Revue Romane, Bind 18 (1983) 1Sempre, tost et leurs synonymes en catalan ancien Etude lexicographiquepar Lars Lindvall 0.0.Par une étude publiée dans cette revue (1981: 1-2, pp. 74-97), j'ai essayé de contribuer à la description de l'usage de l'adverbe lèu en occitan moderne. En outre, à partir de matériaux médiévaux, j'ai cherché à montrer aussi que le lexique de l'occitan ancien était structuré d'une façon radicalement différente. Pour exprimer les valeurs associées plus tard à l'adverbe lèu, on retrouve dans l'ancienne langue un sous-système lexical autrement constitué. A la place centrale qu'occupe en occitan moderne l'adverbe indiqué, avec ses différentes formes, significations et fonctions, correspondait dans l'ancienne langue l'emploi de tost et de plusieurs synonymes abandonnés, eux aussi, au cours de l'évolution postérieure de cette langue. Sous sa forme catalane - lieu - on retrouvera cet adverbe aussi dans les textes qui sous-tendent cette étude. Sous 7.1. et 8.1. — les exemples (7) et (1) respectivement — on peut relever deux occurrences, attestées dans la chronique de Bernât Desclot, de (tant) lieu que définit Alcover-Moll (= AM, ace. I, 6) par «aviat; de pressa o en poc temps» (1) et de lleument «d'une manera lleu;lleugerament» (2). (1) elo misatge
davallà corrent e tost en la vila, e tornà tant lieu
(lavant lo rei (De (2) d'on, si venir
volien, que es cuitassen ivars, que les galères e los
hômens porien Dans les exemples cités figurent non seulement lieu et lleument mais aussi l'adverbe tost, dans la juxtaposition corrent e tost, et son synonyme ivars. Cependant, en catalan, l'adverbe Heu n'a jamais joué le même rôle important qu'on peut attribuer à son équivalent occitan. En revanche, le catalan moderne est caractérisé par l'usage de l'adverbe aviat, qui, avec ses différentes valeurs et ses différents emplois, constitue l'équivalent direct de tost, de ses différentes formes composées et de ses synonymes dans l'ancienne langue. 0.1.Les matériaux sur
lesquels est fondée cette étude sont composés des quatre
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grandes chroniques catalanes telles qu'on peut les lire dans l'édition qu'a donnée Soldevila (1971) — «Les quatre grans cròniques», comprenant la «Cronica o Llibre deis feits» de Jaume I El Conqueridor (op. cit. pp. 3-190), la «Crònica» de Bernât Desclot («iiibre del rei En Pere», op. cit. pp. 405-587), la «Cronica» de Ramon Muntaner (op. cit. pp. 667-943) et, finalement, la «Cronica» de Pere el Cerimoniós (op. cit. pp. 1003-1158). On verra, parla suite, que les mots étudiés constituent ensemble un sous-système lexical commun, ce qui, dans l'usage, n'exclutpas des différences très nettes qui sont significatives pour notre connaissance du style et de la grammaire des textes examinés. 0.2.La table I donne les fréquences des mots étudiés dans nos matériaux. On constate, entre autres, que les écarts d'ordre idiolectal qui nous permettent de distinguer entre les quatre chroniqueurs sont, parfois, considérables. Ainsi voit-on, à propos des adverbes, qu'ils n'ont pas les mêmes préférences lorsqu'il s'agit de choisir parmi les synonymes disponibles (voir table II). Au sujet des locutions conjonctives, on retrouve aussi des divergences lexicales très significatives pour une étude stylistique de leur usage (voir table III). Side 25
Side 26
0.3.Le catalan moderne diffère très nettement du catalan ancien. On peut s'en rendre compte en examinant la façon dont un traducteur a rendu la chronique de Jaume. Une édition qui date de 1926-1927 donne une version modernisée qui nous permet de faire quelques rapprochements entre la langue moderne et la langue ancienne (voir table IV). On retrouve, pour la langue d'aujourd'hui, un ensemble de mots qui, à quelques exceptions près, ne contient plus les mêmes lexèmes que le sous-système lexical qu'on peut dégager pour le catalan médiéval. Side 27
1.0. SempreCet adverbe, un mot central dans le champ lexical qui se dégage par une étude de Jaume, est fréquent également chez Desclot, moins fréquent chez Pere;Muntaner ne l'emploie pas du tout. En ancien français et en ancien occitan, ce mot a servi à exprimer une idée de postériorité immédiate. Nos matériaux prouvent qu'il a eu la même signification aussi en ancien catalan. Or, tandis que sempre (sempres) a disparu totalement en français, il est resté en catalan avec le sens «toujours, encore». Serait-ce là le résultat d'une influence castillane? On peut très bien se le demander puisqu'un changement de sens qui va de «immédiatement» à «toujours» est peu probable. Cependant, si la signification «toujours» du catalan moderne est le résultat d'une influence castillane, cela n'explique pas la situation analogue que l'on constate pour l'occitan. La première acception que donne AM est celle que connaît le catalan comtemporain: «en tot temps; en qualsevol temps o en qualsevol ocasió» avec, comme équivalent castillan, siempre. Un des exemples attestés par AM pour ce sens est très ancien (L'esperii d'om qui sempre dura); il nous vient des «Homilies d'Organyà» qui date de la fin du XIIe ou, peut-être, du commencement du XIIIe siècle. Les autres textes cités illustrant l'emploi de ce sens sont beaucoup plus tardifs — «Lo Passi en cobles», écrit par les deux Valensiens Bernât Fenollar et Pere Martínez, date du XVe, de même que le texte «Colloqui e rahonament fet entre dues dames», tandis que «Procès o disputa de viudes y donzelles» remonte au XVIe siècle (1561); les autres exemples cités ont été attestés dans des sources encore plus jeunes. Des collocations comme sempre jamai (jamay) et (per) sempre pus/més sont, elles aussi, relativement tardives; elles ont été relevées dans des textes qui datent du XVIIe et du XIXe. Par contre, à en juger par l'âge des sources citées, le sens «tout de suite, immédiatement» («tot seguit, immediatament») est nettement lié à un lexique plus ancien, de même que la conjonction sempre que «dès que» («tot seguit que»). Cet emploi de sempre est qualifié de «ant.» par AM. Des exemples ont été relevés dans Llull, Jaume, Desclot et Pere. De l'autre côté, il est évident que la locution conjonctive sempre que signifiant «amb tal que; mentre que (amb valor condicional)» n'est pas organiquement associée à cette valeur de sempre, ce qui, pourtant, est impliqué par la description lexicographique que donne AM. Il s'agit plutôt d'une parenté sémantique avec l'emploi plus tardif de sempre signifiant «toujours». 