Revue Romane, Bind 17 (1982) 2Une approche de quelques types particuliers de syntagmes de coordination 1par Marianne Hobæk Haff IntroductionA notre connaissance, les constructions qui seront traitées dans cet article n'ont pas été soumises jusqu'ici à une analyse de fond. Thorstein Fretheim les a abordées dans trois articles2, et nous lui sommes redevable dans une large mesure. Nous avons trouvé nécessaire, cependant, de développer l'analyse qu'il réserve à ses constructions, nous y reviendrons. Ce sont les six
constructions syntaxiques suivantes qui constituent le
point de la. proposition
imperative +ou + proposition déclarative Ib. syntagme
nominal (SN) +ou + proposition déclarative Ha. proposition
imperative +et + proposition déclarative Ilb. syntagme
nominal (SN) +et + proposition déclarative Illa, proposition
imperative + mais + proposition déclarative Illb. syntagme
nominal (SN) +mais + proposition déclarative Elles ont ceci en
commun que l'action ou la situation exprimée dans le
premier Une étude satisfaisante de ces syntagmes de coordination demande, à notre avis, que l'on étudie la façon dont ils sont utilisés. Autrement dit, il faut tenir compte de l'aspect pragmatique. Mariana Tutescu définit la pragmatique comme "l'examen des rapports complexes existant entre le langage et ses usages, entre le discours et le contexte situationnel, entre l'énoncé et la situation d'énonciation "3. Dans le Dictionnaire de linguistique Dubois et al. définissent la pragma- 1: Les termes
"conjoint" et "élément coordonné" sont utilisés comme
synonymes par Il convient de
noter que cet article s'intègre dans un projet d'étude
intitulé Coordonnants 2: "Pragmatic Constraints on the Use of a Syntactic Construction in Norwegian" p. 122-124, Grammars. Sentence Grammars. or Both?" p. 10-23 Ces deux articles ne sont pas publiés. Cf. aussi 'Text Grammars, Sentence Grammars, Presuppositions and Pragmatics"p. 21-31 in Working Papers in Linguistics, University of Oslo N° 4 1973. 3: Cf. Mariana
Tutescu: Précis de sémantique française, éd.
Klincksieck, Paris, 1975, p. 178. Side 22
tique ainsi:
"L'aspect pragmatique du langage concerne les
caractéristiques de En parlant, on accomplit des actes; c'est là l'hypothèse de départ de John Searle4, un des théoriciens de la pragmatique. Le nombre d'actes de langage ou d'actes illocutionnaires est très vaste: assertion, question, promesse, ordre, conseil, avertissement, menace etc. En fonction du choix d'unités lexicales, du type de phrase et du contexte extra-linguistique, on peut transmettre des actes de langage différents. On doit noter qu'il n'y a pas de correspondance bi-univoque entre type de phrase et acte de langage accompli. Premièrement, comme nous l'avons déjà souligné, le nombre d'actes illocutionnaires est très élevé, et les types de phrase consacrés par la tradition ne sont qu'au nombre de quatre (déclarative, interrogative, imperative et exclamative)s. Deuxièmement, bien que la phrase interrogative, par exemple, serve le plus souvent à transmettre l'acte d'interroger (question), on peut également effectuer un ordre en y recourant: Te tairas-tu?
Et quoique la
phrase déclarative s'emploie dans la plupart des cas
pour accomplir Vous emmènerez
les enfants se promener. Les quatre types
de phrase (ou trois si l'on ne considère pas
l'exclamative comme II pleut.
Il pleut?
