Revue Romane, Bind 18 (1983) 2

L'intonation des complexes de parenthèses

par

Peter Wunderli

0. Dans trois études précédentes, j'ai analysé le comportement intonatif des séquences extraposées finales et initiales ainsi que celui des séquences intercalées (position médiane)l. En ce qui concerne la configuration du contour, les résultats importants de ces recherches sont les suivants:

1. Le type que Delattre appelle parenthèse haute ou écho (4-4) est pratiquement
inexistant;

2. Dans les cas où nous avons affaire à un contour plat, celui-ci se situe normalement
soit au niveau 1, soit au niveau 2; les contours plats au niveau 3 sont
très rares;

3. Il ne semble exister aucun conditionnement direct par le contour précédent
(développement montant ou descendant); il en va de même pour le niveau du
point final de ce contour;

4. Le contour plat (parenthèse) est loin d'être la seule réalisation suprasegmentale
possible pour les séquences extraposées et intercalées; on trouve tout particulièrement
les dérogations que voici:

— en position initiale, la séquence extraposée épouse, dans 2/3 des cas, le
contour de la continuation; dans 1/3 des réalisations seulement, nous avons
affaire à une parenthèse ;

- en position médiane (séquence intercalée), nous avons affaire à un renversement
des fréquences: dans 1/3 des occurrences nous trouvons une
continuation, dans 2/3 une parenthèse;

— la situation de loin la plus complexe est celle de la séquence extraposée finale: Le contour plat semble être obligatoire après une finalité et une implication affirmative; dans les phrases interrogatives, c'est-à-dire après une question, une interrogation ou une implication interrogative, le contour



1. Cf. P. Wunderli, Au sujet de l'intonation du français: la parenthèse en position finale, TL Gand 6 (1979), 83-111, 7(1980), 87-114; id.,Au sujet de l'intonation du français: la parenthèse en position initiale, dans: Romanica histórica et Romanica hodierna. Festschrift für Olaf Deutschmann zum 70. Geburtstag, hg. von P. Wunderli und W. Millier, Frankfurt/M - Bern 1982, p. 221-58; id., Au sujet de l'intonation du français: la parenthèse en position médiane, TLL 20/1 (1982), 233-70.

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plat est concurrencé par un contour montant (surtout 1-4, 2-4) qui ne
semble pas se distinguer de la question; la fréquence des deux contours
varie considérablement selon la nature de la question (question partielle ou

totale) et, dans le cas de la question totale, selon son expression dans le
domaine segmentai (0, inversion, est-ce-que).

Ces résultats en partie assez inattendus s'accompagnent de quelques résultats non
moins surprenants pour les autres paramètres:

5. La pause est d'une grande importance et occupe la deuxième place dans la
hiérarchie des paramètres; elle est par elle-même désambiguïsante dans tous
leseas où elle se trouve après une continuation mineure;

6. L'importance de l'intensité est variable: dans le cas de la séquence extraposée finale, elle montre un comportement caractéristique (affaiblissement) dans 90% des occurrences environ (sans pouvoir cependant jamais opérer une désambiguïsation par elle-même); en position médiane, ce pourcentage tombe à 2/3 des occurrences environ, et en position initiale la pertinence de cette variable semble être plus ou moins nulle;

7. Le paramètre du débit est d'une importance très faible et semble toujours
avoisiner l'insignifiance totale; celle-ci nous semble être irréfutable pour la distinction
des relatives explicative et determinative .

Tous ces résultats - bien qu'ils soient fondés sur un corpus relativement restreint
- modifient considérablement nos connaissances antérieures sur le comportement
suprasegmental des séquences extraposées et intercalées.

0.1. Il nous reste à étudier les séries de séquences non-progrédientes et leur comportement intonatif. Les informations sur ce genre de constellations sont extrêmement maigres. Chez Delattre et Di Cristo, nous trouvons les deux exemples que voici, où un énoncé se termine par deux séquences extraposées en position finale3 :


DIVL4513


2. Cf. P. Wunderli, L'intonation des relatives explicatives et déterminatives (à paraître)

3. Cf. P. Delattre, L'intonation par les oppositions, FDLM64 (1969), 6-13, surtout p. 12 (no 46); A. Di Cristo, L'enseignement de l'intonation française: exercices structuraux pour la classe et le laboratoire 11, FDLM 82 (1971), 16-21, surtout p. 20.

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DIVL4515

Malheureusement, les deux auteurs ne donnent aucun commentaire de leurs courbes et ne nous disent rien surla base empirique de leur présentation des faits. Il n'existe cependant aucune raison de mettre cette base en doute: D'après nos propres résultats, l'emploi d'une parenthèse (ou plutôt: de deux parenthèses) après une implication affirmative (Delattre) ou une finalité (Di Cristo) est absolument normal, voire obligatoire4 ; il n'y a que le niveau du contour plat qui, d'après nous, ne doit pas forcément être 1-1: les parenthèses pourraient aussi se situer au niveau 2. Ce qu'il faut en tout cas retenir, c'est que, dans les deux présentations, les parenthèses en séquence se situent au même niveau et ne semblent se détacher l'une de l'autre que par une pause.

Un autre exemple pour un dédoublement de la séquence extraposée se trouve
chez Félix Kahns; cette fois-ci, nous avons affaire à une extraposition initiale:


DIVL4517

Il ne fait aucun doute que nous avons affaire à deux continuations (majeures!) qui réalisent, au niveau suprasegmental, les séquences extraposées. Or nous avons pu constater qu'il s'agit là du type préféré pour l'extraposition initiale: dans 2/3 des cas on trouve une continuation et seulement dans 1/3 des occurrences une parenthèse6. L'exemple de Kahn correspond donc au type dominant, ce à quoi il fallait s'attendre avant tout, bien qu'il ne s'agisse pas de la seule possibilité de réalisation suprasegmentale. Retenons que, de nouveau, il ne semble pas exister de gradation entre les deux contours.