1.1.On constatera donc que l'adverbe sempre s'emploie dans ces matériaux catalans tout à fait comme le font ses homologues dans les anciens textes français et occitans.La juxtaposition des deux adverbes synonymes sempre et (de) mantinent dont on trouve des exemples chez Jaume est bien connue en français. (Voir Side 28
Lindvall 1971
pp. 31, 51, 55; cf. aussi ibid. pp. 43, 63.) On pourra
donc comparerles (1) esi scntia
neguns que vingucssen contra nos. sempre vendria a nós,
e ens ho faria (2) E nos dixem-li
que si farieni. E sempre faem armar béeinquanta
cavaliers ab escuts (3) E sempre
reteren-10. En enviam a Oliana, e quan saberen que retut
era lo castell de (4) E tots los
altres dixeren que bé deïa. E nós sempre fem-nos venir
tots los còmits (5) E faem adobar
de menjar mentre oíem la missa, e menjam, e sempre
mantinent (6) E sempre de
mantinent convidaren-los, si volien entrar en la vila de
Ciutadella, que (7) E nós, sempre de
mantinent, vestim-nos lo perpunt sobre la camisa (Ja 78:
2) (8) que ens
enviassen cada una doseents hòmens, e ells
enviaren-los-nos sempre de (9) E sempre de
mantinent, asscgurà per don Ató de Eoces (...) que eli
faria dret eomplidament (10) Ne l'ataint
pas el gros del piz, - Scmpres fust morz de mantinent
(Roman Troie (11) Ainc ne dona
consci petit ne grant Por quoi nus hom le deüst faire en
camp Qu'il (12) Se sa coroic
ne trait de cascun sane, Le poing perdra scmpres de
maintenant (ibid. (13) Si con Ogiers se
vait apercevant, 11 li respont sempres de maintenant
(ibid. 8525) (14) La roïne, lor
mere, nés vout gueres amer; Aun roi se fist sempres
maintenant Sur d'autres points encore, on trouvera des correspondances en français (et en occitan). Les contextes (17-18), où sempre précède des locutions temporelles (l'endemà et aquella nit mateixa respectivement) nous invitent à supposer un emploi prépositionnel de sempre, emploi qui pourrait se traduire par «dès + Substantif». Ainsi la structure syntaxique de (17) peut être analysée de la façon suivante: (E (sempre l'endemà) féu lo rei ...) plutôt que (E sempre (l'endemà) féu lo rei ...). Admettons pourtant que, jusqu'à nouvel ordre, l'analyse proposée reste hypothétique. L'emploi indiqué (pseudo-prépositionnel?) est attesté aussi pour l'ancien français, comme le prouvent les contextes (15-16): (15) Sempres en
son conmencement E a son haut corounement En oct si tres
faite (16) Tu i avras
grant preu, mien entient. Senpres au jour, parson l'aube
aparant, Ou (17) tornaren-se'n
al rei de Franca eal cardenal e contaren-los-ho. E
sempre l'endemà (18) E aqui
aquella nit, posam e dormim en l'hostal d'En Castellò
Sent Pere (...) E, Side 29
1.2.Dans l'exemple (1), cité plus bas, il est probable que sempre, malgré la présence de la proposition temporelle intercalée, se rapporte à la principale — (e sempre (quan se foren meses ais Hits) dormiren tuit) et non pas (e (sempre quan se foren ...) dormiren tuit), analyse qui ferait de sempre quan une locution conjonctive, cf. (2). S'il s'agit d'une locution conjonctive véritable — ce qui n'est pas du tout sûr - elle a pu être aussi discontinue, voir (3). Or, dans ce contexte, il est évident que l'interprétation structurale ((e faeren sempre tots vela) (quan a nos la veeren fer)) semble plus naturelle. On notera des contextes, structuralement identiques, en français, voir (5-6), où sempre(s) précède des propositions temporelles introduites par quant, nous invitant à y voir une locution conjonctive ayant la forme sempre quant. (Voir Lindvall 1971 pp. 35-36.) Rappelons aussi que le FEW veut établir la conjonction sempre quant «dès que, aussitôt que» pour l'ancien occitan. La seule traduction possible de (7), où sempre figure à l'intérieur même de la proposition temporelle semble bien être: «Et dès que vint le matin ...». (1) elo comte bec
tant ab sa companya que tuit foren embriags e sempre,
quan se (2) E aquells que
don Rodrigo havia meses llaïns per establiment
reteren-se sempre (3) E faem vêla, e
dixem ala galea que dixés a les naus que faessen vcla
(...) e faeren (4) E vos
baiszares me lo fron, Senpres qant eu lo vos dirai
(Levy; Cour d'am. 1415; (5) Sempres quant
el anuitera E tote genz se dormira, Ferai apeler les
meillors (Ben- (6) Sempres, quant
la lune iert couchiée (...) Nos armerons communaument
(Roman (7) E quan venc
sempre lo bon mati', lo rei de França fo davant Elna
atendat (De La locution conjonctive sempre que «dès que, aussitôt que» ne connaît aucun équivalent en français. Elle a pourtant été attestée pour l'ancien occitan (avec la variante desempre que) (Voir Lindvall 1981* pp. 84-85.) La locution indiquée est fréquente chez Jaume et Desclot qui, en réalité, la préfèrent à ses synonymes (voir table III). On notera avec intérêt les structures illustrées par les exemples (10-13). (Voir aussi De 498:2, 500:1.) Une proposition temporelle introduite par sempre que est insérée dans une autre proposition immédiatement après le que subordonnant qui est répété dans le contexte. Cette proposition, à son tour, peut contenir l'adverbe sempre (12) ou bien un de ses synonymes, aitantost dans (13). Nous aurons lieu de revenir par la suite sur des constructions semblables où peuvent figurer aussi d'autres locutions conjonctives qui nous intéressent ici. (8) E nostra marc,
