).

Henrichsen mentionne par ailleurs d'autres grammairiens comme Damourette
et Pichón, ou Gougenheim, qui ont aussi dénonce' cette erreur de présentation:

... l'adjectif verbal ... dépourvu de valeur verbale et incapable en particulier de recevoir
un objet s'est complètement assimilé aux adjectifs qualificatifs. (Gougenheim, Système
grammatical de la langue française, p. 93.)

Henrichsen résume le problème en disant: "Si le chapitre relatif à l'adjectif verbal est peu satisfaisant dans la plupart des grammaires, c'est que les grammairiens, tout en se rendant compte qu'ils ont affaire à un adjectif, expliquent certains aspects de son emploi comme s'il s'agissait d'une forme verbale" (p. 98).

C'est bien le cas par exemple du Bon Usage de Grevisse, dont la présentation de l'adjectif verbal, dans la dernière édition de 1980, n'a pas changé par rapport à l'édition de 1964, par exemple. On lit des phrases de ce genre (c'est nous qui soulignons): "Comme adjectif, le participe présent a la valeur d'un simple qualificatif (mais il garde cependant quelque chose de la nature du verbe)" — là, je dois dire que j'ai beau chercher, je ne vois pas ce que l'adjectif garde de la nature du verbe — "et s'accorde en genre et en nombre avec le nom auquel il se rapporte, soit comme épithète, soit comme attribut; il s'appelle alors adjectif verbal" § 1887

Grevisse n'est pas le seul. Le manuel employé dans la plupart des universités Scandinaves, la Fransk Grammatik de Pedersen, Spang-Hanssen et Vikner (1980), si l'exposé a quelque peu changé depuis la Fransk Syntaks de 1970 des mêmes auteurs, continue à répéter que (je traduis librement) "le participe présent de certains verbes fonctionne parfois comme noyau d'un syntagme adjectival, tout comme un adjectif (p. 405), et de donner en exemple la suite une perspective très encourageante. Ils introduisent donc là une restriction: le participe présent de certains verbes... Mais on ne précise pas de quels verbes il s'agit, et le mystère reste entier. Ces auteurs ajoutent aussi — et c'est ce qui est nouveau par rapport à l'édition de 1970 — que dans les cas où on enregistre plus qu'une seule différence orthographique entre deux formes {pouvantlpuissant, sachant/savant, valant ¡vaillant, etc.), cas pour lesquels la différence sémantique est aussi plus grande, "il est plus raisonnable de considérer puissant, savant et vaillant comme des adjectifs ordinaires, qui n'ont plus aucun rapport avec le verbe" (ibid.). On regrette que ces auteurs n'étendent pas cette réflexion au reste également des adjectifs en -ant.

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1.2 Récemment est paru dans la revue des fonctionnalistes La linguistique un article de H. Martinet (1979, p. à 55 à 68), sous le titre "Les épithètes en -ant en français contemporain", dans lequel l'auteur, après avoir résumé brièvement la présentation de diverses grammaires sur le sujet, propose une nouvelle distinction en trois groupes de formes, à savoir:

- les formes toujours identifiées comme étant des adjectifs, soit parce que ces formes ne correspondent pas à un verbe, soit parce que ce verbe est en voie de disparition, comme poignant, aberrant, florissant, pantelant, soit qu'il ait deux formes parallèles (et on retrouve là les listes que donnent les grammaires, la plus complète se trouvant chez Grevisse), les doublets savant sachant,

— Un deuxième groupe rassemble les formes dont il est "impossible de déterminer le statut ou le sens lorsqu'elles sont isolées du contexte, parce que le verbe de base est encore utilisé" (p. 61). Ce sont évidemment ces formes qui font dire aux grammairiens qu'elles "s'accordent ou non selon les contextes", qu'elles sont, en d'autres termes, utilisées "tantôt comme "adjectif verbal", tantôt comme "participe présent". H. Martinet parle pour ces formes de "syncrétisme". Il vaudrait mieux sans doute parler d'homonymie.

Ce deuxième groupe est lui-même divisé en deux sous-groupes, où figurent respectivement ... les participes présents et les adjectifs verbaux! Il est bien précisé qu'une seule et même forme en contexte ne saurait avoir à la fois les compatibilités du participe et celles de l'adjectif. Dans ce groupe, on trouve les formes comme reconnaissant, persévérant, naissant, retentissant, charmant, nourrissant, etc.