Ceci est contredit dans une certaine mesure par l'exemple suivant, que nous
avons trouvé chez Léon7. Celui-ci semble avoir analysé l'exemple d'André Gide
que voici :



4. Cf. Wunderli, TL Gand 6 (1979), 91-93, 107/08.

5. Cf. F. Kahn, Introduction à l'étude de la mélodie de l'énoncé français chez un jeune Parisien cultivé du 16e arrondissement, CFS 24 (1968), 15-45, surtout p. 39 (no 279).

6. Cf. Wunderli, Parenthèse initiale, p. 238-44.

7. Cf. P.R. Léon, Systématique des fonctions expressives de l'intonation, dans: id., Essais de phonostylistique, Montréal - Paris - Bruxelles 1971, p. 43-56, surtout p. 53.

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«A 18 ans, [[quand j'eus fini mes premières études, (l'esprit las de travail), (le cœur inoccupé),
((languissant de l'être)), (le corps exaspéré par la contrainte)]], je suis partis sur les
routes, [sans but], usant ma fièvre vagabonde.»

auquel il ajoute le commentaire suivant:

Nous avons représenté entre 2 crochets [[ ]] l'incise principale, comportant elle-même
d'autres incises figurées entre parenthèses ( )et incluant une incise de ces incises, notée
entre double parenthèse (( )).

Au niveau suprasegmental, cet exemple serait réalisé à l'aide du «mécanisme des
incises généralement décalées vers le grave», donc:


DIVL4519

De cette présentation, on pourrait donc conclure que les incises successives forment une sorte d'escalier descendant, les incises «encadrantes/encadrées» un escalier descendant/mon tant. Cette contradiction avec les présentations antérieures nous semble déjà imposer une nouvelle analyse du problème. En outre, nous avons pu constater que le contour plat est bien le contour dominant pour les séquences intercalées (2/3 des occurrences), mais il est néanmoins concurrencé par la continuation que nous avons rencontrée dans 1/3 des cas. L'exemple de Léon correspond donc bien au type préféré, mais s'agit-il de la seule réalisation possible pour les incises en série?

0.2. Pour reprendre la discussion, nous nous limiterons à une analyse des parenthèses
séquencées en position médiane, pour les raisons que voici:

- en position finale, il n'existe pas de jeu (relativement) libre entre parenthèse
et continuation ;

— en position initiale, le paramètre de l'intensité est complètement faussé (du
point de vue statistique) par une sorte d'«impulsion de démarrage»B.

Il n'y a donc que la position médiane où l'on puisse étudier aussi bien le jeu libre
entre parenthèse et continuation que les possibibilités de gradation de tous les
paramètres.

L'analyse se situe de nouveau dans le cadre général de notre projet de recherches «L'intonation du français»; pour les informations générales, nous renvoyons à notre article de présentation9. Notre corpus pour les incises en série comprend les 5 phrases-test que voici:



8. Cf. Wunderli, Parenthèse initiale, p. 247/48; id., Parenthèse médiane, p. 248/49.

9. Cf. P. Wunderli, Das Forschungsprojekt «Intonation im Franzôsischen», ZRPh. 94 (1978), 93-118.

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1096 Jean, mon frère, le cadet, qui habite Paris, s'ennuie à la campagne.

1097 Jean, mon frère, celui que j'ai toujours préféré, qui s'est enrôle dans l'armée, viendra
nous voir ce soir.

1098 La Tour Eiffel, ce grand monument, cette construction magnifique, est une des
curiosités de Paris.

1099 La Renaissance, ce grand siècle, cette grande époque de l'art italien, est extrême
ment intéressante pour l'historien de l'art.

1100 Cette femme gentille, Mme Laval, la femme de ménage de nos voisins, qui vient de
s'acheter une voiture, a eu un accident.

Bien qu'ils aient parfois un caractère quelque peu artificiel, tous ces exemples ont été acceptés à l'unanimité par notre «équipe de contrôle»lo. Ils ont été enregistrés comme d'habitude avec 6 locuteurs de langue maternelle française, dont 3 hommes (H, M, C) et 3 femmes (L, A, I); tous parlent un français standard sans caractéristiques spécifiques. Nous arrivons donc à un échantillonnage de 30 occurrences, ce qui — certes — n'est pas beaucoup, mais suffira quand même pour arriver à des conclusions relativement claires.

Les analyses acoustiques ont été réalisées avec notre dispositif normal; il en va
de même pour le mesurage des valeurs absolues des différents paramètresll.

0.3. Les paramètres que nous prenons en considération sont en principe les
mêmes que dans nos études antérieures, à savoir:

1. la configuration du fondamental

2. le niveau d'intensité

3. la vitesse du débit (< durée)

4. la pause.

Pour plus de détails, ainsi que pour certaines particularités du traitement de ces
paramètres par rapport aux études antérieures, nous renvoyons à l'introduction
des paragraphes respectifs.

1.0. En ce qui concerne le fondamental, nous pouvons affirmer dès maintenant que cette variable est - comme pour les types analysés dans nos études antérieures - le paramètre de loin le plus important. En principe, nous l'analysons comme d'habitude, mais les données spécifiques de nos exemples, en particulier leur longueur et la diversité des structures sous-jacentes (ainsi que la variabilité de leurs réalisations), nous imposent certaines modifications dans la présentation. Jusqu'ici nous avons toujours réuni nos matériaux dans un seul et même tableau, en donnant, pour chacune des séquences analysées, dans une colonne séparée, les



10. Cf. Wunderli, Z/Î/Vz. 94 (1978), 110.

11. Cf. Wunderli, ZRPh. 94 (1978), 116/17.

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chiffres absolus des points extrêmes (en Hz), la description «normalisée» par niveaux(d'après le système de Faure et Léonl2) ainsi que la visualisation graphique. Pour la présente étude, nous avons adopté — pour les raisons sus-mentionnées — les principes que voici:

chaque phrase-test sera présentée dans un tableau individuel;

pour chaque mot phonique virtuel nous réservons une colonne qui sera définie par la séquence segmentale en question; les symboles F; (séquence initiale), F ] (première séquence parenthétique), Fp2 /i (premier mot phonique de la 2e séquence parenthétique), Fp2 /2 (second mot phonique de la 2e séquence parenthétique), ..., Ft (séquence terminale) n'ont qu'une fonction

dans tous les cas où deux ou trois mots phoniques virtuels sont réalisés
comme un seul mot phonique concret, les indications respectives seront
présentées à cheval sur les colonnes en question;

- les indications normalisées n'occuperont plus une colonne à part, mais seront
données au-dessous des valeurs absolues;

- description normalisée (par niveaux) et symbole graphique ne seront plus
donnés séparément (p.ex. 2-4; mais combinés dans une description
du type 2-"4 où les points extrêmes du symbole graphique sont munis
d'une indication du niveau respectif;
-

la combinaison du symbole graphique et des indications de niveau nous permet de renoncer à l'astérisque que nous avons employé jusqu'ici pour distinguer nettement la visualisation de la finalité des autres contours descendants.