sempre que nos fom nats, envià'ns a sancta Maria (...) e
tantost Side 30
(9) e. sempre que
fo envesprit. cavalca ab sos escuders e tene son carni
tota la nuit per (10) F. que ho
faríem en aquesta manera, que sempre que nos fósscm
entrats en Montsó (11) V. manà que
sempre que els missatges se"n fossori anats, que tota la
host, al pus ( 12) Barons dix
lo monge -,si fare, ab un covinent : que sempre que jo
naja haut un (13) e que estiam
en tal guisa aparellats que sempre que les galces del
rei Caries sien 2.0. EncontinentD'après AM, l'adverbe encontinent signifie «tot seguii; en el temps immédiat». La conjonction encontinent que a aussi été enregistrée par AM («tot seguit»). Le dictionnaire catalan cite des exemples illustrant l'emploi adverbial qui ont été attestés chez Llull, dans un document daté de 1419 et chez Miquel Agusti qui, en 1617, publia un ouvrage appelé «Llibre deis Secrets de Agricvltvra casa rvsticay pastoril» où on a lieu de compter avec des éléments venus de textes plus anciens (et parfois étrangers) ce qui ressort de la présentation de cet ouvrage: «(...) recopilat de diversos avtors, antichs y Modems, de llenguas Llatina, Italiana, y Francesa, en nostra vulgar llengua Catalana (...)» ; la locution conjonctive a été relevée dans «Llibre del Consolât de Mar» qui parut au XVe siècle mais qui, en partie, est de date plus ancienne, chez Muntaner et, finalement, chez Metge (XIVe siècle). La chronologie des sources citées nous amène à croire que encontinent appartient surtout à une période révolue de la langue même si AM n'indique aucune date limite pour l'usage de cet adverbe. La variante de continent est qualifiée de «ant.» par AM qui, en outre, donne la locution conjonctive de continent que. (Voir sous 3.0.) Parmi les quatre chroniqueurs Pere est le seul à employer de continent. L'adverbe encontinent est fréquent dans Muntaner et Pere — dans le dernier texte encontinent et de continent sont tout à fait prédominants dans la concurrence avec les synonymes possibles (voir table II). 2.1.On notera, dans (6), la juxtaposition des deux adverbes encontinent et tantost — l'exemple est unique, relevé dans Muntaner. Le contexte (7) doit être rapproché des exemples illustrant l'emploi de sempre précédant une locution adverbiale de temps (voir (17-18) sous 1.1.); il se peut que encontinent se rapporte à cette locution temporelle plutôt que de déterminer le verbe de la phrase - ((E encontinent aquell dia mateix) (eli posa ...)). L'analyse proposée ne s'impose pourtant pas. Side 31
(1) esia vós
plaurà, fets cncontinent tocar la trompeta que les
galees se rccullen, e (2) lì lo senyor
rei fon molt alegre, e cncontinent maná donar al megaduc
deu galees (3) lì, com fom a
Tarascó, lo dit Pare sant no vole que entràssem
encontinent en Avinyó, (4) mes mans ala
sua espaa. qui ha nom Vilardell, c, encontinent, los
enemics se venceren (5) Senyor, cjous
faç tal resposta, que vós encontinent trametats per la
senyora reina, (6) lì boscades
les dites vint galees, tantost encontinent féu obrar
aquellcs, c feu posar (7) lì
encontinent, aquell dia mateix, eli posa en terra tot ço
que en les galees tenia Nous avons vu, à propos de sempre, que, dans certains contextes, il y a répétition du subordonnant que. Parfois la complexité syntaxique de ces structures peut donner des résultats inattendus dans l'emploi de nos adverbes. Ainsi, dans (8-10), encontinent a été détaché de la proposition à laquelle il appartient de sorte qu'il se trouve dans un état d'isolement syntaxique assez curieux. Dans un contexte tel que (11), il semble évident que l'adverbe n'est pas lié au verbe qui le suit (vos prec) mais à la phrase verbale suivante {que demà nos en tornem ...). (8) vengueren los
genêts, qui li dixeren que los enemics eren aquí, e
encontinent que (9) que facen
semblant que es facen forcar, mas que encontinent, a
pocs dies, que (10) e que el
somenescats que encontinent, ab la croada que darcts
contra el rei d'Aragò, (11) si que
encontinent vos prec que demà nos en tornem en nostra
terra, que per res 2.2.Notons les contextes exemplifiés par (1-2) où encontinent précède un participe passé - l'éditeur a eu soin d'y intercaler une virgule — de sorte que l'adverbe se rapportera au participe et non pas au verbe fini (partim et passà-se'n respectivement). La structure de ces contextes serait donc: (E (encontinent passada la dita festa) partim d'aquí ...) et (E (encontinent lleixada aquella en lo dit castell) passà-se'n en Catalunya), analyse qui ferait de encontinent un élément conjonctif. Je ne dis pas que cette analyse soit la seule possible —je me borne à constater que, dans le texte cité, on retrouve des structures identiques où d'autres adverbes, synonymes de encontinent, semblent revêtir, eux aussi, une fonction conjonctive. L'emploi de la conjonction est illustré par (3-4); elle est, comme on peut le voir par la table 111, assez rare dans ces matériaux. Notons, dans (4), que quaix peut précéder la locution conjonctive. La forme que revêt la conjonction dans (5) est unique dans notre corpus. Side 32
(1) E,
encontinent, passada la dita festa, partim d'aquí, e
venguem-nos-en fins a Tuïr (2) E,
encontinent, lleixada aquella en lo dit castell.