— Dans le troisième groupe figurent des formes comme lisant, visant, jouant,
poussant, achevant, parlementant, etc., qui sont identifiées comme participes
présents uniquement (p. 62).

H. Martinet parle alors de "transferts" du groupe 3 au groupe 2. Ces transferts sont de deux types, explique-t-elle: il y a d'abord ce qu'elle appelle les "synthèmescomposés", où l'adjectif sert à la formation d'un mot composé, comme dans les suites phtisie galopante, classe dirigeante, étoile filante, etc., où le syntagmeest figé et prend le statut de synthème. Elle observe cependant que par "analogie", certains de ces adjectifs peuvent se rencontrer avec d'autres substantifs,ce qui élargit leur éventail d'emploi. Dans le cas de galopante, par exemple, elle a relevé dans les journaux les suites démocratie galopante, et multiplication galopante des cliniques sexologiques (p. 64). Elle fait aussi remarquer que ces transferts du groupe 3 (participes) au groupe 2 ne s'effectuent que lorsque le substantif déterminé appartient à la catégorie "non humain", et même "non

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animé". C'est là du moins une observation importante, sur laquelle je reviendrai ci-après. Un deuxième type de transferts, qu'elle appelle "transferts en syntagmesnominaux" s'opère quand "on marque comme adjectifs, par quelque trait formel, des participes présents" (p. 64). Elle a relevé des cas de participes présents,non enregistrés dans les dictionnaires comme adjectifs, accordés en genre et en nombre, ou antéposés au substantif, ou accompagnés d'un adverbe qui ne peut déterminer que les adjectifs, ou encore, dit-elle, coordonnés "avec un adjectifindubitable" (p. 64). Notons en passant que ce dernier critère — la coordinationavec un adjectif indubitable — ne saurait être un critère de transfert valable, puisque c'est justement une des latitudes du participe présent que de pouvoir être coordonné à des adjectifs, comme dans l'exemple suivant:

Vous (comprenant enfin et rassurante): ils sont affreux. Tout rouges, chauves, fripés.
Mais ne vous inquiétez pas, ça s'arrange.
Le monsieur pousse un soupir de soulagement. Il vous remercie et s'en va, rassuré.

(Nicole de Buron, Vas-y Maman! (cit. F-Magazine, juillet/août 1978, p. 115).)
Pour d'autres exemples de ce genre, je renvoie à ma thèse (Halmoy, 1982, p. 79
et suivantes).

H. Martinet conclut malheureusement que ce deuxième type de transfert - d'un participe présent à la classe des adjectifs — permet de dire que (c'est nous qui soulignons) ''''tous les participes présents sont toujours susceptibles d'être transférés à la classe des adjectifs, comme épithètes, dont ils acquièrent alors les compatibilités" (p. 65). On n'a donc pas avancé beaucoup, et on en revient à une formulation dangereuse, susceptible justement de donner lieu à toutes les erreurs que j'ai dénoncées plus haut. Comme elle renvoie par ailleurs le lecteur au lexique, il semble qu'il y ait contradiction entre ces deux conclusions de son article. En fait, sa division en trois classes n'est pas vraiment justifiée et ne sert qu'à compliquer les choses: il n'existe que deux classes, les participes présents d'un côté, et les adjectifs de l'autre, et il est peut-être temps de reprendre maintenant systématiquement les critères qui caractérisent plus spécifiquement l'une et l'autre classe de mots.

2. Les critères de distinction

On peut recourir à plusieurs types de critères pour distinguer les participes présents des adjectifs en -ant, à savoir des critères syntaxiques, des critères sémantiques, des critères morphologiques et des critères lexicaux. Je vais les étudier dans cet ordre.

2.1 Les critères syntaxiques

Adjectifs et participes présents n'admettent pas les mêmes fonctions syntaxiques.

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Ces critères sont étudiés de façon tout à fait satisfaisante dans le Bon Usage de
Grevisse, par exemple (§ 1893 et suivants). Ces critères ne s'appliquent évidemmentque
dans le cas de deux formes homonymes (le groupe 2 de H. Martinet).

