Revue Romane, Bind 15 (1980) 2

Kâre Nilsson: Norsk-Portugisisk Ordbok. Universitetsforlaget, Os-10-Bergen-Tromso, VII + 398 pages.

Michael Herslund

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Depuis l'article de L. Sletsjoe «Les études portugaises dans les pays Scandinaves» Actes du 4e Congrès des Romanistes Scandinaves, dédiés à Holger Sten, Revue Romane, numéro spécial 1, 1967, p. 163-179), on a vu paraître au moins trois travaux importants dans ce domaine. D'abord, le manuel de portugais de Sletsjoe (Lœrebok i portugisisk. Oslo 1969); ensuite, l'ouvrage posthume de Sten, L'emploi des temps en portugais moderne, paru en 1972, et maintenant, le dictionnaire norvégien-portugais de Kâre Nilsson. Ce dictionnaire comble incontestablement une lacune. Nous avons en effet ici le premier grand dictionnaire portugais à partir d'une langue scandinave. Quoiqu'on puisse souvent se contenter d'un dictionnaire monolingue (ou d'un dictionnaire français, anglais ou allemand) quand il s'agit de comprendre ou de traduire le portugais, il est bien plus commode pour le public scandinave de pouvoir disposer d'un dictionnaire scandinave quand il s'agit de traduire en portugais. Et je dis bien scandinave, puisque ce dictionnaire, rédigé en norvégien, peut être utilisé sans difficulté également par les Danois et les Suédois.

Il ne s'agit pas d'un petit dictionnaire de poche, mais d'un ouvrage bien plus ambitieux. Contenant plus de 30.000 entrées, il satisfait la plupart des besoins. Une évaluation juste d'un dictionnaire présuppose évidemment un assez long usage de celui-ci. Mais au lieu de me contenter d'une simple présentation, j'ai soumis ce dictionnaire à un test très simple: j'ai traduit un article d'un journal norvégien sur un sujet actuel, l'exploitation du pétrole dans la mer du Nord, en me servant uniquement du dictionnaire.

J'avais choisi un passage de caractère non technique, contenant seulement des mots «techniques» d'usage courant. Pour des mots tels que oljeindustri 'industrie pétrolière' et oljefelt 'terrain petrolifere', j'ai dû deviner, c'est-à-dire construire les composées à partir des mots simples. Cela relève évidemment d'un problème général: dans quelle mesure faut-il faire figurer les mots composés des langues germaniques dans un dictionnaire? Là,

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le lexicographe est apparemment libre de choisir et de faire entrer par exemple seulement les composés qui ne se traduisent pas sans difficulté à partir des éléments simples, selon le modèle N de N. Autre lacune, qui a plutôt l'air d'une véritable lacune: le mot verkstedsindustri 'industrie mécanique" ne figure pas; le mot simple verksted 'atelier' ne figure pas non plus. Par contre, on trouve le composé BILVERKSTED ('garage'): (oficina) auto-reparadora. A part ces quelques points, c'est avant tout la formation de locutions verbales qui pose des problèmes: pour traduire la locution har nœr fort til 'a failli amener", il faut faire un détour par la locution synonyme fiar virrt like ved pour trouver les traductions estar para, estar ao ponto de; dans cette même entrée (LIKE), on trouve aussi la locution adverbiale qui correspond au seul adverbe nier: por pouco. Un simple renvoi, liant les deux entrées LIKE et N/ER, aurait peut-être fait l'affaire. Mais tout compte fait, le dictionnaire m'a servi de façon adéquate et précise.

Après ce petit test pratique, quelques réflexions générales sur l'organisation et la présentation de ce dictionnaire. D'abord il faut remarquer qu'il s'agit d'une version provisoire, présentée en off-set. L'impression est un peu pâle par endroits. Les mots clés sont donnés en majuscules qu'on espère voir remplacées par des caractères gras dans une version définitive.

L'organisation des entrées est strictement alphabétique, ce qui fait que dans une entrée donnée, où on s'attend à trouver des dérivés de la même racine ou bien une nouvelle entrée, il s'introduit toutes sortes de mots qui, d'un point de vue lexicologique, n'ont rien à voir avec le reste. Ainsi on trouve dans la même entrée POSTHUM 'posthume', pòstumo, entre POSTHORN 'cor de postillon', cometa de postilhâo, et POSTHUS 'bureau de poste', (estaqào do) correlo; de même, POSTLUDIUM 'postlude', poslúdio, entre POSTLEGGE 'mettre à la poste', dettar ao correlo, et POSTNUMMER 'code postal', código postal. Inversement, le mot POSTEI 'pâté', paté, pasta, pastel, empada, a sa propre entrée entre l'entrée POST/AL et l'entrée POST/ERE. Ainsi, le critère qui préside à l'option, une entrée ou deux, n'est pas toujours clair, POSTHUM n'étant pas plus un dérivé de POST- ('postal') que POSTEI (mais il s'agit évidemment d'un préfixe dans le cas de posthum, pas dans celui depostei, mot inanalysable). D'un point de vue pratique, lexicographique, cette organisation alphabétique est sûrement pratique, mais d'un point de vue plus théorique, lexicologique, on voit comment les deux principes, la présentation alphabétique et le groupement des dérivés, se contredisent et amènent des subdivisions des entrées plus ou moins arbitraires. Cette même indécision, une entrée ou deux, se retrouve dans la présentation des homonymes. Le norvégien contient beaucoup de paires nom - verbe homonymes et -graphes: ainsi SONE, d'une part un substantif, 'zone', zona, de l'autre un verbe, 'expier', cumprir, expiar (avec, comme toujours, des exemples illustrant l'emploi respectif des deux traductions portugaises proposées); les deux n'ont évidemment rien à voir l'un avec l'autre, mais ils n'en ont pas moins une entrée commune, subdivisée à l'aide de 5. et v. D'autre part, SKJE, substantif 'cuiller', coiher, et verbe se passer, arriver', acontecer, est réparti sur deux entrées, ce qui aussi dans le cas de SONE semble la seule solution justifiable. Le cas de KJEMPE est plus compliqué, le substantif n'a pas seulement le sens de 'géant', gigante, seul donné par le dictionnaire, mais aussi celui de 'héros, preux'; et c'est cette acception qui fournit le lien avec le verbe KJEMPE 'combattre, lutter', combater, debater-se (mais pourquoi paspelejar.') qui aurait pu motiver l'inclusion des deux dans une même entrée. Pour une version définitive, on pourrait donc souhaiter voir davantage d'homonymes (et -graphes) traités séparément dans des entrées individuelles.

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En conclusion, je voudrais encore souligner qu'il s'agit d'un outil extrêmement utile qu'on consultera rarement en vain. Le nombre de mots rassemblés est tout à fait impressionnant; on trouve même un terme aussi exotique (d'un point de vue portugais) que RULLESKI 'ski à roulettes', esquí de rodas (mais les automobilistes chercheront en vain rullesele, rullebelte, 'ceinture de sécurité automatique"). Les quelques observations que j'ai formulées ici étant plutôt des suggestions que des critiques, je peux conclure en recommandant ce dictionnaire à tous ceux qui s'intéressent au portugais: il ajoute une nouvelle dimension importante aux études portugaises en Scandinavie.

Copenhague