passà-se'n en Catalunya (Pc (3) E encontinent
que fo recollit, ell hac vista de l'estol dels genoveses
qui fe'ia la via (4) Car, quaix
encontinent que començam de regnar, nos sobrevengren
grans afers (Pe (5) E encontinent
con acó fo manat, l'almirall encontinent, cil son cos,
cavalca (Mu 3.0. De continentL'adverbe de continent, une variante formelle de encontinent, ne figure que dans Pere; chez ce chroniqueur il est très fréquent. J'ai pu révéler, dans son texte, cinquante-cinq exemples de son emploi et cinq occurrences de la locution conjonctive de continent que. Son usage étant limité à Pere, cet adverbe sert ainsi à donner un caractère individuel très marqué au texte où il se retrouve. De l'autre côté, aitantost fait défaut chez Pere et cet adverbe, on le sait, est employé par les trois autres chroniqueurs, surtout par Desclot. (Voir table II.) Comme c'était les cas de encontinent, nous constaterons au sujet de cet adverbe qu'il figure dans des structures où il précède immédiatement des constructions participiales. L'éditeur, comme on le voit par (2-3), a mis une virgule après l'adverbe afin de le séparer du participe passé. Or, il faut envisager ici la possibilité de proposer une autre analyse pour ces structures. Dans (2), par exemple, il semble tout à fait naturel d'analyser la structure donnée de sorte que de continent soit défini comme un élément conjonctif: (E (de continent fêta la dita sepultura) tornà-se'n ...) et non pas (E de continent (fêta la dita sepultura) tornàse'n ...). Le contexte (3), également, peut être analysé: (que (de continent vistes les dites Hêtres nostres) donàs mort ...) et non pas (que de continent (vistes les dites Hêtres nostres) donàs mort ...). L'exemple (3) doit être rapproché de (1), illustrant l'emploi de l'adverbe mantinent dans une structure analogue, cité sous 4.2. Ces structures sont très caractéristiques de la syntaxe de Pere. L'emploi de la locution de continent que est illustré par les exemples (4-6) cités plus bas. (1) e pregava tots
los seus servidor (...) que de continent e sens tota
triga venguessen a (2) e venc-se'n
encontinent de Saragossa, on era, a Barcelona per esser
ala sepultura (3) la dita
procuració nostra, que. de continent, vistes les dites
Hêtres nostres, donàs (4) e, de
continent que fom en la dita ciutat, tenguem Cort als
valencians e aquí'nos (5) E, de
continent que la batalla fo vençuda, hagueren-nos
aparellat lo nostre cavali Side 33
(6) E, de
continent que fom en Morvcdre, nós fem enfortir la força
del castell (Pe 4.0. MantinentCet adverbe - qui s'écrit aussi mantenerli - a été attesté chez tous les quatre chroniqueurs. Il est employé avec une fréquence élevée par Desclot (soixantehuit occurrences). Il existe aussi une variante de mantinent («S'usava sovint precedit de la preposició de», AM) qui, pourtant, est relativement peu usitée (12 occurrences dans nos textes). La locution conjonctive mantinent que est, elle aussi, plutôt rare. Je n'en ai relevé que huit exemples, dont six chez Desclot. 4.1.Mantinent exprime une idée de postériorité immédiate; AM en définit le sens par «tot seguit, immediatament». L'adverbe a eu, on le sait, ce sens également en ancien français, en ancien occitan et en ancien italien. En ce qui concerne cet adverbe — et la locution conjonctive mantinent que — AM ne dit pas s'il faut le considérer comme vieilli ou non. Or, les exemples destinés à illustrer son emploi prouvent qu'il se retrouve surtout dans les textes catalans anciens (Jaume, Llull); la forme composée de mantinent est également attestée seulement pour le catalan ancien (Jaume, Desclot et un document de 1393). (1) Een aquell
lloch mantinent haguem acord e conseil que facssem
nostra Cort general (2) E mantinent lo
senyor rei d'Aragó respòs que molt era pagat de ço que
dit li havia (3) Però nós
mantinent fem convocar les hosts nostres per tota
Catalunya que ens (4) E les gents de
mantinent cuitaren-sc de metre's dins la casa e muntaren
lia sus los On notera, dans
(5), le détachement de l'adverbe. Notre exemple a été
attesté (5) esi res hoiem
de neguna part de estol que sobr.els vingues, que
mantinent que.y 4.2.Quant aux contextes (1-2), caractéristiques, on le sait désormais, de la syntaxe de Pere, on peut proposer une analyse qui, de mantinent, fait un élément conjonctif;une telle analyse donne la structure suivante: (E (mantinent dites aqüestes paraules) eli se n'anà ...). La locution conjonctive a la forme mantinent que. Des contextes tels que (3-4) doivent, par conséquent, être analysés de sorte que mantinent,en tant qu'adverbe, se rapporte au verbe de la principale: (E mantinent Side 34
(com aço hac dit) lo guardia partfs ...) et (e mantinent (quan lo viren cells de Cadaqués ...) reteren-li lo castell ...)¦ (Voir pourtant sempre quan, sous 1.2., et encontinent corn, sous 2.2.) Dans (7), mantinent que suit le subordonnant que; cf. le contexte (5) cité plus haut, sous 4.1. (1) que mantinent,
vistes les présents, pensassen de atendré ab Ilurs armes
al pus tost (2) I:, mantinent,
dites aqüestes paraules, eli se n'anà cnsems ab don
Pedro dT.ixèrica (3) V. mantinent,
com aç.o hac dit, lo guardia partí's dcnant lo rei e
venc-se'n a son (4) e mantinent
quan lo viren cells de Cadaqués (...) reteren-li lo
castell de Cadaqués (5) e mantenent
que hagren haut lo missatgc del rei, s'aparellaren al
milis que pogren (6) mas mantinent que
s'eren retuts, fugiren tots per les muntanyes (De 556:2)
(7) Eés ver que
mantinent que En Jacme de Mallorques (...) fo intrat en