Voici donc nos résultats:



12. Cf. à ce sujet P. Wunderli et al., Franzôsische Intonationsforschung, Tiibingen 1978, p. 138-40.

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s +-* C £ I a 0)

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DIVL4539

§ ¦»-> C <u I 3 H

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DIVL4521

oo g .—i *c 3 G <u 03 I es 03

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§ c -a I al

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§ 1 m -a c a H

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1.1. Avant que nous passions au commentaire de ces tableaux, une remarque préliminaire s'impose: dans nos analyses, nous avons systématiquement fait abstraction de tous les accents d'insistance que nous avons rencontrés. Un très bel exemple de ce genre est le no 1098 L que nous publions en appendice: la locutrice a mis des accents d'insistance très nets sur:

construction

magnifique

une des curiosités

et ceci malgré nos instructions générales, d'après lesquelles il fallait éviter toute
affectivité et toute mise en relief.

L'exemple 1098 L n'est d'ailleurs pas une exception de ce point de vue: à l'encontre de leur comportement normalement très «discipliné», nos locuteurs ont très souvent éprouvé le besoin d'agrémenter ce genre de phrases d'un certain nombre de proéminences supplémentaires. Nous croyons qu'il s'agit là d'un besoin de variation qui a été provoqué non seulement par la longueur des énoncés, mais aussi et surtout par la présence de plusieurs incises successives.

1.2. En ce qui concerne les séquences parenthétiques (incises), nos 30 exemples contiennent 78 occurrences. Ces 78 occurrences se distribuent comme suit sur les deux types généraux auxquels nous avons affaire dans ce domaine suprasegmental:

31 contours plats (parenthèses)

47 continuations ou combinaisons de continuations.

Les continuations se regroupent comme suit, d'après les différentes variantes:


DIVL4265

DIVL4267

Pour les parenthèses, nous avons trouvé la distribution suivante des différentes
variantes:


DIVL4548

II ne laisse de surprendre que le type 1-1 soit complètement absent, étant donné que normalement il est le concurrent le plus important du type 2-2. - Comme dans nos études antérieures, nous n'avons pu trouver aucun conditionnement direct du choix des deux types généraux et de leurs variantes par le contour immédiatement

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Au sujet des possibilités combinatoires entre les deux types principaux, il faut retenir qu'elles sont nulles à l'intérieur d'une seule et même incise: même si celle-ci est constituée par plusieurs mots phoniques virtuels, il faut se décider, une fois pour toutes, soit pour une réalisation par parenthèse(s), soit pour une réalisation par continuation(s). Il en va tout différemment pour la séquence d'incises: ici il ne semble pas exister de décision «irrévocable» pour tout l'énoncé en question; le choix du type général se fait donc par incise, et non par énoncé, de sorte que presque toutes les combinaisons deviennent possibles à ce niveau. Ainsi nous avons trouvé.

- 5 exemples avec contour plat seulement (1096 M/I, 1097 L, 1098 M, 1099
L);

- 8 exemples avec continuation seulement (1096 C/L, 1097 A, 1098 I, 1099
H/C/I, 1100M);

- 17 exemples avec des combinaisons variées entre parenthèse et continuation
(1096 H/A, 1097 H/M/C/I, 1098 H/C/L/A, 1099 M/A, 1100 H/C/L/
A/I).

Le type mixte est donc de loin le plus fréquent (« 3/5 des cas), tandis que la légère différence de fréquence entre les deux types «homogènes» pourrait être due au hasard. — En ce qui concerne les variantes du type mixte, notre corpus contient les réalisations que voicil3:


DIVL4550

Pour le type mixte avec deux incises successives, les deux possibilités P — C et C — P sont dont d'une fréquence égale. Avec trois incises successives, il semble en être de même pour les types P-C--CetC-C-P, tandis que la double variation semble être plus rare: nous n'avons trouvé que deux exemples pour P —C—P, et C—P —C manque même complètement. Est-ce que ce dernier type tomberait sous une interdiction? Nous ne le croyons pas; vu le caractère restreintde notre corpus, nous avons plutôt l'impression qu'il s'agit là d'un effet du hasard. — En ce qui concerne les positions extrêmes (initiale et finale) des séquencesd'incises, il ne semble exister aucune préférence pour l'emploi de la parenthèse:dans le domaine des séquences binaires, nous avons 3 parenthèses aussi bien en position initiale que finale; dans le domaine des séquences ternaires, 7 parenthèses initiales s'opposent à 6 parenthèses finales de séquence incidentielle.



13. Nous écrivons P et C pour les incises réalisées par une parenthèse ou par une/plusieurs continuation(s) respectivement, tenant compte ainsi du fait qu'une incise par ellemême est toujours homogène.