Trois des syntagmes de coordination présentés ci-dessus sont des phrases complexes,composées d'une proposition imperative et d'une proposition déclarative. Aucune des grammaires que nous avons consultées ne mentionne le cas où deux types différents de propositions s'unissent pour former une seule phrase6. Or, le 4: Cf. John Searle: Les actes de langage. Essai de philosophie du langage, Collection Savoir, Hermann, Paris, 1972. 5: Nous sommes encline à nous ranger du côté de ceux quine considèrent pas l'exclamative comme un type de phrase primitif au même titre que les trois autres. Cependant, c'est là un problème qui déborde le cadre de cet article. 6: Nous nous sommes proposé d'étudier la distribution des coordonnants à l'intérieur de la phrase. Il se trouve cependant qu'il n'y a pas de cloison étanche entre la linguistique qui traite les phénomènes syntaxiques au sein de la phrase et la linguistique du discours, qui étudie tout énoncé supérieur à la phrase. En ce qui concerne la coordination de propositions principales ou indépendantes, on peut les ranger dans une seule phrase ou dans deux, sans que le sens change. Ainsi les syntagmes de coordination que nous allons étudier peuvent constituer une seule phrase ou deux: A. Fais un effort, et tu réussiras ton examen. A'. Fais un effort! Et tu réussiras ton examen. En ce qui concerne les syntagmes où c'est un SN qui constitue le premier conjoint, il nous semble que la disposition des deux éléments coordonnés en deux phrases n'est possible que dans certains cas. En effet, si le premier conjoint transmet un ordre, le SN peut constituer un énoncé nominal sans être pourvu d'expansions facultatives (le déterminant constitue une expansion obligatoire): Un effort! Et tu réussiras ton examen. Si le SN traduit l'acte d'assertion, par contre, le premier conjoint ne peut, nous semble-t-il, constituer un énoncé nominal qu'à condition que le substantif soit pourvu d'une expansion dite "facultative" (cf. Pour enseigner le français publié sous la direction de Mortéza Mahmoudian, éd. P.U.F., Paris, 1976): ?Un effort. Et il passa son examen. Encore un effort. Et il passa son examen. On peut noter que dans les exemples authentiques que nous avons recueillis les deux conjoints forment une seule phrase. Side 23
problème relatif au statut de cette phrase complexe se pose. Selon nous, les deux éléments constitutifs de cette phrase complexe ne fusionnent pas de manière à perdre leur identité. La phrase qui en résulte n'est donc ni imperative, ni déclarativeni quelque chose entre les deux. Elle consiste tout simplement en deux élémentsqui gardent leurs traits caractéristiques, et ceci explique qu'on puisse les ranger indifféremment dans une ou deux phrases (cf. note 6). Le problème se pose alors de savoir quelle sera la ponctuation à utiliser pour marquer la fin d'une telle phrase. Le choix ne peut être qu'arbitraire, et nous avons choisi d'utiliserle point. On peut faire à peu près les mêmes remarques pour les syntagmes où le premier conjoint est constitué par un SN. Ce SN peut traduire différents actes de langage: ordre, conseil, avertissement etc. Or, il n'existe pas de consensusquant à la ponctuation à utiliser à la fin d'une phrase se composant d'un SN exprimant l'ordre et d'une déclarative. Là aussi nous choisissons le point. Ia. et Ib.Les deux syntagmes de coordination dans lesquels ou sert de coordonnant seront traités ensemble. C'est que dans ces deux types le premier conjoint exprime à la fois un ordre ou une incitation quelconque et une condition7 et le second conjoint une sorte d'avertissementB. Soit les exemples suivants9: (1) Encore une
bière ou je t'assomme(rai).lo (2) La fille ou
il sera tué. (3) Donne-moi
encore une bière ou je t'assomme(rai). (4) Donne-moi la