Puigcerdà, 5.0. TantostSi, ensuite, nous passons à tantost et à sa variante aitantost (voir sous 6.0.), il nous faudra distinguer entre le cas où il s'agit d'un lexème autonome, synonyme des adverbes déjà discutés, et le cas où nous avons à faire avec une forme comparative de tost (comparaison d'égalité). Plusieurs exemples illustrant ce dernier emploi ont été relevés dans nos matériaux. En ce qui concerne les sens, il n'y a pas lieu de distinguer entre les deux variantes; leur dispersion peu uniforme dans nos textes s'explique par des facteurs d'ordre idiolectal. En vertu de sa fréquence très élevée, tantost ressort comme un vocable hautement distinctif dans la prose de Muntaner tandis qu'on trouve que Desclot, de son côté, lui préfère aitantost (voir table II). Pour ce qui est des locutions conjonctives, tantost et aitantost sont le plus souvent suivis de com (con). On note pourtant avec intérêt que la forme avec que est loin d'être rare. Dans le catalan qu'écrit Pere, tantost que est même plus usité que tantost com (voir table III). La description lexicographique que donne AM de l'adverbe tantost (et de la locution conjonctive qui lui correspond) rend manifeste un caractère sémantique plutôt complexe de ce mot. La première entrée lexicale de AM présente un emploiadverbial qualifié de «ant.» («tan prompte»). L'exemple cité a été relevé chez Llull, voir plus bas (1). Or, la structure de ce contexte nous fait croire qu'il s'agit d'une construction conjonctive exemplifiée aussi par notre exemple (5), sous 5.1. Il semble naturel de traduire l'exemple de Llull par «à peine ... que». Notons que la locution (ja) tantost no (...) que n'a pas été enregistrée par AM. Cet emploi n'est pas nécessairement plus ancien que les autres. Sans avoir pour Side 35
autant la
possibilité de la vérifier ici, nous voudrions hasarder
l'hypothèse qu'il (1) Tantost l.omc
no vol pujar a vos per oraciô, que scmpre no siats vos
dcvallant a cil L'adverbe tantost n'a pas été qualifié de vieilli par AM; le sens en est défini par «tot seguii; immediatament». (Voir aussi AM, sous tantôt.) A en juger par le chronologie des sources, il est pourtant clair que ce mot appartient à une période révolue de la langue catalane. AM l'a attesté chez Muntaner où, en effet, il est très fréquent, chez Metge, dans le «Libre de consolació de Philosophia, lo quai feu en lati lo gloriós doctor Boeci, transladat en romanç catalanesch, seguint la exposició del beneuyrat doctor sent Thomas Daquí, e endreçat a lait infant en Jacme de Malorcha», ouvrage traduit par Antoni Ginebreda au XIVe siècle, et, finalement, dans le «Recull de Eximplis e Miracles, Gestes e Faules e altres ligendes, ordenades per A-B-C, tretes d'un manuscrit en pergami del començament del segle XV (...)». 5.0.1.Dans certains contextes il peut être difficile d'établir la valeur qu'exprime tantost. Le plus souvent elle est pourtant déterminable à partir de la signification générale du contexte. Dans les trois exemples suivants, (1-3), relevés chez Jaume (éd. 1926-1927), on voit comment le traducteur a choisi de rendre tantost et aitantost en catalan moderne. Dans (1) il rend tantost «immédiatement» par tantost — ce qui prouve que cet adverbe peut figurer aussi dans la langue moderne littéraire. (Cf. table IV.) Tantost figure aussi dans la traduction de (2) mais, là, nous avons à faire avec une valeur préférentielle neutre — «aussi bien que» — et, on le sait, le catalan d'aujourd'hui, pour exprimer cette valeur, préfère la locution tan aviat com, locution qui, avec une valeur de manière, se retrouve dans (3b), traduisant tantost com. (la) V. els
sarraïns oïren que les trompes tocaven, c viren bullir
la host, e començarense (lb) «I cls
sarraïns oïren que les trompes tocaven i veieren enrenou
en la host, i tantost (2a) e la mort
deis hòmens es en ma de Déu, car aitantost se moren los
jòvens com los (2b) «I la mort
deis homes es en ma de Déu, car tantost moren els joves
com els vells» (3a) Anem a la
vila, que el rei de Mallorqucs es a la muntanya e no hi
porà aconseguir (3b) «Aneu a la
vila, que el rei de Mallorca es a la muntanya i no hi
podrá arribar tan 5.1.Le problème de
savoir si nous avons à faire avec le lexème autonome
tantost (ou Side 36
aitantost) ou bien avec une forme comparative de tost se pose dans quelques contextes où aucune comparaison explicite n'est marquée, voir (1). Dans (2), tantost com signifie «aussi vite, promptement que» tandis que tantost (...) com dans (3-4) exprime une valeur de préférence neutre. Le catalan moderne préfère désormais l'emploi de l'adverbe aviat dans ce genre de contextes {tan aviat com). La locution ja tantost no (...) que dont l'emploi est illustré par (5) signifie «à peine ... que». (1) e munta a
cavali e comenta a correr après d'ells: eno foren pus de
vint cavaliers (2) les gents no
es pogueren tant bc arresar. ne aparellar tantes, ne en
tal manera ne (3) e con n'hi
havia alcun qui prenia llanca o dard, sabien-nc tant,
que tantost donaven (4) Barons, de
nits es, e tantost nos poricm ferir los uns los altres
con ferríem cils (Mu (5) l. anc-me'n a
Menorca, eja tantost no fui a Maon, queja hi hac
missatge del senyor 5.2.1.En ce qui concerne tantost «immédiatement», on notera les structures où cet adverbe précède un participe passé, voir (7-11). On comparera (7) à (6) où tantost est placé avant le verbe fini de la principale. On voit que l'éditeur a mis une virgule après tantost dans (7-9) tandis qu'il n'y en pas dans (10-11). Prenons l'exemple (11) qui contient le participe passé d'un verbe intellectif (sabuda). Il semble naturel de proposer l'analyse structurale suivante: (E (tantost sabuda nostra venguda) manà llevar ...) au lieu de faire rapporter tantost au verbe fini manà: (E tantost (sabuda nostra venguda) manà llevar ...). (1) l: don Nuno
vcnc a nos: e tantost cnviam pcr tôt nostre conseil, per
los bisbes c (2) K meravellà's, e
saltà tantost sobre cl Ilit e près l'espaa en la ma (Mu
671:2) (3) K, aixi
partits-vos-hi tantost, c têts vostre viatge, enouses
ops que ens vingats (4) l, lo senyor
rei. nostre pure, ccl Patriarea anaren a Tarragona e,
com hi toren. tantost (5) I', com fon
fêta la sua sepultura. tantost après que ens foin
dinats, eavalcam e (6) e, haiit
aquest conseil, tantost partis de València, e venc-se'n
a nos qui érem en (7) 1. tantost,
haut lo dit acord, ordenam que molts barons de nostres
règnes (...) (8) que el
besàssem en la boca enoli sofensscm que ell nos besas la
ma, e. tantost. (9) 1.. tantost.