2.1.1 — Le participe présent n'admet pas la fonction d'attribut du sujet. Seul
l'adjectif se rencontre dans cette fonction:

II est charmant, fascinant, savant... drôle.
*I1 est pouvant, sachant, comprenant, jouant, etc

Corollaires de cette première différence essentielle:

a) l'adjectif peut être déterminé par "une proposition relationnelle en comme"
(Martinet, A. 1979,5.41 c):

Puissant, charmant, intelligent comme il est, il ne peut que réussir.
*Sachant, pouvant, comprenant... comme il est, il ne peut que réussir.

b) l'adjectif peut entrer dans la construction "tout ... qu'il soit", d'où est exclu
le participe présent:

Tout intéressant, charmant, savant qu'il soit, il est incapable de planter un clou
*Tout pouvant, comprenant, etc.... qu'il soit, il est incapable de planter un clou

II faut bien remarquer cependant que tous les adjectifs en -ant ne sont pas forcément susceptibles d'être employés comme attributs, pas plus que ce n'est le cas pour l'ensemble de la classe des adjectifs. Je renvoie par exemple à l'étude de Bartning (1980) sur les "pseudo-adjectifs dénominaux" en français. De même que la suite le ski nautique ne peut se transformer en *Ie ski est nautique, une étoile filante ne peut se transformer en *cette étoile est filante, pas plus que Veau courante ne peut se transformer en *Veau est courante.

2.1.2 —Le participe présent s'emploie dans la construction aller + forme en -ant,
où ne peut figurer un adjectif.

2.1.3 — Le participe présent peut être employé comme prédicat d'une construction
absolue, alors que l'adjectif est exclu de cette construction:

Les circonstances aidant, nous réussirons.

2.1.4 — Le participe présent d'un verbe pronominal garde le pronom réfléchi (comme toutes les autres formes de la flexion du verbe): se souvenir, il se souviendra, qu 'il se souvienne, se souvenant, les numéros se suivant mais les pages suivantes. Une fois encore, le participe fait partie de la flexion du verbe, l'adjectif en -ant, quand il existe, est une forme dérivée.

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2.1.5 - Le participe présent admet les expansions verbales ordinaires, alors que l'adjectif en -ant admet les expansions adjectivales ordinaires. Ainsi, le participe présent, selon la valence de sa racine, peut être suivi d'un objet direct, d'un objet indirect, d'un complément d'attribution, de diverses expansions prépositionnelles adverbiales, etc.:

Apercevant les nouveaux venus, il se lève pour les saluer
Des chambres communiquant par un balcon
Une réponse équivalant à un refus.

En ce qui concerne les adverbes, le participe présent peut être modifié par un
adverbe postposé (peu, vite, moins, beaucoup, etc.), adverbes qui modifient les
verbes, ainsi que par la négation ne... pas:

des hommes buvant beaucoup des enfants mangeant peu des chiens courant vite ne pouvant pas répondre, il est parti.

Ces exemples (sauf le dernier) sont tirés du Grand Larousse de la Langue française (article participe). On remarque le style très particulier, guindé et peu naturel, littéraire de ces syntagmes: on ne saurait assez répéter que le participe présent appartient à la langue littéraire presque exclusivement, et qu'il est à manier avec beaucoup de précaution.

Au contraire, l'adjectif en -ant admet les expansions adjectivales ordinaires, et notamment les adverbes antéposés comme très, tout à fait, particulièrement, exceptionnellement, etc. Il est susceptible aussi d'être modifié par les marques de la comparaison (comparatif et superlatif), plus, moins, aussi, si et le plus, le moins, etc.:

un problème particulièrement embarrassant
une musique très sautillante, un rythme très sautillant
une voix un peu méprisante
une solution peu satisfaisante
le film de loin le plus intéressant sur ce sujet.

L'adjectif en -ant admet aussi certaines expansions prépositionnelles — de cause,
particulièrement — introduites par la préposition de:

mourante de peur
éclatante de santé
une plage vibrante de soleil

C'est peut-être cette propriété qui fait dire à des grammairiens comme Grevisse que l'adjectif en -ant garde "quelque chose de la nature du verbe". Mais cette propriété est aussi celle d'un bon nombre d'adjectifs non déverbaux, comme le montrent les séquences suivantes:

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rouge de honte bleu de froid mort de fatigue noir de fumée blême de colère, etc.

D'autres adjectifs se construisent avec d'autres prépositions que de, comme à, en
ou pour, par exemple:

bon à rien, bon en mathématiques
propre à rien
utile en/à/pour quelque chose, etc.

Il est inutile d'insister.