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Reste le problème de la gradation (arrangement en escalier) des parenthèses. Si nous nous en tenons au type homogène avec contour plat (et nous sommes bien obligés de le faire!), il nous faut tout d'abord constater qu'une gradation par changement de niveau (p.ex. première incise 3-3, deuxième incise 2-2, troisième incise 1-1) ne se trouve nulle part: même là où une gradation existe, celle-ci reste toujours dans les limites d'un seul et même niveau (-*• exploitation de la marge de tolérance). Or de nos 5 exemples avec contour plat uniquement 2 semblent connaîtreune gradation perceptible (1096 I, 1097 L), tandis que les trois autres sont homogènes aussi sous l'aspect en question (1096 M, 1098 M, 1099 L)l4. Ceci nous permet d'affirmer que le type postulé par Léon existe en effet — mais il est loin d'être le seul: aussi la présentation de Delattre et Di Cristo (suite de contoursplats sans décalage) est correcte dans ce sens que la possibilité de renoncer à toute gradation est confirmée empiriquement. Le locuteur semble donc avoir le choix, pour les séquences d'incises réalisées à l'aide de contours plats, entre une présentation avec ou sans gradation; une préférence pour l'un ou l'autre de ces sous-types ainsi qu'un conditionnement du choix par tel ou tel facteur contextuelne sont pas saisissables sur la seule base de nos matériaux.

Le phénomène de la gradation n'est cependant pas limité au domaine de la parenthèse: il concerne aussi les séries d'incises réalisées à l'aide de continuations. A l'encontre de ce que nous avons constaté pour le contour plat, la gradation se réalise dans ce cas-ci surtout par une changement de niveau. Notre corpus contient 6 exemples de ce type:

continuation mineure/~ majeure: 1096 A

continuation majeure/~ mineure: 1096 H/L, 1097 C

continuation mineure/~ majeure/~ mineure: 1097 A, 1099 H

Ce comportement n'a cependant rien d'extraordinaire; il est indépendant de la
construction incidentielle, car il peut se trouver avec toute séquence de continuations,
indépendamment de la base segmentale et de la construction syntaxique.

1.3. Dans le domaine des séquences initiales, nous n'avons rencontré, du point de vue des contours employés, aucun phénomène qui dépasse ce que nous avons constaté dans nos études sur les parenthèses en position finale et médiane. De nouveau nous rencontrons une grande richesse de variantes dans cette position:


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DIVL4299


14. Notons que pour les deux exemples avec gradation il n'y aun décalage qu'entre la première et la deuxième incise, tandis que la deuxième et la troisième ne sont plus détachées l'une de l'autre.

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1 combinaison 2-4/2-4

2 combinaisons 2-4/3-4

1 combinaison 2-4/2-3

1 combinaison 2-3/3-2

Le type 2-4 est donc le type de loin le plus fréquent dans cette position, suivi du type 2-3; les autres variantes par contre ne sont que marginales. De nouveau, nous constatons avec une certaine surprise que les contours descendants en position initiale ne manquent pas: le type 3-2 se trouve dans les exemples.lo96 C, 1099 H/M, le type 4-2 dans l'exemple 1097 C; il ne semble pas s'agir de caractéristiques individuelles, mais tout simplement d'un emploi rare de variantes marginales (3 locuteurs différents pour 4 occurrences).

Si les contours employés pour la séquence initiale n'ont rien de surprenant, il n'en va pas de même pour certains découpements en mots phoniques. Peu habituel est tout d'abord le découpement cette femme / gentille dans 1100 M/I, étant donné que nous avons affaire à un adjectif court qui ne comprend que 2 syllabes; nous n'excluons pas la possibilité que la réalisation de gentille comme mot phonique indépendant constitue une sorte de «mise en relief modérée», évitant la procédure plus marquée de l'accent d'insistance. - Plus surprenant encore — et pour le moment inexplicable — est le découpement la Tour / Eiffel, étant donné que cette séquence représente dans sa totalité un nom propre. Une réalisation fautive nous semble pourtant être exclue, car 3 de nos 6 locuteurs ont préféré cette solution (1098 M/L/I).

1.4. En ce qui concerne les séquences finales, elles nous offrent peu de surprises quant au contour terminal (normalement 2-1). Les deux finalités 3-1 (1100 H/L) et la finalité 2-0 (1099 I) semblent être de nature affective. Ce sont de nouveau certains découpements en mots phoniques qui attirent notre attention:

— Dans 1100 L nous trouvons une segmentation «qui vient /de s'acheter / une voiturey>; ce traitement d'une périphrase verbale (venir de s'acheter) est inhabituel (cf. aussi 1097, où viendra nous voir ne connaît jamais de césure), et une réalisation fautive ne peut pas être exclue.

- Dans 1099 H/L la séquence aux.+adv.+adj. est découpée en est extrêmement/intéressante; le fait que 2 de nos locuteurs aient choisi cette solution exclut une réalisation erronnée. Bien que, normalement, les adverbes déterminant un adjectif (subséquent) montrent une tendance très nette à être intégrés dans le mot phonique comprenant le déterminé, la longueur de l'adverbe extrêmement semble provoquer ici une solution quine cesse de surpendre.

Mis à part ces deux cas, tout reste dans le cadre d'une parfaite normalité.

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2.0. L'intensité est sans aucun doute un paramètre problématique. Dans nos études antérieures, la comparaison des intensités-cime dans les séquences parenthétiqueset non-parenthétiques avait donné des résultats assez satisfaisants, en concordance avec les valeurs moyennes des intensités vocaliques des séquences respectives; il faut pourtant signaler que cette variable restait toujours un paramètrerelativement faible, et ceci déjà pour la seule raison qu'il n'est jamais capabled'opérer par lui-même une désambiguisationls. Dans la présente étude, nous avons tout d'abord essayé d'adopter la même procédure, mais à notre grande déception, aucune tendance claire ne s'est dégagée. Un contrôle à l'aide des intensités moyennes a abouti au résultat que le parallélisme entre intensitéscimeet valeurs moyennes n'était plus saisissable dans les exemples pour les incisesen série. La raison en semble être la présence d'un grand nombre d'accents d'insistance dans nos réalisationsl6: ces proéminences impliquent très souvent des intensités-cime tout à fait atypiques pour les séquences parenthétiques et faussent par là les résultats statistiques dans une large mesure.