fille ou il sera tué. 6: Nous nous sommes proposé d'étudier la distribution des coordonnants à l'intérieur de la phrase. Il se trouve cependant qu'il n'y a pas de cloison étanche entre la linguistique qui traite les phénomènes syntaxiques au sein de la phrase et la linguistique du discours, qui étudie tout énoncé supérieur à la phrase. En ce qui concerne la coordination de propositions principales ou indépendantes, on peut les ranger dans une seule phrase ou dans deux, sans que le sens change. Ainsi les syntagmes de coordination que nous allons étudier peuvent constituer une seule phrase ou deux: A. Fais un effort, et tu réussiras ton examen. A'. Fais un effort! Et tu réussiras ton examen. En ce qui concerne les syntagmes où c'est un SN qui constitue le premier conjoint, il nous semble que la disposition des deux éléments coordonnés en deux phrases n'est possible que dans certains cas. En effet, si le premier conjoint transmet un ordre, le SN peut constituer un énoncé nominal sans être pourvu d'expansions facultatives (le déterminant constitue une expansion obligatoire): Un effort! Et tu réussiras ton examen. Si le SN traduit l'acte d'assertion, par contre, le premier conjoint ne peut, nous semble-t-il, constituer un énoncé nominal qu'à condition que le substantif soit pourvu d'une expansion dite "facultative" (cf. Pour enseigner le français publié sous la direction de Mortéza Mahmoudian, éd. P.U.F., Paris, 1976): ?Un effort. Et il passa son examen. Encore un effort. Et il passa son examen. On peut noter que dans les exemples authentiques que nous avons recueillis les deux conjoints forment une seule phrase. 7: Etant donné que le second conjoint (Y) présuppose d'un point de vue logique le premier conjoint (X): ~ X conduit à Y, nous attribuons la condition au premier conjoint. 8: On peut noter que si l'on substitue sinon à ou, le sens reste le même: Donne-moi encore une bière, sinon je t'assommerai. 9: Les exemples quine sont pas dotés d"une référence ne sont pas authentiques. Nuus le& avons cependant soumis à un groupe de francophones. 10: Dans les systèmes hypothétiques où l'hypothèse porte sur l'avenir, on peut utiliser le présent ou le futur dans la principale cf. Knud Togeby: Fransk grammatik §560. Side 24
Les exemples (1)
et (3) d'un côté et (2) et (4) de l'autre peuvent être
paraphrasé (1) et (3):
Donne-moi encore une bière, car si tu ne me donnes pas
encore une bière, je (2) et (4):
Donne-moi la fille, car si tu ne me donnes pas la fille,
il sera tué. Il faut noter que
(1) et (2) peuvent être paraphrasés de bien d'autres
façons Bois encore une
bière, ... Le premier conjoint exprime donc à la fois une sollicitation et une condition et le second conjoint ce qui sera la conséquence si le destinataire ne se conforme pas à l'ordre donné. Plus précisément, en recourant à cette construction, l'émetteur fait savoir au récepteur que dans le cas où celui-ci n'obéirait pas à l'ordre, il lui arriverait quelque chose de désagréable, directement ou indirectement. Dans (1) et (3) c'est le destinataire en personne qui sera touché, tandis que dans (2) et (4) la conséquence ne sera malencontreuse pour lui qu'indirectement. Nous avons dit que le second conjoint exprime une conséquence négative pour le récepteur. Plus exactement, ce conjoint annonce une conséquence que l'émetteur considère comme malencontreuse pour le destinataire à partir de ses connaissances de celui-ci. Soit la phrase suivante: (5) Approche-toi
ou je t'embrasse. Paraphrase :
Approche-toi, car
si tu ne t'approches pas, je t'embrasse. Elle implique que
le destinataire n'aime pas être embrassé par le
locuteur, et Les remarques que nous venons de faire à propos des intentions ou motivationspsychologiques de l'émetteur relèvent de la pragmatique. Cependant, ces considérations sont fondées uniquement sur la forme même des deux constructionssyntaxiques en cause. On n'a pas besoin de recourir au sens lexical des unitésemployées, ni au contexte extra-linguistique: ce sont les deux types de syntagmesde coordination qui excluent d'autres interprétations. Ainsi, même si l'on ne connaît pas le sens des monèmes utilisés, on sait, à partir des deux constructionssyntaxiques seules, que le locuteur incite l'allocutaire à faire quelque chose et que si celui-ci ne se conforme pas à l'ordre exprimé, il lui arrivera quelque chose qui lui déplaît. Ces deux types de structure ont un statut à part et peuvent,à notre avis, être considérés comme des constructions syntaxiques "idiomatisées".Par 11: Nous donnons le sens des syntagmes de coordination à travers des paraphrases (la phrase réalisée et sa paraphrase sont synonymes d'un point de vue cognitif). Side 25
tisées".Parlà
nous entendons que la structure syntaxique en soi est
porteuse Il convient de
noter que les syntagmes dans lesquels ou sert de lien
semblent (6) *Un pas à