2.2 Les critères sémantiques

Ce sont sans doute les critères les plus douteux. On ne peut évidemment parler de différence sémantique que dans les cas où il existe deux formes parallèles, et où l'adjectif a un sémantisme encore assez proche du verbe dont il est dérivé (voir plus loin, critères lexicaux). Voici l'explication que donne H. Bonnard dans le Grand Larousse de la Langue Française (GLLF, article participe, p. 4012):

La différence essentielle entre le participe présent et l'adjectif verbal réside dans le sémantisme: le premier, étant verbe, actualise la notion évoquée, c'est-à-dire la rattache au temps et aux circonstances du récit; le second, étant adjectif, évoque une propriété dans sa permanence et comme un caractère attaché à l'objet que désigne le nom support (...). L'apport sémantique du participe est extrinsèque et particularisé:

des enfants aimant l'étude (procès limité à l'objet étude);
les bords du Rhin fuyant le long de ma voiture (procès lié au déplacement de la voiture).

L'apport sémantique de l'adjectif est intrinsèque et généralisé:
des enfants aimants (disposition naturelle indépendante de l'objet);
des fronts fuyants (qualité attachée pour toujours à l'angle facial).

C'est là une distinction traditionnelle qui est déjà celle de l'Académie française, entre "action passagère" — le participe — et "qualité adhérente" — l'adjectif en -ant. Cette explication est aussi celle de Grevisse dans Le Bon Usage et de Togeby (1965). Mais dans le Grammatisches Wôrterbuch - Franzôsisch (1970, p. 391), il est noté — H. Bonnard est co-auteur de cet ouvrage — que cette distinctiontraditionnelle "s'efface quand il s'agit d'un verbe "non-conclusif" (...) comme le verbe aimer, qui exprime un sentiment susceptible de se prolonger indéfiniment; ces verbes au participe présent n'indiquent pas une "action passagère":les enfants aimant l'étude sont des enfants studieux, "qualité adhérente", et pourtant aimant ne doit pas être accordé". La conclusion du passage est que "c'est surtout l'entourage grammatical qui nous renseigne sur la nature du mot".

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II semble donc que l'on renonce finalement à expliquer la différence entre le
participe présent et l'adjectif en -ant par des nuances de sens.

2.3 Les critères morphologiques

2.3.1 - Les participes présents ont une forme simple active {chantant) et une forme composée passive {étant chanté). Ils présentent aussi une forme composée accomplie {ayant chanté), que l'on range aussi parfois sous l'appellation participe passé. Les adjectifs en -ant n'ont évidemment pas de forme composée.

Le participe présent est invariable, l'adjectif s'accorde en genre et en nombre
avec son noyau.

2.3.2 - De nombreux adjectifs en -ant présentent à côté d'une forme simple une
forme préfixée {croyant, incroyant). Il peut s'agir de préfixes négatifs {in-, im-,
mé-, non-, dés-), ou autres comme inter-, sur-, etc. Quelques exemples:

IN-/IM- impuissant, insouciant, inconsistant, inconvenant, indépendant, insignifiant,
insuffisant, intransigeant, etc.

ME- mécréant, messéant (sur le modèle content, mécontent)

NON- nonchalant

DES- désobligeant

et aussi: interdépendant, tout-puissant, sur-puissant, outre-cuidant, etc.

On remarquera que certains de ces adjectifs, de formation ancienne, sont dérivés d'une racine verbale, certes, mais que le verbe n'existe plus en français moderne. C'est le cas de nonchalant, par exemple. Il n'a jamais existé de verbe nonchaloir, le verbe chaloir lui-même ne survit que dans la tournure figée peu me chaut. Ce qui est plus intéressant, c'est que beaucoup de ces adjectifs à préfixe négatif sont formés directement sur l'adjectif positif, et qu'il n'existe pas de verbe négatif à préfixe in- {croire ->• croyant, *incroire, incroyant). Il n'y a donc pas de participe présent équivalant à ces adjectifs. Enfin, pour un certain nombre d'adjectifs comportant un préfixe, in- ou autre, il n'existe pas de forme d'adjectif positif correspondant.

2.3.3 - On peut aussi invoquer l'existence de doublets, de formes parallèles
différentes pour le participe présent et l'adjectif {sachant¡savant, etc.). Pour une
liste quasi complète de ces doublets, je renvoie à Grevisse (1980, § 1889).

2.3.4 - Enfin, il faut souligner encore une fois que si chaque verbe du lexique
comporte une forme de participe présent, qui fait partie de la flexion du verbe,
au même titre que les autres formes de la conjugaison verbale, chaque verbe

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du lexique n'a pas forcément donné lieu à un adjectif dérivé. C'est même statistiquementl'exception:
pour la majorité des verbes français, il n'existe pas
d'adjectif dérivé en -ant3.