Que fallait-il donc faire? Au premier abord, la solution la plus indiquée semble être d'éliminer tout simplement les valeurs-cime conditionnées par un accent d'insistance. Nous avons cependant dû vite reconnaître qu'une telle solution n'avait que l'apparence d'une opérabilité facile et qu'en l'employant on risquait de tomber rapidement dans un arbitraire absolu pour les raisons que voici:

Dans les cas où le fondamental participe à la caractérisation de l'accent d'insistance, on ne trouve que rarement une caractérisation spécifique simultanée dans le domaine de l'intensité; le plus souvent, l'intensité ne participe alors pas au faisceau des paramètres typiques, ou, en d'autres mots: le fondamental et l'intensité montrent le plus souvent un comportement complémentaire. Si l'on éliminait toutes les intensités corrélées avec une marque emphatique dans le domaine du fondamental, on adopterait une procédure largement arbitraire et fausserait par là les résultats.

D'un autre côté, il semble bien que les accents d'insistance sans marque particulière dans le domaine du fondamental se réalisent normalement à l'aide d'une proéminence marquée dans le domaine de l'intensité. Mais comment séparer ces valeurs extrêmes d'autres intensités-cime qui sont toujours possibles sur une syllabe potentiellement porteuse d'une emphase?

Il nous faut avouer que nous n'avons pas encore trouvé de procédé pour
opérer ce partage, de sorte que nous y avons donc renoncé pour ne pas risquer
d'adopter un grand nombre de solutions arbitraires et injustifiées.

L'élimination des valeurs extrêmes d'intensité emphatique s'est donc avérée



15. Cf. Wunderli, TL Garni 7(1980), 87-95, 112-113; id., Parenthèse initiale, p. 254; id., Parenthèse médiane, p. 265; Relatives (à paraître).

16. Cf. ci-dessus, p. 194.

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impraticable — il fallait trouver une autre solution. Nous nous sommes décidé à calculer les valeurs moyennes des intensités vocaliques pour les différents mots phoniques, ce qui a donné des résultats nettement meilleurs (mais qui sont pourtantencore loin d'être convaincants). Cette faiblesse de notre paramètre provient certainement, en partie, du fait que même si nous calculons les valeurs moyennes, les accents d'insistance ne sont que partiellement neutralisés et constituent toujoursun facteur de perturbation. En outre, il faut se rappeler que dans le domainedes relatives explicatives et déterminatives, l'intensité constituait déjà un paramètre d'une faiblesse frôlant 1 insignifiance, ce qui nous semblait dépendre, du moins en partie, de la longueur des séquencesl7; le même facteur pourrait être opérant dans ce cas-ci.

Dans le tableau qui suit, nous donnons les intensités vocaliques moyennes m(I) des séquences initiale et terminale ainsi que de chacune des séquences parenthétiques. La prise en considération du découpement de ces séquences en mots phoniques n'apportant aucun avantage, nous y renonçons, ce qui nous permet de réunir les données pour toutes nos phrases-test dans un seul tableau.



17. Cf. Wunderli, Relatives (à paraître).

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DIVL4552

Tableau 2 Intensité

Side 201

2.1. Si nous analysons ce tableau, nous constatons tout d'abord qu'il existe une tendance très marquée à réaliser les parenthèses à un niveau d'intensité plus bas que les séquences initiales; le contraste entre l'attaque de l'énoncé et la première parenthèse dépasse dans la grande majorité des cas le seuil de perception différentiel (± 2 dB)18. Un contraste positif en faveur de la première incise ne se trouve que dans 7 cas (1097 L, 1097 I, 1099 M, 1100 H/C/A/I), dont 3 (1097 I, 1099 M, 1100 A) restent au-dessous du seuil de perception différentiel. Ce résultat n'est guère surprenant, si l'on se rappelle que pour la parenthèse en position médiane nous avons pu constater que l'intensité-cime parenthétique était la plus basse dans 2/3 des cas; ici ce pourcentage s'élève à 4/5, si l'on ne tient compte que du contraste entre la séquence initiale et la première incise. Il faut cependant souligner qu'un contraste négatif de ce genre ne semble pas être spécifique des constructions à séquence intercalée: il existe une tendance générale à munir le premier mot phonique de l'énoncé d'un supplément d'intensité, qui fait apparaître la structure dominante dans notre corpus comme donnée plus ou moins indépendante du contour employél9. Bien sûr, la parenthèse montre une certaine tendance à être la séquence la plus faible de tout l'énoncé2o, et il se peut bien que le cumul des deux tendances mentionnées ait pour résultat (du point de vue quantitatif) une situation particulièrement nette pour le type que nous analysons ici; ceci ne change cependant rien au fait que la constellation en question n'est pas spécifique des constructions incidentielles.

En ce qui concerne la séquence terminale, elle montre un comportement différentde ce que nous avons trouvé pour la parenthèse médiane isolée. Dans ce caslà,le sommet d'intensité du contour final était, dans 90% des cas environ, plus élevé que celui de l'incise précédente. Dans le cas des-incises en série, nous arrivonspour la séquence terminale - d'après les chiffres absolus — à un contraste positif dans 11 cas et àun contraste négatif dans 19 cas. Si l'on tient compte du seuil de perception différentiel, on constate que 5 contrastes négatifs et 3 contrastespositifs ne sont pas perceptibles: nous avons donc en fin de compte 14 cas positifs, 8 cas négatifs et 8 cas neutres, ou, en d'autres termes, moins de 25% des exemples montrent le comportement qui était typique pour les énoncés à parenthèsemédiane simple. Comment expliquer cette divergence? Nous croyons que la longueur de nos phrases-test joue un rôle considérable dans le cas des séquences à plusieurs incises. Déjà I. Fónagy2l a constaté qu'en hongrois le sommet du fondamentalet le sommet d'intensité des phrases interrogatives ne coïncidaient sur la dernière syllabe (ou la pénultième) que dans le cas où il s'agissait de séquences



18. Cf. Wunderli et al., Franzòsische Intonationsforschung, p. 113/14; Wunderli, TL Gand 7 (1980), p. 94/95, id., Parenthèse initiale, p. 247; id., Parenthèse médiane, p. 249.

19. Cf. Wunderli, Parenthèse initiale, p. 248; id., Parenthèse médiane, p. 249.

20. Cf. Wunderli, Parenthèse initiale, p. 248: id., Parenthèse médiane, p. 248/49

21. Cf. I. Fónagy, Kleine Beitrage zur Akzentfrage, ZPhon. 12 (1959), 36-57, surtout p. 37-39. - Cf. aussi Wunderli et al., Franzòsische Intonationsforschung, p. 94.