droite ou tu serais tombé. IIa.Si l'on peut traiter ensemble les deux syntagmes de coordination dans lesquels ou sert de lien, cela n'est pas possible pour les constructions où et rattache les éléments coordonnés. C'est que la structure SN + et + proposition déclarative se prête à plusieurs interprétations; elle n'est pas toujours équivalente à son pendant lia, ce que montreront nos analyses. Dans une certaine mesure la construction proposition imperative + et + proposition déclarative s'apparente aux deux précédentes: le premier conjoint exprime à la fois un ordre et une condition. Or, alors que les deux structures syntaxiques précédentes nous amènent, par leur forme syntaxique même, à conclure que le second conjoint exprime une conséquence négative pour le récepteur, la construction Ha permet, d'un point de vue pragmatique, deux interprétations. Prenons un exemple, qui, hors le coordonnant, correspond à la phrase (5): (7) Approche-toi
et je t'embrasse. En ce qui
concerne l'aspect proprement sémantique, il n'y a pas de
problèmes; Approche-toi, car
si tu t'approches je t'embrasse. Il convient de
remarquer qu'alors que la condition prend la forme d'une
conditionnelle Si l'on tient
compte du facteur pragmatique, l'exemple (7) se laisse
interpréter a. Le locuteur
considère la conséquence, rendue par la déclarative,
comme positive b. Le locuteur considère la conséquence comme négative pour l'allocutaire; le locuteur exprime donc une sorte de mise en garde ou de menace. Pour comprendre cette dernière interprétation, il faut voir dans l'ordre exprimé par la proposition imperative une sorte de défi: en réalité l'émetteur ne veut pas que le récepteur s'approche. Afin de pouvoir
opter pour l'une ou l'autre des deux interprétations, on
est Side 26
Dans certains
cas, cependant, le sens lexical des unités linguistiques
utilisées (8) Fais un
effort, et tu auras une récompense. De même dans
l'exemple suivant, le sens des unités constitutives de
la déclarative, (9) Fais un pas à
droite et tu seras mort. Pour interpréter la construction lia, il faut donc se fonder non seulement sur le sens lexical des monèmes utilisés, mais aussi sur le contexte extra-linguistique dans certains cas. Si l'on interprète le contenu de la déclarative comme une sorte de mise en garde, l'ordre exprimé par le premier conjoint revêt automatiquement une nuance de défi: le locuteur dit en effet le contraire de ce qu'il pense. IIb.12Cette construction se révèle beaucoup plus compliquée que les trois précédentes, et de loin. En dehors du type de communication institué entre le locuteur et son interlocuteur (les actes de langage), il faut tenir compte du temps utilisé dans la proposition déclarative et du contexte linguistique du syntagme de coordination. Alors que la construction lia implique toujours une sorte de conseil ou d'ordre, ce n'est pas là le cas pour Ilb, ce que montrent les interprétations différentes auxquelles se prête ce dernier type de syntagme. Notre construction permet un des 5 types d'interprétation suivants: \. SN + et + proposition déclarative correspond à la structure Ha: ainsi SN exprime à la fois un ordre et une condition, et la déclarative une conséquence soit positive soit négative pour le destinataire. La déclarative indique donc ce qui arrive au récepteur si celui-ci se conforme à l'appel du premier conjoint. Exemples:
(10) Un effort et
tu auras une récompense. (Cf. exemple (8))
Fais un effort,
car si tu fais un effort, tu auras une récompense.
( 11) Une semaine
de travail, et tu passeras ton examen. 12: Nous tenons à souligner encore une fois que le SN de ce syntagme se prête àun nombre très élevé d'interprétations. Ou plus précisément, dans le cadre de chacun des 5 types d'interprétation auxquels se prête cette construction, le premier élément coordonné peut recevoir un grand nombre de paraphrases. Soit l'exemple: Encore une bière et je pars. Si l'on considère le premier conjoint comme exprimant une hypothèse par exemple (cf. interprétation 2), on peut le paraphraser de bien des manières: Si tu bois/achètes/... encore une bière 5/ on met encore une bière sur la table etc. De même si l'on adopte l'interprétation 1, selon laquelle le premier conjoint exprime à la fois un ordre et une condition, le nombre de paraphrases possibles est immense. Ainsi, les paraphrases que nous donnons ne sont-elles pas les seules acceptables. Side 27