2.4 Critères lexicaux

Dans les cas où il existe un adjectif en -ant dérivé d'un verbe, il est fréquent que les sens du verbe et de l'adjectif ne se recouvrent pas exactement4. Il ne s'agit pas de la différence sémantique générale dont on a parlé plus haut — on a vu qu'elle n'était pas un critère sûr d'explication. Il s'agit de lexicalisation véritable: des restrictions importantes limitent et précisent souvent le sens de l'adjectif par rapport au verbe de même racine. C'est là un point central de l'argumentation, et je voudrais illustrer ces restrictions par des exemples précis. Un peu au hasard, j'ai choisi les cinq adjectifs suivants: chantant, roulant, tordant, regardant et confondant, que je présenterai dans cet ordre:

CHANTANT

Le verbe chanter demande en général un sujet animé, sauf s'il est employé métaphoriquement.Or,
l'adjectif chantant ne peut qualifier que des substantifs



3: Quant au fait qu'il existe des adjectifs en -ant (ou en -enf) non dérivés de formes verbales, comme le font remarquer tant A.-J. Henrichsen que H. Martinet, on ne saurait l'utiliser ici comme argument. Henrichsen, dans l'article mentionné plus haut, citait abracadabrant, purulent; H. Martinet poignant, aberrant, florissant, pantelant. Mais sans aller chercher des adjectifs aussi "rares", la liste est longue de ces adjectifs en -ant pour lesquels le français n'a pas de verbe correspondant (et donc pas de participe présent) : avenant, ambiant, clairvoyant, concomitant, distant, échéant, élégant, exubérant, équidistant, fainéant, flagrant, hilarant, galant, luxuriant, méchant, nonchalant, pédant, mirobolant, probant, récalcitrant, redondant, sanglant, séant, vigilant, etc. Si l'on ajoute les adjectifs en -ent, la liste s'allonge d'autant: intelligent, pertinent, impertinent, violent, virulent, patient, impatient, succulent, sous-jacent, éminent, ambivalent, bi/mono¡trivalent, dolent, indolent, clément, véhément, immanent, permanent, absent, présent, compétent, etc. Ces adjectifs, vu qu'ils ne sont pas déverbaux, n'ont pas plus d'intérêt pour cette étude que d'autres adjectifs comme blanc ou grand, qui n'ont de commun avec les adjectifs déverbaux en -ant que l'assonance de leur vocalisme final.

4: Ici, il faudrait entreprendre un examen minutieux de la question pour voir dans quels cas l'adjectif en -ant recouvre tous les sens du verbe dont il est dérivé, et dans quels cas il n'en présente qu'un ou deux, ou véhicule même des sens tout à fait différents. Un adjectif comme éblouissant véhicule les mêmes sens que le verbe éblouir dont il est dérivé. Il semble à première vue aussi que ce soit le cas également pour les autres adjectifs du champ lexical de la "luminosité" et pour la plupart des adjectifs dérivés de verbes psychologiques mentionnés en 3.2. Un examen de ce genre pourrait contribuer à mettre en lumière certains traits de la structure du lexique français.

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inanimés. Pour cet adjectif, le Petit Robert donne les quatre sens suivants:

1) qui chante, a un rôle mélodique. Basse chantante.

2) qui est favorable au chant. Une musique très chantante.

3) Voix chantante (syn. mélodique). Accent chantant.

4) où l'on chante. Café chantant.

Le Dictionnaire du français contemporain (DFC) donne à peu près les mêmes exemples. Le Trésor, un peu plus complet, divise l'article en deux, avec des sousdivisions. La première section traite du sens de chantant "en parlant de personnes", mais le seul exemple avec ce sens est le surnom donné à Charles Trénet: Le fou chantant, qui est peut-être plutôt à considérer comme un nom propre. La seconde section "en parlant d'une chose" apporte une foule d'exemples de l'adjectif chantant épithète de substantifs inanimés divers. Il est intéressant de comparer ce traitement à celui de l'adjectif chanteur. Cet adjectif est mentionné dans le Petit Robert sous l'entrée chanteur, substantif, avec pour tout texte un exemple, oiseaux chanteurs. Cet adjectif bénéficie de plus de place dans le Trésor, où il est mentionné qu'il s'emploie "le plus souvent en parlant d'un animal", et où on donne les exemples coq, crapaud, cygne, rossignol chanteur. S'agirait-il alors d'une sorte de distribution complémentaire? Sur la même racine chant- seraient formés deux adjectifs, l'un avec le suffixe -ant servant à qualifier les inanimés, l'autre avec le suffixe -eur pour les animés. Si cette distribution se trouve confirmée par d'autres exemples {plante grimpante ¡oiseau grimpeur), elle n'est cependant pas assez systématique pour que l'on tire des conclusions trop rapides. Toute une étude reste à faire sur ce sujet.