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relativement courtes; plus les séquences sont longues, plus on observe une tendanceà réaliser une série d'intensités successivement descendantes dans laquelle la syllabe portant le sommet du fondamental n'est guère privilégiée. Il semble que nous ayons ici affaire à un phénomène analogue, bien qu'à un niveau plus complexe (-> plusieurs mots phoniques): la longueur des séquences, en corrélationavec une chute progressive de la pression sous-glottique, a pour conséquence un changement du schéma intensif modèle v en ""-._. Ce schéma se trouve réaliséde façon idéale p.ex. dans les nos 1098 I et 1098 M. Dans d'autres cas nous trouvons entre les niveaux d'intensité des différentes incises un jeu de variations relativement libre dont les multiples facteurs conditionnants nous échappent encore;il nous semble cependant hors de doute que le besoin de détacher les différentesincises l'une de l'autre joue un rôle important, et il en va probablement de même pour le besoin de variation. Retenons cependant que ce jeu de variation reste normalement dans les limites fixées par m(I¡) [limite supérieure] et m(It) [limite inférieure], de sorte qu'on pourrait formaliser le comportement idéal du paramètre dans notre type d'énoncé de la façon suivante:


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où les crochets marquent le jeu de variation relativement libre, en ce qui concerne la hiérarchie d'intensité entre les différentes incises. 50% environ de nos exemples réalisent cette formule correctement, et dans un assez grand nombre de cas, les déviations sont minimales. Il reste pourtant le fait que les facteurs de perturbation restent puissants et que nous sommes souvent confrontés avec des chiffres déroutants.

Somme toute — et malgré nos efforts interprétatifs —, il nous faut avouer que le paramètre de l'intensité (> intensité vocalique moyenne) reste une variable peu caractéristique et d'une « significativi té » réduite pour le type phrastique que nous analysons ici.

3.0. Dans nos études antérieures, nous avons toujours dû constater que le paramètre
du débit était peu efficace, voire problématique:

- en position finale, il semblait exister un besoin de marquer tout simplement
un contraste avec la séquence non-parenthétique, peu importe qu'il
soit positif ou négatif22;

- en position initiale, il semblait en aller de même23;

- en position médiane, nous avons rencontré un ralentissement dans 1/3 des
cas, une accélération dans 1/7 des exemples, tandis que dans la moitié des



22. Cf. Wunderli, TL Gand 7 (1980), p. 95-103.

23. Cf. Wunderli. Parenthèse initiale, p. 250.

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cas le comportement était neutre; la significativité du paramètre était minimal
e24;

— dans le cas des relatives explicative et determinative, aucune tendance
nette ne se dégageait:le paramètre était tombé dans l'inefficacité totale2s.

Tout ceci nous semblait peu prometteur pour le domaine des incises en série, et en effet, nous nous sommes tout de suite heurté à des difficultés presque insurmontables. C'est pour cela que nous avons calculé nos valeurs sur deux bases différentes:

- tout d'abord, de façon globale pour les séquences initiale et terminale ainsi
que pour chacune des incises;

- puis de façon plus détaillée pour chacun des mots phoniques réalisés.

Nous avons très vite dû reconnaître que de nouveau le débit dépendait en grande partie de la longueur des mots phoniques26. Notre premier procédé risquait donc de fournir des résultats tout à fait insignifiants, voire faux; c'est pour cela que nous l'avons finalement abandonné; nous nous limitons à présenter les résultats par mots phoniques. Malgré cette précaution, on constatera très vite que le comportement de cette variable reste insatisfaisant et semble manquer de toute significativité, c'est pour cela que nous avons aussi renoncé à calculer les valeurs AT (contrastes de débit).

Mais voici tout d'abord les résultats bruts (en phonèmes par seconde). En ce
qui concerne la présentation, nous adoptons le même système que pour le fondamental:



24. Cf. Wunderli, Parenthèse médiane, p. 254.

25. Cf. Wunderli, Relatives (à paraître).

26. Cf. àce sujet aussi Wunderli, TL Gand 7 (1980), 100-102 et surtout Relatives.

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H


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VD o ¦M S H

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DIVL4561

ON S x> m a H


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00 ON O -4—» 15 -d m

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o o 15 in ro X! H

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3.1. Ce qui, tout de suite, ressort clairement de ces chiffres, c'est que les hommes ont tendance à avoir un débit plus lent que les femmes. Ceci n'est pas surprenant du tout: nous avons là affaire à une caractéristique socio-linguistique qui est — au moins du point de vue statistique — généralement valable.

En ce qui concerne le comportement des incises en série, l'impression générale est déroutante; aucune tendance nette ne se dégage et on pourrait tout au plus parler d'une légère préférence pour une réalisation plus rapide des séquences intercalées par rapport aux séquences initiale et terminale (cf. p.ex. 1096 M/I, 1097 L, 1098 C/I, 1100 A etc.). Après mûre réflexion, nous sommes arrivé à la conclusion que deux tendances souvent contradictoires sont ici en concurrence l'une avec l'autre:

- la première est la tendance mentionnée à une réalisation plus lente des séquences
initiale et terminale, donc à une accélération dans les incises;

- le deuxième facteur semble être le fait que les séquences courtes sont normalement
réalisées de façon plus lente que les séquences longues, ce qui
pourrait être un effet de la «constante temporelle» de I. Mahnken27.

Ces deux facteurs potentiellement contradictoires - favorisés par une certaine liberté individuelle du locuteur — ont pour effet de produire dans un grand nombre de cas des variations du débit qui semblent être tout à fait arbitaires (cf. p.ex. 1096 L, 1097 M/A/I, 1098 L, 1099 C etc.) et qui, dans la plupart des cas, constituent un obstacle difficilement surmontable à tout essai d'interprétation spontanée de la part de l'auditeur. Somme toute, le paramètre du débit nous semble être peu efficace pour la caractérisation des incises en série. Nous nous demandons même si nos résultats ne sont pas en grande partie un effet du hasard. Une telle conclusion gagne en probabilité si l'on compare les résultats dans nos autres études: pour la parenthèse initiale, le débit semblait être dépourvu de toute significati vi té; pour la parenthèse finale, ne semblait compter que le contraste en tant que tel, indépendamment de sa nature positive ou négative; en position médiane (incise isolée), nous avons constaté - mise à part la masse dominante des cas «neutres» — une certaine tendance à un ralentissement2B.