Paraphrase:
Fais une semaine
de travail, car si tu fais une semaine de travail, tu
passeras ton examen. On n'a guère besoin, selon nous, de prendre en considération les données extralinguistiques pour voir dans ces deux phrases une sorte d'incitation amicale. Dans l'exemple suivant, par contre, il semble nécessaire de tenir compte non seulement du sens des éléments linguistiques, mais aussi du contexte situationnel: (12) Encore un
mot, et je te dirai la vérité. Paraphrase :
Dis encore un
mot, car si tu dis encore un mot, je te dirai la vérité
Interprétation
a.: A supposer que le destinataire désire connaître la
vérité, le second Interprétation
b.: A supposer que le destinataire ne désire pas
connaître la vérité, Il est à noter
qu'on peut réserver à l'exemple (12) les interprétations
2 ou 5 Pour admettre
l'interprétation 1, il faut que la condition suivante
soit remplie: — la déclarative
est au présent ou au futur. 2. SN + et + proposition déclarative exprime une hypothèse qui porte sur l'avenir.Pour que cette interprétation soit possible, cependant, il faut que ia propositiondéclarative soit au futur ou au présent. Entre les interprétations 1 et 2 il y a une différence quant au mode de communication. Selon 1 le locuteur donne un conseil, tandis que selon 2 il émet tout simplement une hypothèse sur l'avenirl3. Cette différence est marquée grâce à l'intonation dans le code oral. Dans le code écrit, l'intonation est traduite à l'aide de signes de ponctuation, mais d'une façon très insuffisante. En se fondant sur un corpus écrit, on doit donc admettre pour 13: On peut rapprocher les constructions hypothétiques des syntagmes de coordination que nous examinons. En effet, à la phrase Si tu fais un effort, tu auras une récompense, on peut donner un des types d'interprétation 1 ou 2. Les constructions hypothétiques s'apparentent aux syntagmes de coordination où et sert de lien; c'est que celles-là permettent comme ceux-ci deux lectures d'un point de vue pragmatique: promesse ou menace. Dans certains cas on n'a pas besoin de recourir au contexte extra-linguistique pour déterminer de quel acte de langage il s'agit: Si tu fais encore un pas, tu seras mort. Dans d'autres, le recours au contexte s'impose: Si tu ouvres la bouche, j'enlève mes chaussures. Si l'on choisit pour ce dernier exemple l'interprétation 1, il faut donc prendre en considération le contexte pour déterminer s'il s'agit d'une promesse ou d'une menace. Side 28
la même phrase plusieurs interprétations également acceptables. Ainsi, les exemples(10), (11) et (12) cités plus haut, peuvent-ils aussi être interprétés comme de simples hypothèses portant sur l'avenir. Ils reçoivent alors les paraphrases suivantes: paraphrase de
(10): Si tu fais un
effort, tu auras une récompense paraphrase de
(11): Si tu fais une
semaine de travail, tu passeras ton examen, paraphrase de
(12): Si tu dis encore
un mot, je te dirai la vérité. 3. SN + et +
proposition déclarative exprime une hypothèse qui porte
sur le passé; Exemple: (13) Un pas à
droite, et je serais tombée. (Cf. exemple (6))
Si j'avais fait
un pas à droite, je serais tombée. Pour recourir à
cette interprétation, il faut que le verbe de la
déclarative soit au 4. SN + et +
proposition déclarative réfère à des faits qui se sont
réellement passés. Exemples:
(14) Une heure de
route et il arrive au lieu de destination,
II fait une heure
de route et il arrive au lieu de destination. (15) Une semaine
de travail et il passait son examen, II faisait une
semaine de travail et il passait son examen. Afin de pouvoir
réserver cette interprétation à notre construction, il
faut que la - le verbe de la déclarative est au passé ou éventuellement au présent. Dans le dernier cas, il s'agit d'un présent historique. Pour déterminer si l'on a affaire à un présent historique, il est nécessaire de se reporter au contexte linguistique. Si ce contexte est au passé, nous réservons l'interprétation 4 à notre exemple. Dans un contexte du présent, par contre, il faut donner à une phrase telle que (14) l'interprétation 1 ou 2. Le contexte linguistique se révèle ainsi important dans certains cas. Détachée du contexte, la phrase (14) se prête donc à la fois aux interprétations 1, 2 et 4. Side 29
5. SN 4- et +
proposition déclarative exprime deux faits futurs. Cf.