ROULANT

La situation est en gros la même ici: roulant, comme adjectif, au sens de 'qui roule, muni de roulettes' {Petit Robert) ne peut avoir pour noyau qu'un substantif non-animé: table roulante, matériel roulant, trottoir roulant, tapis, escalier roulant, et pont roulant, essuie-main roulant (au sens de 'surfaces animées d'un mouvement continu par glissement sur des rouleaux, des galets, et servant à déplacer, transporter d'un point à un autre'). On note par ailleurs que, au sens de 'très drôle', avec pour synonyme tordant, roulant peut avoir pour noyau un substantif animé aussi bien qu'inanimé: c'est roulant, elle est roulante, cette gosse. Il s'agit d'un emploi familier, et il faut souligner que le verbe rouler n'a jamais le sens ni à'être drôle, ni de faire rire.

TORDANT

De la même façon, l'adjectif tordant n'admet que le sens familier de très drôle,

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très amusant. Le Petit Robert renvoie à comique, bidonnant, marrant, poilant, roulant, et donne un exemple (c'est une histoire tordante), expliquant qu'"i/.y a de quoi se tordre". Le verbe tordre n'a pas le sens de faire rire, mais la forme pronominale se tordre peut s'employer absolument au sens de 'se tordre de rire'.

REGARDANT

Cet adjectif a deux sens, suivant le Petit Robert: un sens vieilli (et c'est le cas d'un grand nombre d'adjectifs en -ant du Petit Robert que d'avoir un sens "vieilli"): qui regarde (exemple: animal regardant: qui tourne la tête et regarde en arrière), et un sens moderne: qui regarde à la dépense. Il est renvoyé à économe, pingre, et on note les antonymes dépensier, prodigue. Le DFC donne d'autres synonymes: parcimonieux, radin, rapiat. Ce qui est intéressant ici, c'est que le verbe regarder ne saurait vouloir dire être pingre, etc. Mais il entre dans diverses expressions figées, dont la locution regardera la dépense (regarder est alors transitif indirect), et le sens de l'adjectif regardant ne laisse passer que ce sens très particulier.

CONFONDANT

La définition du Petit Robert pour cet adjectif est "qui confond". Mais il est précisé qu'il s'agit du sens 3 du verbe confondre. Un seul exemple: une ressemblance confondante. Au sens 3, le verbe confondre signifie "remplir d'un grand étonnement, consterner, déconcerter, étonner, stupéfier". Notons que tous ces verbes, demandant un objet animé et même humain, ont donné naissance à un adjectif en -ant: consternant, déconcertant, étonnant, stupéfiant. En revanche, les autres sens de confondre (4: "réduire quelqu'un au silence en lui prouvant publiquement son erreur", ou 2: "faire échouer, déjouer, anéantir") n'ont pas donné lieu à la formation d'un adjectif en -ant dérivé.

Il serait facile de multiplier les exemples. Ce que je veux souligner ici, c'est qu'il y a des restrictions sémantiques importantes dans le passage du verbe à l'adjectif en -ant dérivé. Tantôt l'adjectif ne laisse passer qu'un des nombreux sens possibles du verbe (alors que le participe présent, lui, étant verbe, peut s'employer avec tous les sens du verbe), tantôt il y a passage d'un verbe qui demande un sujet animé à un adjectif qui demande au contraire un substantif noyau inanimé, ou l'inverse.

3. Conclusions

3.1 Toutes ces raisons — syntaxiques, morphologiques et lexicales — conduisent
aux mêmes conclusions:

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- il faut cesser de dire que participe présent et adjectif verbal sont une et même forme qui, suivant les contextes, s'accorde ou non avec le substantif qui est leur noyau. On a affaire à deux formes de nature différente, l'une, le participe présent est une forme de la flexion du verbe, l'autre, l'adjectif en -ant est un adjectif dérivé qui se comporte comme les autres adjectifs.

