Revue Romane, Bind 18 (1983) 1

Margareta Silenstam: Les phrases qui contiennent une complétive. Ebauche d'un système. Acta Universitatis Upsaliensis. Studia Romanica Upsaliensia 24. Uppsala, Almqvist & Wiksell International, 1979, 120 pp.

Ebbe Spang-Hanssen

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Tout en défendant les principes de la grammaire transformationnelle, Margareta Silenstam prend ses distances avec elle: les travaux des transformationalistes sont trop sophistiqués à son goût (p. 84), et, pour sa part, elle refuse de discuter de la forme précise d'une structure profonde hypothétique. Les options de l'auteur l'ont amenée à écrire une étude transformationnelle qui évite au maximum la terminologie et le jargon des chomskyens.

Le style qu'a choisi l'auteur épargne au lecteur l'effort normalement requis pour suivre - et contrôler - les calculs des transformationalistes. Mais le refus du cadre habituel de la grammaire transformationnelle n'est pas sans inconvénients non plus. C'est que le lecteur doit faire un effort considérable pour s'habituer à des schémas d'un type dont il n'a pas l'habitude et dont il n'est pas facile de définir la signification exacte.

Margareta Silenstam déclare vouloir ordonner dans un tableau des structures des types suivants: // est essentiel Qu P; L'essentiel est Qu P; Qu P est l'essentiel; Ce qui est essentiel, c'est Qu P; Je sais Qu P; Ce queje sais, c'est Qu P; Qu P, c'est bien; Ce qui est bien, c'est Qu P. «Ordonner dans un tableau» veut dire classer, mais aussi distinguer entre structures centrales et structures périphériques, ce qui revient à dire qu'il s'agit de classer les structures dans un ordre transformationnel, sans donner nécessairement les règles de transformation précises.

L'étude porte sur les transformations de permutation, de détachement, d'extraposition,
de clivage et de pseudo-clivage appliquées aux phrases qui contiennent, ou qui auraient pu
contenir, à la place du sujet ou de l'objet, une proposition complétive.

Ce qui me paraît constituer la plus grande originalité de cette étude, c'est l'idée d'une transformation d'identification qui nominalise le verbe: ce roman me surprend - ce roman est ce qui me surprend. Il y aurait là plus ou moins le même rapport qu'entre ce roman est une surprise (prédication non-identifiante) et ce roman est la surprise (prédication identifiante). Les réflexions sur le classement des phrases attributives occupent une place centrale dans l'argumentation de Margareta S.ilenstam.

Une telle transformation d'identification aurait l'avantage de rattacher la transformation
de pseudo-clivage à d'autres structures. A la place d'une règle qui, d'un seul coup, transforme:

(1) Ce roman me surprend

en:

(2a) Ce qui me surprend, c'est ce roman

l'auteur propose la transformation d'identification qui donne:

(2b) Ce roman est ce qui me surprend

suivie d'une transformation de permutation qui produit:

(3) Ce qui me surprend est ce roman

suivie d'un détachement à gauche:

(4) Ce qui me surprend, c'est ce roman (pp. 84-85).

Au lieu d'une transformation complexe, isolée dans le système, nous obtenons ainsi une

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série de transformations dont nous avons besoin par ailleurs pour rendre compte de bien
d'autres structures.

A la fin de son livre, Margareta Silenstam discute la possibilité de dériver les phrases clivées
des phrases pseudo-clivées, en s'appuyant notamment sur la distribution complémentaire
des clivées et des pseudo-clivées.

La tentative de classement de Margareta Silenstam mérite l'attention. Ce qui intrigue surtout, je crois, à la lecture, c'est le statut de la notion de transformation dans cette théorie. Que peut bien être une transformation d'identification? Elle ne conserve pas le sens de la phrase de départ, ni ne modifie, comme les transformations de négation ou d'interrogation, le sens de la phrase entière.

Copenhague