l'exemple (12) Encore un
mot, et je te dirai la vérité paraphrase :
Je dirai encore
un mot, et puis je te dirai la vérité. Pour que cette
interprétation soit possible, il faut que la déclarative
soit au présent Il convient de
noter que les interprétations 2-5 sont compatibles avec
l'exclamatio Exemples:
(16) Une semaine
de travail et il passait son examen! (Cf. (15)) paraphrase :
II faisait une
semaine de travail et il passait son examen! (17) Un pas à
droite et je serais tombée! (Cf. (13)) paraphrase:
Si j'avais fait
un pas à droite, je serais tombée! Il ne semble pas
y avoir de restrictions relatives au temps utilisé pour
admettre Fretheim mentionne dans un de ses articlesl6 que la construction 57V +et+ proposition déclarative peut traduire "a promise, or a warning, or some speech act that does not involve any councelling on the part of the speaker". Il n'aborde cependant pas une analyse de fond des cas où la construction ne transmet pas de conseil de la part de l'émetteur; c'est qu'il s'est proposé d'étudier ce qu'il appelle "conditional imperatives" seulement. Nous avons
étudié ci-dessus 5 types d'interprétation différents,
qu'on peut appliquerà 14: Plus précisément l'exclamation est une notion générale qui s'applique à tout un groupe d'actes de langage: étonnement, impatience, indignation, mépris, regret etc. Etant donné que l'exclamation peut se combiner avec d'autres actes de langage, tel celui de question, on ne saurait la considérer comme un acte de langage primitif. Ce groupe d'actes se caractérise par le fait que le locuteur ne s'adresse pas forcément à un allocutaire. Au lieu de paraphraser l'exclamation à l'aide d'unités lexicales, nous avons choisi de la traduire dans les paraphrases, à l'aide d'un point d'exclamation. 15: Si l'on considère qu'il n'y a que trois types de phrase primitifs, on peut classer la proposition, même dans ce cas, comme une déclarative. Cependant, en opérant avec trois types primitifs seulement, on suppose que, pour exprimer l'exclamation, il faut pourvoir un de ces trois types d'une composante affective. 16: Cf. "Text Grammars, Sentence Grammars, or both?", p. 17. Side 30
Illa Voici quelques
exemples de cette construction que Fretheim ne traite
pas dans (18) Fais comme
tu veux, mais tu seras responsable, paraphrase :
Fais comme tu
veux, mais si tu fais cela, tu seras responsable.
(19) Aide-le,
mais personne ne te remerciera Aide-le, mais si
tu l'aides, personne ne te remerciera. Comme pour les constructions où et et ou servent de lien entre une imperative et une déclarative, le premier conjoint exprime àla fois une conditionlB et un appel. Quant au second conjoint, il transmet le résultat négatif pour le destinataire au cas où il se conformerait à l'appel. Il s'ensuit que l'incitation du premier conjoint est à considérer comme une sorte d'avertissement. C'est la construction syntaxique même qui nous amène à interpréter ainsi. Les coordonnants ou et mais ont donc ceci en commun que, quand ils relient une imperative et une déclarative, la structure syntaxique en elle-même implique certains facteurs pragmatiques: Si ou sert de lien, le second conjoint exprime ce qui sera la conséquence négative au cas où le récepteur ne se conformerait pas à l'appel du premier conjoint; si mais constitue le lien, le second élément coordonné transmet la conséquence négative au cas où le destinataire se conformerait justement à l'appel du premier élément coordonné. Pour les deux constructions on n'a donc pas besoin de recourir au sens des monèmes utilisés, ni au contexte situationnel pour faire ces considérations d'ordre pragmatique. IIIb.En ce qui concerne cette dernière construction, les avis des informateurs sont opposés dans certains cas. Alors que l'exemple (20) semble acceptable à toutes les personnes interrogées, (21) est considéré comme acceptable par quelques-uns seulement: (20) Encore un
saut, mais il n'arrivait pas à franchir le mur. (21) ?Un saut,
mais il n'arrivait pas à franchir le mur. Egalement pour
l'exemple (22) les avis des informateurs diffèrent.
Certains l'ont 17: Fretheim se borne à analyser les coordonnants et et ou et ne mentionne pas le rôle que mais peut jouer dans les environnements en question. 18: En ce qui concerne la construction Illa, nous admettons qu'à la place d'une condition on peut y voir une concession. Side 31
pensent que
l'exemple est d'une grammaticalité douteuse. Le reste
des informateursle (22) Encore un
essai, mais tu le regretteras. Les phrases (23) et
(24) ont été acceptées par presque tous les
informateurs: (23) Encore un
chapitre, mais tu dois le lire distinctement. (24) Encore un
essai, mais je ne promets rien. On peut réserver à ces phrases l'interprétation 1 (cf. p. 25), selon laquelle le premier conjoint exprime à la fois un incitation et une condition. Pour ce qui est du second conjoint, celui-ci véhicule une mise en garde ou une réserve de la part du locuteur. Le premier
conjoint de cette construction ne peut pas transmettre
une simple (25) *Un pas à
droite, mais tu serais tombée. Il semble donc que certaines restrictions se rattachent à cette construction syntaxique. Pour qu'on la juge tout à fait acceptable, le SN semble avoir besoin d'une expansion (comparer (20) et (21)). Le choix d'expansion est cependant restreint, comme le mettent en lumière les exemples suivants, qui sont considérés comme douteux par la quasi-totalité des informateurs: (26) ?Un saut
énorme, mais il n'arrivait pas à franchir le mur.