- il faut abandonner également ce terme d'adjectif verbal. Si l'on veut absolument marquer son origine, on peut l'appeler adjectif déverbal, c'est déjà ce que proposaient Damourette et Pichón. Mais notons bien qu'il n'est pas le seul adjectif français à être dérivé d'une base verbale. Il partage cette bonne fortune avec tous les autres adjectifs formés sur une base verbale et un des nombreux suffixes -eur, -eux, -able, -ible, etc. On trouvera une liste de ces suffixes et leur "sens" dans l'introduction du GLLF, par exemple.

- enfin, troisième conclusion qui se dégage de ces remarques, c'est que si l'on doit absolument renvoyer l'étudiant au lexique, comme le fait H. Martinet, pour qu'il puisse vérifier qu'une base verbale donnée a ou non permis la formation d'un adjectif en -ant dérivé, et avec quel sens, on ne peut dire que ce soit une solution vraiment satisfaisante. On ne peut s'arrêter là.

3.2 J'aimerais, avant de mettre un point final à cette discussion, esquisser des perspectives de recherche visant à expliquer la structure lexicale de la dérivation qui nous intéresse. On peut évidemment se contenter de dire que si tous les verbes français n'ont pas donné lieu à la formation d'un adjectif en -ant dérivé, c'est que là comme ailleurs, il y a une bonne part d'arbitraire dans le lexique. Mais c'est peut-être capituler avant que de s'être battu. Il y a plusieurs façons d'aborder le problème. On pourrait par exemple étudier la distribution respective des suffixes qui ont servi à former un adjectif sur une base verbale (-ant. -eur, -eux, Qic). Le GLLF donne le même type d'explication pour tous ces suffixes, et la définition semble trop vague, trop générale pour être utilisable. On pourrait alors essayer de vérifier si l'opposition animé-non animé joue un rôle constant, ce que suggérait H. Martinet, et s'il est vrai par exemple que dans le cas où l'on a à la fois un adjectif en -eur et un adjectif en -ant dérivés d'une même base verbale, l'adjectif en -ant qualifie de préférence un substantif de réfèrent inanimé, et l'adjectif en -eur un animé. Des exemples comme oiseau grimpeur, raton laveur, coq chanteur d'un côté, et plante grimpante, roseau pensant de l'autre donneraient raison à cette théorie. Mais que faire alors du contre-exemple saule pleureur! Remarquons que dans toutes ces suites, l'adjectif forme avec son noyau un synthème, et qu'il ne peut s'employer comme attribut. On ne peut dire *le saule est pleureur ni *ce roseau est pensant (ou bien pensant).

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S'il paraît difficile d'étudier la structure lexicale de cette dérivation en partant du sens du suffixe (-ant par opposition à -eur, etc.), une autre solution serait d'aborder la question en partant plutôt de la base verbale: quels sont les types de verbes qui ont donné lieu à la formation d'un adjectif en -anti Cette base verbale pourrait être considérée de plusieurs points de vue. Un premier type d'explication serait peut-être d'étudier les verbes selon leur valence (cette idée nous a été suggérée par Michael Herslund). Si l'on jette un coup d'œil rapide sur le lexique, on voit en effet se dessiner des embryons de réponse à cette question dans une perspective valentielle. Les verbes monovalents, à un actant (c'est-à-dire les verbes intransitifs), et tout particulièrement les verbes de mouvement, ont donné lieu à la formation d'adjectifs en -ant, et ces adjectifs forment souvent avec leur noyau des synthèmes. On a les suites étoile filante, soleil couchant, marée montante ¡descendante, eau courante, jour naissant, nuit tombante, lune montante, etc. Ces séquences font intervenir, on le voit, des substantifs inanimés, mais qui sont des éléments naturels ou géographiques, et dotés par là-même d'un certain animisme. Il semble que ce type de formation soit ancienne et fermée. Par ailleurs, parmi les verbes à un actant toujours, il semble que certains champs sémantiques soient particulièrement bien représentés. On remarque par exemple la profusion d'adjectifs en -ant dérivés de verbes exprimant la luminosité. Sur le paradigme briller -> brillant, on dispose des adjectifs chatoyant, éblouissant, éclatant, étincelant, flamboyant, luisant, miroitant, rayonnant, resplendissant, rutilant, scintillant, etc. Cette recherche portant sur les champs lexicaux pourrait être une subdivision fructueuse de la première répartition des verbes suivant leur valence.

