Revue Romane, Bind 16 (1981) 1-2

Olof Eriksson: L'attribut de localisation et les nexus locatifs en français moderne. Romanica Gothoburgensia XVIII. Thèse. Acta Universitatis Gothoburgensis, Gòteborg, 1980.

Ebbe Spang-Hanssen

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Traditionellement, on classe les syntagmes prépositionnels qui marquent le lieu parmi les compléments circonstanciels (adverbiaux): Pierre joue dans le jardin, ou parmi les compléments du nom: On lui avait parlé d'un petit restaurant sur le port (p. 195). C'est-à-dire que, dans les deux cas, on voit une relation de subordination: le complément, qui peut être omis, ajoute une précision au mot auquel il se subordonne.

Selon Olof Eriksson, une telle analyse est inadéquate dans de très nombreux cas. A ses yeux, le groupe prépositionnel qui marque le lieu remplit souvent la fonction d'attribut ou de deuxième terme d'un nexus. C'est ce qu'il s'efforce de démontrer dans sa thèse, en examinant les valeurs sémantiques d'un grand nombre de groupes prépositionnels.

C'est le classement des relations grammaticales qu'a proposé Otto Jespersen («De to
hovedarter av grammatiske forbindelser» 1921, «The Philosophy of Grammar» 1925) qui
fournit le cadre théorique de l'étude. On sait que Jespersen a inventé le terme de nexus

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pour désigner une relation predicative, qui est dynamique, actualisante, par opposition à la jonction qui est statique: «A junction is like a picture, a nexus like a process or a drama». Le besoin d'une telle distinction se fait particulièrement sentir lorsqu'il s'agit de décrire la différence entre une construction absolue: Le bar ouvert, il a recommencé à boire, et un groupe nominal comportant une épithète: Nous nous sommes, bien entendu, dirigés vers le bar ouvert.

Normalement c'est un participe, un adjectif ou un nom qui remplit la fonction de deuxième terme du nexus ou la fonction d'attribut (Le bar est ouvert), mais, selon Eriksson, la grammaire traditionnelle confond ici fonctions syntaxiques et formes morphologiques: rien n'empêche les groupes prépositionnels d'avoir les fonctions d'attribut ou d'attribut nexal.

Dans la première partie du livre, Eriksson présente une série d'arguments assez impressionnante en faveur d'une analyse qui classerait comme attribut du sujet le groupe dans le jardin de la phrase Pierre est dans le jardin. Parmi les arguments, on peut citer le caractère nécessaire du complément, l'ordre des mots, la coordination avec d'autres attributs, la possibilité de transformer la construction en construction nexale: On le savait dans le jardin.

Dans la deuxième partie du livre, Eriksson classe les constructions nexales comportant un groupe prépositionnel selon les fonctions remplies par le nexus. On y trouve une discussion très serrée des cas les mieux reconnus de nexus, à savoir en fonction d'adverbial ou d'attribut indirect du type: Un livre à la main, le professeur marchait devant le tableau noir (p. 244), pour lesquels Eriksson indique les restrictions d'emploi. Mais on y trouve aussi beaucoup de cas moins classiques où Eriksson, avec un sens très sûr des nuances, fait remarquer la possibilité d'une interprétation nexale: Je vois le cheval sur le pré = Je vois que le cheval est sur le pré, à côté de l'interprétation adnominale: Je vois le cheval qui esi sur le pré (p. 163).

Un peu trop souvent, à mon gré, la description prend la forme du commentaire raisonné. Eriksson déclare dans l'introduction qu'il veut laisser parler les faits, et avec cette conception positiviste il semble estimer que le travail du linguiste consiste à classer les exemples d'un corpus, pour commenter ensuite ce qu'il trouve dans les différentes cases. Il aurait peut-être été possible de formuler un plus grand nombre de règles. C'est ainsi qu'on peut regretter que l'auteur n'essaye pas de faire la synthèse de ses nombreuses remarques sur la corrélation qu'il y a entre l'emploi des déterminants et la possibilité d'une interprétation nexale.

Le problème le plus inquiétant que soulève la lecture de ce livre, c'est sans aucun doute celui de la valeur scientifique de la notion de nexus. Est-elle suffisamment précise? Ne risque-t-elle pas de devenir le fourre-tout où l'on met toutes les relations qui ne sont ni des subordinations simples, ni des coordinations simples? En tout cas, il me semble insuffisant de définir le nexus par la notion de prédication (p. 63), qui n'est pas plus claire. Dans certains cas, le nexus correspond à une phrase condensée (que la grammaire transformationnelle décrirait comme une structure profonde transformée), dans d'autres cas, comme dans celui de l'attribut, le terme de nexus semble désigner une relation complexe où l'élément secondaire est en relation à la fois avec le verbe de la proposition et avec un groupe nominal. C'est en prenant nexus dans ce deuxième sens, me semble-t-il, que Eriksson voit une relation nexale dans Je suis entré dans cette maison sur une civière (p. 253), où sur une civière se rattache au verbe et au sujet de la phrase. Parfois, on a l'impression que prédicatif veut dire non-restrictif.

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Avec un appareil théorique peut-être trop pauvre, Eriksson réussit néanmoins à bien cerner de nombreux problèmes d'analyse grammaticale. Il nous invite à repenser des constructions tout à fait courantes dans lesquelles on s'est souvent contenté - mais à tort - de voir des compléments nominaux ou adverbiaux'banals.

Copenhague