(27) ?Un saut
admirable, mais il n'arrivait pas à franchir le mur.
Deuxièmement, il y a des restrictions quant à l'emploi des temps; la construction paraît plus acceptable dans un contexte du passé (cf. (20)) que dans un contexte du présent/futur (cf. (22), (23) et (24), exemples à propos desquels les avis sont opposés). On peut conclure que la construction 57V + mais + proposition déclarative est affectée de bien des restrictions et qu'elle s'avère, en plus, difficile à interpréter. ConclusionNous avons traité
ci-dessus l'emploi des coordonnants et, ou et mais dans
les environnements: /proposition
imperative proposition déclarative/ et /SN
proposition déclarative/ Les six structures examinées ont été soumises à une étude d'ensemble du fait: a. que, pour les interpréter d'une façon satisfaisante, il faut dans certains cas tenir compte des dimensions pragmatiques. Plus précisément, c'est quand elles se laissent interpréter comme des "conditional imperatives" (cf. interprétation 1), qu'on doit faire intervenir la pragmatique. b. qu'elles
permettent toutes l'interprétation selon laquelle le
premier conjoint Side 32
II semble donc raisonnable, en ce qui concerne les deux environnements examinés, de rapprocher les trois coordonnants et, ou et maisl9. Il faut pourtant souligner que et se distingue des deux autres pour ce qui est de la puissance coordinative, ce qui ressort clairement si ¡SN déclarative/ constitue l'environnement. Dans cet entourage et permet 5 interprétations, ou l'interprétation 1 seulement, et mais l'interprétation 4 et éventuellement 1 et 5. Comme nous l'avons déjà remarqué, la construction SN + mais + déclarative semble non seulement affectée de bon nombre de restrictions, mais s'avère aussi difficile à interpréter. Les coordonnants et et mais se rapprochent à un certain égard: l'incitation éventuelle du premier conjoint (cf. interprétation 1) est affectée d'une réserve et (ou) revêt une nuance de défi quand mais sert de coordonnant. Il en est de même pouref si le second conjoint exprime une menace ou une mise en garde. Dans le cadre de
l'interprétation 1 les deux coordonnants mais et ou se
ressemblent Nous allons
terminer sur quelques exemples authentiques: Paysans et
chercheurs, encore un effort, et le prix de l'anis
français sera compétitif avec Un coup d'oeil à
droite, un autre à gauche, un ordre bref au palefrenier
de service, et la Le temps
d'imaginer ces 40" pendant lesquelles le pilote
maintient son accélérateur écrasé Marianne
Hobœk Haff Oslo RésuméDans le présent
article nous nous sommes proposé d'étudier l'emploi des
coordonnants et, /proposition
imperative proposition déclarative/ et /syntagme
nominal proposition déclarative/ Si nous avons
choisi de soumettre ces six constructions justement à
une étude d'ensemble, 19: Et, ou et mais semblent être les seuls coordonnants possibles dans ces constructions. Le coordonnant car apparaît certes dans les environnements en question, comme le montrent les exemples ci-dessous: Donne-moi de l'eau, car j'ai soif. Encore de l'argent, car j'en aurai besoin. Or, si car sert de lien, le syntagme de coordination n'assume jamais le rôle de "conditional Side 33
xièmement,danstoutes les
constructions examinées le premier conjoint peut
exprimer un BibliographieDubois, Jean et
al.: Dictionnaire de linguistique, Larousse, Paris,
1973. Fretheim,
Thorstein: "Pragmatic Constraints on the Use of a
Syntactic Construction in Norwegian". Fretheim,
Thorstein: 'Text Grammars, Sentence Grammars, or Both?"
Article non publié. Mahmoudian,
Mortéza: Pour enseigner le français, P.U.F., Paris,
1976. Searle, John: Les
actes de langage. Essai de philosophie du langage.
Collection Savoir, Hermann, Togeby, Knud:
Fransk grammatik, Gyldendals forlag, Kobenhavn, 1965.
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