Parmi les verbes à deux actants (transitifs directs ou indirects), on constate que les verbes dits psychologiques - c'est-â-dire les verbes dont le deuxième actant, l'objet est normalement [+ humain] — ont tous donné naissance à des adjectifs en -ant dérivés. Ces verbes couvrent des champs sémantiques divers:

bouleversant, émouvant, troublant, touchant, renversant; charmant, séduisant, captivant, ravissant; intéressant, passionnant; gênant, embarrassant, encombrant, envahissant; amusant, divertissant; contrariant, agaçant, horripilant,énervant, assommant, alarmant, accablant, emmerdant, barbant, barbifiant, tuant; navrant, chagrinant; satisfaisant, plaisant; déroutant, déconcertant, surprenant, étonnant, effarant, ahurissant; décourageant, démoralisant; dégoûtant, répugnant, écœurant, etc.

On remarque par ailleurs que si pour certains types de verbes, les adjectifs en -ant qui en sont dérivés forment un inventaire quasi fermé, ou entrent en compositionavec certains substantifs avec lesquels ils forment des syntagmes figés, pour d'autres types de verbes, la dérivation est encore vivante et on a affaire à

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une classe ouverte. Cela semble bien être le cas pour les verbes psychologiques, justement. Un verbe relativement nouveau dans la langue française comme le verbe stresser, formé sur le substantif anglais stress passé tel quel en français, a donné naissance à l'adjectif stressant (une situation stressante). De même, le verbe sécuriser a permis la formation de l'adjectif sécurisant. Ces exemples sont empruntés aux dictionnaires Larousse Les mots dans le vent et Les nouveaux mots dans le vent. D'autres verbes non psychologiques figurant dans ces mêmes dictionnaires - bétonner ou piloter par exemple - n'ont pas donné d'adjectif dérivé en -ant, et l'intuition permet de dire qu'il est peu probable que les adjectifset *bétonnant fassent un jour partie du lexique français.

Il semble enfin que les verbes trivalents (ayant pour troisième actant un complément datif, ou d'attribution comme dit la grammaire traditionnelle), de type donner, n'ont pas donné lieu à la formation d'adjectifs en -ant (^donnant, etc.).

Une toute autre ligne de recherche, dans une perspective diachronique cette fois, serait d'étudier les adjectifs en -ant de formation récente, en comparant par exemple les listes de vocables enregistrés comme adjectifs dans le dictionnaire inverse de Julliand (quitte à vérifier et contrôler ces listes dans un dictionnaire comme le Petit Robert ou le DFC) et celles que donnent les deux nouveaux dictionnaires inverses de l'ancien français dont nous disposons, de 1982 tous les deux et portant le même titre, Dictionnaire inverse de l'ancien français, celui de Douglas C. Walker (Ottawa) et celui de Ralph de Gorog (Binghamton, New York). Cette étude mettrait en lumière les formations nouvelles, comme le foisonnement d'adjectifs familiers ou argotiques en -ant à valeur factitive de type chiant (= qui fait chier), marrant, poilant, gondolant, et par analogie crevant, bidonnant, désopilant, etc.

Enfin, si l'on s'intéresse plus particulièrement à la structure du lexique, et toujours en utilisant les dictionnaires inverses, on peut étendre les recherches à tout un paradigme de dérivation et étudier dans quelles conditions une forme verbale a permis la dérivation non seulement d'un adjectif en -ant, mais aussi d'un adverbe en -animent et d'un substantif en -ance:


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Autant de pistes de recherches plus fécondes assurément que de continuer à
radoter sur la prétendue différence adjectif verbal/participe présent.

Odile Halmoy

Trondheim

Résumé

L'auteur s'élève dans cet article contre le traitement malheureux et pédagogiquement dangereux des grammaires qui étudient l'adjectif en -ant au chapitre des formes verbales, avec le gérondif et le participe présent. Elle démontre par un choix de critères que participe présent et adjectif en -ant appartiennent à deux classes de mots différents, le participe étant une forme de la flexion du verbe, l'adjectif étant une forme dérivée. Elle esquisse en conclusion des perspectives de recherche autres et plus fructueuses pour approfondir l'étude de l'adjectif en -ant et de la structure dérivationnelle du lexique.

Références

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Dictionnaires

Le Petit Robert

Dictionnaire du français contemporain (DFC)

Trésor de la langue française

Grand Larousse de la langue française (GLLF)

Les mots dans le vent, (1971), Larousse, Paris.

Les nouveaux mots dans le vent (1974), Larousse, Paris.