fet lo dit atorgament. nos isquem de la dita sagrestia
ab los damunt dits (10) Mas, per ço
com tantost reebut l'habit de Hspital, llcixà aquell, e
reebé lo dit Side 37
(11) E, tantost
sabuda nostra venguda, maná llevar sa host e trámete
companya per 5.2.2.Dans AM, l'emploi conjonctif de tantost est illustré par les locutions tantost com et tantost que mais, aussi, par tantost seul. Les conjonctions sont définies par «tot seguii que; tot just». Si tantost com (attesté chez Jaume et dans un document daté de 1455) et tantost que (relevé dans les «Sermons» de Sant Vicens Ferrer, XIVe siècle) appartiennent tous deux à l'ancienne langue, l'emploi conjonctif de tantost seul - «Usât simplement, sensé conjunció auxiliar» (AM, ace. 3, c) - semble être plus tardif. Tantost — ou tantostes (traité à part) — est, d'après AM, caractéristique du catalan majorquin. (1) L'infant Jesús
un ma tí, tantost apuntava el dia, baixà amb la Verge
Maria (Verdaguer, (2) Els reguerons
tantost nascuts, cuiten a fugir del devant meu (Masso
Croq., cité (3) Tantostes has
arribat, ja has començat a cridar (cité après AM)
La locution conjonctive peut donc être formée avec com ou que. Dans Muntaner il y a soixante-neuf occurrences de tantost com et six occurrences de tantost que; Pere, chez qui cette conjonction est moins fréquente, préfère, quant à lui, tantost que (voir table III). L'éditeur a mis, inutilement, me semble-t-il, une virgule après tantost dans (4-5). On notera - dans (10-11) —la répétition du subordonnant que — (... que (tantost com ...) que ...). Ce genre de structures sont caractéristiques surtout de la syntaxe de Muntaner. (Cf. Mu 693:2 (bis), 700:2, 790:2, 871:2, etc.) Dans (12), l'adverbe figure aussi dans la principale. (4) E, tantost,
com lo dit conseil fo délibérât (...) notificam per tots
nostres règnes lo (5) E, tantost,
com fom en lo dit Hoc de Terol, haguem ardii que
l'infant En Ferrando (6) E tantost con
eli fo e'l regne de Valencia trobà missatges del rei de
Granada (Mu (7) tantost com
hauran acò vist o entès, al pus ivaxs que pusquen,
venguen a eli socorrer (8) E, tantost
com fo en la posada sua, gità's en son Hit e, a cap
d'alguns jorns, reté (9) E, tantost
com fo hora de dinar o abans, lo dit infant En Pere nos
trames de belles (10) E nos
prometem-vos que tantost con siam en Catalunya, que us
trametrem la reina (11) Que ells se
pensaven que tantost con los Ports haguessen passais,
que tota la terra (12) que en tal
manera los havien meses en veençû, que tantost con oien
cridar «Aragó!», La forme tantost
que, où, exception faite de (15), tantost s'écrit en un
seul mot, Side 38
est plus rare que tantost com. Le contexte (13) est déroutant à cause de l'intercalationdu complément al venir. Dans (14), tantost doit se rapporter au verbe fini de la principale — à moins qu'il n'appartienne à quant dans une construction conjonctive discontinue (interprétation structurale peu plausible). Les structures assez lourdes dont (20-21) offrent des exemples — (... que (tantost que ...)...) — peuvent parfois entraîner l'usager — il s'agit, en l'occurrence, de Muntaner — à construire des phrases curieuses. En effet, dans (22-24), il n'y a pas de locution conjonctive tantost que; encadré par deux occurrences de que, c'est bien l'adverbequ'on y retrouve, détaché du verbe auquel il appartient - (... que (tantost) que fes parar taula ...), (... que (tantost) que s'anàs ...), (... que (tantost) que es recollis ...), (... que (tantost) ... que tothom fen's ...) respectivement. (13) E, com nos
fo après, nos nos llevam de pcus, c cil, tantost, al
venir, que ens fo (14) E, tantost,
fra Guillem de Guimerà, quant fo prop d'ells, cridà a
grans veus: «Aragó!» ( 15) E aquí, tan
tost que forcn entrats, en l'altra jorn, morí lo rei de
Franca de la malattia (16) E tantost
que aço hac fet, el cavali se senti ferit, e llevà's
davant e detrás (Mu (17) e tantost
que nós sapiam que hagen passades les Mcdes de Torrella,
nós entrarem (18) E, tantost
que digueren que venien e eren aquí per fcr-nos
rhomenatge, llevamnos (19) li lo dit
rei En Jacme, avi nostre, tantost que cl dit rei En
Sanxo fon mort, mana (20) E si cm
demanats quina gent lo seguia, seria infinitat de dir;
que tantost que fo (21) E acó feïa
eli per mal, e que entras oi e mala volcntat entre los
pobles ela host; (22) c dix-li que
tantost que fes parar taula, c que armas de bonesgents,
tots marsclleses (23) que manà al
dit noble que tantost que es recollis e que se'n muntàs
per la feu de (24) E con les
trompes e les nácares tocarien del senyor rei e
l'estendard se desplegaría, 6.0. AitantostCet adverbe est donné comme synonyme de tantost par AM. (Dans l'ancienne langue la particule aitant s'employait en concurrence avec tant - elle est qualifiéede «ant.» par AM, comme l'adverbe.) Le dictionnaire cité a attesté aussi la locution conjonctive aitantost com (LJull). Les autres exemples illustrant l'usage Side 39
de aitantost se retrouvent dans le «Tractât de Régiment deis Princeps e de Comunitats.Lo dotzèn llibre del Crestià compost en lo XIV segle per lo R. M. Fr. Francese Eximènis», chez Muntaner et dans «Flos de les Medicines, text del segle XV». Donc, cette forme appartient, elle aussi, au lexique catalan ancien. Dans nos matériaux, aitantost est fréquent surtout chez Desclot qui, en effet, le préfère à ses synonymes. Les locutions conjonctives — aitantost com/que — sont, elles, relativement plus rares. (Pour aitantost (...) com exprimant une valeur préférentielleneutre, voir sous 5.0.1.) Dans (4), il y a lieu de se demander si nous avons à faire avec une locution conjonctive ayant la forme aitantost quan. (Cf. sous 1.2., et passim.) (1) Quan lo rei
ho hac manat, aitantost fo feit (De 427:2) (2) volgren llur
secórrer, mas cils se foren aitantost recollits, e així
tornaren-se'n (De (3) E quan ho
saberen, foren-ne molt irats, car ells no hi eren
estats. lì aitantost preseren-sc (4) e aitantost
quan hagren oïdes novelles de les galecs deis proençals,
foren molt (5) E aitantost
com aquelles gents qui eren per la reina en Malta hagren
haut lo missatge, (6) E aitantost
con fo davant la dita cíutat, ordonà son setge (Mu
680:2) (7) E aitantost
que el rei ho hac manat, En Ramon de Plegamans féu fer
galères (De (8) E aitantost
que eli l'hac vista, eli conce que era aquella dona per
qui hac feita la (9) e aitantost
