Revue Romane, Bind 15 (1980) 2Marie-Louise Moreau: C'est. Etude de syntaxe transformationnelle. Ed. universitaires de Mons, Mons, 1976. 242 p.Ole Mørdrup Side 336
Les phrases
clivées (e.g. «c'est Pierre qui est venu») et les
phrases pseudo-clivées (e.g. Il a semblé
évident à beaucoup de linguistes que ces constructions
étaient dérivées Moreau a voulu
faire le bilan de cette discussion tout en proposant des
hypothèses Outre ces deux
constructions, le travail de Moreau traite également des
phrases avec Side 337
détachement (e.g.
«Mon oncle, c'est un général») et des phrases «A est B».
Ces dernières «C'est» comprend cinq chapitres. Le premier (p. 11-34) donne une «description sommaire des constructions étudiées.» Le deuxième chapitre (p. 35-64) traite des phrases «A est B». Dans ce chapitre est également introduite PERMUTATION-MIROIR, une transformation qui constitue le pivot du système établi par Moreau. Ch. 111 (p. 65-92) est consacré aux phrases avec détachement. Ch. IV (p. 93-170), le plus long du livre, porte sur les phrases pseudo-clivées et le dernier chapitre (p. 171-227) concerne les phrases clivées. Dans ces deux derniers chapitres, Moreau examine de façon détaillée toutes les dérivations transformationnelles qui ont été proposées pour rendre compte de ces constructions avec leurs variantes possibles. Elle évalue les mérites et les inconvénients de chaque dérivation pour finir par adopter la dérivation suivante pour les pseudo-clivées (p. 134 et sv.): Pour les phrases
clivées, elle choisit la solution que voici (p. 220 et
sv.): Au lieu de
critiquer ces hypothèses, qui sont d'une certaine
manière dépassées par La base de
«C'est» est sa thèse de doctorat, soutenue en 1970. Il
ressort également de Cela signifie que cette étude s'inscrit dans la foulée de Chomsky (1965) Aspects of the Theory of Syntax. Moreau mentionne «Remarks on Nominalizations» (1970) et »Deep structure, surface structure and semantic interprétation» (1971), mais ces articles n'ont pas de conséquences pour le cadre théorique, qui reste celui de la théorie standard. Les travaux dont Moreau fait le bilan dans ch. IV et V se situent eux aussi dans la période suivant immédiatement «Aspects». Tout cela a pour
conséquence que cet ouvrage reste dans les limites
relativement étroites Dans le chapitre
11, Moreau établit une série de tests pour déterminer
quel constituant Les plus
importants parmi ces tests sont les suivants: 1. C'est .. qui
Si, dans une
phrase «A est B», on peut insérer A entre «c'est» et
«qui», alors que ce n'est Side 338
(1) Horatio est
le meilleur ami d'Hamlet (2) C'est Horatio
qui est le meilleur ami d'Hamlet (3) *C'est le
meilleur ami d'Hamlet qui est Horatio «Horatio» est
donc le sujet profond dans (1) (ces exemples sont dus à
Ruwet 1974, «Les 2. Quel Si, dans une
phrase «A est B», on peut donner comme réponses «A est
B» et «B est A» à (4) Quel est le
meilleur ami d'Hamlet? (5) R.: Horatio
est le meilleur ami d'Hamlet (6) R.: Le
meilleur ami d'Hamlet est Horatio «le meilleur ami
d'Hamlet» est donc l'attribut profond. D'autres tests
concernent l'insertion Il est important pour Moreau de savoir si c'est A ou si c'est B qui est le sujet profond, parce que l'on a, dans la plupart des cas, à la fois «A est B» et «B est A». La question se pose alors de savoir comment rendre compte des relations qui existent entre ces phrases. Pour résoudre ce problème, Moreau énonce l'hypothèse que «B est A» est dérivée de «A est B» à l'aide de la transformation PERMUTATION-MIROIR sans trop se soucier d'éventuelles différences sémantiques entre «A est B» et «B est A.» L'auteur ne cherche pas non plus à savoir si les phrases «A est B» constituent un groupe homogène tant d'un point de vue syntaxique que d'un point de vue sémantique. Les tests donnent
apparemment des résultats homogènes, mais il est
possible de construire La raison pour
laquelle Moreau est amenée à proposer cette
transformation, c'est sa (7) On est en
droit en effet d'exiger d'une définition syntaxique que
tous les éléments qui y répondent Comme A et B
n'ont pas les mêmes propriétés en position sujet dans «A
est B» et «B est Si l'on récuse l'analyse transformationnelle, comme le fait Ruwet 1974, à la suite de Higgins (1973) The Pseudo-cleft Construction in English, pour proposer que tant «A est B» que «B est A» sont engendrées dans la base, on devra abandonner une définition précise du sujet. Il sera évidemment souhaitable que l'exigence de Moreau en (7) puisse être satisfaite. Sinon les définitions syntaxiques n'offriront pas beaucoup d'intérêt. Il semble cependant que l'analyse de Moreau ne soit guère vraisemblable à la lumière de la critique de Ruwet 19741. Cette critique
porte essentiellement sur le point suivant: on ne peut
savoir si une 1: Cet article est annoncé comme la première partie d'une étude sur les phrases copulatives. A ma connaissance, la deuxième partie n'a pas encore paru. J'ai en outre une connaissance directe de la critique de Ruwet, ayant assisté à son cours du printemps 74, qui avait comme sujet les phrases copulatives. Side 339
sur la grammaire
dans sa totalité. Plus concrètement, cela veut dire que
même si l'analyse Le projet de Moreau a précisément été de vouloir expliquer les phrases «A est B», les clivées, les pseudo-clivées et les phrases avec détachement sans tenir compte des données sémantiques. Or il ressort de l'analyse de Higgins 1973 qu'il est possible de distinguer au moins quatre groupes pour les phrases «A est B». Ces phrases ne constituent donc pas un ensemble homogène comme le présuppose Moreau. Il s'avère en plus (voir Ruwet 1974) que si l'on veut maintenir l'analyse transformationnelle, PERMUTATION-MIROIR perd sa belle simplicité, parce qu'il est nécessaire d'incorporer pas mal de phénomènes que cette transformation était censée expliquer sous forme de conditions sur son application. En fin de compte,
l'analyse par PERMUTATION-MIROIR n'a pas de pouvoir
Quelle leçon tirer de cet échec? Avant tout qu'il n'est pas possible de s'en tenir strictement aux faits syntaxiques pour expliquer des phénomènes linguistiques. Parfois, il peut être utile de faire abstraction des faits sémantiques, mais dans ce cas il faut y revenir plus tard pour les intégrer dans l'analyse. Il faut souligner que l'entreprise de Moreau n'a pas été vaine. Par son examen de ces constructions, elle a mis au jour beaucoup de faits, de même que son travail a fait avancer nos connaissances sur ces phrases par la critique que son étude a soulevée. Une critique qui n'aurait pas vu le jour, si son travail n'avait pas été si bien fait. Copenhague
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