Ce qui est sûr, c'est que pour les séquences intercalées et extraposées, le débit reste une variable problématique et, en tout cas, peu efficace — et ceci d'autant plus que le comportement décrit ci-dessus est indépendant du contour employé (parenthèse ou continuation).

4.0. Reste le dernier des paramètres que nous avons pris en considération, la



27. Cf. I. Mahnken, Die Struktur der Zeitgestalt des Redegebildes, Gòttingen 1982. - Cf. aussi Wunderli et al., Franzôsische Intonationsforschung, p. 193; Wunderli, TL Gand 7 (1980), 100-102.

28. Cf. Wunderli, Parenthèse initiale, p. 250; id., TL Gand 7 (1980), 102/03; id., Paren thèse médiane, p. 254.

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pause. Dans nos études antérieures, cette variable s'est toujours avérée d'une
grande importance; son poids se rapprochait parfois même de celui du fondamental.

Pour la présentation des matériaux, nous procéderons de la manière suivante:

- Pour chaque phrase-test, nous numérotons les pauses théoriquement possibles,
c'est-à-dire.

1096 Jean, ® mon frère, (2) le cadet, © qui habite © Paris,© s'ennuie
© à la campagne.

1097 Jean, ® mon frère, (2) celui © que j'ai toujours 0 préféré, © qui
s'est enrôlé © dans l'armée, CD viendra nous voir ® ce soir.

1098 La Tour ® Eiffel, (2) ce grand monument, Q) cette construction
© magnifique, © est une des curiosités © de Paris.

1099 La Renaissance, ®ce grand siècle, Q) cette grande époque Q) de
l'art italien, © est extrêmement © intéressante © pour l'historien
Q) de l'art.

1100 Cette femme ® gentille, © Mme © Laval, © la femme de ménage
© de nos voisins, © qui vient ® de s'acheter ® une voiture, © a
eu un accident.

- Pour distinguer les pauses liées à la structure incidentielle (pré-, post- et interparenthétiqu
e29) des pauses dépendantes uniquement de la segmentation en
mots phoniques, les valeurs pour les dernières seront mises entre parenthèses.

- Un tiret dans une des colonnes marquera qu'à cause de la structuration en
mots phoniques choisie par le locuteur, une réalisation de la pause respective
est exclue dans l'exemple en question.

- La valeur des pauses est donnée en centisecondes (es.).



29. «Parenthétique» ici dans le sens syntaxique du terme.

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Pauses Tableau 4

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4.1. Si nous en venons maintenant à l'interprétation, nous pouvons tout d'abord retenir que les hommes réalisent nettement plus de pauses que les femmes, une donnée socio-linguistique qui est certainement en corrélation plus ou moins directe avec les différences de débit mentionnées ci-dessus. Ce phénomène n'a d'ailleurs rien de surprenant, étant donné que nous avons déjà fait une constatation analogue en analysant les données pour la parenthèse médiane simple3o. En ce qui concerne les chiffres exacts, les voici3l :

pauses théoriquement possibles: 204

pauses pratiquement possibles: 198

pauses réalisées 6: 45

pauses réalisées 9- 33

La corrélation entre pauses 6 / pauses 9 est donc de 4:3, ce qui correspond plus ou moins à ce que nous avons trouvé pour la parenthèse médiane simple (57/47); notre conclusion en ce qui concerne cette caractéristique socio-linguistique est donc nettement corroborée par la coïncidence des résultats.

Cette évaluation globale des résultats est pourtant insuffisante, car les pauses liées au découpement en mots phoniques seulement (pauses non-parenthétiques) et les pauses dépendant en plus de la structure parenthétique (pauses parenthétiques) montrent un comportement nettement différent en ce qui concerne la réalisation des césures pratiquement possibles:


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Les pauses parenthétiques possibles sont donc réalisées dans 71,11% des cas, les pauses non-parenthétiques par contre seulement dans 5,00% des cas; le dernier pourcentage est tellement bas qu'on pourrait le considérer comme presque négligeable.

Reste à savoir si les pauses sont favorisées par l'un ou l'autre des deux types majeurs pour le contour superposé aux incises. Nous avons compté aussi bien les pauses précédant que les pauses suivant l'incise, ce qui a pour conséquence qu'une pause située entre deux incises apparaît deux fois dans nos statistiques. Ce calcul a abouti aux résultats que voici:



30. Cf. Wunderli, Parenthèse médiane, p. 260.

31. «Pauses théoriquement possibles» = chiffre qu'on obtiendrait si tous les mots phoniques virtuels étaient réalisés avec pause; «pauses pratiquement possibles» = chiffre qu'on obtiendrait si tous les mots phoniques actualisés étaient réalisés avec pause.

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Ceci semble plaider en faveur d'une sorte d'attraction ou de provocation de la pause par l'emploi d'une continuation: pour toutes les positions nous avons une relation de 1:2 en faveur de la continuation. Ces chiffres sont cependant trompeurs, car il faut tenir compte de la fréquence relative des types. Or cette relation est de 2:3 environ en faveur de la continuation32; si l'on tient compte de ce facteur, l'avantage de la continuation se réduit de 100% à 25%: elle favorise donc légèrement l'apparition d'une pause, mais non de façon décisive, un résultat qui correspond assez bien à ce que nous avons constaté pour la parenthèse médiane simple33.