que la nuit fo venguda feeren-ne ço que l'infant llur
hac manat (De 7.0. TostL'adverbe tost est qualifié de «ant.» par AM. Le sens en est défini par «prest, aviat». Ce mot a été relevé chez Llull, dans un document daté de 1344, chez Pere, dans «Terç del Crestià» par Francese Eximènis, chez Ausiàs March (XVe) et Martorell (XVe) ce qui laisse entendre que tost appartient surtout au vocabulairecatalan ancien. En ce qui concerne l'emploi préférentiel de la forme comparativemes tost - «mes aviat, amb preferencia (a una altra cosa suposada com a possible)» (AM) — il semble, s'il faut en croire AM, être moins vieilli, mais les exemples donnés nous viennent de Majorque et de Menorque, ce qui pourrait indiquerun usage limité aux Baléares. Parmi les sources citées figurent les «Obres en prosa y en verso de D. Tomás Aguiló» (1812-1884), c'est-à-dire «(...) el patriarcade la Renaixença a Mallorca, amb les sèves balades, de fons germànic i llengua popular mallorquína (...)» (Ruiz i Calonja 1954 p. 421); le texte d'où est tiré l'exemple cité se trouve justement dans un recueil de «Poésies en mallor quin». Quant à tan tost («adv. i conj.»), AM renvoie tout simplement à tantost (voir sous 5.0.). AM donne aussi l'adjectif tost, -a «ràpid» mais il s'agit d'un Side 40
italianisme
pur. La forme tostes, finalement, qualifiée de «ant.»,
est, tout à fait 7.0.1.Plus haut (sous 0.3.), nous avons examiné de quelle façon le traducteur de Jaume (éd. 1926-1927) avait rendu les ancien adverbes qui expriment une idée de postériorité immédiate. Voyons maintenant comment il s'y prend face au problème de traduire l'adverbe tost. (la) Ara dats-la
tost, sinô tal vos darc de l'espaa pcr la testa que mort
vos métré (Ja (lb) «Ara
doneu-la tot seguit si no us daré amb Tcspasa tal cop en
la testa que us deixaré (2a) e près ses
armes tosi e cavalca sus e cixí ab los de la host, son
elm en sa testa e sa (2b) «i prengué
les sèves armes tot seguit, i cavalca i eixí amb els de
la host» (Ja 1:109) (3a) li si partim
los sarrains e la roba tost, que la gent sera pagada (Ja
49:2) (3b) «1 repartim
aviat els sarrains i el boti, que la gent estarà
contenta» (Ja 11:93) (4a) e ara son
aqui, e preguen-vos que anets tost. que si no no hi
poricn romanir, que (4b) «i ara hi són i us preguen que marxeu
aviat, qui si no, no hi podrien romandre» Plutôt que de correspondre à une polysémie véritable chez tost, les deux traductions données sont le résultat d'une certaine hésitation qu'a éprouvée le traducteur face à cet adverbe car, et il n'y a aucun doute sur ce point, tost n'a jamais exprimé une idée de postériorité immédiate. Admettons pourtant que, lorsqu'il s'agit de cette catégorie de vocables, il est injuste de demander à un traducteur une fidélité absolue à l'égard de son original. Il n'y a, dans nos textes, aucune occurrence de l'adverbe aviat. On voudrait mieux connaître l'implantation lexicale de ce mot dans le vocabulaire catalan. Constatons, en attendant, que le rôle que joue aviat en catalan moderne est assumé dans l'ancienne langue par l'adverbe tost. 7.1.Exception faite
de tantost et de aitantost, les collocations suivantes
ont été attestéesdans Side 41
des contextes où figure cet adverbe nous n'avons pas de peine à établir les sens qu'il peut exprimer. Tost détermine des verbes de mouvement (1-2) ou des verbes d'action (3), signifiant «vite, rapidement» et «vite, promptement». On notera qu'il y a plusieurs contextes où tost est rapproché de l'adverbe synonyme ivars (avec plusieurs variantes graphiques, voir plus bas sous 8.O.), cf. (4-5). Par ailleurs,on retrouvera tost juxtaposé à des adverbes de manière tels que de(s)lliure (6) et corrent (7). Dans (8), tost détermine un impératif; figurant seul, il peut s'employer comme expression exhortative; l'expression ara tost (9) correspond à or tost en ancien et moyen français. Dans un certain nombre de contextes, tost tend à exprimer une valeur temporelle («bientôt»), dénotant plutôt le moment d'accomplissement que la promptitude d'une action verbale donnée. (1)
significant-li que vingués tost, que TAlguer soferia
gran destret de viandes (Pe (2) e aixi' coin
tost fon entrât per via de la Seu d'Urgell, aixi' tost
de passada, sens (3) E nés
atorgam-los-ho, pero que es Hunyassen e tost
s'acordassen en ço que volguessen (4) que
s'isquessen de la vila tost e ivàs ab llurs armes, e que
desemparassen la vila (De (5) tramés
missatge als cavaliers (...) que s'armassen tost e ivars
(De 524:2) (6) li pus
començat es, que anem tost e deslliure a avant (De
528:2) - Cf. aussi (id. (7) elo misatge
davallà corrent e tost en la vila, e tornà tant lieu
davant lo rei (De (8) Tost
amenats-me mon cavall e aparellats mes armes, que jo
vull anar contra los (9) Ara tost, pus
llevar no em pusc, isca tost la mia senyera e fèts
portar mi en una (10) Mas no hi
estaré gaire, que tost tornaré deçà a bon recapte (De
425:2) (11) que es
tenguessen bé ees defensassen, que tost haurien secors
gran (De 457:1) Molt tost, dans (12), signifie «très vite, rapidement». La particule així peut exprimer une idée de comparaison d'égalité — «aussi vite, rapidement (que)», (13); elle se retrouve dans des constructions comparatives explicites, (14), et dans des constructions consécutives, (15). Dans certains contextes négatifs, així tost correspond à la locution française (ne pas) de si tôt, (16-17). Les matériaux dépouillés n'offrent aucun exemple de la forme mes tost. Or, il n'y a rien de bien remarquable en cela car on sait que, en ancien catalan, la comparaison des adjectifs et adverbes se faisait toujours au moyen de la particule pus. (Voir Rohlfs 1971 pp. 35-36 et notes 65-66, Lindvall 1983.) Et la forme pus tost est bien établie dans l'usage que représentent les quatre chroniqueirs catalans. On constatera qu'il n'y a aucune occurrence de pus tost exprimant une valeur préférentielle; rappelons pourtant que cette valeur est établie pour les formes composées tan+tost et aitan+tost, dont on déduira qu'elle a pu être exprimée aussi pas pus tost. La construction superlative al pus tost + poder est fréquent surtout chez Desclot, (19-22). Side 42
(12) Quan lo
missatgc fo a Messina, si munta molt tost al palau efo
menât denant lo (13) e així coni
tost fon entrât per via de la Seu d'Urgell, aixi tost de
passada. sens (14) si que
moites de gents s'aparellaren de l'anar. mas no pas així
tost ne així cuitosament (15) Kmperò los
almogàvers se n'espeegaren així tost de matar-los, que
encara hagueren (16) e coni ella no
ho poc així tost obtenir, estec-ne consirosa e angoixosa
(Pe 1 155:2) (17) Senyor dix
lo rei , acò no és cosa que així tost se pusca fer (De
446:2) (18) E així
haurem pus tost Rosselló a nostra voluntat, pus que
hajam la vila de Perpinyà (19) e que
s'aparellasen de venir al pus tost que poguessen (De
411:2) (20) I:.mperò al pus
tost que eli pogué, eli vene e'l regne de Valencia (Mu
675:2) (21) Anats al pus
tost que puseats e fèts la via d'Alcoli e guardat-vos
que no us encontréis (22) Per què
faràs gran seny si et cuites de pendre terra al pus tost
que pusques, abans 8.0. IvarsL'adverbe ivaç est qualifié de «ant.» par AM; le sens en est défini par «aviat, de pressa». La graphie de ce mot est très variée; Soldevila écrit le plus souvent ivars. Les exemples cités par AM, attestés chez Jaume (pus iuaç... que), Desclot {tost yvaç), dans les «Sermons» de Sant Vicens Ferrer (XIVe siècle) {tan ivaç), dans le «Compendi historial de la Biblia, que ab lo títol de Genesi de Scriptura trelladà del provensal a la llengua catalana Mossén Guillem Serra en l'any MCCCCLI» (iuàs) et de «Alcoati. Libre de la figura del uyl. Text català traduit de l'àrab per Mestre Joan Jacme i conservât en un ms. del XIV segle (...)» (ivàs), prouvent que le mot appartient au lexique catalan ancien. Les dérivés morphologiques sont, eux aussi, anciens: ivacea («ant.») «rapidesa» est attesté chez Llull; ivacerament («ant.») «aviat, de pressa» est relevé dans «Las vidas de santos roselloneses (...) Fragment de text rosellonès, del segle XIII (...)»; ivaciositat («ant.») «rapidesa», chez Llull; ivaçós (ivarçôs, ivarsós, iversós) - tous qualifiés de «ant.» -se retrouvent chez Llull, dans un document daté de 1390 et chez Vilaragut, tandis que l'adverbe ivaçosament (ou ivarçosament) «ràpidament», considéré comme «ant.», a été relevé chez Llull, Muntaner, Pere et Vilaragut. (Sur Vilaragut, voir Ruiz i Calonja 1954, pp. 188-189.) Partout, on le voit, il s'agit de textes anciens. Cet adverbe est
usité surtout par Desclot (voir table I). Ivars est un
synonyme (1) d'on, si
venir volicn, que es cuitassen ivars, que les galères e
los hômens porien (2) Sènycr,
acorrets ivars! Que tots los servents qui van primers
son perduts (De Side 43
(3) car començà
d'anar a peu tost e ivars, milis que si tots temps
hagués anat (De (4) X quant la
host del rei de Franca hac entés acò, desatendà e
isqué's ivars e tost (De (5) Mas l'armada
de Sicilia no podia venir tant ivars en Catalunya, cai
havia a fer (6) e majorment
hòmens de peu, per ço car los cavaliers no es podian
arresar tan ivars (7) lì per ço que
les hosts de Catalunya isquesse e venguessen aidar pus
ivars e pus (8) tantost com
hauran aço vist o entés, al pus ivars que pusquen,
venguen a eli socór Lars
Lindvall Gòteborg
RésuméLes mots étudiés dans cet article constituent, morphologiquement et sémantiquement, un sous-système nettement délimité dans le lexique catalan ancien, représenté ici par les textes que nous devons aux quatre grands chroniqueurs catalans — Jaume ler, Déselot, Muntaner et Pere 111 (ou IV). On constate, entre autres, que la composition de ce groupe de mots est, dans ces traits constitutifs essentiels, identique aux sous-systèmes qui lui correspondent en ancien français, en ancien occitan et en ancien italien. Dans toutes ces langues, le lexique moderne est très différent du lexique ancien. Autour de l'adverbe de manière tost qui, dans le catalan moderne, a été remplacé par aviat, on retrouve dans le catalan ancien des adverbes comme tantost, avec sa variante formelle aitantost, et sempre, (de) mantinent, encontinent et de continent, qui, tous, expriment une idée de postériorité immédiate. On constate aussi que, à tous ces adverbes, appartiennent des locutions conjonctives qui, à l'instar des adverbes, ne s'emploient plus en catalan moderne. L'adverbe ivars
{ivàs, etc.), un synonyme proche de tost, constitue un
lexème propre au Le groupe de mots étudiés ici est commun aux quatre textes dépouillés. Or, il y a, dans l'usage, des différences significatives qui nous permettent de distinguer entre les quatre chroniqueurs. Ces écartes d'ordre idiolectal peuvent servir à caractériser et le style et la syntaxe de leurs textes respectifs. Il ne s'agit pas seulement de divergences d'ordre quantitatif mais aussi de différences concernant les structures grammaticales où figurent les mots examinés. BibliographieTextes cités:
Benoit de
Sainte-MaureChronique des Ducs de Normandie, t. I-111 P
p C Fahlin (Glossaire Benoit de
Sainte-Maure: Le Roman de Troie, t. I-VI. P. p. L.
Constans. SATF. Paris, 1904-1912. La Chanson
d'Aspremont. Chanson de geste du XIIe siècle, t. I-11.
P. p. L. Brandin. CFMA Desclot, Bernât.
Voir Soldevila (1971). Florence de
Rome. Chanson d'aventure de XIIIe siècle, t. I-11. P. p.
A. Wallenskòld. SATF. Jaume ler. Voir
Soldevila (1971). -, Cronica, t.
I-111. Text per J.M. de Casacuberta. Traduce io per E.
B. Col.leccio popular Moniage de
Guillaume. Chansons de geste du XIIe siècle, t. I-11. P.
p. W. Cloetta. SATF\ Muntaner, Ramon.
Voir Soldevila (1971). Soldevila, F.
(1971, éd.). Les quatre grans cròniques. Revisió del
text, pròlegs i notes de Ferran Ouvrages
consultés: Alcover, A. &
Moli, F.: Diccionari català - valencia - balear, t. I-X.
Palma de Mallorca, Gamillscheg, E.
(1957). Historische franzôsische Syntax. Ttibingen
Lerch, E.
(1925-1929). Historische franzôsische Syntax. Leipzig.
Lindvall, L.
(1971). Sempres, lues, tost, viste et leurs synonymes.
Etude lexicographique -, (1974). «Tosto
et presto. Etude sur leur usage dans l'italien des XVe -
XVIe siècles». -, (1975).
«Remarques sur l'usage des trois adverbes italiens
immantinente, tantosto et incontinente». -, (1981).
«Remarques sur l'usage et l'histoire de l'adverbe
occitan lèu». Revue Romane, -, (1983).
«Remarques sur l'emploi des adverbes pus et mes dans le
catalan de Ramon Rohlfs, G.
(1971). Romanische Sprachgeographie. Geschichte un
Grundlagen, Aspekte und Ruiz i Calonja,
J. (1954). Historia de la literatura catalana.
Barcelona. Tallgren, O.
(1917). «L'expression figurée adverbiale de l'idée de
PROMPTITUDE. Essai von Wartburg, W.:
Franzàsisches etymologisches Worterbuch, 1.1 -. Bonn,
1928 - |