Se pose en outre la question de savoir si les pauses après une continuation mineure sont possibles là où l'on a affaire à une incise — car d'après Di Cristo34, cette constellation serait généralement exclue. Or nous avons déjà dû constater dans nos études antérieures que les séquences extraposées (initiales) ainsi que les séquences intercalées faisaient exception à cette règle3s, et il en va de même pour le type analysé dans la présente étude ; nous avons trouvé une pause parenthétique dans 34 cas, à savoir:

1096 H/C(2)/L/A, 1097 H(2)/M(2)/C/A(3)/I, 1098 C/L/A, 1099 H(2)/M/
C(2), 1100 H/M(4)/C(3)/L/A(2)/I.

Ceci confirme notre hypothèse que la pause précédant ou suivant directement une séquence extraposée (initiale) ou une séquence intercalée était pour ainsi dire indépendante du contour employé et constituait une sorte de trait autonome pour la caractérisation de la non-progrédience intraphrastique; dans la subséquence d'une continuation mineure ce trait devient même distinctif et est capable de marquer la structure parenthétique par lui-même. Cette interprétation est encore confirmée indirectement par le fait que les deux seules pauses nonparenthétiques dans notre corpus (1099 H/M) se trouvent après une continuation majeure — une confirmation peu solide, bien sûr, vu la rareté des exemples.

5.0. Venons-en aux conclusions. En ce qui concerne les contours employés, nous



32. Cf. ci-dessus, p. 194.

33. Cf. Wunderli, Parenthèse médiane, p. 259.

34. Cf. A. Di Cristo, Recherches sur la structuration prosodique de la phrase française, dans: Actes des 6'emes journées d'Etude sur la Parole, Toulouse 1975, p. 95-116.

35. Cf. Wunderli, Parenthèse initiale,p. 252; id., Parenthèse médiane, p. 260; id., Relatives (à paraître).

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pouvons affirmer qu'aussi bien la parenthèse que la continuation sont possibles pour les incises en série; des restrictions spécifiques pour l'emploi des différentes variantes des deux types ne semblent pas exister. En ce qui concerne la fréquence,elle est de 2:3 en faveur de la continuation, un résultat qui est en désaccordavec les données pour la parenthèse médiane simple, où la relation se rapprochaitde 2:1 en faveur du contour plat36. Cette divergence pourrait bien dépendrede la structure sérielle de nos exemples: une suite de parenthèses n'est pas seulement d'une grande monotonie, le caractère peu varié du fondamental rend aussi extrêmement difficile de segmenter et de structurer l'énoncé (et surtout la partie incidentielle) à l'aide des données suprasegmentales. Ceci semble favoriser dans une certaine mesure l'emploi de la continuation, et cette interprétation est corroborée par le fait que l'emploi du contour plat seul pour rendre la séquence d'incises est le type de loin le plus rare que nous ayons trouvé dans notre corpu s37.

En ce qui concerne la possibilité de combiner les deux types principaux (avec toutes leurs variantes) pour rendre la séquence d'incises, toutes les constellations nous semblaient être possibles, mais avec des fréquences variables; c'est surtout un double changement de type qu'on semble plutôt éviter, tandis que les représentations par un type unique ou avec une seule variation du type sont d'une fréquence plus ou moins égale. Ce qu'il faut en tout cas retenir, c'est qu'un changement de type n'est possible que lors du passage d'une incise à l'autre; il ne se rencontre jamais à l'intérieur d'une incise, même si celle-ci est constituée de plusieurs mots phoniques.

Dans notre introduction, nous avons aussi touché au problème de la gradation des contours plats en série. D'après la présentation des faits chez Léon, ce phénomène serait normal ou même obligatoire, tandis qu'il est passé sous silence par Delattre et Di Cristo. Nos propres résultats ont montré qu'on trouve aussi bien des séquences de contours plats avec gradation que des séries sans détachement; l'emploi de l'une ou de l'autre de ces deux solutions ne semble dépendre que du libre choix des locuteurs. — Une possibilité de gradation se trouve aussi pour les continuations superposées à une incise; il s'agit cependant là d'un phénomène généralement possible qui n'est pas lié à la construction incidentielle.

5.1. En ce qui concerne la hiérarchie des paramètres, nous arrivons aux mêmes conclusions que pour les parenthèses médianes simples et les relatives3B: à deux paramètres principaux (fondamental et pause) d'une grande efficacité s'ajoutent deux variables secondaires (intensité et débit) d'une importance fort réduite ou presque nulle. En ce qui concerne l'effet désambiguisant, contour plat et pause



36. Cf. Wunderli, Parenthèse médiane, p. 241.

37. Cf. ci-dessus, p. 195.

38. Cf. Wunderli, Parenthèse médiane, p. 265; id., Relatives (à paraître).

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(après une continuation mineure) sont d'une fréquence presque égale (31/34). Cette fonction n'incombe jamais aux deux autres paramètres qui n'ont qu'un caractèreauxiliaire. Le comportement typique est fréquent pour l'intensité, tandis qu'il ne semble même pas y en avoir pour le débit - ce qui nous ramène finalementaux résultats de nos études antérieures.

Peter Wunderli

Dusseldorf

Résumé

Dans la présente étude, il s'agit de savoir à l'aide de quels contours les séquences de parenthèses sont réalisées et qu'il faut s'attendre plutôt à des réalisations graduées (Léon) ou à des réalisations non-graduées (Delattre, Di Cristo, Kahn) des parties non-progrédientes. L'analyse empirique porte sur 5 phrases-test réalisées par 6 locuteurs différents et aboutit aux résultats que voici: 1° Dans les domaine du fondamental, on rencontre aussi bien le contour de la parenthèse que celui de la continuation; la fréquence des 2 types est de 2:3. Ces deux types (avec leurs variantes) peuvent être combinés de façon relativement libre; un changement de type n'est cependant possible que lors du passage d'une incise à l'autre, et jamais à l'intérieur d'une incise. En ce qui concerne les séquences de contours plats, on rencontre aussi bien des réalisations avec gradation que des séquences sans détachement; les locuteurs semblent être libres dans leur choix. 2° Le paramètre de l'intensité est plus ou moins négligeable et manque de significati vi té. 3° II en va de même pour le paramètre du débit. 4° La pause par contre est un paramètre important: Les pauses possibles avant ou après une séquence paranthétique sont réalisées dans presque 75% des cas, tandis que les pauses non-parenthétiques possibles ne sont réalisées que dans 5% des cas.

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